Kryptadia Vol. 1 (1883)

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KPÏIITÂAIA

VOL. I


Tiré à 210 exemplaires numérotés


CD

K PYE TA AI A

RECUEIL DE DOCUMENTS POUR SERVIR

r

k L'ÉTUDE

j

DES TRADITIONS POPULAIRES

w HEILBRONN
HENNINGER FRÈRES, ÉDITEURS

1883

Tous droits réservés


i

Imprimerie de G. Otto à Darmstadt.


AVIS

DU

COMITÉ DE DIRECTION

du

RECUEIL DES KPYÜTjUlA.

*A qui maly voit, mal y tourne.»

HEWBlUX -frivoles- qui trompés par l'apparence pistée-
■B&W raient ce recueil sous l'invocation de Cypris la
lESsal lascive et de son gentil fils Erôs, dieu d'Amour,
nous dirons sans plus tarder que nous avons choisi pour
patronne la grave, chaste et austère Athêné, déesse <$e
sagesse et de science.

Notre premier souci en commençant une publication
qui, nous l'espérons, comprendra plusieurs volumes est,
en effet, d'en bien préciser le but et l'objet, afin que
personne ne puisse s'y méprendre. — Nous le devons
à nos lecteurs, nous nous le devons à nous-mêmes bien
que nous gardions l'anonyme, par crainte des mal inten-
tionnés et des Prud'hommes faux ou sincères.


AVIS DU DIRECTION

Tous ceux qui s'occupent de la littérature populaire
et traditionelle, on pour employer l'expression excellente,
concise et harmonieuse de folklore, maintenant adoptée
à peu près généralement, ont eu occasion de rencontrer
sur leur chemin, sous toutes les formes qu'elles affectent :
contes, chansons, dictons, proverbes etc., des productions
qui mériteraient d'être conservées et publiées, non seule-
ment au point de vue littéraire pur, les unes par la
verve joyeuse et l'esprit qui y pétillent, d'autres, plus
rarement il est vrai par leur style aimable et leur grâce
coquette, mais surtout parce qu'elles constituent un
document d'étude pour les folkloristes. Mais la crudité,
l'immoralité du sujet, la grossièreté des expressions em-
ployées ont fait reculer les collecteurs qui la plupart
du temps ont laissé retomber dans l'oubli les matériaux
qu'ils avaient pu recueillir.

Cependant, grand nombre d'entre elles, grâce sur-
tout aux littérateurs du moyen âge et de la Renaissance,
en Italie et en France notamment, moins bégueules ou
moins hypocrites que ceux de notre époque, ont passé
dans les lais, les fabliaux, les soties, les farces et les
contes, plus ou moins déguisées et travesties, plus ou
moins dépouillées de leurs expressions grossières et
cyniques primitives. Il est vrai que le public, même
lettré, les ignore pour la plupart, car elles dorment dans
les manuscrits des bibliothèques publiques ou privées,
puisque les érudits qui ont composé les recueils les plus
renommés de fabliaux n'ont pas osé troubler leur pou-
dreux sommeil pour les insérer à côté d'autres pièces.
Il y a là une mine curieuse à exploiter et plus d'un
trésor à mettre en lumière. Nous en trouverons peut-
être l'occasion quelque jour. — Quelques unes et non des
moins obscènes ont eu pourtant la bonne fortune d'être
publiées dans des recueils célèbres. Témoin le lai des
Quatre Souhaits St. Martin (Recueil Barbaxan-Méon,


AVIS DU DIRECTION Vu

tome IV) dont l'auteur ne craignait pas assurément d'ap-
peler un chat : un chat. Nous possédons ainsi une ver-
sion littéraire du conte des Souhaits ridicules aussi
curieuse que grossière, mais dont la gaîté et l'esprit
font pardonner l'absolue obscénité. * — Heureusement
aussi, plus d'un conte à forme obscène a pu, aisément,
moyennant quelques légers changements sans impor-
tance, prendre l'aspect décent qui lui permettait d'être
raconté pour l'amusement des enfants ou de circuler dans
la société polie et élégante. — Pour n'en donner qu'un
exemple, et puisque nous avons cité les Souhaits ridi-
cules, Perrault n'a eu dans ce récit, qu'à faire pendre au
nez de la femme de son villageois l'aune de boudin pour
que l'une des très-nombreuses versions de ce conte pût
prendre place en un recueil destiné à des mains en-
fantines.

De même dans les contes de même famille que
celui dont L'arbre-Nez ** de Grimm est le type, ce n'est
pas le nez qui dans la version populaire s'allonge, s'al-
longe pendant plusieurs lieues et dont on peut re-
trouver le propriétaire en le suivant tout du long par
les broussailles et les sentiers. — Dans ce volume, nous

* Ce lai est une imitation d'un des récits du fameux
roman grec de Syntipas, ce livre aux nombreuses ver-
sions qui avec le Pantchatantra a fourni les matériaux
de tant de recueils pendant plusieurs siècles. — Voir sur
le Syntipas : Essai sur les Fables indiennes de Loiseleur-
Deslongchamps. — Récerche intorno al Libro di Sindibad
par Comparetti, reproduit dans le volume de 1882 publié
par The English Folklore Society. — Introduction du
Pantchatantra par Benfey.

A la suite dû conte : «Der Krautesel» Grimm donne
le résumé d'un conte populaire dans lequel un arbre
merveilleux produit des pommes ayant la propriété d'al-
longer le nez indéfiniment et des pommes lui rendant
sa proportion habituelle.


VIII AVIS DU DIRECTION

donnerons deux versions populaires non châtiées de ce
récit, le premier c'est le conte no. 32 de la collection
oosaque et le second un conte recueilli en Picardie. —
Lorsque des substitutions aussi simples ont pu avoir
lien, sans nuire au récit, tout a été pour le mieux, à
tous les points de vue. Mais il n'en est pas toujours
ainsi. Il existe certainement — notre collection en sera
la preuve — des versions populaires, curieuses à ré-
cueillir à plus d'un titre, dont l'obscénité est telle qu'il
n'est pas de plume, quelqu'alerte et exercée qu'elle soit
qui puisse les reproduire sans les dénaturer et qui pour
oe fait se sont perdues au grand détriment de la science
folklorique. —- 11 est d'autant plus regrettable de laisser
dans l'oubli telle version obscène d'un conte, quelle
constitue souvent la forme primitive, primordiale, qui
avec des variantes, des interpolations a donné naissance
à d'autres versions plus connues, plus aimables, mais
qui au point de vue spécial où se place le folkloriste ont
moins d'intérêt. Ainsi, pas n'est besoin d'être folkloriste
pour être certain que des deux formes du trait obscène qui
se rencontre dans Rabelais et le conte de Lafontaine «Le
Diable de Papefiguière» et dans plusieurs des contes
cosaques ci-après, c'est la forme populaire qui a précédé
la forme littéraire. A coup sûr, les moujiks grossiers
et ignorants, narrateurs des ces contes n'ont jamais connu
ni Rabelais, ni Lafontaine; c'est à la tradition popu-
laire qu'ils les ont recueillis. De même aussi a fait
Rabelais d'après qui notre fabuliste l'a raconté en-
suite littérairement, — L'immoralité d'une œuvre ne
réside pas au surplus dans la crudité des mots, la gros-
sièreté des expressions, mais dans le but que se propose
l'écrivain. Les romans les plus pervers du 18« siècle
sont souvent écrits en un style châtié où les fleurs du
langage y distillent un poison détestable. — A quelque
nation ou quelque siècle qu'il appartienne, un écrivain


AVIS DU DIRECTION IX

qui aura cherché à allumer de mauvaises passions dans
l'esprit de son lecteur, fût-ce dans le style le plus correct
et irréprochable, devra être réputé immoral ; quant à
l'emploi d'expressions obscènes, l'immoralité en est toute
contingente ; c'est une question qui varie avec l'époque,
la mode, les usages et le pays. On n'en saurait citer
de meilleur exemple que des récits fort connus de La
Bible ou les dissertations fort graves et fort pieuses
d'intention des scholastiques sur les sujets par eux-
mêmes le plus scabreux.*

Nous considérons donc faire œuvre utile à la science
en publiant un recueil où les productions obscènes,
grossières, scatologiques mêmes, se rapportant à la lit-
térature populaire et traditionelle seront réunies à titre
de documents d'étude. Nous aurons plus d'une fois à
faire taire nos scrupules, à surmonter notre répugnance,
sans aucun doute. Mais nous pensons que comme le
feu, la science purifie tout. — De même que le chimiste
pèse, analyse, recompose les matières les moins ragoû-
tantes, sans s'affecter de leur aspect ou de leur odeur ;
de même que le médecin décrit dans leurs plus intimes
détails, étudie dans leur fonctions les plus mystérieuses
les organes de la génération sans songer qu'à la science,
de même nous toucherons d'une main et d'un esprit
chastes aux sujets les plus obscènes ou de l'immoralité
la plus choquante. Pourtant, comme ce n'est pas pour
rien que le vieux sang gaulois coule dans nos veines
et que d'ailleurs «rire est le propre de l'homme«, nous
ne réprimerons pas â l'occasion le rire large et franc,
sans arrière pensée qu'amène sur toute lèvre française

* Lire dans la préface du tome 3 du Recueil Méon-
Barbazan, ce que l'auteur dit de l'Usage de nos anciens
poètes de nommer les choses naturelles par leurs noms.


X AVIS DU DIRECTION

la lecture de Pantagruel ou des farces tabariniques on
bien le fin sourire que font éclore les œuvres plus raffi-
nées des aimables conteurs de la Renaissance.

Ces prémisses bien établies, ce qui nous reste à
dire au sujet de notre programme en découle facilement.
— Et d'abord notre titre de Kruptadia, c'est à dire les
sujets secrets, nous l'avons choisi précisément pour son
aspect hirsute, barbare et rébarbatif, parce qu'il est
intelligible au plus grand nombre et qu'inscrit sur le
dos d'un livre, il ne tentera pas la main d'un curieux
sur un rayon de bibliothèque.

Notre publication étant destinée exclusivement aux
folkloristes et notre dessein étant d'écarter absolument
ceux qui dans le fumier d'Ennius n'aiment que le fu-
mier et se moquent des perles, les intelligents et sérieux
éditeurs des Kruptadia : M. M. Henninger frères de Heil-
bronn (Wurtemberg) qui partagent ces idées ont pris
tous arrangements nécessaires pour atteindre ce but.

La série qui s'ouvre aujourd'hui par la collection
des contes cosaques de la petite Russie, des contes
norwégiens et de quelques formulettes bretonnes com-
prendra des contes et productions folkloriques de toutes
les nations. Comme en outre, elle intéressera les
folkloristes de race germanique et latine autant au moins
que ceux de France et que d'ailleurs l'étude du folklore
exige l'intelligence du plus grand nombre possible de
langues, nous publierons dans leur texte anglais, alle-
mand, espagnol, italien, les ouvrages de ces langues,
réservant le français pour les productions françaises et
les traductions d'oeuvres écrites en langues accessibles au
petit nombre. Les volumes seront tirés à aïo exem-
plaires numérotés, dont dix pour les éditeurs, auteurs
et directeurs de la publication.

Les membres du Comité de direction du présent
recueil tiennent à déclarer à cette occasion qu'ils tra-


AVIS DU DIRECTION

XI

vaillent pour la science seule et repoussent toute ré-
munération sous quelque forme que ce soit. C'est
d'ailleurs ce qui permet aux éditeurs de livrer à un prix
modique, en regard du faible tirage, des volumes dont
il serait si aisé de trouver un tout autre prix, si l'idée
de spéculation n'était pas écartée.

Les contes cosaques de ce volume sont traduits
d'un recueil en dialecte petit-russien tiré à petit nombre.
— Nous les avons reproduits tels quels, malgré leur
grossièreté inouie de langage et qui pis est de senti-
ments, grossièreté qui est un témoignage, hélas I trop
probant, de leur origine populaire. Ils offrent des traits
de moeurs curieux à plus d'un titre et fournissent de
nombreux points de comparaison avec des contes fort
connus et notamment avec les nouvelles badines ita-
liennes et françaises de la Renaissance, dont ils con-
stituent la version populaire. Les spécimens des contes
satiriques populaires sont beaucoup moins fréquents que
les contes merveilleux ou mythiques. C'est la caracté-
ristique de ce volume. Détail assez piquant: les contes
auraient été recueillis par un moine orthodoxe, pour la
plus grande gloire de la science d'ailleurs et imprimés
par l'imprimerie du couvent afin d'échapper à la censure
russe. — Ils contiennent en général d'amères satires
contre les popes ; c'est un trait de ressemblance de plus
avec nos auteurs de fabliaux et nos conteurs qui se plai-
saient à mettre en scène de la façon la moins édifiante, les
moines et les nonnes. — Si l'on s'étonnait que des moines
orthodoxes imprimassent de telles satires contre les
popes, sans invoquer le souvenir de notre joyeux curé
de Meudon qui ne se faisait pas faute de mettre les
propos les plus salés dans la bouche des moines et
moinesses, et en Italie du bénédictin Firenzuola, nous
rappellerons qu'un Russie il existe un antagonisme très-
vif entre les clergés régulier et séculier, entre les popes


xn

AVIS DU DIRECTION

et les moines et que de part et d'autre, ils ne se mé-
nagent guère.

Les contes picards qui suivent les contes cosaques
sont surtout donnés pour montrer des variantes fran-
çaises de ces mêmes contes. Nous en publierons d'autres
par la suite.

Et maintenant, nous passons la parole au chercheur
curieux qui a recueilli ces récits de la bouche des sol-
dats et des moujiks et qui a bien mérité des folkloristes
en mettant courageusement les intérêts de la science
au dessus des préjugés vulgaires.


CONTES SECRETS.

TRADUITS DU RUSSE.*

PRÉFACE DE L* AUTEUR.

€ BON NT BOIT, Qui MAL Y PENSE.»

ÉDITION de nos contes secrets, dans la forme
et Tordre sous lesquels nous les présentons aux
amateurs de la nationalité russe, est une appa-
rition à peu près unique en son genre. Il pourra bien
se faire que, précisément pour cela, notre édition donne
lieu à des reproches et à des exclamations de tout
genre, non seulement contre l'éditeur téméraire, mais
aussi contre la nation qui a produit de pareils contes,
contes où la fantaisie populaire, sans la moindre con-

* Valaam, art typographique de la confrérie mona-
cale. Année de la diablerie des ténèbres.

Imprimé uniquement pour les archéologues et les
bibliophiles, à un petit nombre d'exemplaires, dont xo
sur papier de couleur, grand format.

KqvnràSia. I. I


2 CONTES SECRETS

trainte d'expressions, a déroulé, dans d'éclatants tableaux,
toute la force et toute la richesse de son humour. Met-
tant de côté tous les reproches qui ne s'adresseraient
qu'à nous personnellement, nous devons déclarer que toute
exclamation contre l'esprit national serait non-seulement
une injustice, mais encore l'indice de cette ignorance
complète, qui, le plus souvent, à dire vrai, constitue un
des traits les plus indélébiles de la pruderie criai lieuse.

Nos contes secrets sont, comme nous l'avons dit,
une apparition unique en son genre, parce qu'il n'existe
pas, à notre connaissance, une autre édition dans la-
quelle le vrai langage populaire jaillisse avec une aussi
grande abondance, étincelant de tous les côtés brillants
et ingénieux de l'homme du peuple.

Les littératures des autres nations offrent beaucoup
*de contes secrets du même genre, et depuis bien long-
temps déjà nous ont précédés dans cette voie. Non
peut-être sous forme de contes, mais sous forme de
chansons, de dialogues, de nouvelles, de farces, de so-
ties, de moralités, de dictons etc., les autres nations
possèdent une énorme quantité de productions, dans les-
quelles l'esprit populaire, également sans aucune con-
trainte d'expressions et de tableaux, signale avec hu-
mour, stigmatise par la satire et livre hardiment à la
risée différents côtés de la vie. Qui donc a jamais douté
que les contes joyeux de Boccace ne soient tirés de la
vie populaire, que les innombrables nouvelles et facéties
françaises des XVe, XVIe et XVII« siècles ne pro-
viennent de la même source, que les productions sa-
tiriques des Espagnols, les S p o 111 i e d e r et les S c h m a h-
schriften des Allemands, que cette masse de pasqui-
nades, de feuilles volantes diverses dans toutes les
langues, apparaissant au sujet de tous les incidents pos-
sibles de la vie privée et publique, ne soient des produc-
tions du peuple ? Dans la littérature russe, il est Vrai,


TRADUITS DU RUSSE 3

jusqu'à ce jour, il existe, toute une catégorie d'expressions
populaires qui n'ont pas été imprimées, qui nesont pas
destinées à l'impression. Dans les littératures
des autres nations, de pareilles barrières n'existent plus
depuis longtemps pour le langage du peuple. Sans re-
monter à l'antiquité classique, est-ce que lesRagiona-
menti de P. Aretino, les Capitqli de Franc. Berni,
de Giov. délia Casa, de Molza, la Rettorica délie
putane, de Pallaricini, l'Alcibiade fanciullo a
scola et les productions des autres écrivains italiens;
est-ce que le livre de Meursius: Elegantiae la-
tini sermonis; est-ce que toute la série, dans la
littérature française, des célèbres joyeuse tes, facé-
ties et folastres imaginations,* le fameux Re-
cueil de pièces choisies par les soins du Cos-
mopolite; est-ce que tout ce déluge de Flugschrift
t e n, qui, au dire de Schade, «damals wie eine Fluth übers
Land fuhren«,** ne montrent pas clairement qu'on ne
regardait point comme nécessaire de couvrir le mot im-
primé de la gaze d'une pruderie effarouchée et de la
feuille de vigne d'un écrit passé à la censure ? Est-il
besoin de rappeler encore les productions m a car o-
niqu e s, jouissant d'une si haute estime depuis le magni-
fique Laurent de Médicis jusqu'aux Médicis de notre
époque ? Est-il besoin de remarquer en finissant, qu'elles
ne sont pas réservées aux seuls bibliophiles, ces sections
entières dont les sujets sont décrits dans des biblio-
graphies spéciales, telles que la Bibliotheca scato-

* Voy. les réimpressions par Caron, Montaran, Teche-
ner, Veinant, J. Gay et autres.

** Sie kennzeichnen sich fast alle durch ein scharfes
satirisches Element, beispiellosen Freimuth, mitunter
durch grosse Derbheit u. s. w. (Satiren und Pasquille v.
Oscar Schade.)

I*


4

CONTES SECRETS

logica (Scatopolis, 5850), sections connues dans le
monde des livres sous les noms de: Singularités,
Curiosa, Erotica, Ouvrages sur l'amour, sur
la galanterie, etc.

Et le reproche de cynisme grossier fait à la nation
russe équivaudrait au même reproche fait à toutes les
nations, c'est-à-dire se réduirait à zéro. Le contenu
erotique des contes secrets russes ne témoigne ni pour
ni contre la moralité de la nation russe ; il met tout
simplement en relief un côté de la vie, qui, plus que
tout autre, excite l'humour, la satire et l'ironie. Nos
contes, sont livrés sous une forme sans art, tels qu'ils
sont sortis des lèvres du peuple, et sont écrits avec les
mots des conteurs. C'est ce qui constitue leur caractère
propre: rien, dans ces contes, n'a été changé, rien n'a
été enjolivé, rien n'a été ajouté. Nous ne nous étendrons
pas sur cette particularité, que dans les différentes zones
de la vaste Russie le même conte se présente sous des
formes différentes. Ces variantes sont nombreuses, et
pour le plus grand nombre, sans aucun doute, elles
passent de bouche en bouche, sans avoir été jusqu'à ce
jour ni recueillies ni transcrites par les collectionneurs.
Celles que nous donnons sont tirées du nombre des plus
remarquables ou des plus caractéristiques à un point de
vue quelconque.

Nous regardons aussi comme superflu d'expliquer
l'ordre dans lequel paraissent nos contes. Nous ferons
seulement remarquer à ce propos que ceux dont les ac-
teurs sont des animaux, font voir, on ne peut mieux,
toute la sagacité et toute la vigueur d'observation de
notre homme du peuple. Loin des villes, travaillant
dans le champ, dans la forêt, sur le fleuve, il comprend
partout avec profondeur la nature, sa bien-aimée ; il ob-
serve avec précision et apprend à connaître dans le
menu détail la vie qui l'entoure. Les côtés pris sur le


TRADUITS DU RUSSE

5

vif de cette vie muette, mais éloquente pour lui, se
peignent d'eux mêmes dans son imagination, et voua un
conte tout prêt, plein de vie et d'éclatant humour. La
section des contes sur ceux que le peuple appelle la
race étalonnière, et dont nous n'avons donné pour
le moment qu'une petite partie, éclaire vivement et les
relations de notre moujik avec ses pasteurs spirituels et
la véritable manière de comprendre ces derniers.

Curieux sous beaucoup de rapports, nos contes secrets
russes sont particulièrement remarquables sous le rapport
suivant: Au savant grave, à l'investigateur profond de la
nationalité russe, ils fournissent un vaste champ de com-
paraison, relativement au contenu de quelques uns d'entre
eux, avec les récits de contenu presque identique des
écrivains étrangers, avec les produits des autres nations.
Par quel chemin ont pénétré dans les coins reculés de
la Russie les contes^ de Boccace,* les satires et les farces
françaises du XVI« siècle ? Comment la nouvelle occi-
dentale a-t-elle ressuscité dans le conte russe, quel est
le côté commun à l'une et à l'autre, où sont et de quelle
part viennent les traces de l'influence, de quelle nature
sont les doutes et les conclusions dérivant de l'évidence
d'une pareille identité, etc. etc.?

Abandonnant la solution de toutes ces questions et
de beaucoup d'autres à nos savants patentés, nous
espérons que nos lecteurs trouveront une bonne parole
pour les travaux des honorables collecteurs de ces contes.
Nous, de notre côté, en éditant cette rare collection,
dans le but de la soustraire à l'anéantissement, nous
resterons en dehors, nous osons la penser, et de la lou-
ange et du blâme.

* Voyez, par exemple, le conte no. LXVII: La
femme du marchand et le commis.


6

CONTES SECRETS

Ainsi, sans prendre hypocritement an extérieur scien-
tifique, notre livre apparaît comme le simple recueil
accidentel de ce côté de l'humour du peuple russe, qui
jusqu'à ce jour n'avait pas trouvé place sous la presse.
Devant les conditions sauvages de la censure russe, et
sa fausse appréciation de la moralité et de la morale,
notre livre s'est imprimé sans bruit dans une retraite
éloignée des agitations du monde, là où n'a pas encore
pénétré la main sacrilège de quelque censeur que ce
soie. A ce propos, nous ne pouvons nous empêcher
d'exprimer un de nos désirs intimes : Que d'autres coins
paisibles de notre patrie suivent l'exemple de notre
couvent, Que là se développe, à l'abri de toute censure,
le noble art de la typographie, que des mains de la con-
frérie laborieuse sortent et viennent se réunir sous des
presses secrètes, tous mots libres, tous récits intimes,
à quelque côté le la vie russe qu'ils se rattachent.

Nous ajouterons, en finissant, que nous^ nous pro-
posons de publier ultérieurement les Proverbes se-
crets russes, et la suite des Contes secrets
russes. Les matériaux sont entre nos mains ; il ne nous
reste plus qu'à les mettre en ordre. En les publiant,
nous espérons rendre service et à l'étude de l'esprit
national russe en général, et, en particulier, à nos con-
frères, aux amateurs véritables et experts de la verve
russe intime, franche, imagée et du brillant humour
populaire.

Bibliophile.


I

LA RENARDE ET LE LIÈVRE

s printemps était venu, le sang parlait
chez le lièvre. Il est lâche, mais il
est vif à la course et il a Pair d'un brave.
Il va au bois et il imagine d'entrer en
passant chez la renarde : il se dirige donc
vers sa petite izba. La renarde, à ce mo-
ment-là, était assise sur le poêle; ses petits
étaient sous la fenêtre. Elle voit le lièvre
et dit aux renardeaux : «Enfants ! si le louche
vient ici et s'adresse à vous, dites-lui, que
je ne suis pas à la maison. Que le diable
l'emporte ! Je suis depuis longtemps fâchée
contre lui, le gredin; peut-être cette fois
parviendrai-je à le pincer.» Elle se cache.
Le lièvre s'approche et frappe. «Qui est
là?» demandent les renardeaux. — «C'est


8

CONTES SECRETS

moi», dit le lièvre; «bonjour, chers petits
renards! votre mère est-elle à la maison ? —
Elle n'y est j>as ! —- C'est dommage, je l'aurais

f.....!» dit le louche et il s'en va au bois.

La renarde l'entend et dit: «Oh! fils de
chienne, diable louche! voyez donc ce
soupirant ! attends, je t'en donnerai de
l'aurore.» Elle descend du poêle et se met
en observation derrière la porte, en cas
que le lièvre revienne. Elle regarde: le
lièvre approche en suivant l'ancienne trace
et dit aux renardeaux: «Bonjour, renar-
deaux; votre mère est-elle à la maison? —
Elle n'y est pas. — C'est dommage, dit le
lièvre; je l'aurais bourrée à ma manière.»
Tout à coup la renarde bondit: «Bonjour,
mon petit pigeon!» Le lièvre ne pense plus

à f....., il se sauve à toutes jambes, c'est

à peine s'il peut reprendre haleine, et son
cul égrène des noisettes. La renarde est à
ses trousses. «Non, diable louche, tu ne
l'échapperas pas !» Ils se poursuivent, se
poursuivent! le lièvre, saute et passe entre
deux bouleaux * qui avaient poussé tout près
l'un de l'autre; la renarde veut sauter à sa

* Variants ; entre des bouleaux fourchus.


TRADUITS DU RUSSE

9

suite et se prend entre les deux:* elle se
démène, se démène, mais ne peut ni avancer,
ni reculer, ni sortir de là. Le louche tourne
la tête, il voit que l'occasion est belle, il
accourt par derrière et f... la renarde, tout
en disant : .«Voilà comment nous opérons !
voilà comment nous opérons !» La besogne
faite, il poursuit sa route ; mais non loin de
là il y avait une fosse à charbon (un moujik
avait fait une chauffe en cet endroit), le
lièvre tombe droit dans la fosse, «roule dans
la poussière et la suie et en sort noir
comme un vrai moine. Il remonte sur la
route, laisse pendre ses oreilles et s'assied.
A ce moment la renarde, qui avait on ne
sait comment recouvré sa liberté, arrive à
la recherche du lièvre, elle l'aperçoit et le
prend pour un moine. «Bonjour, révérend
père! lui dit-elle, tu n'as pas vu le lièvre
- louche ? — Lequel ? celui qui t'a f.... tout
à l'heure?» La renarde rougit de honte et

* Variante: Le lièvre va au bois, voit la renarde
et se. met à parler avec elle ; il parle, il parle, épiant -
l'occasion ; sa p... se dresse comme une corne. Il est
adroit dans cette sorte d'affaires ; il supplie timidement.
Profitant du moment favorable, alors que la renarde est
empêtrée dans les bouleaux.....


10

CONTES SECRETS

se sauve chez elle: «Ah, le lâche! il a déjà
trouvé moyen de publier cela dans tous les
monastères!» La renarde était rusée, mais
le lièvre lui joua le tour.

ans la cour d'un moujik s'était posée

BJBfll une volée de moineaux ; l'un deux se
met à faire le fanfaron devant ses camarades :
«La jument gris foncé s'est amourachée de
moi, dit-il; à chaque instant elle me jette
des œillades; voulez-vous que je lui fasse
son affaire devant toute notre honorable
confrérie? «Voyons cela!» disent les cama-
rades. Le moineau vole vers la jument
et lui dit : «Bonjour, gentille jument ! — Bon-
jour, chanteur ! Que désires-tu ? — Ce que je
désire ? Je veux te prier de .... » La jument
lui dit: «C'est très-bien; mais, selon la cou-
tume villageoise, quand un jeune garçon
commence à faire Ja cour à une jeune fille,
il lui achète un cadeau: des noix et des

II

LE MOINEAU ET LA JUMENT


TRADUITS DU RUSSE II

pains d'épice. Et toi, qu'est-ce que tu me
donneras ? — Dis ce que tu veux. — Eh bien
voici: apporte moi à un grain près un
tchetvérik (26iitr**,ai) d'avoine; alors nous
commencerons à faire l'amour.» Le moineau
se met à la besogne de toute son ardeur,
il peine pendant longtemps et finit par
amasser un tchetvérik d'avoine tout entier.
Il vole vers la jument et lui dit: «Eh bien,
gentille jument! l'avoine est prête!» et son
cœur n'y tient plus, il est rempli de joie et
en même temps de crainte à en mourir.
«C'est bien, répond la jument: inutile de
différer l'affaire! l'indécision est pire que
la mort, et pour moi la vie vaut moins
que l'honneur. Du reste, il n'y a pas de
honte à se laisser faire par un jeune brave !
apporte l'avoine et assemble tes camarades
(le jeune gaillard ne demandait pas mieux !) ;
toi-même assieds-toi sur ma queue, juste
derrière le c .., et attends là jusqu'à ce que
je lève la queue.» La jument se met à
manger l'avoine, le moineau est posé sur
la queue, les camarades regardent: que va-
t-il arriver? La jument mange, mange et
vesse, elle lève la queue, le moineau s'enlève
et retombe derrière. La jument le presse
avec sa queue. Il est mal dans cette po-


12

CONTES SECRETS

sttion, il manque d'étouffer 1 Elle mange, elle
mange, puis elle pète; le moineau s'échappe
et se met à se vanter devant ses camarades ;
«Voilà comme cela se pratique, mes amis!
Avec moi, la jument n'en pouvait plus: elle
a pété.»

Baal un ours l'aperçoit et se dit: «Je n'ai
jamais lutté avec les femmes. La femme
est-elle plus forte que l'homme, ou non?
Des moujiks, j'en ai déjà brisé pas mal, mais
il ne m'est jamais arrivé de m'entreprendre
avec les femmes.» Il s'avance donc vers la
femme et lui dit : «Luttons nous deux ! — Et
si tu me déchires, Mikhaïl Ivanovitch? —
Si je te déchire, je t'apporterai une ruche
de miel. — Bien, luttons!» L'ours saisit la
femme entre ses pattes, mais au moment
où il la jette à terre, elle lève en l'air ses
deux jambes écartées, porte la main à son
çff et lui dit: «Qu'as-tu fait? comment me

IU

L'OURS ET LA FEMME

labourait dans un champ;


TRADUITS DU RUSSE 13

montrer à la maison maintenant? que dirai-
je à mon mari?» L'ours regarde: la fente
est très-grande; il a déchiré la femme, et
il ne sait que faire. Tout à coup vient
à passer un lièvre, venant on ne sait d'où
et courant. «Arrête, louche ! lui crie l'ours,
viens ici!» Le lièvre accourt. L'ours saisit
les bords du c.. de la femme, les étire et
ordonne au louche de les tenir avec ses
pattes; lui-même il court au bois, arrache
un gros paquet d'écorces, autant qu'il en
peut traîner. Il veut recoudre la fente de
la femme. Il apporte les écorces et les jette
à terre; la femme a peur et pète si fort, que
le lièvre fait un bond en l'air de deux ar-
chines* : «Pour le coup, Mikhaïl Ivanovitch,
elle est tout à fait crevée ! — Elle va main-
tenant se fendre de bas en haut!» dit Fours,
qui se met à courir de toutes ses forces et
disparaît.

* L'archine zzz om, 71z.


CONTES SECRETS

iV

LE LOUP

Dhl était une fois un moujik qui possé-
BJ3I dait une truie ; cette truie avait une
portée de douze cochonnets; il renferme
dans une étable; cette étable était faite de
ramilles entrelacées. Le lendemain, le moujik
vient voir les cochonnets et les compte: il
en manque un. Le troisième jour il en
manque encore un» Qui est-ce qui vole les
cochonnets ? Le vieux va. passer la nuit dans
l'étable, il s'assied et attend, pour voir ce
qui arrivera. Un loup accourt au bois et.
se dirige droit sur Pétable, il tourne le c..
contre la porte, fourre et pousse sa queue
par une fente, puis l'agite dans Pétable. Les
cochonnets entendent le frôlement, ils quittent
la truie et viennent vers la porte flairer la
queue. Alors le loup la retire, se retourne,
fourre son museau, saisit un cochonnet et
se sauve au bois. Le moujik attend le jour
suivant, il revient dans l'étable et s'assied
tout près de la porte. Il fait noir, le loup
accourt, mais à peine a-t-il fourré sa queue
et la remue-t-il dans tous les sens, que le


15

moujik saisit des deux mains cettye queue de
loup, appuie ses genoux contre la porte et
crie de toute sa force : tiou — tiou — tiou I
Le loup tire, tire, ch.. de détresse, et se
démène jusqu'à ce qu'il ait arraché sa queue.
Il se sauve, mais il perd son sang; il fait
vingt pas, tombe et meurt Le moujiik lui
enlève le peau et la vend au marché.

V

LE MOUJIK, L'OURS, LE RENARD ET LE

TAON

.......Et il ne sait que lui faire. En-
suite il (le moujik) prend un parti, il saisit
sa femme à la brassée et la jette sur le sol ;
elle crie, mais le moujik lui dit: «Tais-toi!
Tout ira bien.» Il lui arrache son sarafane,
sa chemise, et lui lève les jambes en l'air
aussi haut qu'il peut. L'ours voit que le
moujik troue une femme et dit: «Non, Re-
nard! le taon et toi, vous ferez comme il
vous plaira, mais moi, pour rien au monde
je n'attaquerai le moujik! — Pourquoi? —


i6

CONTES SECRETS

Parce que, voyez donc! — il perce encore
quelqu'un.» Le renard regarde, regarde, et
dit: «Tu as raison, il casse les jambes à
quelqu'un.» Mais le taon regarde, regarde,
et se dit à lui-même: «Ce n'est pas cela du
tout: il pousse une paille dans le cul de
quelqu'un.» Chacun, bien entendu, sent son
propre malheur, mais cependant le taon a
mieux deviné que les autres. L'ours et le
renard s'élancent dans le bois, et le moujik
reste sain et sauf.

LE CHAT ET LA RENARDE

\s moujik chasse de chez lui un chat

RSaltrop polisson; le chat se sauve dans
le bois. Dans ce bois vivait alors une re-
narde, mais une renarde si put... 1 elle
faisait continuellement la vie avec les loups
et les ours. Elle rencontre le chat; ils se
mettent à parler de ceci, de cela. La renarde
lui dit: «Toi, Kataféï Ivanovitch, tu es céli-
bataire, moi je ne suis pas mariée 1 prends-

VI


traduits du russe

moi avec toi.» Le chat y consent. On festoie,
on s'amuse; après le festin, le chat, suivant
la coutume, doit pécher avec la renarde. Le
chat monte sur la renardç et il la déchire
plus avec ses griffes qu'il ne la f..., tandis
qu'il aie lui-même $ (malo) c'est peu, (malo)
ctest peu, (malo) c'est peu! — En voilà
un original ! dit la renarde, pour lui c'est
toujours peu !» • • •

v pou rencontre une, puce: «Ou vas-tu ?

de femme. — Et moi je vais me. glisser dans
un c.. de femme.» Et ils se séparent. Le
jour suivant, ils se rencontrent de nouveau.
— Eh Wen» comment as-tu dormi ? demande
le pou. — Ne m'en parle pas ! J'ai eu une
si grande frayeur! Il est venu où j'étais je

* Ce conta a été écrit r dans le gouvernement de

«Voronége. ^ , '

VU

le pou et la puce*

Je vais passer la nuit dans un cul

2


i8

CONTES SECRETS

ne sais quel chauve, et il s'est mis à me
poursuivre; je sautais, je sautais, de ci, de
là, mais il était toujours derrière moi, et en-
suite il m'a craché dessus et s'en est allé!
— Eh bien, ma petite commère ! là où j'étais
ils sont venus frapper à deux; je me suis
caché; ils ont frappé, ils ont frappé, puis
ils sont partis.

vin

LE CHIEN ET LE GRIMPEREAU

......La femme cherche à prendre

le grimpereau; elle l'attrape et elle le place
sous le tamis. Le moujik arrive à la maison:
la ménagère va à sa rencontre. «Eh bien,
femme ! dit-il, il m'est arrivé un malheur en
chemin. — Eh bien, dit-elle, mon homme,
il m'est arrivé un malheur à moi aussi.» Ils
se racontent l'un à l'autre ce qui leur est
arrivé. «Maintenant, où est le grimpereau?
s'est-il envolé? demande le moujik. — Je
l'ai pris et je l'ai logé sous le tamis. — Bon !
Je lui ferai son affaire, je le mangerai vivant.»


traduits du russe k)

Il soulève le tamis, mais quand il veut prendre
le grimpereau avec ses dents, celui-ci s'élance
tout droit dans sa bouche et pénètre la tête
la première jusqu'au cul. Il sort sa tête du
cul du moujik et crie : «Vivant, vivant !» puis
il se cache, puis il sort de nouveau la tête
et crie encore ; il ne laisse pas de repos au
moujik. Le moujik voit que l'affaire est grave
et il dit à la ménagère: «Prends une bûche;
je me mettrai à quatre pattes, et quand le
grimpereau sortira sa tête, tu lui allongeras
un bon coup de bûche!» Il se met à
quatre pattes, la femme prend la bûche et
quand le grimpereau montre sa tête, elle
frappe avec la bûche; elle n'atteint pas le
grimpereau, mais elle écrase le cul du
moujik. Que faire? Le moujik ne peut
chasser le grimpereau de son corps ; celui-ci
montre toujours sa tête au bord du cul et
crie : «Viyant, Vivant !» «Prends, dit le mou-
jik à sa femme, une faulx bien aiguisée, je
me mettrai de nouveau à quatre pattes, et
aussitôt que le grimpereau sortira sa tête,
tu le frapperas avec la faulx.» La femme
prend une faulx bien aiguisée et le moujik
se met à quatre pattes. Dès que le grim-
pereau sort la tête, la ménagère le frappe
avec la faulx; elle n'abat pas la tête du

2*


20

CONTES SECRETS

T

grimper eau, mais elle coupe le cul du moujik.
Le grrmpereau s'envole, le moujik perd tout
son sang et meurt.

Comparer avec le récit suivant populaire en France:

Une grue attrape un serpent, l'avale et crie: Attrapé
le serpent I Le serpent s'échappe par le derrière de la
grue et crie: Attrapée la Grue! — La grue s'élance de
nouveau, avale le serpent, s'appuie le derrière'par terre
, et crie : Attrapé le serpent 1 — Le serpent ressort par
la bouche et crie : Attrapée la Grue I — La grue court
après le serpent, l'avale, se fourre le bec dans le derrière
et murmure : Attrapé le serpent 1

! IM C . • ET LE CUU

h beau jour: le c.. et le cul se que-
rellent entre eux et font tel vacarme,

qu'on emporte les saints (que le diable en
tremble)! Le c. dit au cul: «Hé! toi,
mauvais drôle, tu ferais mieux de te taire!
tu sais que .chaque nuit vient chez moi un
hôte charmant, et pendant ce temps-là tu
rentes coi et tu marronnes. — Voyez-vous
œ vilain petit c • •, répond le cul. Quand


TRADUITS DU RUSSE

21

oïl te f.,".., Peau m'en vient à la bouche,
et me tais pourtant!» — Cela se-passait
il y a longtemps, à l'époque ou-l'on ne con*
naissait pas les couteaux, et où l'on coupait
la viande avec la p...

X

LAVE LE CUL*

l t avait une fois un homme et une
femme. Un jour que la femme donnait
à dîner à son mari, celui-ci la rosse et lui
dit: «Lave le cul, lave le cul!» La femme
se met à laver son cul; elle le frotte et avec
du. sable et avec des joncs, jusqu'à le mettre
tout en sang. Mais dès qu'elle sert à dîner à
son mari, celui-ci recommence à la rosser et
lui répète : «Lave le cul, lave le cul! » Elle dit
à sa tante: «Qu'est-ce que cela veut dire, petite
tante ? quand je donne à dîner à mon mari, il
me bat toujours et me dit : «Lave le cul, lave
le cul !» Je le lave bien cependant, et je le

* Ecrit dans le district du Petit-Arkhangel.


22

contes secrets

frotte même jusqu'au sang!» — «Eh! 'sotte,
sotte ! ce n'est pas ton cul, c'est le cul des
tasses qu'il faut laver.» Quand elle lava le
cul des tasses, son mari cessa de k battre*

XI

C'EST MAUVAIS, CE N'EST PAS MAUVAIS*

......Des meules flottent sur l'eau;

sur elles un chien est assis, baissant la tête,
la queue entre les jambes; il pousse des
cris, il lèche sa patte. «As-tu passé devant
la maison du prélat? — J'y ai passé: les
chevaux sont sellés, les cavaliers sont à
cheval, on sonne de la trompette; f... ta
mère! le diable sait ce que l'on y fête? On
y marie, dit-on, le prélat avec la jument
isabelle .... — Et Tours usurier, l'as-tu vu ?
— Je l'ai vu. — Comment est-il? — Gris?

* Ecrit dans le même district (Petit-Arkhangel).

Variante: As-tu vu le prélat? — Je l'ai vu. —
Comment est-il ? — Il marche à quatre pattes, on le mène
à la chaîne, on lui a passé dans le nez un anneau d'or,
et les chiens aboient après lui. — Nigaud, c'est un ours.
— Va te faire p .... Tu radotes.»


traduits du russe

23

— F ... ta mère ! de quel ours parles-tu ?
Vas te faire p .... Tu radotes! C'est un
loup. — Qu'il te pousse une p... au front!
Chez nous le loup court dans le bois, il a
l'oreille au guet. C'est un lièvre. — Puisses-
tu faire connaissance avec la p •.. C'est un
couard. — Morceau de m •... pour toi ! • •.»

xn

LE BENÊT

Ba était une fois un moujik et sa femme,
qui avaient un fils nigaud. Celui-ci
imagine de se marier et de coucher avec sa
femme. Il parle de cette affaire à son père ;
«Marie moi, petit père!» Le père lui dit:
«Attends, mon fils! tu es encore trop jeune
pour te marier; ta p... n'arrive pas en-
core jusqu'à ton c.. ; quand elle y arrivera,
je te marierai.» Le fils saisit alors sa
p.. w des deux mains, l'étend de toutes
ses forces et regarde : «c'est bien vrai, elle
n'arrive pas encore jusqu'au c...» Oui, dit-
il, il est encore trop tôt pour me marier ; ma
p... est encore petite, elle ne va pas jus-


24 CONTES SECRETS

qu'à mon c... Il faut attendre un an ou
deux.» Le temps passe, passe; le benêt n'a
d'autre occupation que d'allonger sa p. •
et fait tant et si bien que non-seulement sa
p... arrive jusqu'au c, mais qu'elle le dé-
passe! «Je n'aurai plus honte de coucher
avec ma femme, je la satisferai moi-même,
elle n'aura pas besoin de s'adresser aux
étrangers!» Le père pense à part soi:
«Qu'attendre de raisonnable de la part d'un
nigaud !» Il lui dit : «Eh bien, mon fils ! puis-
que ta p... est devenue si grande, qu'elle
dépasse ton c.., il n'est plus besoin de te
marier: vis célibataire, reste chez toi et f...
toi toi-même.» Ainsi se termine l'affaire. }

XIII

LA TÊTE DE BROCHET

l était une fois un moujik et sa femme,
qui avaient une fille, une jeune pucelle.
Elle va herser le jardin; elle herse, elle
herse, mais on l'appelle dans l'izba pour
manger des crêpes. Elle accourt, et laisse le
cheval avec la herse dans le jardin en lui


TRADUITS DU RUSSE

disant : attends là jusqu'à ce que je re-
vienne. Or, chez le voisin il y avait un fils, un
garçon stupide. Depuis longtemps il désirait
f.... k jeune fille. Comment? c'est ce qu'a
n'avait pas encore imaginé. Il voit le cheval
avec la herse ; il se glisse à travers la haie,
dételle le cheval et le conduit dan& son jar-
din; il laisse la herse à sa place, mais il
fait passer le timon à travers la haie et at-
telle de nouveau le cheval de son côté. La
jeune fille revient et reste tout étonnée:
Qu'est-ce que cela signifie ? la herse d'un côté
de la haie et le cheval de l'autre? Elle se
met à frapper sa rosse avec son knout et
lui dit: «Comment diable! es*tu arrivera ?
Tu as bien su passer, tu sauras revenir;
allons, allons, sors de là!» Le jeune garçon
se tient tout près, il* regarde et sourit: «Je
t'aiderai, si tu veux, dit-il; seulement tu me
laisseras . . •.» La jeune fille était rusée.
«Volontiers I* dit-elle. Elle se servait, comme
jalon, d'une vieille tête de brochet, qui rou-
lait dans le jardin, la gueule ouverte* Elle
ramasse cette tête, la fourre dans sa manche
et dit au jeune gars: «Je ne veux pas aller
de tön côté, et je ne veux pas que tu viennes
du mien, de crainte que quelqu'un ne te voie.;
faisons cela à travers la haie ; passe-moi vite


26 CONTES SECRETS

ta p ... et je la mettrai dedans.» Le garçon
tire sa p • •. et la passe à travers la haie.
La jeune fille prend la tête de brochet, l'ouvre
et la met entre ses eusses; quand le jeune
gars frotte, il écorche sa p •.. jusqu'au sang ;
il la prend dans ses mains, court à la maison,
s'assied dans un angle et reste coi. «Ah ! mal-
heur !» se dit-il en lui-même, comme il mord
son c.. ! Que ma p ... guérisse, et de ma
vie je ne m'adresserai à une pareille fille.»

Le temps vient où l'on songe à établir
ce garçon; on le fiance à la fille du voisin
et on les marie* Ils vivent ensemble un jour,
puis deux, puis trois ; ils vivent ensemble une
semaine, puis une seconde, puis une troi-
sième: le garçon a peur de toucher à sa
femme. Voilà qu'ils sont obligés d'aller chez
la belle-mère; il partent. Chemin faisant,
la jeune femme dit à son mari: «Écoute
donc, mon cher Danilouchka. Pourquoi
t'es-tu marié, puisque tu ne fais rien avec
moi? Si tu ne peux rien, pourquoi con-
sommes-tu inutilement la vie d'autrui ?» Mais
Danilo lui répond: «Non, tu ne m'y attra-
peras pas maintenant! il mord, ton c
Ma p. •. a été longtemps malade, c'est à
peine si elle est guérie. — Tu radotes! lui
dit-elle, à ce moment-là je me suis jouée de


TRADUITS DU RUSSE

27

toi; mais ne crains rien maintenant! Fais
l'essai de ce cher petit, tu en seras enchanté.»
L'envie lui en vient alors, il lui retrousse la
jupe et lui dit: «Attends, je vais te lier les
jambes, et s'il mord, je pourrai sauter à terre
et me sauver.» Il détache les rênes, et lie
les deux cuisses nues de Variouchka. Son
instrument était assez gros; quand il en
bourre sa femme, celle-ci crie de toutes ses
forces ; le cheval, qui était jeune, s'épouvante
et commence à s'emporter, le traîneau est
jeté de côté et d'autre, le moujik tombe, et
Variouchka, les cuisses nues, est traînée dans
la cour de la belle-mère. La belle-mère re-
garde par la fenêtre: elle voit le cheval de
son gendre et se dit que certainement il lui
amène de la viande pour la fête; elle va à
sa rencontre et trouve quoi? sa fille. «Ah,
petite mère! s'écrie celle-ci, délie-moi vite,
avant que quelqu'un ne me voie.» La vieille
la délie, lui demande ce que cela veut dire.
«Et ton mari, où est-il? — Le cheval l'a
renversé !» Elles entrent dans l'izba, elles re-
gardent par la fenêtre: Danilka arrive, s'ap-
proche de petits garçons qui jouaient aux
osselets, s'arrête et regarde. La belle-mère
envoie vers lui sa fille aînée. Celle-ci s'ap-
proche: «Bonjour, Danila Ivanitch! — Bon-


CONTES SECRETS

jour. — Viens dans l'izba: il ne manque phrt
que toi 1 — Varvara est chez vous ?:— OuL
Et le sang est arrêté ?» La jeune fille craché
et s'éloigne de lui, La belle-mère lui en*
voie sa bru: celle-là lui plaisait: «Viens;
viens, Danilouchka ! le sang est arrêté depuis
longtemps.» Elle le conduit dans l'izba; la
belle»mère vient à sa rencontre et lui dit:
«Sois le bienvenu, mon cher petit gendre !
Varvara est chez vous? — Oui. — Et le
sang est arrêté ? —~ Il est arrêté depuis long*
temps.» Alors il tire sa p..., la montre à
la belle-mère et lui dit: «Vois, petite mère.
Cette alène-là était tout entière dans son
corps! — Allons, allons, assieds-toi; il est
temps de dîner.»

Ils s'asseyent, boivent et mangent.


*9

XIV

LE MARIAGE DU BENET (EN PATOIS

COSAQUE)

l était une fois un Cosaque, qui avait
une femme, et aussi un fils, Gritsko
(Grégoire). Gritsko allait dans la steppe
faire paître les brebis. Le père dit à la
femme: «Vieille, il nous faut marier Gritsko.
— S'il faut le marier, marions-le!» Ils en-
voient un exprès à Gritsko. L'exprès arrive
et dit : «Bonjour, jeune seigneur ! le petit père
.t'ordonne de venir vers lui.» Quand il arrive
à la maison, son père et sa mère.viennent
à sa rencontre: «Bonjour, cher fils k comment
vas^tu? -r- Grâce à Dieu, père et mère, cela
va tout doucement Mais pourquoi m'avez^
vous fait venir à la maison?» Le petit père
lui dit: «Je suis» vieux et ta mère est vieille,
il faut te marier. —Je ne Veux pas ! je re-
tourne dans, la steppe. —.Attends, garçon
privé de sens, nous prendrons l'avis des
bonnes gens» et nous verrons ce qu'ils diront.
:— Allons, soit!» Les bonnes gens con-
seillèrent de lui donner six sacs de grains,
de l'envoyer au bazar (à la foire) et de lui
ordonnner de ne vendre, son grain ni aux


3o

CONTES SECRETS

juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles com-
mères, mais de le donner aux jeunes filles
et aux jeunes femmes et de leur demander
leur écureuil en échange. Le vieux revient
à la maison et dit: «Mon cher fils, prends
une paire de bœufs, attelle-les au chariot et
conduis-les au bazar, où tu mèneras six
sacs de grain; seulement, tu ne le vendras
ni aux juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles
commères; tu ne le donneras qu'aux jeunes
filles et aux jeunes femmes, et tu leur de-
manderas leur écureuil en échange.» Gritsko
prend une paire de bœufs, les attelle, met
le grain sur le chariot et se rend à la ville.
Quand il arrive au bazar, un juif vient à sa
rencontre : «Bonjour, jeune seigneur ! qu'avez
vous donc à vendre ? — Je n'ai rien, maudit
juif.» Vient un marchand: «Qu'avez vous à
vendre, jeune seigneur? — Je n'ai rien à
vendre.» Alors une jeune femme s'approche
et lui dit: Qu'avez-vous à vendre? — Du
grain, répond-il. — Combien en avez-vous?

— Six sacs. — Et que demandez-vous pour
cela? — Tu me donneras ton écureuil.»
Elle est étonnée de la proposition et dit:
«Ne te contenterais-tu pas d'un peu moins?

— Non, je ne veux pas moins; si tu me
donnes ton écureuil, je te donnerai mon


TRADUITS DU RUSSE

31

grain. — Conduis-le chez moi.» II crie aus-
sitôt: «Hue! Hue!» arrive dans la cour de
la jeune femme et lui dit: «Où faut-il le
porter ?» Elle lui montre où il faut le mettre,
entre elle-même dans la maison, prépare du
mieL et le rôti, puis elle Tappelle. «Viens ici,
jeune seigneur!» Il vient près d'elle, «Bon-
jour, jeune maître! Assieds-toi et mange
Técureuil.» Il s'assied, se met à manger, se
rassasie et dit: «Merci pour Técureuil!» Elle
lui répond: «Grâces à Dieu saint.»

Il revient à la maison; son père et sa
mère lui disent: «Eh bien, cher fils! as-tu
vendu le grain ? — Je Tai vendu. — Et pour
combien Tas-tu vendu ? — Pour un écureuil.

— Dis-nous, mon fils, n'est-ce pas délicieux,
4'écureuil? — C'est plus doux que je ne puis
le dire. — Alors, cher fils, marie-toi et tu
en trouveras près de ta femme! — S'il en
est ainsi, je mê marierai. — Allons, vieille,
gloire à Dieu! notre Gritsko veut se marier.»
Ils envoient la marieuse vers un moujik riche.
La marieuse arrive : «Que Dieu vous assiste !

— Porte-toi bien, bonne femme! Que nous
diras-tu de bon? — Il y a chez vous de la
marchandise, et moi, j'ai un acheteur.» Elle
fiance la jeune Hannka à Gritsko. On choisit
un garçon d'honneur et un boyard, on or-


32

CONTES SECRETS

ganise le cortège, on va à Féglise, on les
marie, puis on commence à se divertir, à
s'amuser. Enfin il faut conduire les jeunes
époux dans la chambre à coucher. La gar-
çon jd'honneur dit au marié : «Ah ça, Gritsko-i
sats-tu.où est L'écureuil?» Celui- ci réponde
, «Sans doute, je le saisi — Eh bien, où est-
il? — Il est sur la table. — Mais non, cherche :
là où est le poil, là est Fécureuil? — Boni»
On les met au lit et on retourne s'amuser.
Gritsko reste longtemps couché avec Hannka,
et il désire l'écureuil. Il se met à chercher
dans les paniers et sur les rayons: il n'y en
a nulle part. Dans cette chambre on avait
dressé une charrue, et sur cette charrue était
attachée une touffe de poils. Il voit ces
poils, grimpe sur la charrue, fourre sa main
et täte, pour voir s'il n'y a pas là d'écureuil;
ensuite il a peur de descendre de la charrue.
Le garçon d'honneur vient chercher les
>eunes mariés, il frappe: «Bonjour, jeune
Gritskol» Celui-ci est assis sur la charrue et
répond : «Bonjour ! — Eh bien, Gritsko, as-tu
trouvé les poils? — Je les ai trouvés. —
As-tu grimpé? — J'ai grimpé: mais le mal-
heur, . c'est que je ne puis descendre. —
Roule-tpi sur le flanc (travaille vigoureuse-
ment)!» Gritsko se laisse.rouler sur le flanc*


traduits du russe

33

il frappe le sol de sa tête et se blesse jus-
qu'au sang. Le garçon d'honneur lui crie: «Eh
bien! t'es-tu roulé sur le flanc (as-tu vigou-
reusement travaillé) ? — Je me suis roulé sur
le flanc. — Jusqu'au sang ? — Jusqu'au sang.
Ouvrez la porte.» On ouvre la porte. Gritsko
s'élance aussitôt du côté de la steppe, vers
ses brebis. Il passe en courant devant la
cour du pope ; tout à coup les chiens s'élancent
après lui; il se défend; il recule, recule, et
se glisse dans l'église elle - même : c' était
le dimanche. Il s'étonne et dit: «Voyez
donc, ces maudits chiens, combien de per-
sonnes ils ont poussées ici ?» Ce qui le frappe,
c'est que les gens sont richement habillés,
qu'ils remuent les lèvres et chuchotent douce-
ment en s'inclinant: sans doute, ils prient
quelqu'un de les recevoir dans sa maison.
Plus loin, il voit le pope, avec ses vêtements
dorés, qui passe entre les gens, et tous s'in-
clinent; il vient aussi du côté de Gritsko.
Gritsko se demande: «Qu'est-ce que cela
veut dire ? il porte une espèce de tuyau et
il lance du feu sur les gens (il s'agit de
l'encensoir) » Le pope s'approche et Gritsko
lui dit : «Doucement, petit père, ne me brûle
pas les yewL» Mais le pope continue à
gesticuler, à gesticuler. Gritsko le frappe

KçvnrâSia. I. 3


34 CONTES SECRETS

sur la tête de telle sorte qu'il tombe. Alors
les gens, au nombre de cinquante hommes
peut-être se jettent sur le benêt. Il les chasse
tous de l'église et s'en va lui-même dans la
steppe: «Maudits hommes, vous auriez dû me
remercier, et vous vous êtes jetés sur moi !»

Mais Hannka s'ennuie sans mari et elle
pleure. On lui conseille d'aller trouver
Gritsko dans la steppe, et, lorsqu'il sera au
bord de l'eau pour la pêche, de lui dire:
«Eh bien, mon homme, est-ce qu'on ne peut
pas se baigner ici ?» Il répondra sans doute :
«Pourquoi ne pourrait-on pas se baigner?
On le peut. — C'est peut-être profond, là?
entre toi-même le premier dans l'eau.» Ainsi
fut fait. Hannka se rend à la steppe, elle
s'approche de Gritsko au moment, où il est
près de l'étang: «Bonjour, jeune seigneur!
— Bonjour! — Dis-moi, mon homme, peut-
on se baigner là? — Pourquoi ne le pour-
rait-on pas ? — C'est peut-être profond, vois
donc cela pour moi.» — Il ôte aussitôt son
sarrau et sa culotte, il entre dans l'eau et
dit : «Tu vois, l'eau ne monte qu'aux genoux.»
Elle entre elle-même dans l'eau, voit la p ...
de Gritsko et lui dit: «Qu'est-ce que cela?»
Il répond: «C'est du tabac. — A quoi te
sert-il? Qu*en fais-tu? — Je pisse avec. —


traduits du russe 35

Et de quoi le nourris-tu? — De rien. —
C'est pour cela qu'il est maigre 1» Mais
Gritsko voit le c.. de Hannka et lui dit :
«Et toi, qu'as-tu là? — Un rognon. — Et
à quoi te sert-il ? — A nourrir le tabac. Est-ce
que ton tabac mange du rognon? — Est-ce
que ton rognon me mordra? est-ce qu'il
mord? — Non, il ne mord pas.» Gritsko
approche son bâton de berger et fait l'essai
pour voir si le rognon mord. Ensuite il
veut bien qu'on donne à manger à son tabac.
Elle lui prend la p..., la met dans son c..
et l'y retient. Cela fait plaisir à Gritsko:
il abandonne la steppe, revient à la maison
et s'écrie : «Papa, maman, où est ma femme ?

— Que lui veux-tu? — Je veux f.....—

« Elle va venir.» La femme est contente de cela
et elle lui dit: «Attends«jusqu'au dîner, ma
mère a fait frire des boulettes.» Il répond:
«Je ne veux rien; allons faire manger le

tabac.» Il se met à la f....., mais elle

commence à péter : elle se sent mal, le désir
n'y est plus. Elle lui dit : «Ah, mon homme,
je ne puis plus souffler! — Que faire? —
Les bonnes gens me disent que si le bœuf
de notre voisin me léchait le c.. cela me
guérirait peut-être. Va, demande le bœuf.»
Gritsko va chez le voisin : „Est-ce que votre

3*


36

CONTES SECRETS

bœuf lécherait le c .. de ma femme? —
Certainement !» Il revient près de sa femme
et lui dit: «Viens! on amène déjà le bœufe
Alors Hannka relève ses jupes et présente
son c .. à la fenêtre, Gritsko la soutient
par-dessous; le voisin Ivachka (elle s'était
entendue d'avance avec lui) se met à peigner
Hannka par-derrière de telle sorte qu'elle en
attrape la fièvre. «Eh bien, quoi ? dit Gritsko.
— Cela m'a un peu soulagée !» — Plus tard,
Gritsko lui-même tombe malade et dit:
«Femme, va chez le voisin et demande lui
son bœuf, afin qu'il me lèche le cul.» Elle
va et demande le bœuf: «Allons, lève-toi,
viens à la fenêtre.» Il ôte sa culotte et tend
le c.. à la fenêtre ; mais le bœuf le frappe
de telle sorte, qu'il roule dans la chambre
la tête la première.


37

XV

LA FIANCÉE CRAINTIVE

hPRlEüx jeunes filles s'entretiennent en-
pLBfll semble ; «Comme toi, fillette, moi, je
ne me marierai pasl — Et pourquoi nous
marier malgré nous ! nous n'appartenons pas
à des seigneurs. — Et as-tu vu, fillette, cet
instrument qu'ils essayent sur nous? — Je
l'ai vu. — Eh bien, est-il gros? — Oh,
fillette, il est certainement de la grosseur du
bras. — On ne s'en tirerait pas vivante. —
Viens, je te chatouillerai avec une paille. —
Cela aussi fait mal.» La plus sotte se couche,
la plus avisée se met à la chatouiller avec
une paille: «Ahl cela me fait mal!»

Voilà que le père de l'une des jeunes
filles la force à prendre un mari; elle attend
deux nuits, puis vient voir son amie: «Bon-
jour, fillette!» Celle-ci la prie aussitôt de lui
dire ce qu'il en est. «Ah ! dit la jeune femme,
si j'avais su, si j'avais connu l'affaire, je
n'aurais écouté ni mon père ni ma mère.
J'ai cru que j'y laisserais la vie, et je tirais
la langue d'un pied de long.» La jeune fille
a une telle frayeur qu'elle ne veut plus en-


«

tendre parler de fiancées. Je ne me marie-
rai, dit-èlle, avec personne, et si mon père
veut employer la violence, j'épouserai, pour
la forme seulement, le premier célibataire
venu. Il y avait dans le même village un
jeune garçon tout-à-fait pauvre : on ne voulait
pas lui donner en mariage une fille con-
venable, et lui ne voulait pas d'une mauvaise.
Il entend cette conversation : «Attends, pense-
t—il, je f en jouerai une ! A la première occa-
sion, je dirai que je n'ai pas de p... !» Un
jour que la jeune fille se rendait à la messe,
elle voit le jeune homme qui conduisait à
l'abreuvoir sa rosse maigre et non ferrée;
le pauvre bête marche, marche en clochant,
et la jeune fille se pouffe de rire. On arrive
à une montée rapide, la jument gravit avec
peine, tombe et roule en arrière. Le garçon
se fâche, la saisit par la queue et se met à
la battre sans pitié en disant : «Lève-toi,
qu'on fécorche ! — Pourquoi la bats-tu, bri-
* gand, dit la jeune fille ?» Il soulève la queue,

regarde et dit: «Et qu'en faire? la f.....

et la ref.....? mais je n'ai pas de p...»

Quand elle entend ces paroles, elle en pisse
de joie et se dit: «Voilà que Dieu m'envoie
un fiancé selon ma candeur!» Elle rentre
à la maison, s'assied dans un coin retiré et


traduits du russe 39

fait la moue. Tous se mettent à table, on
l'appelle, mais elle répond en colère: «Je
ne veux pas! — Viens, Douniouchkal lui dit
sa mère. A quoi réfléchis-tu, dis-le-moi.»
Le père reprend : «Pourquoi fais-tu la moue ?
Tu voudrais peut-être te marier? Tu veux
te marier avec celui-ci et non avec celui-là ?»
Mais la jeune fille n'avait qu'une chose en-
tête: se marier avec Ivann le sans-p.......

«Je ne veux me marier, dit-elle, ni avec
celui-ci ni avec celui-là; que cela vous plaise
ou non, je me marierai avec Ivann. — Que
dis-tu, petite idiote? es-tu enragée, ou as-tu
perdu la raison? C'est avec lui que tu veux
faire communauté! — Il faut croire que c'est
mon destin! Ne cherchez pas à me marier
à un autre; j'irai, me noyer ou je m'étrang-
lerai.» Que faire? Auparavant, le vieux
père n'aurait pas honoré d'un regard cet in-
digent d'Ivann, mais maintenant il va lui-même
se faire enlever sa fille. Il s'approche, Ivann
est assis et répare une vieille chaussure de
tille : «Bonjour, Ivanouchka ! —- Bonjour, vieux 1
— Que fais-tu là ? — J'essaie de réparer mes
lapti (chaussures de tille). — Des lapti ? — Il
te faudrait des bottes neuves. — C'est à peine
si j'ai pu ramasser quinze copeks pour
acheter ces tilles, où prendrais-je de l'argent


40

CONTES SECRETS

pour acheter des bottes ? — Et pourquoi ne
te maries-tu pas, Vania? — Eh 1 qui voudrait
me donner sa fille? — Moi, si tu veuxI Em-
brasse-moi sur la bouche I» Ils tombent
d'accord. Chez le richard, il n'y a pas de
bière à fabriquer, d'eau-de-vie à distiller:
on les marie sur-le-champ, on festoie, puis
le garçon d'honneur conduit les jeunes gens
dans la chambre à coucher et les met au
lit. On sait le reste. Ivann perce la jeune
femme jusqu'au sang, et il y avait un chemin
pour y arriver! «Ah! comme j'ai été bête,
comme j'ai été sotte! pensait Dounnka.
Qifai-je fait? Pour en venir là, autant valait
prendre un riche! Mais où a-t-ii trouvé cette
p ... ? Je le lui demanderai.» Et elle le
lui demande, en effet: «Ecoute, Ivanouchka,
où as - tu pris cette p... ? — Je l'ai louée
de mon oncle pour une nuit — Ah, mon
petit pigeon, demande la-lui pour une nuit
encore.» Une seconde nuit passe; elle lui
dit de nouveau: «Ah, mon petit pigeon, de-
mande à ton oncle s'il ne voudrait pas te
vendre tout-à-fait la p... ? Mais marchande
bien. —- C'est bon. On peut marchander.»
Il va chez le grand-père, lui donne le mot
et revient à la maison. «Eh bien, quoi? —
Que te dirai-je? Il n'y a pas à marchander


TRADUITS DU RUSSE 41

avec lui: il faut lui en donner 500 roubles,
ou il ne la donnera pas; mais où prendre
cet argent? — Eh bien, retourne et demande
à la louer encore pour une nuit; demain je
demanderai Pargent à mon père, et nous
l'achèterons tout à fait. — Non, va toi-même
la demander, moi, vraiment, je n'ose plus!
Elle va chez l'oncle, elle entre dans la
chambre, prie Dieu et s'incline: «Bonjour,
mon oncle! — Sois la bien-venue. Que
diras-tu de bon ? — Voyez-vous, mon oncle,
j'ai honte de le dire, mais ce serait un péché
de me taire ; prêtez votre p... à Ivann pour
une nuit.» Le grand-père réfléchit, hoche-
la tête et dit: «On peut la prêter: mais il
faut avoir soin de la p... d'autrui. — Nous
en aurons soin, grand-père ; j'en fais le signe
de croix, Et demain, sans faute, nous te
l'achèterons tout à fait. — Allons, envoie
Ivann!» Elle s'incline jusqu'à terre et sort
de la maison. Le jour suivant, elle va trou-
ver son père, lui demande 300 roubles pour
son mari et s'achète pour elle-même une
bonne p...


4*

XVI

LA P • • . BRULANTE

mh était une fois un moujik qui avait une
fille. Elle dit à son père: «Petit père,

Vannka m'a proposé de me f.....— Eh,

sotteI pourquoi te donner à un étranger;

nous te £.......bien nous-même !» Il prend

un clou, le chauffe au poêle et le lui plante
droit dans le c.., de telle sorte que pendant
trois mois elle ne put pisser! Vannka ren-
contre la jeune fille et lui fait de nouveau

sa proposition: laisse, que je te f____ Elle

lui dit: «Tu radotes, Vannka du diable 1
mon petit père m'a f.... et m'a tellement
brûlé le ç.., que pendant trois mois je n'ai
pu pisser 1 — N'aie pas peur, niaise! ma
p... est froide. — Tu mens, Vannka du
diable! donne que je touche. — Tiens,
touche.» bile lui prend la p... dans sa main
et s'écrie: «Ah, le mauvais diable, tu vois
bien qu'elle est chaude; trempe-la dans
l'eau.» Vannka la trempe dans l'eau, et
vesse de douleur. «Tu vois, dit-elle; elle a
sifflé! Je disais bien qu'elle était brûlante
et que tu voulais encore me tromper, vo-


TRADUITS DU RUSSE

4*

leur !» Ainsi elle ne se laissa pas f
Vannka.

ptr

XVII

DICTONS

Ces dictons n'ont de sens que dans le patois où ils
sont écrits. Traduits en français, ils seraient incom-
préhensibles.

L/epuis qu'à Nouveau-Sauveur,
Il y a un archimandrite nouveau,
Les fondateurs sont des destructeurs,
Les économes, des dissipateurs.
Ils nous ont éveillés matin,
Nous ont donné très-peu à boire.

* Les aveugles de Moscou savent cette pièce de vers
de la manière la plus complète et avec des variantes
très-intéressantes.

XVIII

VERS DE VIEILLARD


44

Nous nous fâcherons, frères;

Nous n'irons pas à la messe, ni à matines,

Ni à aucune autre sainte prière !

L'igoumène nous suppliera,

Il s'inclinera.

On roulera pour nous, frères,
Des tonneaux en chêne,
On nous donnera, frères,
Des brocs de fer.

Nous agiterons les bras, nous puiserons

[le vin,

Nous le distribuerons à la ronde:

A l'un deux, à l'autre trois,

A moi quatre brocs.

Les cabarets se réjouiront,

Les ivrognes seront dans l'allégresse.


TRADUITS DU RUSSE 45

XIX

LES ENTRETIENS DE FAMILLE

l était une fois un moujik, qui avait
une femme, une fille et deux fils en-

core tout jeunes. Un jour la mère va au
bain avec ses enfants ; elle y avait porté tout
son linge sale et se met à le laver dans
l'auge, en tournant le cul du côté des en-
fants. Ceux-ci regardent et rient: «Hé,
Anndriouchka, regarde donc, notre mère a
deux c... — Ce n'est pas vrai I il n'y en
qu'un ; seulement il s'est partagé en deux. —
Ah. les petits diables morveux, leur crie
la mère, voyez donc ce qu'ils ont imaginé 1»
La mère revient à l'izba, se couche avec
sa fille sur le poêle et elles se mettent à
converser entre elles. «Eh bien, ma fille,
dit la mère, il sera bientôt temps pour toi
de prendre un mari ; tu ne vivras plus alors

avec nous,, mais avec lui____ — S'il en est

ainsi, je ne me marierai pas. — Que dis-tu,
, que dis-tu, niaise! les filles comme il faut
se réjouissent de cela. — Et de quoi se ré-
jouir ? — Comment, de quoi ? Dès la première
nuit que tu passeras avec ton mari, tu


46

CONTES SECRETS

oublieras pour lui et ton père et ta mère,
il te fera quelque chose de plus doux que
le miel et le sucre. — Pourquoi cela est-il
si doux, petit mère, et où se trouve chez

les hommes cette douceur? — Ah, quelle
sotte tu fais! assurément, tu es allée au
bain avec ton père, quand tu étais enfant?
— Oui, dit la fille. — Eh bien, tu as vu une
petite entaille à sa queue? — Je Tai vue,
petit mère. — C'est cela qui est la douceur
même." La fille dit alors: Si l'on faisait
cinq de ces petites entailles, ce serait encore
plus doux!" Le père était couché, il était
dans la soupente; il écoute, écoute, perd
patience et leur crie: „Ah, scélérates! que
n'avez vous une p... dans le gosier! De
quoi parlent - elles là ? Pour vous préparer
des douceurs, ne faudrait-il pas tailler ma
p... en petits morcçaux!"

La jeune fille se casse la tête, se casse
la tête : une seule p..., c'est peu, deux
n'entreraient pas: le mieux est d'en tordre
deux ensemble et de les faire entrer à la

fois.


TRADUITS DU RUSSE

47

XX

PREMIÈRE CONNAISSANCE DU FIANCÉ ET
DE LA FIANCÉE

N vieillard avait un fils, un grand gar-

Bjfefll çon ; un autre vieillard avait une fille,
une fille nubile. Ils imaginent de les marier,
«lvanouchka, dit le père, je veux te marier
à la fille du voisin; approche-toi d'elle et
parle-lui gentiment et poliment ! — Machout-
ka, dit; l'autre vieillard, je veux te donner
en mariage au fils du voisin; tâche de le
rencontrer et fais connaissance gentiment
avec lui!» Ils se rencontrent dans la rue,
se saluent. «lvanouchka, mon père m'a or-
donné de faire connaissance gentiment avec
toi, dit la jeune fille. — Mon petit père m'a
ordonné la-même chose, dit le garçon. —
Comment ferons-nous? Où couches-tu,
lvanouchka? — Dans le foin. — Moi, je
couche dans la remise ; viens cette nuit près
de moi et nous parlerons gentiment en-
semble ____» Ainsi fut ! lvanouchka vient pen-
dant la nuit et se couche avec Machoutka. Elle
lui demande : «Es-tu venu par l'aire ! — Oui.
— As-tu vu le tas de fumier? — Je l'ai vu. —


48 contes secrets

Comment nous arrangerons-nous ensemble?

— Il faut voir si tu as un bon instrument r

— Tiens, regarde,» dit-il et il délie son ca-
leçon ; «voilà ma richesse I — Il est bien gros
pour moi! Regarde, comme le mien est
petit 1 — Donne que j'essaye si cela peut aller !»
Et il se met en devoir d'essayer ; sa p...
se dresse comme un pieu, et quand il l'en*
fonce, le jeune fille crie de toutes ses forces :
«Ah, cela me fait mal, comme elle mordl

— N'aie pas peur! Elle n'a pas assez de
place, c'est pourquoi elle se met en colère!

— Tu vois, je disais bien qu'il n'y avait pas
assez de place pour elle! — Attends, cela
s'étendra.» Quand il lui fit éprouver la
jouissance, elle lui dit : «Ah, mon petit cœur I
ta richesse vaut bien de l'argent!» Ils achèvent
et s'endorment. Elle s'éveille pendant la
nuit et lui baise le cul, qu'elle prend pour
le visage. Il la laisse faire à satiété, et la
jeune fille lui dit: «Sais tu, Vania! tu sens,
le scorbut ! ...»


TRADUITS DU RUSSE 4o

XXI

LES MOUJIKS ET LE SEIGNEUR

■Qlp seigneur vient à l'église un jour de
msÊ fête; il se tient debout et prie Dieu.
Venu on ne sait d'où, un moujik se plante
tout à coup devant lui et se permet des in-
congruités, le fils de chienne: il vesse si
bien, qu'il est impossible de respirer. «Quel
sale animal! quelles odeurs il répand!» se
dit le seigneur. Il s'approche du moujik,
tire un rouble argent de sa poche, le tient
à la main et s'adresse au paysan. «Dis-moi,
mon petit moujik! C'est toi qui vesses si
bien?» Le moujik voit l'argent et répond:
«C'est moi, Seigneur ! — Voilà, mon ami ! voilà
un rouble argent pour ta peine.» Le moujik
prend l'argent et pense en lui-même : évidem-
ment, ce seigneur aime beaucoup les vesses;
il faut que je vienne à l'église tous les jours
de fête et que je me place près de lui: il
me donnera chaque fois un rouble argent.
La messe finie, chacun rentre à la maison.
Le moujik va droit chez son voisin et lui
raconte ce qui lui esx arrivé. «Très-bien,
frère, dit le voisin, nous attendrons le jour

Xçvnrciâia. i. 4


50

CONTES SECRETS

de fête et nous irons ensemble à l'église. A
nous deux nous vesserons encore plus: il
nous donnera de l'argent à l'un et à l'autre.»
Ils attendent le jour de fête, vont à l'église,
se placent devant le seigneur et lâchent des
odeurs qui remplissent l'église entière. Le
seigneur s'approche d'eux et leur demande:
«Dites-moi, mes enfants, est-ce vous qui
vessez si bien ? — C'est nous, seigneur ! — Je
vous remercie; mais, par malheur, je n'ai
pas d'argent sur moi en ce moment. Écou-
tez, mes garçons, quand la messe sera finie,
dinez solidement et venez ensuite chez moi
vesser comme il faut, je vous paierai le tout
à la fois. — Très-bien, seigneur! nous nous
rendrons tous deux tantôt chez Votre Grâce.»
Quand la messe est terminée, les moujiks
s'en vont dîner chez eux, bâfrent et se
rendent chez le seigneur. Celui-ci leur a
préparé un bon cadeau: des verges et des
bâtons. Il vient à leur rencontre et leur dit :
«Eh bien, quoi ? mes enfants, vous êtes venus
vesser ? — Précisément, seigneur ! — Je vous
remercie, je vous remercie. Mais il faut vous
déshabiller, mes amis. Vous avez beaucoup
de vêtements, l'odeur ne passerait pas facile-
ment à travers.» Les moujiks ôtent leurs
sarraus et leurs camisoles, mettent bas leurs


TRADUITS DU RUSSE

caleçons et jettent leur chemise. Le seigneur
fait signe à ses valets, qui saisissent les mou-
jiks, les étendent par terre et se mettent à les
battre de verges: ils leur appliquent sur le
dos cinq cents coups de bâton! C'est à peine
s'ils peuvent sortir et s'enfuir vers leurs
demeures, sans regarder derrière eux et sans
ramasser leurs vêtements. 1

XXII

LA MÉNAGÈRE PERSPICACE

IP'Pl était une fois une vieille femme, qui
IH™ avait une fille, une grande saligaude;
tout ce qu'elle prenait, lui tombait des mains.
Avec le temps, il se trouva un nigaud qui
devint son fiancé et qui l'épousa; il vécut
avec elle un an et plus et lui fit un enfant.
Elle vient un jour rendre visite à sa mère;
celle-ci de la traiter, de la régaler. La fille
mange et dit : «Ah, petite mère ! comme ton
pain a bon goût; le nôtre est de farine
blutée, et cependant il est tel que je ne puis
l'avaler, c'est de la vraie brique. — Écoute,

4*


5* CONTES SECRETS

ma fille, lui dit la vieille, c'est que tu ne le
travailles pas assez dans le pétrin, voilà pour-
quoi ton pain n'a pas de goût; essaie de le
pétrir jusqu'à ce que ton cul en soit mouillé!
ton pain sera délicieux.» La fille retourne
à la maison, découvre le pétrin et commence
à pétrir; elle pétrit, pétrit puis elle retrousse
sa jupe pour sentir si son cul est mouillé,
ensuite elle pétrit de nouveau. Elle pétrit
ainsi pendant deux heures, son cul est tout
barbouillé et elle ne peut plus reconnaître
s'il est mouillé ou non. Elle relève sa jupe,
se met à quatre pattes et dit à son fils:
«Viens ici ; regarde si mon cul est mouillé
ou non?» Le petit garçon regarde et dit:
«Eh, petite mère ! tes deux trous n'en font
plus qu'un, et ils sont tous deux dans la
pâte.» Elle cessa alors d£ pétrir dans le
pétrin, et de cette pâte elle fit cuire des pains
d'un goût tel, que si l'on avait su comment
elle les avait pétris, personne n' eût voulu
les porter à sa bouche.


TRADUITS DU RUSSE 53

XXIII
NON

œj était une fois un vieux seigneur; il
avait une femme, et jeune, et belle de
sa personne. Or il arrive que ce seigneur
doit faire un long voyage. Il craint que sa
femme ne le fasse cocu, et il lui dit: «Écoute,
chère amie! je vais m'éloigner de toi pour
longtemps, ne reçois pas chez toi les mes-
sieurs, de crainte qu'ils ne troublent ton
repos. Le mieux serait ceci : qui que ce soit
qui te parle et quoi qu'il te dise, réponds
toujours: non, non.» Le mari part et la
dame va se promener dans son jardin. Pen-
dant qu'elle se promène, un officier vient à
passer. Il voit la jolie dame et lui adresse
la parole: «Dites-moi, je vous en prie; à
qui est ce domaine?» La dame lui répond:
«Non!» Qu'est-ce que cela veut dire, pense
l'officier: à toutes mes questions elle répond
toujours: non, non! L'officier n'était pas un
sot: «Si je descends de mon cheval, dit-il,
et que je l'attache à la clôture, il ne m'en
arrivera rien?» La dame lui répond: «Non!
— Et si j'entre dans le jardin, si je vais près


54

CONTES SECRETS

de vous, vous ne vous fâcherez pas? —
Non!» Il entre dans le jardin. «Et si je me
mets à me promener avec vous, vous n'en
serez pas irrité? — Non!» Il va se prome-
ner avec elle. «Et si je vous prends la main,
cela ne vous sera pas désagréable? — Non!»
Il lui prend la main. «Et si je vous mène
dans le kiosque, cela ne fera rien ? — Non 1»
Il la conduit dans le kiosque. «Et si je vous
jette sur le lit, si je me couche avec vous, vous
ne ferez pas de résistance ? — Non !» L'officier
l'étend et lui dit : «Et si je vous relève votre
jupe, vous ne vous en fâcherez pas? —
Non!» — Il relève la jupe, lui passe la jambe
et lui demande: «Et si je vous f..., cela ne
vous sera pas désagréable? — Non!» Il la
travaille convenablement, se relève, s'étend
à côté d'elle et lui demande nouveau : «Etes-
vous contente maintenant ? — Non ? — Puis-
que vous n'êtes pas contente, il faut vous

f..... une seconde fois!» Il la f... une

seconde fois et lui dit : «Et maintenant, êtes-
vous contente? — Non!» Il crache et s'en
va. La dame se lève et rentre à la maison.
Le seigneur revient de son voyage et dit à
sa femme : «Eh bien, tout s'est-il passé
heureusement ? — Non ! — Quoi donc ? Quel-
qu'un t'aurait-il f.....? - Non!» A tout


TRADUITS DU RUSSE 55

XXIV

LE MARI SUR LES ŒUFS

l y avait une fois un moujik et sa
femme; le moujik était paresseux, mais

la femme était laborieuse. Elle cultive la
terre, tandis que le mari reste couché sur
le poêle. Un jour qu'elle était allée la-
bourer le champ, le moujik, resté à la mai-
son pour faire le ménage et soigner les pou-
lets, ne s'occupe de rien : il se couche pour
dormir et oublie les poulets ; la corneille les
enlève tous. Une petite couveuse, dans la
cour, se sauve et l'appelle à son aide; mais
bah! que l'herbe cesse de pousser! peu lui
importe, La ménagère rentre et lui dit: «Où
sont les poulets? — Ah, ma petite femme,
il m'est arrivé malheur ! je me suis endormi,
et la corneille me les a tous enlevés. —
Ah, quel chien ! Eh bien maintenant, fils de

^-

ce qu'il demande, elle répond toujours : Non,
non! Le seigneur lui-même n'est pas con-
tent de la leçon qu'il lui a apprise.


56 CONTES SECRETS

p....., assieds-toi sur les œufs et couve

toi-même les poulets.» Le jour suivant la
ménagère va au champ, tandis que le moujik
prend la corbeille aux œufs, s'établit dans
la soupente, abaisse son caleçon et s'accroupit
sur les œufs. Mais la femme n'était pas bête,
elle* emprunte à un soldat congédié sa ca-
pote et son schako, se déguise, arrive à la
maison et crie de tous ses poumons: «Hé,
patron! où es-tu?» Le moujik se précipite
de la soupente et tombe sur le sol en même
temps que les œufs. «Que fais-tu donc? —
Militaire, mon petit-père, je garde la mai-
son. — Est-ce que tu n'as pas de femme?

— J'en ai une, mais elle travaille aux champs.

— Et toi, pourquoi restes-tu à la maison?

— Je couve des poulets. — Ah, fils de
chienne!» et le militaire le frappe de toutes
ses forces à coups de fouet en lui disant;
«Tu ne dois pas rester à la maison, tu ne
dois pas couver des poulets, tu dois tra-
vailler, labourer la terre! — Je travaillerai,
petit père, je labourerai, je le jure par Dieu,
je travaillerai! — Tu mens, gredin!» La
femme le bat, le bat, ensuite elle lève la
jambe : «Regarde, fils de chienne, j'ai assisté
à une bataille et j'y ai reçu cette blessure.
Qu'en penses-tu? se guérira-t-elle, ou non,


TRADUITS DU RUSSE 57

cette blessure ?» Le moujik regarde le c.. de sa
femme et dit : «Elle se cicatrisera, petit père I»
La femme sort, reprend ses habits de femme
et revient à la maison. Le moujik est assis
et pousse des soupirs. «Pourquoi pousses-
tu des soupirs? — Un soldat est venu et
m'a rudement battu à coups de fouet. —
Pourquoi ? — il m'a ordonné de travailler.
— Depuis longtemps tu devrais le faire I
C'est dommage que je n'aie pas été à la
maison, je l'aurais prié de frapper encore
plus. — Ce qu'il y a de bon, c'est qu'il
mourra bientôt! — Pourquoi cela? — Il a
été à une bataille et il a reçu entre les

cuisses..... Il m'a montré sa blessure et

il. m'a dit : guérira-t-elle ? Je lui ai répondu :
elle se cicatrisera ; mais elle est bien rouge,
et il a poussé de la mousse tout autour!»
Depuis ce temps le moujik s'est mis au tra-
vail et il va labourer, tandis que sa femme
garde la maison*


58 CONTES SECRETS

XXV

LE CHASSEUR ET LE SYLVAIN

HWk chasseur parcourt le bois ; il marche,
BJh*1 marche et ne tue rien; il cueille
des noisettes et les grignote. Il vient à ren-
contrer un vieux Sylvain. «Donne-moi des
noisettes, dit celui-ci.» Le chasseur lui donne
une balle. Le Sylvain la grignote, la grignote,
mais il n'en peut venir à bout et s'écrie :
«Je ne puis pas la grignoter.» Le chasseur
lui dit: «Es-tu châtré, oui ou non? — Non.
— C'est pour cela! Donne, que je te châtre,
et tu pourras grignoter les noisettes.» Le
Sylvain y consent. Le chasseur le prend,

lui pince la p... et les c.......entre les

trembles. «Laisse-moi, crie le Sylvain, laisse-
moi! je ne veux plus de tes noisettes! —
Tu radotes, tu en grignoteras!» Il lui coupe
les œufs, le lâche et lui donne une bonne
poignée de noisettes. Lé Sylvain le grignote.
«Tu vois, je t'ai bien dit que tu les grigno-
terais.» Le chasseur va d'un côté, le Sylvain
va de l'autre et le menace: «C'est bien!
quand tu viendras faire du feu dans la tou-
raille, je te jouerai un tour!» Le chasseur


TRADUITS DU RUSSE 59

rentre à la maison, s'assied sur le banc et
dit: «Ah, femme! je suis fatigué, va faire
du feu dans la touraille.» La femme va
dans le séchoir, arrange le feu et se couche
contre le mur. Deux Sylvains arrivent et
disent entre eux: «Mettons-nous le feu au
séchoir ? — Non. Regardons auparavant s'il
a une blessure comme celle qu'il t'a faite!»
Ils regardent. «Ah, frère! elle est encore
plus grande que la tienne ; vois, elle est plus
large qu'un chapeau, et comme elle est
rouge !» Et ils s'en retournent dans le bois.

XXVI

LE MOUJIK ET LE DIABLE

l était une fois un moujik, qui avait
semé des navets. Arrive le temps de
les arracher; mais ils n'étaient pas mûrs.
Le moujik contrarié s'écrie: «Que le diable
vous emporte !» et il sort du champ. Un
mois se passe, la femme du moujik lui dit:
«Va au champ ; peut-être pourras-tu en rap-
porter des navets.» Le moujik part, arrive


6o

au champ et voit que les navets sont grands,
qu'ils ont magnifiquement poussé. Il se met
en devoir de les arracher. Soudain arrive
en courant un petit vieillard, qui crie au
moujik: «Pourquoi voles-tu mes navets? —
Comment, tes navets? — Ne me les as-tu
pas donnés, quand ils n'étaient pas encore
mûrs. J'ai pris de la peine, je les ai ar-
rosés! — Et moi, je les ai semés. — Je ne
le conteste pas, dit le diable; effectivement,
c'est toi qui les as semés, mais je les ai
arrosés. Voici ce que je te propose: Tu
viendras au champ, monté sur ce que tu
voudras, et moi aussi, de mon côté. Si tu
reconnais sur quoi je suis venu, les navets
t'appartiendront; si je reconnais sur quoi tu
es venu, les navets seront à moi.» Le moujik
y consent. Le jour suivant, il prend sa
femme avec lui, vient au champ, la fait
mettre à quatre pattes, lui retrousse sa jupe,
lui enfonce une carotte dans le c.. et lui
éparpille les cheveux sur la tête. Le diable,
lui, attrape un lièvre, monte dessus, arrive
et demande au moujik: «Sur quoi suis-je
venu ? — Et que mange la bête, dit le mou-
jik? — Elle mange du bouleau. — Alors
c'est un lièvre.» Le diable reconnaît que le
moujik a dit vrai; puis il tourne autour, il


TRADUITS DU RUSSE

6l

tourne autour et dit: «Ces cheveux sont la
queue de l'animal, voilà la tête et il mange
une carotte.» Le diable s'était tout à fait
trompé : «Les navets sont à toi, moujik, dit-
il.» Le moujik arracha les navets les vendit
et vécut parfaitement.

LE MOUJIK FAISANT LA BESOGNE DE

l y avait une fois un moujik avec sa

femme. On était arrivé à Tété, le
temps de la moisson était venu: ils allaient
aux champs moissonner. Chaque matin la
femme éveille le moujik de bonne heure;
il se rend au travail, la femme reste à la
maison, elle chauffe le four, elle fait cuire
le manger, elle remplit les cruches et porte
à dîner à son mari, puis elle travaille avec
lui jusqu'à la brune dans les champs. Le
soir ils rentrent à la maison'et le lendemain
ils recommencent Le travail vient à ennuyer
le moujik: sa femme réveille et l'envoie au

XXVII

FEMME


6a

CONTES SECRETS

champ; mais lui ne se lève pas et gronde
sa ménagère: «Non, p.....! Va, toi, la pre-
mière, moi je reste à la maison. C'est tou-
jours moi qui vais le matin aux champs,
tandis que tu dors; quand tu viens me re-
joindre, je me suis déjà éreinté à travailler.»
Sa femme a beau le pousser, le moujik s'en-
tête et ne répond que ce seul mot: «Je .
n'irai pasl — C'est aujourd'hui samedi, ajoute
la femme; il y a beaucoup de besogne à
la maison : il faut laver les chemises, écraser
du millet pour le gruau, pétrir, battre le
pot de crème pour la beurre du lendemain
• •. •» «Je ferai tout cela moi-même, dit le
moujik. — Soit. Fais? Je te préparerai
tout» Et elle lui apporte un gros paquet
de chemises sales, de la farine pour le pétrin,
le pot de crème pour le beurre, du millet.
pour le gruau, lui ordonne en outre de
veiller sur la poule et sur les poulets, puis
elle-même prend une faucille et s'en va aux
champs. «Bon ! je dormirai encore un peu,»
dit le moujik, et il se remet à dormir, et il
dort jusqu'au dîner. Il s'éveille au milieu
du jour et il voit qu'il a du travail par-
dessus les yeux; il ne sait par quoi com-
mencer. Il prend les chemises, les lie et
les porte à la rivière: il les plonge dans


TRADUITS DU RUSSE 63

Peau et les laisse: «Elles tremperont, je les
suspendrai, je les ferai sécher, et tout
sera prêt» Mais le courant de la rivière
était rapide, toutes les chemises furent em-
portées par l'eau et disparurent. Le moujik
retourne à la maison, il met la farine dans
le pétrin et verse de l'eau: «Laissons-là
s'aigrirl» Il verse ensuite le millet dans le
mortier et commence à le piler, mais il voit
la poule, qui se promène dans le vestibule
et les poulets éparpillés de tous les côtés.
Il court aussitôt, attrape les poulets, leur
lie à tous les pattes avec un cordon, les
attache à la poule et se remet à piler le
millet. Il se rappelle alors que le pot de
crème est là et qu'il faut battre cette crème
pour avoir du beurre. Il prend le pot et
l'attache à son c.. : «Je pilerai le millet, et
pendant ce temps la crème frappera contre
mon c .. : de sorte que, de même coup, le
gruau serarfait et le beurre sera battu!» Il
pile donc le millet, et la crème bat contre
son c... Mais la poule arrive dans la
cour traînant tous les poulets après elle.
Tout à coup le vautour apparaît: il enlève
la poule et tous les poulets avec elle. La
poule crie, les poulets piaillent; le moujik
entend et se précipite dans la cour. En


64

passant, le pot frappe contre la porte, se
casse et toute la crème se répand. fl s'élance
pour délivrer la poule des griffes du vautour
et ne ferme pas la porte: les cochons
entrent dans l'izba, culbutent le pétrin,
mangent toute la pâte, puis découvrent le
millet et dévorent tout Le moujik n'a pas
rattrapé la poule et les poulets, il revient à
l'izba: elle est pleine de cochons et plus sale
que l'étable; il a peine à les chasser. Que
faire maintenant? — se dit-il; la ménagère
va venir, ce sera une belle scène! J'ai fait
du bel ouvrage ! il n'y a rien à dire ! Je vais
aller retirer les chemises de l'eau. Il attelle
la jument et se dirige vers la rivière; il
cherche, il cherche le linge; rien! rien! «Je
le chercherai dans l'eau!» Il se déshabille,
ôte sa chemise, sa culotte et entre dans
l'eau ; il rôde de tous côtés, mais ne trouve
rien; il abandonne la partie et remonte sur
la berge; il regarde: plus de chemise, plus
de culottes: quelqu'un les lui a volées. Que
faire ? il n'a rien pour se couvrir, il faut s'en
aller tout nu au village. «J'arracherai de la
grande herbe, dit-il, j'en envelopperai ma
p •.., je m'assiérai dans le t é 1 é g a et je m'en
irai à la maison: je n'aurai pas honte ainsi!»
Il arrache de la grande herbe verte, il en


TRADUITS DU RU8BX 65

entoure sa p... et va détacher les guides
du cheval. La jument voit de l'herbe, l'at-
trape avec ses dents et l'arrache ainsi que
la p... Le moujik pousse des cris de dou-
leur, il regagne à grand'peine son izba, se
traîne dans un coin et s'assied dans l'angle.
«Eh bien, quoi ? tout est-il préparé ? — Tout,
ma chère femme! — Où sont les chemises?

— Le courant les a emportées. — Et la
poule avec les poulets ? — Le vautour les a
enlevés. — Et la pâte, et le millet? — Les
cochons les ont mangés. — Et la crème?

— Je l'ai toute renversée. — Et ta p...,
où est-elle? — La jument l'a avalée. — Ahl
fils de chienne! tu as fait de la belle be-
sogne!»

XXVIII
LA FEMME DE L*AVEUGLE

l y avait une fois un seigneur et sa
femme. Le seigneur était aveugle, et
la dame faisait l'amour avec un commis. Le
seigneur se dit : «ma femme ne paillarderait-
elle pas avec quelqu'un?» et il ne lui laisse

KçvnTcâia. i. 5


66 CONTES SECRETS

pas faire un pas sans lui. Que devenir? Un
jour elle va au jardin avec son mari, le
commis y vient aussi La dame avait envie
de se donner au commis. Le seigneur
aveugle s'assied sous un pommier et la dame
fait son affaire, avec le commis. Un voisin,
dont la fenêtre donnait sur ce jardin, voit
de sa maison ce qui se passe: le commis
est sur la dame; ce voisin dit à son épouse:
«Regarde donc, ma chère amie, ce qu'on
fait sous le pommier. Qu'arriverait-il si Dieu
ouvrait maintenant les yeux à l'aveugle et qu'il
vît cette scène ? — Sans doute il la tuerait
— Oh, ma chère amie ! Dieu inspirerait une
excuse à notre sœur. — Quelle excuse? —
Tu le saurais alors.» Dieu, en effet, ouvre
à ce m ^ment les yeux au seigneur aveugle,
qui voit le commis sur sa femme et s'écrie:

«Ahgredine! que fais-tu, maudite p.....?»

La dame répond: «Oh, comme je suis con-
tente, mon cher amil Cette nuit, j'ai fait
un songe: «Pèche, me disait-on, avec tel
commis, et Dieu ouvrira les yeux à ton man.
Je vois que c'était la vérité. Dieu a récom-
pensé ma peine en t'ouvrant les yeux.»


traduits du russe 67

XXIX

LE TÉTRAS (COQ DE BRUYÈRE)

chasseur avait couru pendant deux
jours dans la forêt et n'avait rien tue ;
le troisième jour, il se fit cette promesse:

échange de la bête. Il entre dans la forêt,
tombe sur un tétras et le tue. Il retourne
chez lui. De sa fenêtre, une châtelaine
aperçoit le chasseur, elle voit qu'il porte
un tétras et le fait venir dans sa chambre,
«Combien le tétras? demande la châtelaine.

— Ce tétras n'est pas à vendre, répond le
chasseur; j'ai fait un serment. — Quel ser-
ment ? — Quand je suis parti pour la chasse,
je me suis fait cette promesse : si je tue quel-
que chose, je f......en échange de la bête.

— Je ne sais comment faire, dit la dame.
J'ai envie du tétras, je le veux absolument!
Il faut que l'affaire s'arrange. Mais j'aurais
honte de me coucher sous toi ... — Eh
bien, je m'étendrai dessous, et toi, châtelaine,
tu te coucheras sur moi.» Ainsi fut fait.
«Allons, moujik, donne-moi le tétras? —
Pourquoi te le donnerais-je ? C'est toi qui

si je tue quelque chose, je f

en


68 CONTES SECRETS

m'a f.. • •, ce n'est pas moi qui t'ai f....»
La châtelaine ne voulait pas perdre le
tétras: «Allons, dit-elle, monte sur moi!»
Le moujik fait une seconde fois son affaire
à la dame. «Donne le tétras? — Pourquoi
te le donnerais - je ? Nous sommes quitte
seulement. — Allons, monte encore une fois
sur moi,» dit la châtelaine. Le moujik monte
sur la dame et la travaille pour la troisième
fois. «Voyons, donne le tétras ?» Il n'y
avait rien à faire. Quelque regret qu'il en
eût, le moujik donna le tétras à la châtelaine
et s'en alla.

XXX

LA RÉPONSE DU PRÉLAT

nui* y avait une fois un général et un
prélat. Un jour qu'ils étaient en con-
versation, le général dit au prélat: «Eminence!
nous autres,- pécheurs, nous ne pouvons

vivre sans pécher, sans f....., mais vous,

comment faites-vous pour ne pas pécher de
toute votre vie?» Le prélat répond: «En*
voyez demain chez moi chercher la réponse.»


TRADUITS DU RUSSE

69

Le pur suivant, le général dit à son laquais :
«Va chez le prélat, demande-lui sa réponse.»
Le laquais se rend chez le prélat; un frère
convers Pannonce. «Qu'il attende I» dit le
prélat. Le laquais se tient debout pendant
une heure, pendant deux heures, pendant
trois heures : pas de réponse ; il dit au frère
convers: «Rappelle-moi à Son Eminence. —
Qu'il attende encore!» répond le prélat
Le laquais se tient debout longtemps, long-
temps, puis il perd patience, se couche,
s'assoupit et dort jusqu'au matin. Il revient
alors vers le général et lui dit : «J'ai attendu
jusqu'au matin, mais il ne m'a pas donné
de réponse. — Retourne près de lui, dit le
général, et demande une réponse, absolu-
ment.» Le laquais part et arrive chez le
prélat; celui-ci le fait venir dans sa cellule
et lui dit: «Tu as attendu debout chez moi,
hier? — Je me suis tenu debout — Et en-
suite n'est-ce pas, tu t'es couché et tu t'es
endormi? — Je me suis couché et je me
suis endormi. — Eh bien, il en est de même
pour ma p...: elle se dresse, se tient debout,
ensuite elle retombe et s'endort. Rapporte
cela au général. Ce sera ma réponse.»


70

CONTES SECRETS

XXXI

LA SEMAILLE DE P.,.

l y avait une fois deux moujiks, qui
labouraient la terre et qui étaient
allés semer du seigle. Vient à passer un
vieillard; il s'approche de l'un des moujiks
et lui dit: «Bonjour, mon petit moujik! —
— Bonjour, mon petit vieux! — Que sèmes-
tu? — Du seigle, vieux grand-père 1 — Que
Dieu te vienne en aide ! ton seigle sera haut
et plein de grains !» Le vieillard s'approche
de l'autre moujik : «Bonjour, mon petit mou-
jik! — Bonjour, mon petit vieux I — Que
sèmes-tu? — Qu'as-tu besoin de le savoir?

Je sème des p____— Bien, il te poussera

des p .... !» Le vieillard s'en va ; les mou-
jiks sèment le seigle, hersent et retournent
chez eux. Quand vient le printemps, que
les pluies, tombent, dans le champ du pre-
mier moujik, le seigle pousse épais et haut;
dans le champ du second, poussent des p ...
à tête rouge, en telle quantité qu'elles oc-
cupent toute la dessiatine*; on ne peut

* La dessiatine = ibecure, 09a.


TRADUITS DU RUSSE 71

poser le pied nulle part: partout des p ....
Les moujiks viennent voir comment leur
seigle a poussé. L'âme de l'un se réjouit en
regardant son champ, le cœur de l'autre se
serre: «Que vais-je faire, se dit-il, de ces
satanées machines?» Le temps passe, la
moisson arrive, les moujiks se rendent à leur
champ; l'un se met à moissonner le seigle;
l'autre regarde: sur son champ ont poussé
des p . •. • d'une demi-archine*: elles se
dressent avec leurs têtes rouges, comme des
têtes de pavots. Le moujik regarde, re-
garde, hoche la tête et retourne chez lui;
il rassemble des couteaux, les aiguise bien, se
munit de fil et de papier, retourne à sa
dessiatine et commence à couper les p ....:
A mesure qu'il en coupe une paire, il l'en-
veloppe dans du papier, la lie soigneuse-
ment avec le fil et la place dans le télé g a.
Il les coupe toutes et les porte à la ville
pour les vendre: «menons-les, se dit-il. et
voyons s'il ne se trouvera pas quelque niaise
pour en acheter une paire!» Il les conduit
le long de la rue et crie de toute la force
de ses poumons: «Qui veut des p..... des
p...., des p....! A vendre de superbes

L'archin* = o», 7x1.


7*

CONTES SECRETS

p...., p...., p....l Une dame entend ces cris;
die envoie sa femme de chambre : «Va vite,
et demande à ce moujik ce qu'il vend ?» La
jeune fille court : «écoute, petit moujik, que
vends-tu? — Des p...., madame!» Elle
revient dans la chambre et n'ose pas donner
réponse à sa maîtresse: «Parle donc, sotteI
loi dit la dame, n'aie pas honte! Allons,
que vend-il? — Voici, madame. Le vilain
vend des p,...! — Quelle sotte tu fais!
Cours vite, rejoins-le et demande-lui à quel
prix il m'en vendra une paire?» La jeune
fille retourne vers le moujik et lui dit : «Com-
bien la paire? — Le dernier prix, cent
roubles.» Quand la jeune fille rapporte la
réponse à la dame, celle-ci tire aussitôt cent
roubles de sa bourse : «Tiens, va, lui dit-elle,
mais, Eus bien attention, choisis bien les plus
belles, les plus longues et les plus grosses.»
La jeune fille porte l'argent au moujik et
lui dit: «Seulement, je t'en prie, petit mou-
jik, donne m'en des meilleures. — Elles sont
toutes bonnes chez moi!» La femme de
chambre choisit une paire de bonnes p....,
les apporte et les présente à la dame; celle-
ci les examine et elles lui paraissent magni-
fiques. Elle se hâte de se les mettre là où
il convient, mais elles n'entrent pas : «Est-ce


TRADUITS DU RUSSE 73

que le moujik t'a dit comment il faut les
commander pour qu'elles travaillent? de-
mande-t-elle à la jeune fille. — Il ne m'a
rien dit. madame. — Eh, sotte 1 retourne de k
suite et demande-le-lui.» La jeune fille court
de nouveau près du moujik: «écoute, petit
moujik, dis-moi comment il faut commander
à ta marchandise pour qu'elle travaille?»
Mais le moujik lui répond : «Si tu me donnes
encore cent roubles, je te le dirai!» La
femme de chambre revient à la hâte près
de sa maîtresse: «Ah, voilai il ne veut pas
le dire pour rien, madame; il demande en-
core cent roubles* — Deux cents roubles
pour une mécanique semblable, ce n'est pas
cherl» Le moujik prend cette seconde
centaine de roubles et dit: «Quand ta mal-
tresse en aura envie, elle n'aura qu'à dire:
No, not» La dame se couche de suite sur
le lit, relève sa jupe et commande : no, no!
Les deux p.... s'attachent à elle et com-
mencent à la chauffer de telle sorte qu'elle
n'en est plus satisfaite et qu'elle ne peut les
retirer* Comment sortir de ce mauvais pas ?
Elle dépêche sa femme de chambre: «Va,
rejoins ce fils de chienne, et demande-lui ce
qu'il faut dire pour qu'elles me quittent. La
jeune fille court à toutes jambes : «Écoute,


74

CONTES SECRETS

petit moujik, que faut-il dire pour que les
p •... se détachent de ma maîtresse : elles
Pont tout à fait martyrisée! Le moujik lui
répond: «Si tu me donnes encore cent
roubles, je te le dirai!» La jeune fille court
à la maison, sa maîtresse gît sur le lit à
demi-morte. «Prends dans ma commode, '
lui dit-elle, les derniers cent roubles et porte-
les vite à ce vilain, car je me meurs !» Le mou-
jik prend cette troisième centaine et répond:
»Qu'elle dise seulement: tirrou; elles se
retireront aussitôt.» La femme de chambre
revient en courant et voit que sa maîtresse
a déjà perdu connaissance et que sa langue
est pendante ; elle crie elle-même aux p.... :
tirrou! Toutes deux sortent immédiate-
ment. La dame est soulagée, elle se lève
du lit, prend et cache les p...., et elle vit
dans la béatitude: chaque fois qu'il lui en
prend envie, elle a recours à leur ministère,
elle commande, et aussitôt les p.... se
mettent à la travailler, jusqu'à ce qu'elle
crie: tirrou!*

* Variants: Le moujik apprend à la dame à dire:
no —■ tirroul no — tirroul Elle dit: no, la p...
entre dans la fente; elle dit: tirrou, la p... en sort,
etc. etc.


TRADUITS DU RUSSE 75

Un jour il arrive à la dame d'aller en
visite dans un autre village, et elle oublie
de prendre ces p .... avec elle. Elle reste
chez ses hôtes jusqu'au soir et s'ennuie:
elle s'apprête à rentrer à la maison. Ils
insistent pour qu'elle passe la nuit chez eux.
«C'est tout à fait impossible, dit la dame,
j'ai oublié chez moi une mécanique secrète,
sans laquelle je ne puis m'endormir ! — Si
vous voulez, répondent les maîtres de la
maison, nous l'enverrons chercher par un
exprès sûr, qui vous l'apportera intacte.» La
dame accepte. Sur-le-champ ils ordonnent
à un laquais de seller un bon cheval, d'aller
chez la dame et de rapporter l'objet.
«Adresse-toi, lui dit la dame, à ma femme
de chambre: elle sait où j'ai caché la ma-
chine.» Le laquais arrive, la femme de
chambre lui apporte deux p...., toutes deux
enveloppées dans du papier et les lui donne.
Le laquais les met dans sa poche de derrière
monte à cheval et retourne sur ses pas.
Sur son chemin se présente une montagne
à gravir; le cheval était paresseux, et dès
que le laquais commence à le talonner en
disant : no, no, voilà que les p.... sautent
toutes deux hors de la poche et lui chauffent
le cul. Le laquais est tout épouvanté. Quel


76

CONTÉS SECRETS

prodige est-ce donc et qui est-ce qui les
pousse, les maudites ? Il est sur le point
de pleurer et ne sait que devenir! Mais le
cheval se met à descendre rapidement la
montagne, le laquais lui crie: tirrou!
Les p.... se retirent aussitôt. Il les ra-
masse, les enveloppe dans le papier, les
apporte et les donne à la dame. «Eh bien,
quoi! cela s'est-il passé heureusement?
demande la dame. — Que le diable les em-
porte, dit le laquais; si je n'avais pas ren-
contré une montagne sur mon chemin, elles
m'auraient f.... jusque dans la cour !» *

* Variante: La dame avait ordonné au laquais
d'apporter son secret dans un petit coffre, et de n'y pas
regarder, de ne pas céder à la curiosité de savoir ce
que c'était que cette machine. Le laquais n'y tient pas
et regarde, chemin faisant ; il examine et dit en hochant
la tête: nou, nou, noul» Aussitôt les deux p.... lui
entrent dans le cul et le tourmentent longtemps. Mais
heureusement vient à passer un moujik avec un bon
cheval et ce moujik crie à sa bête : tirroul Les p....
alors se retirent d'elles-mêmes.


TRADUITS DU RUSSE

77

XXXII

L'ANNEAU ENCHANTÉ

Airs certain empire, dans certain

EJSgroyaume, il y avait une fois trois
frères paysans, qui se querellèrent entre eux
et partagèrent leur bien: ils ne firent pas
les parts égales, et le sort accorda beaucoup,
aux aînés, très-peu au plus jeune. Tous
trois étaient garçons. Ils sortent ensemble
dans la cour et se disent Tun à l'autre: il
est temps de nous marier! «C'est bon pour
vous, dit le plus jeune frère, vous êtes riches,
et les riches trouvent à se marier ; mais que
pourrais-je faire, moi ? Je suis pauvre, je n'ai
pas une bûche; pour toute fortune, je n'ai
qu'une p... sur les genoux !» Précisément
à ce moment-là passait une fille de marchand,
elle entend cette conversation et se dit en
elle-même: «Ah, que ne puis-je avoir ce
jeune homme pour mari ! il a une p.. • qui
descend jusqu'aux genoux!» Les deux frères
aînés se marient, le cadet reste célibataire.
La fille de marchand, rentrée à la maison,
n'a autre chose dans la tête que de se ma-
rier avec lui; plusieurs riches marchands


78

recherchent sa main, mais elle les refuse.
. «Je n'en épouserai pas, dit-elle, un autre que
ce jeune homme.» Son père et sa mère
cherchent à Ten détourner. «A quoi penses-
tu, sotte! reviens à la raison! pourquoi
épouser un moujik pauvre!» Elle répond:
«Ne vous occupez pas de cela! ce n'est pas
vous qui vivrez avec lui!» La fille de mar-
chand s'entend avec la marieuse et l'envoie
dire au jeune garçon de venir sans faute la
demander en mariage. La marieuse va le
trouver et lui dit : «Écoute, mon petit pigeon !
pourquoi bayes-tu aux corneilles ? va deman-
der en mariage la fille du marchand. Elle
t'attend depuis longtemps déjà et t'épousera
avec joie.» Le jeune homme s'apprête de
suite, il met un nouveau sarrau, prend son
chapeau neuf et s'en va tout droit chez le
marchand lui demander sa fille en mariage.
Quand la fille de marchand le voit, quand
elle reconnaît que c'est bien celui-là même
dont la p... descend sur les genoux, elle
ne perd point de temps, elle commence à
demander à son père et à sa mère leur
bénédiction paternelle et maternelle pour
une union indissoluble. Elle se couche avec
son mari pour la nuit de noces et voit qu'il
n'a qu'une petite p..., plus petite que le


TRADUITS DU RUSSE

79

doigt «Oh, gredin ! s'écrie • t - elle. Tu te
vantais d'avoir la p... sur les genoux, qu'en
as-tu fait ? — Ah, chère femme ! tu sais que
j'étais un célibataire très-pauvre; quand je
me disposai à jouer au mariage, je n'avais
ni argent, ni rien pour m'en procurer, et j'ai
mis ma p . en gage. — Et pour combien
l'as-tu mise en gage ? — Pour peu de chose,
pour cinquante roubles. — C'est boni de-
main j'irai trouver ma mère, je lui deman-
derai l'argent et tu iras sans faute retirer ta
p...; si tu ne la rachètes pas, ne rentre
pas à la maison!» Elle attend jusqu'au
matin, court aussitôt trouver sa mère et lui
dit: «Accorde-moi une grâce, petite mère!
donne-moi cinquante roubles, j'en ai absolu-
ment besoin! — Mais dis-moi pourquoi tu
en as besoin? —■ Voici, petite mère: mon
mari avait une p.. • qui lui descendait jus-
qu'aux genoux. Quand nous avons voulu
nous marier, il ne savait où trouver de l'ar-
gent, le pauvre homme, et il a mis sa p...
en gage pour cinquante roubles. Maintenant
mon mari n' a qu' une petite p . • •, plus
petite que le doigt, il faut donc absolument
racheter son ancienne p...» La mère, com-
prenant ce besoin, tire cinquante roubles de
sa bourse et les donne à sa fille. Celle-ci


8o

CONTES SECRETS

revient à la maison, donne l'argent à son
mari et lui dit : «Allons, cours maintenant au
plus vite racheter ton ancienne p..,, afin
que les étrangers ne s'en servent pas!» Le
jeune homme prend l'argent et s'en va le
regard à terre; il marche et réfléchit. Où
donner de la tête maintenant? où trouver
à ma femme une p... pareille ? Allons à la
bonne aventure. Il va, il vient, il marche
vite, il marche lentement, et enfin rencontre
une vieille femme» «Bonjour, bonne femme !

— Bonjour, bon homme! où vas-tu de ce
pas? ~ Ah, bonne femme! si tu savais, si
tu connaissais mon chagrin, si je pouvais
te dire où je vais ! — Raconte-moi ton cha-
grin, mon petit pigeon, peut-être pourrai-je
te venir en aide- — J'ai honte de le dire!

— Ne crains rien, n'aie pas honte, parle har-
diment! — Eh bien, voici, bonne femme!
Je m'étais vanté d'avoir la p •.. sur les
genoux, une fille de marchand, qui avait en-
tendu cela, m'a épousé, mais quand elle a
couché avec moi la nuit des noces et qu'elle
a vu que je n'avais qu'une petite p..., plus
petite que le doigt, elle s'est récriée et m'a
demandé ce que j'avais fait de ma grande
p... Je lui ait dit que je l'avais mise en
gage pour cinquante roubles, elle m'a donné


TRADUITS DU RUSSE Si

l'argent et m'a dit de la racheter sans faute,
ou sinon, de ne pas reparaître à la maison.
Je ne sais que faire pour contenter ma petite
pigeonne h» La vieille lui répond: «Donne-
moi ton argent, et je trouverai un remède
à ton chagrin.» Il tire de suite les cinquante
roubles de sa poche et les lui donne; la
vieille lui remet un anneau. «Tiens, lui dit-
elle, prends cet anneau, mets-le seulement
jusqu'à l'ongle.» Le jeune homme prend
l'anneau, et il ne l'a pas sitôt mis jusqu'à
l'ongle, que sa p... s'allonge d'une coudée.
«Eh bien, quoi ? demande la vieille, ta p ...
va-t-elle jusqu'aux genoux? — Oui, bonne
femme! elle descend même plus bas que
les genoux. — Maintenant, mon petit pigeon,
passe l'anneau au doigt tout entier.» Il
passe l'anneau au doigt tout entier : sa p ...
s'allonge de sept verstes*. «Eh, bonne femme!
où vais-je la logef. Il m'arrivera malheur
avec elle. — Remonte l'anneau à l'ongle,
elle n'aura plus qu'une coudée. Te voilà
renseigné. Fais attention, ne mets jamais
l'anneau que jusqu'à l'ongle.» Il remercie
la vieille femme et reprend le chemin de

* La venu =; 1066 ro*t*••, 781.
KçunràSia. i.

t


82 CONTES SECRETS

la maison; il marche et se réjouit de ne pas
reparaître devant sa femme les mains vides.
Il marche, il marche, et il lui prend envie
de manger. Il se retire un peu à l'écart,
s'assied non loin de la route au pied d'une
bardane, tire de sa besace des biscuits, les
trempe dans l'eau et les mange. Il lui prend
envie de se reposer: il se couche, le ventre
en l'air et joue avec l'anneau: il le met à
l'ongle, sa p... se dresse à la hauteur d'une
coudée ; il /le passe dans le doigt tout entier,
la p... monte à la hauteur de sept verstes;
il ôte l'anneau, et sa p... devient petite
comme autrefois. Il examine, il examine
l'anneau, et il s'endort ainsi: il oublie-de
cacher l'anneau, qui reste sur sa poitrine.
Vient à passer en calèche un seigneur avec
sa femme; il voit non loin de la route un
moujik endormi, et sur sa poitrine brille un
anneau, comme de la braise ardente au
soleil. Le seigneur arrête ses chevaux et
• dit à son laquais : «Approche-toi de ce mou-
jik, prends l'anneau et apporte-le-moi.»
Aussitôt le laquais court vers le moujik et
rapporte l'anneau au seigneur. Ils continuent
leur route. Le seigneur admire l'anneau:
«Regarde donc, ma chère amie, dit-il à sa
femme, quel magnifique anneau ! voyons,

ê


TRADUITS DU RUSSE 83

que je le passe à mon doigt.» Et il le passe
au doigt tout entier. Sa p... s'allonge, elle
renverse le cocher de son siège, atteint une
jument droit sous la queue, pousse la jument
et fait partir la calèche en avant. La dame
voit qu'un malheur-va arriver, elle s'effraie
grandement et crie de toute sa force au
laquais: «Cours au plus vite vers le moujik
et ramène le icil» Le laquais se précipite
vers le moujik, l'éveille et lui dit: «Viens
vite, mon petit moujik, vers mon maître!»
Le moujik cherche son anneau. «Malédic-
tion! tu m'as pris mon anneau? — Ne le
cherche pas, dit le laquais; viens vers mon
maître, il a ton anneau, qui nous cause un
grand embarras.» Le moujik court vers la
calèche. Le seigneur lui dit: «Pardonne-
moi! viens à mon aide dans mon chagrin!
— Que me donneras-tu, seigneur? — Voilà
cent roubles! — Donne m'en deux cents et
je te délivrerai!» Le seigneur tire deux
cents roubles de sa poche, le moujik prend
l'argent et retire l'anneau du doigt du
seigneur, la p... disparaît comme par en-
chantement et il ne reste au seigneur que
sa petit p... d'auparavant.* Le seigneur

* Variants: Le moujik est las de marcher, il s'étend

6*


84

part et le moujik s'en va à la maison avec
l'anneau. Sa femme est à la fenêtre et le
voit venir; elle court à sa rencontre: «L'as-
tu rachetée, lui demande-t-elle ? — Je F ai
rachetée. — Montre! — Viens dans la
chambre, je ne peux pas te la montrer de-
hors!» Ils entrent dans la chambre. La
femme ne cesse de répéter : «Montre, montre !»
Il met l'anneau à son ongle, sa p... s'al-
longe d'une coudée; il la tire de son cale-
çon et dit: «Regarde, femme!» La femme

à côté de la route, s'endort et oublie d'ôter l'anneau de
son doigt. L'anneau coule de l'ongle au bas du doigt,
la p ... s'allonge de sept verstes, elle est étendue en
travers du chemin comme un billot de châne. Tout à
coup un jeune seigneur arrive en troïka* au galop
de trois bons chevaux, il heurte la p .., crac I l'essieu
se casse en deux morceaux. Quel est donc ce prodige?
Ils arrivent le long de la p... jusqu'au moujik, le
seigneur l'éveille : «Pourquoi, lui dit-il, as-tu une p...
si grande ?» Le moujik raconte l'histoire. «Vends-moi
l'anneau ? — Volontiers. — Combien en veux-tu ? —
Cent roubles.» Le seigneur paie et poursuit sa route ;
il passe l'anneau au doigt tout entier et ne sait plus
que faire de sa p»..; il n'est pas content de l'anneau.
Il retourne près du moujik: «Remets ma p... dans son
premier état !» Le moujik lui demande pour cela encore
cent roubles et retire l'anneau de la main du seigneur.

* Équipage à trois chevaux.


TRADUITS DU RUSSE 85

lui saute au cou: «Mon cher petit mari!
voilà un instrument qui sera mieux chez nous
que chez les étrangers. Allons vite dîner,
puis nous nous coucherons et l'essaierons!»
Elle met de suite sur là table toutes sortes de
mets et de boissons, elle le fait boire et manger.
Ils dînent et vont se coucher. Quand, avec
cette p..., il eut enfilé sa femme, celle-ci,
pendant trois jours entiers, regarde sous sa
jupe : il lui semble toujours que la p... lui
pousse entre les jambes. Elle se rend en
visite chez sa mère; pendant ce temps, son
mari va dans le jardin et se couche sous un
pommier. «Eh bien, demande la mère à la
fille, avez-vous racheté la p... ? — Nous
l'avons rachetée, petite mère !» La marchande
ne songe plus qu'à une chose: se dérober,
en profitant de ce que sa fille est chez elle,
courir chez son gendre et essayer sa grande
p... Pendant que la fille cause, la belle-
mère arrive chez le gendre, et court au
jardin: le gendre dort, l'anneau est à l'ongle,
la p... se dresse à la hauteur d'une coudée.
«Je vais monter sur sa p..., se dit la belle-
mère;» elle monte, en effet, sur la p... et
s'y balance. Mais par malheur l'anneau
glisse jusqu'au bas du doigt du gendre en-
dormi, et la p... enlève la belle-mère- à


86

CONTES SECRETS

sept verstes de hauteur. La fille s'aperçoit
que sa mère est sortie, elle devine pourquoi
et se hâte de retourner chez elle: personne
dans l'izba; elle va au jardin, et que voit-
elle ? son mari dort, sa p... s'élève à une
grande hauteur, et tout en haut est la belle-
mère, à peine visible, et qui, lorsque le vent
souffle, tourne sur la p... comme sur un
pieu. Que faire ? comment ôter sa petite mère
de dessus la p... Une foule énorme est
accourue; on discute, on donne son avis. Les
uns disent: il n'y a rien autre chose à faire
que de prendre une hache et de couper la
p..., les autres s'écrient : non, c'est un
mauvais moyen! Pourquoi perdre deux
âmes ? aussitôt que la p... sera coupée, la
femme tombera et se tuera. Il vaut mieux
prier Dieu, peut-être par quelque miracle
la vieille se dégagera-1-elle. Pendant ce
temps, le gendre s'éveille, il voit que son
anneau est descendu au bas du doigt,
que sa p... s'élève vers le ciel à la hau-
teur de sept verstes et le cloue lui-même
solidement sur la terre, de telle sorte qu'il
ne pourrait pas se tourner sur l'autre flanc.
Il retire tout doucement l'anneau de son
doigt, sa p... descend à la hauteur d'une
coudée, et le gendre voit que sa belle-mère


TRADUITS DU RUSSE

87

est suspendue au dessus: «Comment te
trouves-tu là, petite mère? — Pardonne,
mon petit gendre, je ne le ferai plus!»*

(Autre version.)

Il était une fois un tailleur, qui avait un
anneau enchanté; quand il le mettait à son
doigt, sa p... s'allongeait. Il lui arrive un
jour de travailler chez une dame, et il était si
plaisant et si badin que, lorsqu'il se couchait,
il ne couvrait jamais sa p... La dame
s'aperçoit qu'il a une très-grande p ..., il lui
vient grande envie de faire l'essai de cet
outil et elle mande le tailleur près d'elle.**

* Variante : Le gendre était couché dans l'izba ;
sa p ... se dressait d'une coudée ; la belle-mére va dans
le foin, monte sur la p ... et s'y balance ; l'anneau glisse
en bas du doigt, la p ... monte de plus en plus haut,
elle perce le plafond, perce le toit et s'élève avec la
belle-mère par-dessus les cheminées.

** Variante: Il y avait une fois un pauvre, qui
avait une p ... de cuivre. Il était entré chez un mar-
chand comme ouvrier. Un jour qu'il se lavait, la fille du
marchand voit qu'il a une grande p ... et l'épouse. Jean

avait un anneau enchanté..... (Suit l'histoire de la

belle-mère.)


88

CONTES SECRETS

«écoute, lui dit-elle, il faut que tu consentes
à pécher avec moi, une fois seulement!» —
Pourquoi pas, chère dame 1 à une condition
toutefois: à la condition que tu ne péteras
pas ! Si tu pètes, tu me donneras trois cents
roubles. — Bien, dit la dame !» Ils se couchent;
la dame s'efforce, autant que faire se peut,
de ne pas péter sous le tailleur: elle a or-
donné à sa jeune femme de chambre de pré-
parer un gros oignon, de lui en boucher le-
cul et de le tenir fortement des deux mains.
Celle-ci enfonce l'oignon dans le cul de la
dame et le retient solidement; mais quand
le tailleur lui monte dessus, il la presse
tellement, que l'oignon vole là où l'on f...
ta mère et va frapper la femme de chambre,
qui en est presque tuée ! La dame perd les
trois cents roubles. Le tailleur prend l'ar-
gent et s'en va; il marche, il marche, en
long, en large, et se couche dans un champ
pour se reposer; il met l'anneau à son doigt:
sa p ... s'étend de la longueur d'une verste;
il reste couché, il reste couché et s'endort
Sept loups, venus on ne sait d'où, mordent
à la p... et s'en rassasient. Le tailleur
s'éveille, comme si des mouches lui avaient
piqué la p... Il ôte l'anneau de sa main,
le cache dans sa poche et poursuit sa route*


TRADUITS DU RUSSE 89

Il marche, il marche, et vient coucher chez
un moujik. Ce moujik avait une femme
jeune, qui aimait beaucoup les grandes p....
Le tailleur se couche dans la cour et laisse
sa p... à découvert. La femme du moujik
le voit: comment va-t-elle s'y prendre? Elle
s'approche, relève sa jupe et met la p...
d'autrui dans son c. • Le tailleur s'en aper-
çoit; l'affaire va bien: il met tout douce-
ment l'anneau à son doigt, sa p... s'al-
longe de plus en plus et s' élève à la
hauteur d'une verste. La femme ne songe
plus à f...., elle saisit la p... à deux
mains. De bonnes gens, des voisins, des
connaissances voient que la femme est plan-
tée au dessus de la p..., ils se mettent en
prière: tous deux seront sains et saufs! Le
tailleur retire tout doucement son anneau
de sa main, sa p... s'abaisse et la dame
en descend. «Eh, c •. insatiable ! tu ne serais
plus en vie, s'ils avaient coupé la p... !»


QO CONTES SECRETS

xxxm

LA DAME EXCITÉE

Airs certain empire, dans certain roy-
aume, vivait autrefois un riche moujik;

il avait un fils du nom de Jean. «Pour-
quoi n'entreprends-tu rien, fils?» lui dit le
père. — «Je veux bien essayer! Donne-moi
cent roubles et ta bénédiction pour un mé-
tier.» Le père lui donne cent roubles. Jean
Ven va à la ville. Il passe devant un châ-
teau et voit la dame dans le jardin: elle
était très-belle de sa personne; il s'arrête
et la regarde à travers la grille. «Pour-
quoi restes-tu là planté, jeune homme!» lui
demande la dame. — Je te regarde, belle
dame: tu es singulièrement jolie! si tu veux
me montrer tes jambes jusqu'aux jarretières,
je te donnerai cent roubles!» — «Pourquoi
ne te les montrerais-je pas? Tiens, regarde!»
dit la dame, et elle relève sa robe. Il lui
donne les cent roubles et retourne à la
maison. «Eh bien, fils, demande le père,
quel commerce as-tu entrepris ?» — «Ce que
j'ai fait des cent roubles? J'ai acheté du
terrain et du bois pour construire une bou-


TRADUITS DU RUSSE 91

tique; donne-moi encore deux cents roubles
pour payer les charpentiers.» Le père lui
donne les deux cents roubles; le fils re-
tourne et se poste devant le même jardin.
La dame le voit et lui dit: «Pourquoi
es tu revenu, jeune homme?» — Laisse-moi
entrer dans le jardin, belle dame, et montres-
moi tes genoux: je te donnerai deux cents
roubles.» Elle le laisse entrer dans le jar-
din, relève ses jupes et lui montre ses genoux.
Le jeune homme lui donne l'argent, la salue
et retourne à la maison. «Eh bien, fils,
est-ce bâti? — C'est bâti, petit père, donne-
moi trois cents roubles pour acheter les
marchandises.» Le père lui donne trois cents
roubles ; le fils se dirige aussitôt vers le jar-
din de la dame, s'arrête et regarde à travers
la grille. Mais le père s'est dit: «Je vais
sortir et voir un peu son commerce.» Il le
suit et l'espionne. «Pourquoi es-tu revenu,
jeune homme?» lui demande la dame. Le
jeune gars lui répond: «Ne te fâche pas,
belle dame, de ce que je vais te dire: per-
mets que j'introduise ma p... entre les
bords de ton c.., et je te donnerai trois
cents roubles. — Volontiers!» Elle le fait
entrer dans le jardin, reçoit l'argent et se
couche sur l'herbe. Le jeune gars met bas


9*

son caleçon et fait jouer tout doucement
sa p... entre les lèvres ; la dame est telle-
ment excitée, qu'elle lui dit'elle-même: «En-
fonce au milieu! je t'en prie, enfonce!» Mais
le gars ne veut pas. «Je t'ai demandé seu-
lement à la mettre entre les lèvres! — Je
te rendrai tout ton argent,» lui dit la dame.
«Non, vraiment! je m'en tiendrai aux lèvres.
— Tu m'as donné six cents roubles, je t'en
donnerai douze cents; seulement, enfonce
au milieu!» Le père regarde, regarde; il
perd patience et crie de derrière la grille:
«Accepte, fils! cent pour cent, c'est un beau
bénéfice!» La dame entend, se dégage et
se sauve. Le jeune homme reste sans argent
et se retourne furieux contre son père: «Qui
fa prié de crier ainsi, vieux navet?»


93

XXXIV

A LA MANIÈRE DES CHIENS

H Bill ans un certain empire, il était autre-
BtflJ fois un noble, et ce noble avait une
fille, une beauté. Elle va un jour se pro-
mener, et un laquais la suit par derrière;
il se dit en lui-même: «Eh! le beau mor-
ceau! Je ne désirerais, ce me semble, rien

autre chose dans ce monde: la f.....une

fois seulement, et puis mourir; cela ne me
paraîtrait pas enrayant» Il songe, il songe,
il perd patience et dit tout bas: «Ah, la
belle jeune maîtresse ! que ne puisse te f.....
ne fût-ce qu'à la manière des chiens!» La
jeune maîtresse a entendu ces paroles ; quand
on est rentré à la maison, elle attend la
nuit et fait appeler le laquais: «Avoues-tu,
mauvais sujet! s'écrie-t-elle, ce que tu as
dit quand je suis allée me promener? —«■ Je
vous demande pardon, maîtresse! j'ai dit
cela sans réflexion. v— Allons, puisque tu
l'as voulu, fais à l'instant comme les chiens,
ou je dirai tout à papa •..»


94 CONTES SECRETS

XXXV

LES DEUX ÉPOUSES

œ'j y avait une fois deux marchands,
tous deux mariés et qui vivaient entre
eux amicalement et affectueusement. Voilà
que Tun des marchands dit à l'autre : «Écoute,
frère! faisons une épreuve, voyons laquelle
de nos deux femmes aime le plus son mari.
— Je le veux bienl Mais comment ferons-nous
cette épreuve? — Voici comment: nous
nous mettrons en route pour la foire de
Makariefsky, et celle des deux femmes qui
pleurera le plus, sera celle qui aime le plus
son mari.» Ils font donc leurs apprêts de
voyage, et leurs femmes les accompagnent:
Tune d'elle pleure et s'arrose de larmes,
l'autre fait ses adieux en riant. Les mar-
chands allaient donc à la foire; ils avaient
déjà fait cinquante verstes et s'entretenaient
entre eux: «Vois comme ta femme t'aime,
disait l'un, comme elle a pleuré au moment
de la séparation; la mienne s'est séparée de
moi en riant!» L'autre répond: «Faisons
ceci, frère! Nos femmes nous ont fait la re-
conduite, retournons maintenant sur nos pas,


TRADUITS r>U RUSSE 95

nous verrons ainsi ce qu'elles font en notre ab-
sence. — Bien!» Ils reviennent de nuit et
rentrent dans la ville à pied ; ils vont d'abord
à l'izba de ce marchand dont la femme pleu-
rait amèrement lors des adieux. Ils regardent
par la fenêtre: elle est assise chez elle avec
son amant et fait l'amour. L'amant remplit
un verre d'eau - de-vie, boit et lui présente
le verre: «Tiens, chérie, bois!» Elle boit et
dit: «Mon ami bien aimé! maintenant je
suis toute à toi — Quelle plaisanterie, toute
à moi! une part quelconque appartient au
petit mari !» Elle tourne le cul de son côté
et dit : «Voilà pour ce fils de p....., mon
cul seul!» Les marchands vont ensuite du
côté de l'épouse qui n'avait pas pleuré, mais
qui avait ri à leur départ. Ils arrivent sous
la fenêtre et regardent: une petite lampe
brûle devant les images, elle même est à
genoux, prie de tout son cœur et dit: «Ac-
corde à mon mari, Seigneur! qu'il revienne
heureusement de son voyage!» Maintenant,
dit l'un des marchands à l'autre, allons tra-
fiquer. Ils vont à la foire et trafiquent très-
avantageusement. Ils ont de la chance dans
le commerce, comme ils n'en avaient jamais
eu. Mais il est temps de rentrer chez soi*
Ils font leurs apprêts de départ et songent


96 CONTES SECRETS

XXXVI
LA DAME PUDIBONDE

l était une fois une jeune dame qui
avait eu beaucoup de laquais, mais tous
lui avaient paru obscènes dans leurs paroles
et elle les avait chassés de sa maison. Un
jeune homme dit alors: «j'irai et je m'en-
gagerai chez elle !» Il va s'engager. «Écoute,

à acheter des cadeaux à leurs femmes. Celui
dont la femme priait Dieu, lui achète du
brocart magnifique pour sa fourrure; l'autre
achète à la sienne du brocart seulement pour
son cul : «Le cul seul est à moi, j'aurai donc
assez d'une demi-archine d'étoffe: je ne veux
pas que mon cul se refroidisse!» Ils ar-
rivent et font leurs cadeaux à leurs femmes*
«Pourquoi as-tu acheté ce mqrceau ?» lui dit
la femme en colère. «Souviens-toi, p ... :
qu'un jour tu étais assise avec ton amant et
tu lui disais que ton cul seul était à moi;
eh bien, j'ai couvert ma part : porte ce bro-
cart sur le cul.»


TRADUITS DU RUSSE 97

mon petit pigeon, lui dit la dame, je né re-
garderai pas à l'argent, mais à une condition,
c'est que tu ne diras rien d'obscène!»* —
«Dire une obscénité ! je ne me le permettrai
jamais.» La dame se rend un jour dans ses
domaines et se met à parcourir la cam-
pagne. On rencontre un troupeau de porcs.
Un verrat grimpe sur une truie et travaille
avec tant d'ardeur, que l'écume tombe de
son groin par flocons. La dame se tourne
vers son laquais: «Écoute!» — «Que désire
madame ?» — «Qu'est-ce que cela ?» Le
laquais n'était pas un sot: «Cela, dit-il,
voici ce que c'est: le porc qui est dessous
est certainement une parente, une sœur ou
une tante; celui qui est dessus est un frère
ou un neveu; il est gravement malade, et
elle le trame chez elle, dans sa maison.» —
«Oui, oui, c'est précisément cela !» dit la dame,
et elle se met à rire. Ils vont, ils vont. On
rencontre un autre troupeau: un taureau
grimpe sur une vache. «Et cela, qu'est-
ce?» demande la dame. — «Cela? voici ce
que c'est: cette vache est malade, elle n'est
pas en état de trouver sa nourriture; elle a
brouté tout ce qui était autour d'elle, et

* Variant* : d« gras.
Kqvnrâôia, I.

7


98

CONTES SECRETS

maintenant le taureau la pousse vers l'herbe
fraîche.» La dame se met à rire de nou-
veau: «C'est précisément cela», dit-elle. Ils
vont, ils vont On rencontre une troupe de
chevaux; un étalon grimpe sur une jument.
«Et cela, qu'est-ce ?» — «Voici ce que c'est,
madame. Voyez cette fumée au-dessus du
bois; sans doute le feu est quelque part, et
l'étalon a grimpé sur la jument pour voit
l'incendie.» — «Oui, oui, c'est vrai!» dit la
dame, et elle rit aux larmes. Ils vont, ils
vont On arrive à une rivière. La dame
imagine de se baigner: elle lui ordonne de
s'arrêter, se déshabille et se met à l'eau.
Le laquais reste sur le bord et regarde. «Si
tu veux te baigner avec moi. déshabille-toi
vite !» Le laquais se déshabille et entre dans
la rivière. En voyant l'instrument avec lequel
on fait les hommes, la dame tressaille de
joie et dit à son laquais: «Regarde, qu'est-
ce que j'ai là ?» et elle lui montre elle-même
sa fente. — «Cela, c'est un puits,» dit le la-
quais. — «Oui. c'est juste ! Et ce qui te pend
là, qu'est-ce ?» — «On appelle cela un chevaL

— Et boit-il, ce cheval? — Il boit, madame;
Permettez-vous qu'il boive dans votre puits r»

— «Voyons, fais-le boire; seulement, qu'il
boive au-dessus, ne le laisse pas plonger


TRADUITS DU RUSSE

99

au fond!» Le laquais fait boire son cheval
au puits de la dame et commence à l'exciter.
Elle est bientôt hors d'elle et lui dit : «Laisse-
le aller plus avant, laisse-le aller plus avant,
afin qu'il boive comme il faut!» Le cheval s'en
donna tout à son aise, et c'est à peine si la
dame et le laquais purent sortir de l'eau**

XXXVII

LE BON PÈRE

Bul était une fois dans un village un
BH joyeux vieillard, qui avait deux filles,
de belles filles. Elles ont des amies, et
celles-ci ont coutume de venir et de rester

* Variante : «Que fait cet étalon ? — Il regard*
son troupeau. — C'est vrai, c'est vrai! — Si ce n'était
pas vrai madame, je ne le dirais pas.» Voilà qu'un
coq coche une poule. «Qu'est cela ? — Il fait mauvais
temps aujourd'hui et il la garantit de la pluie. — C'est
vrai, c'est- vrai I — Si ce n'était pas vrai, je ne le dirais
pas!» Voilà qu'il la côche encore une fois. «Et cela,
qu'est-ce? — C'est aujourd'hui vigile et demain fête:
ils vont en visite l'un traînant l'autre. — C'est vrai,
c'est vrai !....»

7*


IOO

chez elles pour la nuit. Le vieillard est lui-
même friand de jeunes filles. Pendant
la nuit, lorsqu'elles sont endormies, il se
glisse pour les tâter, et celle dont il relève
la jupe, a bientôt son affaire faite; la jeune
fille ne dit rien, tant c'est l'habitude* H
n'était donc pas étonnant qu'il les eût toutes
essayées, excepté les siennes. Un soir, il
était venu beaucoup de jeunes filles, elles
s'étaient échauffées, elles s'étaient diverties,
mais ensuite toutes étaient retournées chez
elles: l'une devait battre du blé de grand
matin, à une autre sa mère avait ordonné
de rentrer à la maison pour la nuit, une
troisième avait son père malade. Elles
étaient donc toutes parties. Mais le vieillard
ronflait dans la soupente, il avait dormi pen-
dant le souper et n'avait pas vu partir les
jeunes filles. Il s'éveille pendant la nuit,
descend de la soupente et va pour les tâter
sur les bancs. Il arrive ainsi qu'il täte sa
fille aînée, couchée sur le banc près du
poè'le: il lui relève ses jupes et l'arrange de
la belle façon. Celle-ci, à moitié endormie,
travaille de son côté sous lui. Le matin le
vieillard se lève et dit à la ménagère: «Ah
ça, vieille! elles sont parties de bien bonne
heure nos hôtes de la nuit. — Quelles hôtes


TRADUITS DU RUSSE 101

de la nuit? toutes les jeunes filles sont chez
elles depuis hier soir. — Tu mens ! qui donc
ai-je f.... sur le banc près du poêle? —
— Qui? c'est facile à voir, c'est ta fille
aînée.» Le vieillard rit et s'écrie: «Ah, que
je f. •. • sa mère ! — Qu' as-tu à gronder,
vieux démon? — Tais-toi, vieux tison! je
ris de ma fille : elle sait joliment bien f.... !»
La fille cadette est assise sur le banc, oc-
cupée d'envelopper sa jambe de la bande de
toile; elle va mettre son lapott (chaussure
de tille) ; elle lève la jambe et dit : «Ce serait
honteux pour elle de ne pas savoir f....
les gens disent qu'elle est dans sa dix-neu-
vième année! — Oui, c'est vrai, c'est votre
métier !»

XXXVIII

LE CONTE DU POPE QUI A FAIT UN VEAU

l y avait une fois un pope et une
popesse. Ils avaient chez eux un Co-
saque (c'est-à-dire un ouvrier) du nom de
Vannka, lequel ne se trouvait pas très-bien
de la nourriture : la popesse était très-avare.


I02

CONTES SECRETS

Un jour le pope alla aux foins avec le Co-
saque, à dix verstes de distance. Ils arrivent
et préparent deux chariots de foin. Tout
à coup un troupeau de vaches se jette sur
ce foin. Le pope saisit une branche sèche
et leur court sus. Il chasse les vaches et revient
tout en sueur vers le Cosaque. Ils terminent
aussitôt à eux deux la besogne et prennent
le chemin de la maison. Il faisait noir.
«Vannka, dit le pope, ne ferions-nous pas
mieux de coucher au village, chez Gvozd:
c'est un bon moujik et sa cour est couverte.»
— Bien, petit père!» répond Vannka. Ils
arrivent au village et demandent à coucher
au moujik* Le Cosaque entre dans l'izba,
prie Dieu, s'incline devant le maître de la
maison et lui dit : «Fais attention, maître de
céans; quand tu feras asseoir ton monde
pour le souper, dis : asseyez-vous, tous les
baptisés ; si tu dis au pope : assieds-toi, père
spirituel! il sera fâché contre toi et ne
voudra pas s'asseoir à table; il n'aime pas
qu'on l'appelle ainsi.» Le pope dételle les
chevaux et entre dans l'izba. Alors le maître
de la maison ordonne à sa femme de mettre
la table, et quand tout est prêt, il dit:
«Allons, tous les chrétiens, asseyez-vous pour
souper.» Tous s'asseyent, excepté le pope.


TRADUITS DU RUSSE 103

Celui-ci reste sur l'escabeau, pensant que le
maître de la maison l'invitera particulière-
ment; mais cela n'a pas lieu. On se lève
de table. Le maître de la maison dit au
pope: «Pourquoi ne fes-tu pas assis pour
souper avec nous, père Mikhaïl?» Le pope
répond: «Je n'avais pas envie de manger.»
On se couche. Le patron conduit le pope
et son Cosaque dans la vacherie, parce qu'il
y fait plus chaud que dans l'izba. Le pope
se couche sur le poêle et le Cosaque dans
la soupente. Vannka s'endort sur-le-champ,
mais le pope songe aux moyens de trouver
quelque chose à manger. Il n'y avait rien
dans la vacherie, si ce n'est un pétrin avec
de la farine délayée. Le pope éveille le
Cosaque. «Que te faut-il, petit père? —
Cosaque, je voudrais manger. — Eh bien,
pourquoi ne manges-tu pas ? Dans le pétrin,
c'est la même farine que sur la table,» dit
Vannka, qui descend de la soupente, penche
le pétrin et dit au pope: «Voilà ton affaire!»
Le pope se met à lapper dans le pétrin, que
Vannka pousse comme par inadvertance,
arrosant ainsi le pope avec la bouillie. Ce-
lui-ci, après avoir lappé à satiété, se recouche
et s'endort promptement. Pendant ce temps,
une vache fait le veau dans la cour et se


io4

CONTES SECRETS

met à mugir. La ménagère entend, arrive
dans la cour, prend le veau, l'apporte dans
la vacherie et le loge sur le poêle près du
pope; puis elle s'en va. Le pope s'éveille
pendant la nuit et sent qu'on le lèche avec
la langue, il met la main sur le veau et
éveille le Cosaque. «Que lui faut-il encore?
dit Vannka?» «Vannka! crie le pope, il y a
un petit veau sur le poêle avec moi, je ne
sais d'où il est venu? — Voilà encore une
invention! c'est toi qui as fait le veau et tu'
dis: Je ne sais d'où il est venu. — Mais
comment cela aurait-il pu avoir lieu? de-
mande le pope. — Voici comment: tu dois
fen souvenir, petit père; quand nous ra-
massions le foin, n'as-tu pas assez couru
après les vaches? Eh bien, maintenant tu
viens de faire un veau. — Vannka ! comment
faire pour que la popesse ne le sache pas?
— Donne-moi trois cents roubles, j'arran-
gerai tout, personne ne le saura!» Le pope
consent. «Écoute bien, dit le Cosaque au
pope, va-t-en maintenant tranquillement à
la maison, mais ôte tes bottes et mets mes
1 i p o v k i (chaussures d'écorce de tilleul). A
peine le pope est-il parti, que le Cosaque
se rend vers les maîtres de la maison. «Eh!
ânes que vous êtes ! vous ne savez donc pas


TRADUITS DU RUSSE IO5

que votre veau a mangé le pope ; il n'a laissé
que les bottes! accourez, allez voir.» Le
moujik enrayé promet trois cents roubles au
Cosaque afin qu'il arrange l'affaire de telle
sorte que personne n'en sache rien. Vannka
promet de tout arranger, prend l'argent,
monte à cheval et galope après le pope.
Il l'atteint et lui dit: «Petit père, le maître
de la maison veut conduire le jeune veau à
la popesse et lui dire que c'est toi qui l'as
fait!» Le pope est encore plus enrayé et
promet une centaine de roubles à Vannka:
«Seulement, dit-il, arrange tout sans bruit.
— Va-t-en chez toi, j'arrangerai tout!» dit le
Cosaque, qui retourne vers le moujik: «La
popesse sera certainement hors d'elle-même,
quand elle verra que le pope ne revient pas ;
il farrivera malheur!» Cette âme simple
lui donne encore cent roubles: «Seulement,
trompe la popesse et ne raconte l'histoire
à personne! — Bon! bon!» dit le Cosaque.
Il arrive à la paroisse, arrache au pope
l'argent qui lui a été promis, sort de chez
lui, se marie, vit à sa guise et devient riche.


io6

CONTES SECRETS

XXXIX
LE POPE ET LE PIÈGE
l y avait une fois dans un village un

lEjEI moujik, boucher de son métier. Il
tuait une bête, vendait la viande et conservait
les morceaux dans une grange. Seulement
à cette grange il y avait une fenêtre et par cette
fenêtre se glissaient chiens et chats, qui enle-
vaient la viande. Le moujik met donc une
trappe à la fenêtre; le chien du pope arrive
et tombe dans la trappe, où il est tué. Le
pope a regret de son chien; toutefois, comme
il n'y a rien à faire, il en achète un autre,
et se demande avec crainte: Comment
échappera-t-il à la trappe? Il songe, il
songe aux moyens de parer à ce malheur,
puis il rit en pensant au moujik et prend
une détermination: il vient à la grange,
abaisse sa culotte, monte sur la fenêtre et
ch • » dans la trappe. Mais la trappe, en se

détendant, pince le pope par les c.......

Celui-ci crie de toutes ses forces. Le mou-
jik accourt: «Ah, je f. •• ta mère! Quel

(Ecrit dans le gouvernement de Vologda.)


TRADUITS DU RUSSE 107

démon t'a poussé là? Il y allait tout droit,
la sotte engeancel» La foule arrive, on dé-
prend le pope comme on peut, mais il
s'était tant démené qu'il en mourut.

XL

LE POPE, LA POPESSE, LA FILLE DU POPE

ET L'OUVRIER

n pope se dispose à embaucher un
ouvrier; la popesse lui fait ses recom-

mandations: «Fais attention, pope, n'engage
pas un diseur de saletés; nous avons une
fille nubile ! — Bien, la mère, je n'engagerai
pas un diseur de saletés.» Le pope part,
suit son petit bonhomme de chemin; tout à
coup il se croise avec un jeune gars, qui va
à pied, tout bellement. «Bonjour, petit
père! — Bonjour, l'ami! Où vas-tu, sous la
conduite de Dieu ? — Je voudrais m'engager
comme travailleur. — Et moi, l'ami, je vais
chercher un ouvrier; engage-toi chez moi.
— Volontiers, petit père! — Seulement à
une condition, c'est que tu ne diras pas de


io8

CONTES SECRETS

sales grossièretés.* — Depuis que je suis au
monde, je n'ai jamais entendu, petit père,
des grossièretés de ce genre. — Alors, as*
sieds-toi près de moi, c'est un homme comme
toi qu'il me faut. Le pope voyageait avec
sa jument Voilà qu'il lui relève la queue
et montre à l'ouvrier avec son knout, le
c. de la bête: «Cela, l'ami, qu'est-ce?.—
C'est le c, petit père! — Ah, l'ami! je
n'ai pas besoin de pareils diseurs d'obscé-
nités ; va où tu voudras !» ** Le jeune garçon
voit qu'il a manqué son coup. Il n'y a rien
à faire: il descend du téléga et songe
comment il pourra ruser et duper le pope.
Il se jette de coté, dépasse le pope, court
en avant, retourne sa fourrure et vient de
nouveau à sa rencontre: «Bonjour, petit
père! — Bonjour, l'ami! Où vas-tu, sous la
conduite de Dieu? — Je vais, petit père,
m'engager comme ouvrier. — Et moi, l'ami,
je cherche un ouvrier; viens vivre chez moi.

* Variants: Des grossièreté» obscènes.
** Variants : Le jeune garçon répond tout bonne,
ment : au-dessus c'est le cul et plus bas c'est le c.. 1 —
Allons, ami, descends du téléga, et va-t-en pour ne
pas commettre de péché avec ta p ... ; je ne pourrais
pas vous laisser la popesse te toi dans la même izba:
elle déteste les diseurs d'obscénités.


TRADUITS DU RUSSE IOO

Seulement à une condition: c'est que tu né
diras pas de sales grossièretés. Celui de nous
qui dira des saletés, paiera cent roubles à
rautrer veux-tu? — Je veux bien, petit père;
je ne puis moi-même souffrir les diseurs de
saletés. — Allons, bon! assieds-toi à côté
de moi, Pami.» Le jeune garçon s'assied et
ils partent ensemble pour le village. Après
quelques tours de roue, le pope relève la
queue de la jument et montre le c. avec
son knout: «Cela, ami, qu'est-ce? — C'est
une prison, petit père! — Ah, mdn ami,
c'est un ouvrier comme toi que je cherchais.»
Le pope arrive à la maison, il entre dans
l'izba avec l'ouvrier, arrache la jupe de la
popesse, montre à l'ouvrier le c.. avec son
doigt: «Et cela, qu'est-ce, l'ami! — Je ne
sais pas, petit père: de ma vie je n'ai vu
quelque chose d'aussi enrayant ! — N'aie pas
peur, l'ami ! c'est aussi une prison.» Ensuite
il appelle sa fille, lui relève la jupe et montre
le c .. à l'ouvrier : «Et cela, qu'est-ce ? —
Une prison, petit père! — Non, l'ami, c'est
le cachot»* Ils soupent et se couchent

* Variante : Le pope arrive à l'isba arec l'ouvrier.
La popesse est assise sur le banc ; elle lève sa jupe,
écarte les jambes et dit à l'ouvrier : «Vois ce que j'ai


no

CONTES SECRETS

L'ouvrier monte sur le poêle, il ramasse
les chaussettes du pope, les met à sa p...,
les tient des deux mains et crie de tous ses
poumons: «Petit père! j'ai pris un voleur!
souffle vite le feu.» Le pope saute à bas
du lit, court dans l'izba comme un possédé,
«Ne le lâche pas, tiens-le bien! crie-t-il à
l'ouvrier. — Ne crains rien, il ne s'échappera
pas! «Le pope souffle le feu, s'approche du
poêle et voit l'ouvrier qui tient sa p... à
deux mains et les chaussettes ajustées sur
la p... «Le voilà, petit père; vois-tu, il a
volé toutes tes chaussettes; il faut le punir,
le brigand! — Est-ce que tu as perdu la
tête? demande le pope. — Non, petit père,
je n'aime pas montrer de l'indulgence pour
les voleurs; lève-toi, la mère! donne qu'on

là ?» L'ouvrier, comme s'il eût été effrayé, fait semblant
de se sauver de l'izba. Elle le saisit: «De quoi as-tu
peur, imbécile, il n'y a vraiment rien là d'enrayant.
Alors la fille du pope relève aussi sa jupe et demande à
l'ouvrier: «Et moi, qu'est-ce que j'ai là? «L'ouvrier tremble
de frayeur et regarde du côté de la cour. «Allons, dit
la popesse, nous ne t'effraierons pas plus longtemps,
mon petit pigeon ; mais souviens-toi de ce que je vais
te dire: entre mes jambes est la prison et entre les
jambes de ma fille le cachot : Celui qui se rend coupable
de vol ou de tout autre méfait, nous le logeons là • de-
dans !>


TRADUITS DU RUSSE

m

le mette en prison, le bandit!» La popesse
se lève, et l'ouvrier lui dit: «Mets-toi vite à
quatre pattes!» Il n'y avait rien à faire:
la popesse se met à quatre pattes, l'ouvrier
commence à la bourrer. Le pope voit que
cela va mal et dit: «Que fais-tu l'ami? tu
la f... ! — Ah, petit père, nous étions con-
venus de ne pas dire d'obscénités; tu me
dois cent roubles !» Le pope vide sa bourse;
l'ouvrier, ayant fini de f.... la popesse, prend
sa p... à deux mains et s'écrie : «Cela ne
suffit pas, canaille, de f avoir mis en prison,
je te mettrai encore au cachot Allons, ma
pigeonne, dit-il à la fille du pope, ouvre le
cachot!» Il la met aussi à quatre pattes et
commence à la bourrer à sa manière. La
popesse s'élance vers le pope: «Que regardes-
tu, petit père, il f... notre fille! — Tais-toi,
lui dit le pope; j'ai payé cent roubles pour
toi, veux-tu que j'en paye autant pour elle?
Non, qu'il fasse ce qu'il voudra, je ne dirai
rien.» L'ouvrier travailla on ne peut mieux
la fille du pope. Alors le pope le chassa
de sa maison.*

* Variants: L'ouvrier ruse: il vole une petite
-cuiller d'argent et la lie à sa p... avec un lien de tille.
La popesse cherche l'objet volé, lait tomber la culotte


112

CONTES SECRETS

XLI

LE COCHON DE LAIT

L était une fois dans un village un

Bail P°Pe> une tête à farine, qui avait une
fille si belle que c'était plaisir de la regar-
der. Ce pope embauche un ouvrier, garçon
robuste et hardi, qui passe chez lui un, deux,
trois mois. A cette époque, un enfant ar-
rive au monde chez un riche moujik dans
une campagne voisine. Le moujik invite le
pope à venir baptiser l'enfant: «Nous vous
le demandons en grâce, petit père, faites-

de l'ouvrier, voit la cuiller, se met à rire et s'écrie : «C'est
le diable qui t'a conseillé ! Je t'avais bien dit cependant
que pour vol on met en prison. — Et moi, petite mère,
je ne suis pas indulgent pour les voleurs ; pour une faute
pareille, il faut le mettre au cachot, le misérable !» Le
pope et la popesse voient où il veut en venir et lui
disent : «Pour la première fois, on peut lui pardonner. —
Vous pardonnez, dit l'ouvrier, mais moi je ne pardonne
pas. J'aurais bien vite une mauvaise réputation. Au
cachot, l'animal!» Le pope et la popesse cherchent à
le persuader, le prient, se prosternent devant lui, le
supplient de ne pas mettre le voleur dans le cachot de
la jeune fille et d'accepter cent roubles pour cette con-
cession. Là-dessus finit le conte.


TRADUITS DU RUSSE IIJ

flous le plaisir d'amener avec vous la petite
mère, sans faute!» La race d'église est
friande du bien des autres et toujours ré-
jouie d'un régal offert par autrui. Le pope
attelle donc la jument et part pour le bap-
tême avec la popesse; l'ouvrier reste à la
maison avec la fille du pope. L'ouvrier
avait envie de manger, et il se trouvait en
réserve, dans le four de Ja popesse, deux
cochons de lait rôtis. «Écoute ce que j'ai
à te proposer, dit-il à la fille du pope;
mangeons ces cochons de lait, pendant que
le pope et la popesse ne sont pas à la mai-
son!» C'est accepté! Il attrape de suite un
cochon de lait et ils le mangent à eux deux.
«Quant à l'autre, dit-il à la fille du pope,
laisse-moi le cacher sous ta jupe, ahn qu'on
ne le trouve pas, et plus tard nous le man-
gerons ensemble. Et quand le pope et la
popesse demanderont ce que sont devenus
les cochons, nous répondrons l'un comme
lfautre que le chat les a mangés! — Mab
comment le cacheras-tu sous ma jupe? —
C'est mon affaire, cela. Je sais comment
—* Bien! cache 1» Jl lui ordonne de se
mettre à quatre pattes, lui relève sa jupe
et lui cache son instrument dans le c..

Kçvnràâia. I. 8


ii4

CONTES SECRETS

«Ahl comme tu caches bien! dit la fille
du pope; mais comment le retirerai-jede là?
— Ce n'est pas difficile; tu l'attireras avec
de l'avoine et il sortira de luirmême.»
L'ouvrier la sert si consciencieusement, que
d'une seule fois elle devient enceinte. Sa
taille s'élargît, et quand il lui arrive de courir
un instant dans la cour, le petit enfant re-
mue dans son ventre: mais elle se dit alors:
c'est le cochon de lait; elle court sur le
perron, lève la jambe, répand elle-même de
l'avoine et l'appelle: tchouk, tchouk, tchouk!
Peut-être sortira-t-ill Le pope la voit un
jour faire ce manège et dit à la popesse:
Évidemment cette fille est enceinte, interro-
geons-la et sachons avec qui elle a succombé
à l'esprit malin?» Ils appellent leur fille:
«Annouchka, viens ici ! Qu'est-ce qui r*arrive?
comment se fait-il que tu sois enceinte?»
EJlle les regarde l'un après l'autre et se tait
«Que me demandent-ils là?» pense-t-elle.
«Allons, parle donc, comment se fait-il que
tu sois enceinte?» La fille se tait «Mais
parle donc, sotte! D'où vient que tu as le
ventre gonflé? — Ahl petite mère! j'ai un
cochon de lait dans le ventre, c'est l'ouvrier
qui l'y a fourré!» Le pope alors se frappa


TRADUITS DU RUSSE «5

le front, il courut vers l'ouvrier, mais la
piste de celui-ci était depuis longtemps re-
froidie.

* Variante: Ce pope avait une grande truie. Un
jour que le pope et la popesse étaient sortis, elle mit
bas onze petits cochons. La fille du pope dit: «Ah,
notre truie vient de mettre bas ! comme je voudrais
avoir des petits cochons!» L'ouvrier lui répond: «Eh
bien ? prenons-en un, nous le tuerons et nous le ferons
rôtir. — Mon père le saura! — Le diable s'en mêlerait
donc ! Qu'est-ce que le pope entend à cela ? Les truies
ne font pas toujours le même nombre de petits cochons:
tantôt elles en font 6, tantôt elles en font xo et plus!*
Ils prennent donc un petit cochon, le tuent, l'apprêtent,
le mettent dans la lèchefrite et le placent dans le four,
mais ils remplissent toute l'izba de fumée. Le petit
cochon commence à peine à rôtir, ils regardent dehors:
voilà que le diable ramèie le pope! Que faire? où
fourrer le petit cochon ? «Baisse la tête sur la fenêtre,
dit l'ouvrier à la fille du pope, et regarde si ton père
est encore loin ; pendant ce temps, je cacherai le petit
cochon.» Elle se baisse sur la fenêtre, l'ouvrier jette
le petit cochon sous la natte, lui - même il abaisse
sa culotte et relève la robe de la jeune fille. «Que
fais-tu ? — Je vais cacher ici le cochon de lait, personne
ne le trouvera.» Et il le lui fourre si bien, qu'elle gémit.
«Ah, comme tu me fais mal ! ne vas-tu pas jusqu'au
sang ? — Un peu de patience, et je finirai bien par le
cacher.» Le pope arrive: «Quelle odeur de charbon
dans cette izba? Il y avait sans doute des fumerons
dans le poêle, dit l'ouvrier ; voyez, votre fille est à demi

8*


n6

CONTES SECRETS

5fLII

LE PÈRE SPIRITUEL

e grand carême est arrivé : un moujik
doit aller se confesser au pope. Il -

enveloppe dans un sac une bûche de bou-
leau, il la lie avec une ficelle et va trouver
le pope. «Allons, parle, Pami, en quoi as-
tu péché ? Et que tiens-tu donc là ? — Cela,
petit pèrç, c'est un saumon blanc, je te l'ap-
porte comme hommage. — C'est une bonne
chose ! Il est gelé sans doute ? — Il est gelé
il est toujours resté dans le cellier. — Bon,
il se dégèlera! — Je suis venu, petit père,
me confesser: un jour, me tenant debout
pendant la messe, j'ai vessé. — Le beau

asphyxiée, elle a changé de visage 1» Depuis ce temps,
la fille du pope est enceinte, un petit enfant remue
dans son ventre, elle dit à l'ouvrier : «Tu sais ? ce
cochon de lait que tu m'as caché autrefois dans le
corps, il vit dans mon ventre ! — Est ce bien vrai i
Je le jure par Dieu I Et comme il remue ! — On peut
l'attirer dehors avec du pâté I» La fille du pope prend
un morceau de pâté, va dans la grange, s'approche du
téléga, lève la jambe gauche sur la roue et crie:
tchouk, tchouk, tchouk I ...


TRADUITS DU RUSSE WJ

péché ? moi-même à l'autel, un jour, j'ai
pété. Ce n'est rien, l'ami! va, que Dieu
soit avec toi!» Le pope se met à délier le
sac: il y trouve la bûche de bouleau: «Ah,
vesseur maudit! Où donc est ce saumon
blanc ? — Désires-tu une p..., grand pé-
teur?

XLIII

LE POPE ET LE MOUJIK

axs certain empire, dans certain
royaume, et, pour dire vrai, dans celui

que nous habitons, il était une fois un moujik,
qui avait une jeune femme. L'homme partit
pour s'embaucher comme ouvrier, et la
femme, enceinte, resta à la maison. Depuis
longtemps elle plaisait au pope, qui voulait,
ne fût-ce que pour s'intruire, ch... dans la
poche du moujik. Il attendait: la femme
vient le trouver pour la confession. «Bon-
jour, Maria! dit le pope. Où est ton homme
maintenant? — Il est parti pour travailler
au dehors, petit père! — Ah, le scélérat!
comment a-t-il pu ^abandonner? Il t'a com-


Il8 CONTES SECRETS

mencé un enfant, mais il ne Fa pas achevé.
Maintenant tu mettras au monde quelque
monstre, sans bras ou sans jambes et tu auras
une mauvaise renommée dans tout le district!»
La femme était très simple. «Que faut-il
que je fasse, mon petit père? Ne peut-on
remédier à ce malheur? — On peut y re-
médier: je le ferai pour toi, mais pour toi
seulement; quant à ton mari, pour rien au
monde je ne consentirais à lui venir en aide.
— Trouve un remède, petit père! supplie
la femme tout en larmes. — Eh bien, qu'il
en soit ainsi! j'achèverai ton enfant! viens
ce soir chez moi dans la grange. J'irai
donner la nourriture au bétail et je réparerai
la faute. — Merci, petit père!» La femme
vient le soir trouver le pope dans la grange.
«Allons, couche-toi, ma pigeonne, sur la
paille.» La femme se couche, écarte les
jambes ; le pope la pelote six fois et lui dit :
«Retourne chez toi sous la conduite de Dieu,
maintenant tout est pour la mieux.» La
femme fait la révérence au pope et le re-
mercie. Voici que le moujik revient au pays;
la femme est assise et fait la moue ; elle est
très irritée. «Pourquoi détournes-tu le mu-
seau? demande le moujik. Prends garde
que je ne te le frotte! — Va donc! tu ne


TRADUITS DU RUSSE IIO

sais que salir. Tu t'en vas de la maison et
tu me laisses un enfant inachevé. Heureuse-
ment que le pope a eu pitié de moi; il Ta
fini; sans cela je t'aurais mis au monde un
monstre.» Le moujik voit que le pope lui
a ch.. dans la poche: attends, pense-t-il, je
te roulerai à mon tour. L'époque arrive,
la femme accouche d'un petit garçon; le
moujik va chercher le pope pour le baptême.
Le pope vient, baptise l'enfant, s'assied à
table et boit un petit verre d'eau-de-vie.
«Quelle délicieuse eau-de-vie 1 dit-il au maître
de la maison. Envoie donc quelqu'un cher-
cher la popesse, afin qu'elle en boive. —
J'irai moi-même, petit père! — Va, l'ami!»
Le moujik va et invite la popesse. «Merci
de ne m'avoir pas oubliée ! je vais m'habiller
à l'instant,» dit la popesse. Elle se met à
s'apprêter, à s'habiller, elle pose sur le banc
ses boucles d'oreille en or et commence à
se laver. Au moment où elle mouille ses
yeux, le moujik prend et cache les boucles
d'oreille. Après s'être lavée, la popesse
cherche ses. boucles d'oreille ; elles ne sont
nulle part. «Ne serait-ce pas toi, petit mou-
jik, qui les aurait prises? demande-t-elle au
paysan. — Que dis-tu là, petite mère! J'ai
bien vu où elles se sont perdues, mais j'ai


wo CONTES SECRETS

honte de le dire. — Cela ne fak rien, d»î
— Tu t'es assise sur ce banc, petite mère!
et ton c.. les a avalées ! — N'y aurait-il pas
moyen de les tirer de là? — Cela est pos-
sible; j'essaierai pour te faire plaisir!» Il hn
relève sa jupe, l'enfile et commence à ht
pétrir; il fait l'affaire une fois, deux fois,
retire sa p... et pend au bout une boucle
4'oreille. «Voilà ce que je viens de retirer,
petite mère!» Il monte sur4a popesse en-
core deux fois et retire l'autre boucle d'o-
reille. «Tu es fatigué, pauvre garçon! mais
donne-toi encore un peu de peine: il y a
trois ans un petit chaudron en cuivre s'est
trouvé perdu chez nous, cherche donc s'il
ne serait pas là aussi!» Le moujik la tra-
vaille encore deux fois. «Non, petite mère,
on ne peut l'avoir! Le chaudron est là,
mais il est tourné sens dessus dessous : il n'y
a pas moyen de le saisir.» Cette affaire
achevée, la popesse arrive au baptême cher
le moujik et dit: «Eh bien, petit père, nous
nous sommes fait attendre? — En effet —
(s'adressant au moujik) C'est toi qu'il faudrait
envoyer chercher la mort! — Ne dis rien,
petit père I j'avais perdu mes boucles d'oreille;
je les avais posées sur le banc, puis je m'y
étais assise moi-même et mon c.. les avait


TRADUITS DU RUSSE 121

avalées: grâces soient rendues au moujik i
c'est lui qui me les a repêchées !» Le pope
entend et fait la moue; il est assis immo*
bile comme une chouette. Voilà, ma bru,
comme on se venge!*

(Autre version.)

Il y avait une fois un moujik avec sa
femme. Il eut besoin d'aller à Moscou. Que
foire? sa femme est enceinte, mais il a besoin
de partir. «Écoute, dit-il à sa femme; je
vais me rendre à Moscou; pendant mon
absence, vis modestement et dans l'absti-
nence.» Il dit et part. On était au grand
carême. La femme fait ses dévotions et va
près du pope pour se confesser. Elle était
bien de sa personne. La voilà en confession
et le pope lui dit: «Pourquoi ton ventre est-
il gonflé? — J'ai péché, petit père, j'étais

* Variante : La popesse part pour le baptême avec
lé moujik, elle descend en plein champ er pisse au véàt:
«He 'rajuste son affaire et veut se j laver les'Mains
dans la marre, elle ôte sorç anneau qt le pose à fcsfr^,
le moujik le prend et le cache. Le reste comme au
conte précédent : le moujik pêche l'anneau dans le c. .
de la popesse et le met au bout de sa p .. •


122 CONTES SECRETS

avec mon homme, je suis devenue enceinte
et maintenant il est parti pour Moscou. —
Comment, pour Moscou? — Oui, petit père 1
— Et restera-t-il longtemps? — Près d'une
année. — Ah, le scélérat! il fa commencé
un enfant et il ne Fa pas fini; c'est là un péché
mortel. Il n'y a qu'une chose à faire: je
suis ton père spirituel et mon devoir est
d'achever l'enfant, mais pour ma peine ap-
porte-moi trois pièces de toile! — Fais-moi
cette grâce divine, supplie la femme, délivre-
nous du péché mortel, finis l'enfant, et quand
il reviendra de Moscou, le bandit, je lui
arracherai les yeux. — Allons, je suis heureux
de te rendre service, et ce serait un péché
de te laisser porter un enfant jusqu'à son
arrivée.» Et la chose fut accomplie.

Mais le pope est marié et il a deux filles;
il craint que la popesse ne vienne à ap-
prendre ses fredaines. Bon! Le moujik ar-
rive de Moscou et sa femme a accouché
depuis longtemps. Il est à peine entré dans
l'izba, que la femme s'élance contre, lui :
«Ah, fils de chienne, brigand! tu m'avais or-
donné, de vivre dans l'abstinence, et tu
m'avais' commencé toi-même, avant de par-
tir, un enfant que tu n'avais pas fini! Heu-
reusement que le petit père le pope l'a


TRADUITS DU RUSSE 12$

achevé, sans cela que serais-je devenue?»
Le moujik comprend que son affaire n'est
pas brillante et il pense en lui - même : «At-
tends, je te bernerai comme un lourdaud à
longs cheveux.» Un jour, pendant Tété, le
prêtre était en train de dire la messe; sa
maison était tout près de l'église.. Le mou-
jik s'était apprêté pour aller dans la cam-
pagne, à son champ, mais il avait besoin
d'une herse; le pope en avait trois. Le
moujik vient trouver le pope à l'église et lui
demande une herse. Le pope, toujours
heureux «de lui être agréable, pour qu'il ne
dénonce pas ses fredaines à la popesse, se
garde bien de lui refuser cela et lui dit:
«Prends les trois. — Sans ton ordre, petit
père, on ne voudra pas me les donner; crie
par la fenêtre à la popesse qu'elle me les laisse
prendre toutes les trois. — Bien, l'ami, val»
Le moujik va trouver la popesse et lui dit:
«Petite mère ! le petit père vous ordonne de
me laisser prendre toutes les trois .... —
Est-ce que tu es fou, l'ami ? — Demande-le-
lui toi-même ; il vient de me le dire à l'ins-
tant» La popesse crie au pope: «Pope,
tu ordonnes de les donner au moujik? —
Oui,, oui, donnez-lui toutes les trois.» Il
n'y a rien à faire : elles se donnent au mou-


CONTES SECRETS

jik Time après l'autre; il commence par la
popesse, et il finit par la plus jeune 'des
filles, puis il s'en retourne chez lui. Le
pope est à peine de retour, au sortir de la
messe, que la popesse se met à l'injurier:
«Ah, démon! ah, butor! as-tu perdu la tête?
Souiller toutes tes filles ) n'était-ce pas assez
de moi seule, sans nous donner toutes les
trois?» Le pope saisit sa barbe et court
chez le moujik: «Je te traînerai .devant le
tribunal, tu as déshonoré mes filles! — Ne
t'emporte pas, petit père! dit le moujik, tu
aimes à finir les enfants des autres et tu
demandes encore des pièces de toile pour
ta peine; maintenant nous sommes quittes.»
Le pope se réconcilia avec le moujik et ils
vécurent grands amis.

(Autre version.)

Ce conte a une variante : on donne l'aven-
ture comme ayant eu lieu entre un neveu
et son oncle, qui avait imaginé d'achever
un enfant.**

Ivann songe au!moyen de rendre à l'oncle
Kouzma (Côme) l'affront qu'il en a reçu.
A ce moment, Kouzma n'était pas à la


traduits du russe

»5

maison, les femmes seules y étaient restées.
Vannka prend une corde, il attache une
vache par la corne et la promène à travers
le village. Sa tante l'aperçoit de la fenêtre
et dit: «Évidemment Vannka est tout à fait
ruiné; il promène sa dernière vache pour
la vendre* Belle-fille, va donc et demande-
lui où il conduit sa vache?» La bru court
et lui dit: «Où conduis-tu ta vache? — Je
me suis fâché avec ma femme, j'emmène la

vache; je la donnerai à qui se laissera f.....1

— Laisse-toi faire, belle-fille, dit la tante,
pour que la vache n'aille pas aux étrangers !»
La bru consent. «Conduis la vache dans la
cour!» crie-t-elle à Vannka; il conduit la vache
dans la cour et l'attache à une colonne; il
* couche la bru sur la paille, lui fait son affaire
comme il convient et veut lui coudre le c. • : il
tire du fil et une aiguille. La bru s'effraie
et.se sauve dans l'izba. «Eh bien, où est la
vache?» demande la belle-mère. La belle-
fille se tient à peine de pleurer : «Vas-y toi-
même t il m'a fait et refait l'affaire, et il
voulait encore me coudre le c.. : il est trop
large! disait-il* — Allons, va, toi, Matriochka!
dit la tante à sa fille, une vierge; tu ne
perdras pas ton honneur (pucelage) pour rien,
tu auras une vache!» Matriochka se rend


126

CONTES SECRETS

près de Vannka; il rétend sur la paille, la
travaille, puis tire son couteau. «Ah, vieille
diablesse! dit Vannka, est-ce pour se moquer
de moi qu'elle me l'a envoyée? ma p... est
toute déchirée jusqu'au sang. Elle a beau
être ma cousine germaine, je lui élargirai le
c..!» Matriochka est prise de frayeur et se
sauve dans l'izba. «Vas-y toi-même, vieille
sorcière! dit-elle à sa mère en pleurant; il
m'a fait horriblement mal et il voulait en-
core me l'élargir avec un couteau.» La vieille
dit: «Faudra-t-il donc que j'aille, moi, faire
l'amour à mon âge!» Elle va près de
Vannka: celui-ci la couche sur la paille et
se met à rire: «Chez moi aussi, dit-il, il y a
beaucoup de neige dans la cave à glace.»
Il tire un briquet et veut mettre le feu à la
paille. La vieille se sauve en appelant Dieu
à son secours et Vannka retourne chez lui
emmenant sa vache; il rencontre son oncle.
Ils se croisent: «Bonjour, petit oncle! —
Bonjour ! — Merci de ce qu'en mon absence
tu as tenu ma maison en ordre! Mais pour-
quoi n'as-tu plus de cheveux sur la tête ? —
Que faire? C'est Dieu qui l'a voulu. — Si
tu veux, je t'en ferai pousser, des cheveux;
il me suffira de chuchoter quelques mots
, dans ton bonnet, et ce sera fait!» Il prend


traduits du russe

127

le bonnet, va derrière un buisson, ch.. dans
lé couvre-chef, étend de l'herbe dessus et
le met sur la tête de Poncle: «Fais atten-
tion, oncle, porte-le pendant trois jours, ne
l'ôte pas!»

h t avait une fois un pope et une

BEI popesse; ils avaient deux filles. Le
pope engage un ouvrier. Au printemps, il
va faire un pèlerinage et auparavant donne
ses ordres à l'ouvrier: «Vois-tu, Parai, il
faut qu'à mon retour tout le potager ait
été bêché et les planches dressées. — J'en-
tends, petit père !» L'ouvrier bêche tant mal
que bien le potager au pieu, et s'amuse
pendant tout ce temps. Le pope revient,
va au potager avec la popesse et .voit que
rien n'a été fait. «Eh 1 l'ami, est-ce possible
que tu ne saches pas comment on bêche un
potager? — Assurément, je ne le sais pas!
si je le savais, je l'aurais fait. — Eh bien,
va dans la chambre, demande à mes filles

XLIV

LE POPE ET L'OUVRIER


CONTES SECRETS

qu'elles te donnent une pelle en fer, et je
te montrerai comment on bêche.» L'ouvrier
court à la chambre vers les filles: «Petites
maîtresses, le petit pere ordonne que vous
me donniez toutes deux ... — Quoi? — Vous

le savez bien vous-mêmes: à f.....!» Les

filles du pope l'injurient. «Il n'y a rien à
injurier! le petit père a ordonné que vous
me donniez cela tout de suite : il faut bêcher
les plates - bandes. Si vous ne me croyez
pas, demandez-le-lui vous-mêmes.» Une des
sœurs court à l'instant sur le perron et crie ;
«Petit père! vous avez ordonné de donner
cela à l'ouvrier ? — Donnez-lui vite cela, pour-
quoi le retenez-vous? — Allons, ma sœur!
dit' la jeune fille en revenant, il n'y a rien
à faire; il faut le lui donner: le petit père
l'ordonne. Alors elles se couchent toutes
les deux et l'ouvrier les expédie lestement
Ensuite il prend une pelle sous l'auvent et
court près du petit père dans le potager.
Le pope lui montre comment il faut bêcher
les plates-bandes, et lui-même revient dans
k chambre avec la popesse : mais que voit-
il? ses filles tout en pleurs.» Pourquoi pleu-
rez-vous? — Comment ne pleurerions-nous
pas, petit père ! tu as ordonné toi-même à
Fauvrier de se moquer de nous. — Comment


TRADUITS DU RUSSE i2q.

de se moquer ? — Tu as ordonné que nous
lui donnions cela ? — Eh bien, quoi ! j'ai or-
donné de lui donner une pelle. — Quelle
pelle? il nous a déshonorées toutes les deux,
il a pris notre virginité.» Quand le pope
entend cela, il entre dans une grand colère,
il saisit un pieu et court droit au potager.
L'ouvrier voit que le pope vient sur lui avec
un pieu. Mauvaise affaire! il jette sa pelle
et se sauve à toutes jambes. Le pope se
lance après lui, mais l'ouvrier est plus agile,
il disparaît aux yeux du pope. Celui-ci
cherche son ouvrier. Il va, et rencontre un
moujik. «Bonjour, l'ami l — Bonjour, petit
père ! — N'as-tu pas rencontré mon ouvrier ?
—- Je ne sais; un garçon a passé courant
rapidement. — C'est lui-même! viens avec
moi, petit moujik, aide-moi à le chercher,
je te paierai pour cela.» Ils vont ensemble ;
quelques pas plus loin ils rencontrent un
tsigane: «Bonjour, tsigane! dit le pope. —
Bonjour, petit père! — N'aurais-tu pas ren-
contré un garçon, tout à l'heure? — Oui,
petit père, il y en a un qui vient de passer
en courant devant moi.— C'est lui-même!
aide-nous à le chercher, je te paierai pour
cela: — Volontiers, petit père!» Ils vont à
eux trois. Mais l'ouvrier a couru au village,

Kçvtî Trifft'f. i. 9


130 CONTES SECRETS

il a mis d'autres vêtements et il vient lui-
même à la rencontre du pope. Le pope ne
le reconnaît pas et l'interroge: «Dis-moi,
l'ami! n'as - tu pas vu un moujik sur ton
chemin ? — J'en ai vu un, il courait dans le
village. — Allons, ami, aide-nous à le cher-
cher. — Volontiers, petit père !» Us vont
tous les quatre chercher l'ouvrier du pope,
ils entrent dans le village, ils marchent, ils
marchent jusqu'au soir: rien. 11 fait noir:
où passer la nuit? Ils arrivent à une izba
dans laquelle vivait une veuve, et demandent
à passer la nuit. La veuve répond : «Bonnes
gens!, il y aura cette nuit un déluge chez
moi! je vous en préviens, vous serez noyés.»
Pourtant elle ne les repousse pas, elle ne
peut pas les repousser et elle les laisse
entrer pour la nuit. Mais son amant avait
promis de venir la voir cette nuit-là. Ils
entrent donc dans l'izba et se couchent Le
pope pense qu'en effet il pourrait bien y
avoir un déluge; il prend une grande auge,
la place sur un rayon et se couche dans
cette auge: s'il y a un déluge, pense-t-il en
lui-même, je surnagerai dans l'auge. Le
tsigane se couche sur le foyer, la tête dans
la cendre; le moujik se couche sur le banc
(derrière la table, et l'ouvrier 4u pope sur


traduits du russe 131

l'escabeau, devant la fenêtre elle-même. Ils
sont à peine couchés, qu'ils dorment tous
d'un profond sommeil; seul, l'ouvrier du
pope ne dort pas; il entend l'amant de la
maîtresse de la maison venir sous la fenêtre
et frapper: «Ouvre, chère amie.» L'ouvrier
se lève, ouvre et dit tout bas: «Ah, cher
ami I tu viens dans un mauvais moment Des
étrangers sont chez moi pour y passer la
nuit; reviens la nuit prochaine. — Allons,
chérie! dit l'amoureux, penche-toi à la
fenêtre, que nous puissions nous embrasser!»
L'ouvrier tourne son derrière du côté de
la fenêtre et avance son cul, l'amoureux l'em-
brasse avec délices. «Allons, adieu, chérie!
porte-toi bien! je reviendrai la nuit prochaine.
— Reviens, mon amour! je t'attendrai, et
comme adieu, mon chéri, donne-moi ta p...,
que je la tienne quelques instants dans mes
mains, cela me distraira un peu.» Il tire sa
p... de son caleçon et la présente à la
fenêtre : «Tiens, ma chérie, amuse-toi !» L'ou-
vrier prend la p... dans la main, la caresse,
la caresse, tire son couteau de sa poche et
ha coupe du même coup la p... et les

c....... L'amoureux pousse un grand cri

et se sauve chez kd. L'ouvrier ferme la
fenêtre, s'assied sur le banc et feit du bruit

9*


132

avec sa bouche, comme s'il mangeait. Le
moujik l'entend, s'éveille et lui dit: «Que
manges-tu, camarade? — J'ai trouvé sur la
table un morceau de saucisson, mais je ne
peux pas en venir à bout: il est cru! —
Cela ne fait rien qu'il soit cru, camarade;
donne-m'en donc un morceau pour essayer.
— Eh, l'ami, je n'en ai pas beaucoup! mais
tiens, voilà le bout, mange!» et il lui donne
la p... coupée. Le moujik se met à mâcher
le saucisson avec grand appétit; il mâche,
il mâche, mais il ne peut l'avaler et dit:
«Qu'en faire, camarade? impossible de le
manger: il est si dur! —- Mets-le dans le
poêle, fais-le rôtir, et alors tu le mangeras.»
Le moujik se lève, va vers le poè'le et fourre
le saucisson droit entre les dents du tsigane ;
il le tient, le tient longtemps là et essaie:
«Non, dit-il, le saucisson n'est pas attendri,
le feu n'y a rien fait. — Cesse donc de te dé-
mener avec ce morceau ; la maîtresse de la
maison entendra et elle grondera. Tu as
tout éparpillé le feu dans le poè'le; voyons,
arrose-le d'eau, ahn que la ménagère ne
s'aperçoive de rien. — Mais où prendre de
l'eau ? — Pisse dessus ! Mieux vaut éteindre
le feu, que de sortir dans la cour.» Le
moujik avait une grande envie de pisser et


133

il pisse droit sur la figure du tsigane. Quand
le tsigane sent que Peau, venant on ne sait
d'où, lui tombe directement dans la bouche,
il se dit: le déluge est arrivé, et il se met
à crier de toute la force de ses poumons:
«Eh! petit père, le déluge, le déluge!» Le
pope entend la voix du tsigane, et, à moitié
endormi, il veut se lancer avec l'auge directe-
ment dans l'eau, mais il tombe lourdement
sur le sol et se brise toutes les côtes. «Ah,
mon Dieu! crie-f-il, quand un enfant tombe,
le Seigneur place un coussin sous lui, mais
quand c'est un vieillard qui tombe, le diable
place sous lui une herse. Me voilà tout
brisé! Je ne retrouverai certainement pas
mon brigand d'ouvrier.» L'ouvrier lui dit:
«Ne le cherche plus, crois-moi! va-t-enchez
toi, que Dieu t'accompagne! cela vaudra
mieux pour ta santé!»

(Autre version.)

Un pope avait engagé un ouvrier. Un
jour, de grand matin, le pppe dit à l'ouvrier :
«Nous allons déjeuner et nous irons battre
le blé sur Paire.» Ils s'asseyent pour dé-
jeuner; ils mangent je ne sais quoi, puis la


»34

popesse apporte trois œufs, deux pour le
pope, un pour l'ouvrier. Ils vont battre sur
l'aire; ils prennent leurs fléaus et com-
mencent le travail: le pope frappe deux
coups de fléau, et l'ouvrier un coup; le pope
deux coups, et l'ouvrier un coup. Le pope
voit que l'ouvrier lui laisse le travail, il se
met en colère et lui dit: «Est-ce que tu te
moques de moi, l'ami! hein? Je bats comme
il convient de battre, et toi, tu ne suis pas.
Je donne -deux coups de fléau, pendant que
tu n'en donnes qu'un. — Écoute, petit père,
lui dit l'ouvrier, quand nous avons déjeune,
tu as mangé deux œufs, et moi un; voilà
pourquoi j'ai moins de forces que toi! —
Pourquoi, l'ami, ne m'as-tu pas dit cela plus
tôt? j'aurais ordonné à la petite mère de te
donner un autre œuf. Retourne à l'izba et
dis à la petite mère qu'elle te donne encore
un œuf, mange-le et reviens.» L'ouvrier
jette son fléau, court à l'izba et dit à la po-
pesse : «Petite mère, le pope a ordonné que
tu me donnes ... — Que je te donne quoi ?

— Tu le devines bien: évidemment à f.....I

Seulement donne vite, le petit père m'a or-
donné de me hâter. — Voyons, maudit, as-
tu perdu la tête? Tu dis des choses! —
Eh bien, demande toi-même au pope si je


TRADUITS DU RUSSE

135

men&» La popesse sort dans la cour et
crie* «Écoute, petit père! Tu ordonnes de
le donner à l'ouvrier? — Tu ne Je lui as
pas encore donné! lui crie le pope; donne-
le-lui au plus vite et renvoie-le ; qu'il vienne
battre le blé.» La popesse rentre dans l'izba.
«Allons, tu as raison! dit-elle à l'ouvrier, et
elle se couche sur le banc derrière la table.
L'ouvrier lui monte dessus, l'expédie vive-
ment, se hâte de sortir et afin que le pope
ne le surprenne pas, il sort dans la cour et
s'éloigne du pope à toutes jambes. Le
pope bat le blé, bat le blé et se dit: qu'est-
ce que cela veut dire? pourquoi l'ouvrier
n'est-il pas encore revenu ? j'irai le chercher.
U revient à l'izba et demande à la popesse:
«Où est l'ouvrier ? — Quand il a eu fini sa
besogne, il est sorti. — Quoi, quoi! de-
mande le pope, qu'est-ce qu'il a fait avec
toi? — Ce que tu lui as ordonné, il l'a fait:

il m'a f.....» Le pope arrache ses longs

cheveux et injurie la popesse : «Ah, maudite

p.....!» Il attelle aussitôt le cheval et part

à la poursuite de l'ouvrier. Celui-ci le voit
venir, il prend de la boue, s'en barbouille
et vient lui-même à la rencontre du pope:
«Bonjour, petit père! — Bonjour, l'ami! —
Où vas-tu? — Je cherche mon ouvrier. —


136 contes secrets

Prends-moi avec toi. — Qui es-tu ? — <jriaz-
noff (le boueux). — Volontiers, monte.» Us
vont à eux deux; ils rencontrent un tsigane,
qui est aussi invité à monter avec eux* Üs
vont à eux trois et la nuit les atteint. Ils
arrivent à une petite rivière, sur le bord de
laquelle ils voient une petite izba; dans cette
izba vivait une veuve, et son amoureux était
venu passer la nuit avec elle. Hs lui deman-
dent à entrer pour la nuit dans son izba; eue
refuse de les recevoir: «Impossible! dit-elle.
Cette nuit mon izba sera remplie d'eau et
tous ceux qui y dormiront seront noyés!
— Cela ne fait rien ; nous nous en tirerons
alors comme nous pourrons.» Il n'y avait
rien à faire, elle les laisse passer la nuit chez
elle. Le pope se couche dans la soupente:
«Ici, pense-t-il, je suis élevé; peut-être l'eau
ne montera - t-eile pas jusqu'à moi!» Le
tsigane pend une auge au plafond, se couche
dedans et prend son couteau. «Quand l'eau
viendra, pense-t-il, je couperai la corde et
je surnagerai dans Tauge«» La maîtresse
de la maison se couche sur le poêle, mais
l'ouvrier comprend l'affaire de la maîtresse
du logis et se couche devant la fenêtre. «Que
l'eau vienne! on ne meurt qu'une fois!»
Voilà que pendant la nuit il entend qu'on


traduits du russe 137

frappe contre la fenêtre. «Qui est là? —
C'est moi, dit l'amoureux. — Eh bien, as-
tu apporté quelque chose? — J'ai apporté
une demi-bouteille d'eau-de-vie et du sau-
cisson. — Voyons, donne!» L'amoureux
donne. L'ouvrier prend et dit: «Je ne puis
absolument pas te recevoir maintenant, parce
que j'ai des locataires pour la nuit. Mais
je voudrais, pour m'amuser, tenir ta p...
dans mes mains; cela me consolera tou-
jours un peu !» Le galant tire sa p... de sa
culotte, l'ouvrier la saisit solidement d'une
main, de l'autre il cherche: n'y aura-t-il pas
là un bâton pour l'en régaler ! Par bonheur
sa main tombe sur un couteau. Il le châtre
avec ce couteau, et l'autre reste comme abruti,
sans p... ; il voit que c'est une mauvaise
affaire et se sauve chez lui. L'ouvrier saisit
aussitôt la demi-bouteille d'eau-de-vie, boit
et mange du saucisson. Mais les popes ont
l'oreille fine pour ces choses-là: le pope
s'éveille et crie: «Griaznoff! que manges-tu?
— Du saucisson. — Donne m'en!» Il lui
donne la p... coupée. Le pope nraâche,
mâche, et la lui rend: «C'est trop dur, dit-
il. — Cela n'est pas encore assez cuit!» En-
suite ils s'endorment tous. L'ouvrier imagine
encore de se moquer d'eux: il monte dans


138

CONTES SECRETS

la soupente et pisse droit dans la bouche
du pope. Celui-ci crie: «l'eau, l'eau!» et se
jette en bas la tête la première. Le tsigane
voit que le pope s'est précipité en bas, il
coupe aussitôt la corde avec son couteau,
plonge avec l'auge et se brise sur le soL ils
se sauvent clopin-clopant! L'ouvrier est en-
core en tête-à-tête avec la maîtresse du loges**

* Variante : Un bottier sait son chemin, on tailleur
le rejoint et loi dit: «Bonjour, qne la paix soit sur ta
route 1 — Bonjour 1 — Ne pourrait-on pas se joindre à
toi comme compagnon ? — Bien I Allons.» Ils vont en-
semble. Ils rencontrent un Allemand: «Bonjour, que la
paix soit avec vous, frères I Voules-vous de moi comme
compagnon ? — Comment serions-nous tes compagnons :
nous sommes Russes et tu es Allemand I — Permettes-
moi de voyager avec vous, camarades ! — Allons, viens J»
(Le reste de l'histoire est le même : ils s'arrêtent pour
passer la nuit chez une veuve : le bottier se couche
devant la fenêtre, bien que la veuve ne voulût pas lui
laisser prendre cette place, le tailleur sur le poêle et
l'Allemand dans une auge suspendue au plafond. Ar-
rive le galant : «Donne, ma chérie, qu'au moins je t'em-
brasse !» Le bottier lui tend son cul. Il l'embrasse et
dit: «Comme elle a le museau large I Donne que je
t'embrasse encore.» Le bottier avance de nouveau son
cul, mais le galant a trouvé un maillet et il l'en frappe
sur le cul : «Ah ! je f... sa mère I il m'a joliment em-
brassé!» Le bottier pisse juste dans la bouche de
l'Allemand ; celui-ci tombe à terre, «Il est rusé, l'Alle-
mand, dit le bottier, mais nous l'avons mis dedans.»


TRADUITS DU RUSSE

139

XLV

LA FAMILLE DU POPE ET L'OUVRIER

ans certain empire, dans notre royaume,

mSLÊi il était une fois un pope et une po-
pesse ; ils avaient avec eux trois filles et un
ouvrier. Cet ouvrier se dit un jour: com-
ment faire pour avoir les filles du pope.
Le leur demander sans détour, il n'ose
pas; il attend un jour de fête, prend un
chaudron/va dans la grange, verse de Peau
dans le chaudron, allume le feu et fait
bouillir Peau. Le pope revient de la messe
et se met à dîner avec sa femme et ses
filles: «Où est l'ouvrier, demande-t-il? —
Dans la grange, dit la popesse, il fait je ne
sais quoi depuis le matin. — Impies, com-
ment avez-vous pu l'envoyer travailler un
jour de fête comme aujourd'hui? — Nous
ne Pavons pas envoyé ; il y est allé lui-même.
— Va le chercher, dit le pope à la fille
aînée; qu'il vienne dîner!» La fille du pope
court à la grange, s'approche et lui dit:
«Que fais-tu bouillir, ouvrier? — Des con-
fitures! — Donne que j'en goûte! — Donne
que je te f.... !» La fille du pope retrousse


I40 CONTES SECRETS

sa jupe, l'ouvrier la f...; quand il a fini, il
lui donne à goûter les confitures. Elle goûte :
«C'est de l'eau,» dit-elle, et elle s'en va. Elle
arrive dans l'izba : «Eh bien, l'ouvrier vient-
il? — Il fait je ne sais quoi! — Sotte!
J'avais ordonné qu'il mît tout de côté et
qu'il vînt dîner. Va, toi, dit le pope à la
sœur puînée; fais-le venir ici!» La sœur
puînée court: «Que fais-tu bouillir, ouvrier!
lui demande-t-elle? — Des confitures! —
Donne que je les goûte! — Donne que je te

f____un coup !» Il la travaille et lui donne

ensuite à goûter: «C'est de l'eau pure,» dit-
elle, et elle se sauve. «Où est l'ouvrier ? de-
mande le pope. — Il ne viendra pas. Il est
tout occupé de je ne sais quoi!» Le pope
envoie la cadette. Elle arrive dans la grange
et demande à son tour : «Que fais-tu bouillir,
ouvrier? — Des confitures! — Donne que
j'en goûte! — Donne que je te f.... un

petit coup!» La jeune fille se laisse f.....

un petit coup, goûte l'eau et revient dans
l'izba. Le pope se met en colère et dit:
«Vous êtes toutes des sottes! Va, toi, po-
pesse! appelle-le! qu'il vienne tout de suite!»
La popesse arrive dans la grange: «Que
fais-tu bouillir, ouvrier? — Des confitures!
— Donne que je les goûte, laisse-moi les


TRADUITS DU RUSSE 141

goûter un peu ! — Donne que je te f____!

La popesse fait des façons, mais il ne laisse
pas ainsi gratuitement goûter les confitures,
et comme la popesse a une grande envie de

savoir ce qui bout, elle se laisse f....., puis

elle goûte l'eau. «Eh bien, petite mère !
sont-elles bonnes, mes confitures?» Ils ver-
sent ensemble l'eau et vont dîner. «Pour-
quoi, imbécile, t'es-tu fait prier si longtemps ?
C'est un péché de travailler aujourd'hui!
lui dit le pope.» Pendant le dîner, on ap-
porte un pâté, le pope le partage et en donne
une part à chacun. La popesse donne sa
part à l'ouvrier: «Voilà ma part, ouvrier,
pour ce que tu m'as fait tantôt!» Les filles,
après avoir regardé leur mère, donnent aussi
leurs parts à l'ouvrier: «Voilà, ouvrier, pour
ce que tu nous as fait tantôt.» Le pope re-
garde, regarde, et lui aussi: «Voilà ma part,
ouvrier, pour ce que tu m'as fait tantôt. * —
Est-ce que, par hasard, l'ouvrier t'aurait

f____? demande la popesse. — Est-ce que,

par hasard, il vous a f......, vous?» La po-
pesse et ses filles s'écrient d'une seule voix:
«Comment donc! Certainement, il nous a
f......î» Le pope se fâcha et chassa l'ouvrier.

* Vaxiantb : tpoar tes confiture*».


14»

XLVI

LE PEIGNE

ffPfc vieux achète une pelisse de mouton
m31 à sa vieille et il la f... toute la nuit
au pied de la clôture; le matin le temps est
humide; la vieille, le dos voûté, va pleurant,
mais le vieux la suit et monte sur sa femme.
La vieille dit à son vieux: «Ne me déchire
pas ainsi, Gavrila (Gabriel) !» Mais le vieux
a l'oreille dure, il n'entend pas ce qu'elle
dit, il lui pousse sa p... et la f... jusqu'à
la faire ch... L'œil n'est jamais fatigué de
voir, le cul de vesser, le nez de prendre du
tabac, le c... ne se lasse jamais d'un bon

f...... Cela a beau lui cuire, le gredin

n'est jamais content! Ceci est un prélude,
un avant-conte.

Il y avait une fois un pope. Ce pope
avait une fille, une vierge ingénue. L'été
vient, le pope loue des ouvriers pour faucher
le foin, et il les loue à la condition suivante:
Si sa fille pisse par-dessus la meule défont
que l'ouvrier aura fauchée, celui-ci ne sera
pas payé de son travail. Beaucoup d'ouvriers
s'engagent chez lui, mais tous travaillent


traduits du russe

143

gratuitement pour le pope : la jeune popesse,
quelle que soit la meule, pisse par-dessus.
Un ouvrier hardi accepte la condition : si la
fille du pope pisse par-dessus la meule de
foin qu'il aura fauchée, il ne touchera rien
pour son travail. L'ouvrier fauche donc le
foin; quand il l'a fauché, il le met en tas,
se couche au pied de la meule, tire sa p...
de son caleçon et se met à la caresser. La
fille du pope s'approche de l'ouvrier pour
examiner la meule, elle jette un regard sur
lui et lui dit : «Que fais-tu donc, petit moujik !
— Je frotte mon peigne» — Que peignes-tu
avec- ce peigne? *— Viens, je te peignerai!
couche-toi sur le foin.» La fille du pope
se couche sur le foin, il commence à la
peigner et l'évente comme il convient* La

* Variants: Dans un village, sur la terre vis-à-vis
le ciel, il y avait Une fois un pope, Strach, qui avait des
trous à sa souquenille ; il n'avait pas plus de malice
qu'il ne faut, et sa famille se composait de trois per-
sonnes : lui, sa fille Catherine et un ouvrier. Un jouir
que la fille du pope chauffait le four et que l'ouvrier
ae tenait devant le feu, sa p... se dresse et soulève sa
chemise. La fille du pope voit cela: «Quelle écorce
pousse donc là sous ta chemise ? lui demande-t-elle. —
Ah, petite maltresse ! ce n'est pas de l'écorce, c'est un
peigne. — Quel peigne ? Ne pourrais-tu pas me peigner


i44

jeune fille se relève et dit: «Quel délicieux
peigne)» Ensuite elle essaie de pisser par-
dessus la meule: mais non, cela ne va pas;
elle ne fait que pisser sur elle-même, comme
si cela coulait d'un tamis! Elle va trouver
son père et lui dit: «La meule est très-
grande, je n'ai pu pisser par-dessus ! — Ah !
ma fille ! c'est bien certainement un très bon
ouvrier! je l'engagerai pour Tannée.» Dès
que l'ouvrier rentre pour recevoir son paie-
ment, le pope lui dit: «Engage-toi, Pami,
pour l'année! — Je veux bien, petit père!»
il s'engage chez le pope. Et la fille du pope
est si contente de lui ! Elle vient* le trouver
la nuit et lui dit: «Peigne-moi! — Non, jé
ne te peignerai pas gratuitement; apporte
cent roubles, achète le peigne!» La fille du
pope lui apporte cent roubles et il la peigne
chaque nuit. A quelque temps de là, l'ou-
vrier se querelle avec le pope et lui dit:
«Règle mon compte, petit père!» On lui

une fois avec ce peigne-là ? — Ah, comme tu as l'oeil
envieux, petite maîtresse t Tout ce que tu vois, tu le
demandes.» Et l'ouvrier commence à peigner la fille du
pope, et, depuis cette époque, il la peigna jusqu'au mo-
ment où son ventre, lui monta jusque sous le nez ; alors
l'ouvrier fit son compte avec le pope et se sauva de
chez lui. i ' 1


TRADUITS DU RUSSE 145

règle son compte et il s'en va. La fille du
pope était absente à ce moment là, elle
rentre à la maison: «Où est l'ouvrier? —
Il a demandé son compte et il est parti de
suite pour le village, dit le pope. — Ah,
petit père! qu'as-tu fait? il a emporté mon
peigne.» Elle s'élance à sa poursuite et le
rejoint près d'une petite rivière; l'ouvrier a
retroussé son caleçon et il la passe à gué.
«Rends-moi mon peigne!» lui crie la fille
du pope. L'ouvrier prend une pierre et la
jette dans l'eau: «Ramasse-le!» dit-il. Il
passe de l'autre côté et s'en va. La fille
du pope retrousse sa jupe, entre dans l'eau
et cherche le peigne. Elle fouille le fond:
pas <le peigne ! Vient à passer un seigneur,
qui lui crie: «Que cherches-tu, ma pigeonne?
— Mon peigne ! Je l'ai acheté à un ouvrier
pour cent roubles ; en s'en allant, il l'a em-
porté ; je l'ai poursuivi, et il a jeté le peigne
dans l'eau.» Le seigneur descend de son
britchka, ôte sa culotte et entre dans l'eau
pour chercher le peigne. Ils cherchent, ils
cherchent à eux deux. Tout à coup la fille
du pope s'aperçoit qu'une p... pend entre
les jambes du seigneur; elle la saisit des
deux mains, la serre et crie : «Ah, seigneur !
voilà qui est honteux de ta part ; c'est mon

KçvnTafiia. i. 10


146 CONTES SECRETS

* Variants: La fille du pope cherche le peigne
dans la rivière. Arrive un pope, qui fouille avec «lie
au fond de l'eau ; il a relevé sa souquenille, et son cale-
çon, il l'a déjà laissé sur la berge; la jeune fille aperçoit
sa p... et crie» «Petit père! rends.moi mon peigne!»
Le pope se jette de ci, de là, mais elle répète contï-
ateltement : «Rends-moi mon peigne !•

peigne, rends-le-moi!* — Que fais-tu, éhon-
tée? Laisse-moi ! dit le seigneur. — Non, c'est
toi qui n'as pas de honte! tu veux prendre
le bien d'autruL Rends-moi mon peigne!»
et elle le traîne par la p... vers son père.
Le pope regarde par la fenêtre: sa fille
traîne un seigneur par la p... et ne cesse de
répéter: «Rends-moi mon peigne, coquin!»
et le seigneur lui crie d'un ton plaintif:
«Petit père! délivre-moi d'une mort im-
méritée ! Je ne t'oublierai de ma vie.» Que
faire ? Le pope tire de son caleçon sa p...
de pope, il la montre à sa fille par la fenêtre
et lui crie: «Ma fille, eh! ma fille! le voilà
ton peigne! — Vraiment, c'est le mien! dit
la fille, voyez comme il a le bout rouge! je
croyais que le seigneur Pavait pris!» Elle
lâche aussitôt ce dernier et accourt dans
l'izba. Le seigneur tire ses chausses, et
montre les talons. La jeune fille était entrée
en courant dans l'izba. «Où est mon peigne,


TRADUITS DU RUSSE 147

petit père? — Ah, quelle fille! dit le pope
en grondant; vois donc, petite mère, je crois
qu'elle n'a plus son honneur (pucelage)! —
Assez, petit père! dit la popesse, examine
toi-même, cela vaudra mieux.» Le pope
met bas son caleçon et donne le peigne à
sa fille: quand on en est à l'action, le pope
hennit et crîe: «Non, non, la fille n'a pas

perdu son honneur .....» La popesse lui

dit: «Petit père! pousse-lui l'honneur plus
avant. — Ne crains rien, petite mère! elle
ne le laissera pas tomber, je l'ai poussé loin !»
La fille est encore jeune et elle ne sait pas
lever les jambes en les ramassant. «Replie
encore plus, ma fille, replie encore plus!»
crie la popesse. Mais le pope: «Ah, petite
mère! elle est tellement ramassée que ce
n'est plus qu'une boule!» Ainsi passa au
peigne la fille du pope. Depuis ce temps, le
pope les peigne toutes les deux, il les régale
de sa petite poupée, depuis ce temps il
passe sa vie à f.....la fille et la mère.

10*


148

CONTES SECRETS

;

XLVII

POUSSE LA CHALEUR

l était une fois un moujik qui avait
trois fils : les deux premiers intelligents,
le troisième, benêt. Il leur dit un jour:
«Mes chers enfants ! avec quoi me nourrirez-
vous dans ma vieillesse?» Les deux frères
aînés répondirent: avec le produit du tra-
vail ; le sot répondit sottement : «Avec quoi
pourait-on mieux te/nourrir qu'avec la p... ?»
Le jour suivant, l'aîné prend sa faulx et va
faucher le foin ; il suit la route et fait la
rencontre du pope. «Où vas-tu? demande
le pope. —- Je cherche du travail, du foin
à faucher. — Viens chez moi, seulement à
une condition: je te donnerai cent roubles,
si ma fille ne pisse pas par-dessus ce que
tu auras fauché en un jour; si elle pisse
par-dessus, je ne te paierai pas un kopek.*
— Comment pourrait-elle pisser par-dessus ?»
pense le gars, et il accepte la condition. Le
pope le conduit au pré : «Fauche là, lui dit-
il !» Le garçon commence aussitôt à faucher,

* Comparer avec le n<». XLVI.


TRADUITS DU RUSSE 149

et le soir il en a fauché un tel monceau,
que c'est effrayant à voir. Mais la fille du
pope vient et pisse par-dessus. L'ouvrier
rentre à la maison, sans beaucoup de sel à
mettre sur son pain. La même chose arrive
au puîné des trois frères. Vient le tour du
benêt. «Laissez-moi aller, dit-il, je cher-
cherai à travailler avec ma p...» Il prend
sa faulx et sort; il rencontre le même pope,
et celui-ci lui offre du travail à la même
condition. Le benêt se met à faucher; il
fauche une ligne, laisse tomber son caleçon
et se met à quatre pattes. La fille aînée
du pope arrive en ce moment et lui dit:
«Ouvrier, pourquoi ne fauches-tu pas? — Je
t'en prie, laisse-moi pousser de la chaleur
dans mon cul, pour qu'il ne gèle pas pen-
dant l'hiver. — Pousse-moi aussi de la cha-
leur, je t'en prie: quand nous allons en
visite pendant l'hiver, nous nous refroidissons
toujours. — Mets-toi à quatre pattes ; on ne
pousse pas de la chaleur autrement!» Elle
se met à quatre pattes et le benêt caresse
son chasse-mouche, le lui enfonce dans le
c... et lui pousse de la chaleur: il lui en
pousse si longtemps qu'elle en sue à grosses
gouttes. Quand c'est fait, il lui dit: «Allons,
tu en as assez, cela suffira pour un hiver!»


ISO CONTES SECRETS

Elle court à la maison et dit à ses deux
sœurs: «Ah, chères petites sœurs! comme
l'ouvrier m'a délicieusement poussé de la
chaleur dans le cul, les gouttes de sueur
nous en tombaient, à lui et à moi!» Celles-
ci s'empressent d'y aller à leur tour : le benêt
leur pousse à elles aussi de la chaleur pour
l'hiver. Quant au foin, il n'en fauche qu'une
très petite quantité, en tout trois lignes. Le
pope arrive avec sa fille aînée et fait le
hâbleur: «Ouvrier, ce que tu as de mieux
à faire, c'est de t'en aller au plus tôt chez
toi; ma fille n'aura pas de peine à pisser
par-dessus cela ! — Nous verrons !» Le pope
ordonne à sa fille de pisser; elle relève sa jupe
comme pour pisser en haut, mais elle pisse
droit dans ses bas. «Tu vois! dit le benêt;
tu n'es qu'un hâbleur.» Le pope, mécontent,
envoie chercher ses deux plus jeunes filles:
«Si celles-ci ne pissent pas par-dessus, dit-il,
je te donne cent roubles pour chacune! —
Bon!» Mais et la puînée et la plus jeune
des filles du pope ne peuvent que pisser sur
elles-mêmes. Le benêt tire du pope trois
cents roubles, revient vers son père et dit:
«Voilà le travail de la p... ! Voyez que
d'argent!»


TRADUITS DU RUSSE

*5»

XLVIII

LES OBSÈQUES DU CHIEN (OU DU BOUC)
WKJL était une fois un moujik qui avait

BB un chien. Le moujik se fâche contre
son chien, le prend, le conduit au bois et
Pattache à un chêne. Le chien se met à
fouiller la terre avec ses pattes; il creuse"au
pied du chêne de telle sorte, que le vent
renverse l'arbre. Le jour suivant, le moujik
vient au bois et pense à aller voir ce que
fait son chien; il se rend à la place où il
l'a attaché et regarde : le chêne est renversé
et sous le chêne se trouve un grand chaudron
plein d'or. Le moujik est tout joyeux; il
court chez lui, attelle son cheval et revient
au bois. Il ramasse tout l'argent et met le
chien dans la voiture. De retour à la mai-
son, il dit aux femmes: «Faites attention,
ayez toutes sortes d'égards pour le chien!
Si vous ne vous occupez pas de lui, si vous
ne le nourrissez pas comme il faut, je vous
arrangerai à ma façon !» Les femmes nour-
rissent le chien à la viande de boucherie,
elles lui font un lit douillet, elle le dorlotent
de toutes les façons. Le maître de la mai-


152

CONTES SECRETS

son n'a plus confiance en personne qu'en
son chien, il ne va nulle part qu'il ne pende
les clefs au cou de son chien. Le chien
vit, tombe malade, puis crève. Le moujik
imagine d'enterrer le chien avec toutes les
cérémonies: il prend cinq mille roubles et
va chez le pope. «Petit père, il est mort
chez moi un chien qui t'a légué par testa-
ment cinq mille roubles, à condition que tu
l'enterreras avec les cérémonies chrétiennes.
— C'est bien, l'ami ! on peut l'enterrer, seule-
ment, il ne faut pas le porter dans l'église.
Tiens tout prêt, demain j'irai pour l'enlève-
ment du corps.» Le moujik prépare tout,
il fait faire un cercueil et y place le chien;
le lendemain matin le pope arrive avec le
diacre et les sous-diacres (le chantre et le
sacristain) en chasubles, ils chantent ce qu'il
faut chanter, conduisent le chien au cime-
tière et l'ensevelissent dans une fosse. En-
suite le pope en vient au partage avec les
autres gens d'église; il offense les sous-
diacres: il leur donne peu; ceux-ci portent
plainte au prélat sur son compte: entre
autres choses, il a enterré un chien avec les
cérémonies chrétiennes. Le prélat mande
le pope devant son tribunal : «Comment as-
tu osé, lui dit-il, faire les obsèques d'un


TRADUITS DU RUSSE

l53

chien impur?» Ensuite il le met aux arrêts.
Mais le moujik prend dix mille roubles et
vient chez le prélat délivrer le pope. «Que
veux-tu?» demande le prélat. —- «Voici, ré-
pond le moujik: un chien est mort chez
moi, il a laissé par testament à Votre Emi-
nence dix mille roubles, et au pope cinq
mille! — Oui, mon ami, j'ai entendu parler
de cela, et j'ai mis le pope aux arrêts, parce
que, l'impie, quand le chien a passé devant
l'église, il n'a pas dit pour lui la messe de
Requiem.» Le prélat prend les dix mille
roubles légués par le chien, il renvoie le
pope et le gratifie convenablement; quant
aux sous-diacres, il les fit soldats.

(Autre version.)

Il était une fois un vieux et une vieille;
il n'avaient pas un seul enfant, ils n'avaient
qu'un bouc: c'était tout leur avoir. Le
vieillard ne connaissait aucun métier, il ne
savait que tresser des lapti (chaussures de
tille) et vivait de ce travail. Le bouc est
habitué au vieillard; quand celui-ci par
hasard sort de la maison, le bouc court
après lui. Un jour le vieillard va au bois


«54

CONTES SECRETS

chercher des écorces, le bouc accourt der-
rière lui Ils arrivent dans la forêt, le
vieillard s'occupe d'arracher des écorces, le
bouc court de côté et d'autre pour arracher
l'herbe; il arrache* il arrache, et tout à coup
il enfonce des pieds de devant dans la terre
fraîchement remuée; il se met à creuser
et déterre un chaudron rempli d'or. Le
vieillard remarque que le bouc creuse la
terre, il vient vers lui et aperçoit l'or; il
est ravi au-delà de toute expression, jette
ses écorces, ramasse l'or et revient à la
maison. Il raconte tout à la vieille. «Vieux!
dit la vieille, Dieu nous a donné ce trésor
dans notre vieillesse, parce que nous avons
travaillé de si longues années ensemble dans
la misère. Nous allons vivre maintenant
dans le contentement. — Non, vieille! ré-
pond le vieux ; cet argent, ce n'est pas nous
qui avons eu la chance de le trouver, mais
le bouc; maintenant il faut le choyer et le
soigner plus que nous-mêmes!» Depuis ce
temps, ils commencent à choyer et à soigner
le bouc plus qu'eux-mêmes ; ils le dorlotent
et, pour leur part, se rétablissent on ne peut
mieux. Le vieillard a oublié la manière de
tresser les lapti; ils vivent cher eux, se
portent parfaitement et ne connaissent aucun


TRADUITS DU RUSSE 155

chagrin. Au bout de quelque temps, le
bouc tombe malade et meurt. Le vieux
consulte la vieille sur ce qu'il faut faire:
«Si nous jetons le bouc aux chiens, ce sera
un péché devant Dieu et devant les hommes,
car tout notre bonheur nous est venu par
lui. Je ferai mieux d'aller chez le pope et
de le prier d'enterrer le bouc avec les céré-
monies chrétiennes, comme on enterre les
autres défunts.» Le vieillard s'apprête, arrive
chez le pope et s'incline: «Bonjour, petit
père! — Bonjour, l'ami, que nous diras-tu?

— Voici, petit père! je suis venu vers Ta
Grâce pour t'adresser une prière. Il est ar-
rivé un grand malheur chez moi : mon bouc
est mort. Je suis venu t'inviter à en faire
l'enterrement.» Quand le pope entend ces
paroles, il entre dans une grande colère, il
saisit le vieillard par la barbe et le traîne
dans l'izba. «Ah, maudit! qu'as-tu imaginé
là? faire l'enterrement d'un bouc infect!

— Mais ce bouc, petit père, était un vrai
croyant; il t'a laissé par testament -deux
cents roubles. — Écoute, vieux navet! dit
le pope, ce n'est pas parce que tu m'invites
à faire l'enterrement d'un bouc que je te
frappe, mais parce que tu ne m'as pas averti
plus tôt de sa fin: il est peut-être mort de-


156 CONTES SECRETS

puis longtemps!» Le pope prend les deux
cents roubles du moujik et lui dit: «Allons,
va vite chez le père diacre, dis lui de se
préparer; nous irons tout de suite faire l'en-
terrement du bouc!» Le vieillard arrive
chez le père diacre et lui dit: «Prends la
peine, père diacre, de venir chez moi pour
la levée d'un corps. — Qui donc est mort
chez toi? — Tu connaissais mon bouc? il
est mort!» Le diacre commence à le giffler
sur une oreille et sur l'autre. «Ne me frappe
pas, père diacre! dit le vieillard. Ce bouc
était un vrai croyant; au moment de mou-
rir, il t'a légué cent roubles pour l'enterre-
ment. — Eh 1 quelle vieille bête tu es ! dit
le diacre, pourquoi ne m'as-tu pas parlé
plus tôt de sa mort orthodoxe? Va vite chez
le sacristain et envoie-le sonner les cloches
pour l'âme du bouc» Le vieux court chez
le sacristain et lui dit: «Va vite sonner les
cloches pour l'âme du bouc!» Le sacristain
se fâche à son tour, et commence à tirer
la barbe du vieux «Laisse-moi, je t'en prie,
s'écrie le vieillard; ce bouc était un vrai
croyant, il t'a légué cinquante roubles pour
l'enterrement. — Pourquoi as-tu tant tardé
à t*expliquer? Tu devais me le dire plus
tôt: depuis longtemps on aurait sonné les


TRADUITS DU RUSSE 157

cloches!» Le sacristain se précipite aussi-
tôt dans le clocher et se met à sonner
toutes les cloches. Le pope er le diacre,
arrivent chez le vieillard et font toutes les
cérémonies de l'enterrement, ils placent le
bouc dans le cercueil, le transportent au
cimetière et le mettent en fosse. Mais les
paroissiens parlent entre eux de cette affaire;
le bruit vient aux oreilles du prélat que le
pope a enterré un bouc avec les cérémonies
chrétiennes. Le prélat cite à son tribunal
le vieillard et le pope: «Comment avez-vous
osé faire l'enterrement d'un bouc? Ah,
impies ! — Mais ce bouc, répond le vieillard,
n'était pas, tant s'en faut, comme les autres
boucs: avant de mourir, il a légué par tes-
tament mille roubles à Votre Éminence. —
Eh, sot vieillard! je ne vous reproche pas
d'avoir fait l'enterrement du bouc, mais de
ne lui avoir pas donné l'extrême - onction

avant sa mort !____» Il prit les mille roubles

et renvoya chez eux le viellard et le pope.


158

CONTES SECRETS

XLIX

LE JUGEMENT SUR LES VACHES
Il t avait autrefois dans un village

BS1111 pope et un moujik; le pope avait
sept vaches, le moujik n'en avait qu'une,
encore était-elle boiteuse. Mais les yeux de
pope sont envieux; celui-ci songeait aux
moyens de s'emparer par ruse de la dernière
vache du moujik: «J'en aurais huit alors!»
Arrive un jour de fête. Les gens se rendent
à l'église, le moujik s'y rend aussi. Le pope
descend de l'autel, prend un livre, l'ouvre
et Ut au milieu de l'église* «Écoutez, habi-
tants du village! Celui qui donnera une
vache à son père spirituel, celui-là, Dieu le
récompensera dans sa grande bonté: cette
vache lui en ramènera sept» Le moujik
entend ces paroles et se dit: «A quoi sert
une seule vache? Elle ne donne même pas
assez de lait pour une famille. Je ferai ce
que dit la Sainte Écriture, je conduirai ma
vache au pope. Peut-être Dieu aura-t-il de
la compassion pour nous !» A peine la messe
est-elle finie, que le moujik rentre chez lui.
attache une corde à la corne de sa vache


TRADUITS DU RUSSE

159

et la conduit dans la cour du presbytère.
Il va trouver le pope: «Bonjour, petit père!
— Bonjour, mon ami! que nous diras-tu
de bon? — J'étais tout à l'heure à l'éçlise,
H est dit, ai-je entendu, dans la Sainte Ecri-
ture, qu'à celui qui donne une vache à son
père spirituel, cette vache en ramène sept
autres. J'ai donc amené ma vache à Votre
Grâce et je vous la donne. — C'est bien
à toi, mon ami, de t*étre rappelé la parole
divine. Tu en seras récompensé au septuple.
Conduis ta vache à l'étable et mets-la à côté
des miennes.» Le moujik conduit sa vache
à l'étable du pope et s'en retourne. Sa
femme le gronde. «Pourquoi, imbécile, as-
tu donné notre vache au pope? Tu veux
donc que nous mourions de faim, comme
des chiens ? — Eh ! que tu es bête ! dit le
moujik. Tu n'as donc pas entendu ce que
le pope a lu dans l'église ? Patience ! Notre
vache nous en ramènera sept avec elle,
alors nous boirons du lait à gogo.» Pendant
tout l'hiver, le moujik reste sans vache. On
arrive au printemps. Les gens envoient
leurs vaches aux champs, le pope y envoie
aussi les siennes. Le soir, le berger ramène
le troupeau au village. Toutes les vaches
gagnent leurs, cours respectives; mais la


i6o

CONTES SECRETS

vache que le moujik a donnée au pope,
par une vieille réminiscence, arrive au galop
dans la cour de son ancien maître ; les sept
vaches du pope sont tellement habituées à
elle, qu'elles l'accompagnent et arrivent à
sa suite dans la cour du moujik. Le moujik
les aperçoit par la fenêtre et dit à sa femme :
«Vois donc, notre vache nous en a bien ra-
mené sept autres avec elle. Ce qu'a lu le
pope est vrai; la parole divine se réalise
toujours! Et toi, me gronderas-tu encore?
Nous aurons maintenant et du lait et de la
viande.» * Il sort aussitôt, pousse toutes les
vaches dans l'étable et la ferme solidement.
Le pope s'aperçoit qu'il va être nuit et que
ses vaches ne sont pas revenues; il va les
chercher dans le village. Il arrive vers le
moujik et lui dit: «Pourquoi, l'ami, as-tu
poussé les vaches d'autrui dans ton étable?**

* Variante : Le pope loue le moujik pour nettoyer
l'enclos où étaient les vaches; le moujik le nettoie, mais
il ouvre les portes à dessein et les vaches sortent de la
cour ; il n'était pas béte, le moujik : il chasse chez lui
toutes les vaches du pope.

** Variante: Le pope vient chez le moujik, mais
la porte est fermée. Il regarde à travers le treillis, le
moujik rafraîchit les vaches du pope et leur prépare de
la nourriture salée.


TRADUITS DU RUSSE

— Que Dieu te conduise! je n'ai pas de
vaches d'autrui, j'ai les miennes, celles que
Dieu m'a données : ma vache a ramené avec
elle le septuple, comme tu l'as lu toi-même,
petit père, tu t'en souviens, un jour de fête,
à l'église. — Tu mens, fils de chienne! ce
sont .mes vaches ! — Non, elles sont à moi !»
Ils se querellent, se querellent Le pope dit
au moujik: «Voyons, que le diable t'em-
porte! reprends ta vache et rends-moi les
miennes !» Il ne veut pas, cette p ... de
chien. Il n'y a rien à faire. Le pope plaide
avec le moujik. L'affaire arrive devant le
prélat. Le pope lui donne de l'argent, le
moujik lui donne une pièce de toile: le pré-
lat ne sait comment décider entre eux. «Il
est difficile, leur dit-il, de prononcer entre
vous. Mais voici ce que j'ai imaginé. Allez-
vous-en tous deux, et demain matin, celui
qui arrivera le premier chez moi aura les
vaches !» Le pope retourne à la maison et dit à
la mère popesse:«Fais bien attention, éveille-
moi demain de grand matin !» Mais le mou-
jik n'est pas bête, il agit de ruse, ne retourne
pas à la maison et se cache sous le lit du
prélat : «Je passerai ici toute la nuit, perae-
t-il, je ne dormirai pas et je me lèverai
demain avant le jour; de cette façon le pope

KçxmràSta. I. II


IÔ2

CONTES SECRETS

ne reverra pas ses vaches.» Le moujik est
donc couché sous le lit; il entend qu'on
frappe à la porte. Le prélat saute du lit,
ouvre la porte et demande: «Qui est là?»
— C'est moi, la mère supérieure, petit
père. — Bon! couche-toi dans le lit, mère
supérieure.» Elle se couche dans le lit, le
prélat lui täte les tétons et lui dit : «Qu'est-
ce que tu as là ? — Ce sont les montagnes de
Sion, saint prélat, et au-dessous les vallées.»
Le prélat glisse la main sur le nombril. «Et
cela, qu'est-ce? — C'est le nombril de la
terre.» Le prélat glisse sa main encore plus
bas, il täte le c de la mère supérieure:
«Et cela? — Cela, c'est l'enfer pour le
coup, petit père. — Et moi, j'ai un pécheur,*
la mère; il faut le mettre en enfer.» Il
monte sur la mère supérieure, lui fourre son
pécheur dans l'enfer et prend le mors aux
dents ; quand il* a bien travaillé, il reconduit
la mère. Pendant ce temps, le moujik sort
à la dérobée et retourne chez lui. Le lende-
main, le pope se lève au petit jour, ne prend
pas même le temps de se laver et court au
plus vite chez le prélat. Le moujik, lui,
dort tranquillement Quand il s'éveille, le

* Variante: Judas.


TRADUITS DU RUSSE

163

soleil est levé depuis longtemps; il déjeune
et s'en va sans se presser. Il arrive chez
le prélat; le pope attend depuis le grand
matin: «Eh bien, quoi! l'ami, tu étais sans
doute occupé avec ta femme.» lui dit le pope
en souriant. «Allons ! s'écrie le prélat, tu es
arrivé le dernier..— Non, Ton Éminence!
le pope est arrivé après moi. Rappelle-toi
bien: j'étais déjà là au moment où tu mon-
tais sur les montagnes de Sion et où tu
fourrais un pécheur en enfer!» Le prélat
lève les deux bras à la fois: «Elles sont à
toi, les vaches, moujik, elles sont à toi! Tu
as parfaitement raison. C'est toi qui es venu
le plus matin.» Ainsi le pope resta mains
vides, et le moujik vécut dans l'abondance.*

* Variants: Dans certain manuscrit, le conte se
.prolonge ainsi: Le pope revient à la maison. Chez
lui travaille un ouvrier à cent roubles par an. Sept ans
se passent, et il n'est pas payé pour une seule année.
Il insiste auprès du pope pour avoir son compte, et le pope
lui dit: «Tu as vécu pendant sept ans chez moi, mais
tu n'as pas fait une seule fois tes dévotions ; confesse*
toi d'abord, et ensuite nous compterons.» L'ouvrier
fait ses dévotions et vient en confession vers le pope.
«Avoue, l'ami ; n'as-tu pas fait sortir de l'endos la mar-
chandise (c'est-a-dire le bétail) de quelqu'un: c'est un

ii*


164

CONTES SECRETS

L

LE POPE AVIDE

HFDl était une fois un pope, qui avait un
Bfll grand revenu ; mais il était si avare que,
pendant le grand carême, il ne prenait pas
moins d'un grivennik(io copeks = 40 cen-
times) pour la confession. Si quelqu'un
n'apportait pas le grivennik, il refusait
de le confesser et se mettait à lui faire honte :
«Eh, bête à cornes! Pendant toute l'année,
tu n'as pas pu épargner un grivennik,
afin de le donner à ton père spirituel pour
la confession. Cependant il prie Dieu pour

grand péché I — Non, petit père, je ne suis pas cou-
pable en cela, mais voici ce dont je m'accuserai devant
toi en confession: pendant se.pt ans j'ai f.... ta belle-
fille ! — Il ne s'agit pas de cela, l'ami, n'as-tu pas, chez
quelqu'un, fait sortir les vaches de l'enclos? — Non,
petit père, je ne suis pas coupable en cela ; mais voici
de quoi je m'accuse devant toi : je f... ta popesse ! —
Assez, l'ami; tu dis des bagatelles! je te demande si
tu n'as pas laissé partir mes vaches ? — Non, petit père,
je ne sais rien de ce péché ; mais il ne faut rien cacher,
ma p... se dresse aussi pour toi! — Sois maudit, damné!»
Après cela, le pope règle le compte de son ouvrier, et
reste et sans vaches et sans ouvrier.


TRADUITS DU RUSSE 165

vous, maudits!» Un soldat vient un jour se
confesser près de ce pope et lui met sur
la petite table un piatak (cinq copeks = 20
centimes) en cuivre. Le pope entre dans
une véritable rage. «Voyons, maudit! lui
dit-il, comment as-tu pu imaginer d'apporter
un piatak, une monnaie de cuivre, à ton
père spirituel? Te moques-tu de lui? —
Pardon, petit père ! où veux-tu que je prenne
cet argent? je donne ce que j'ai. — Tu en
as bien, de l'argent, pour le porter aux
p......, aux cabarets ! mais à ton père spiri-
tuel tu lui apportes seulement tes péchés!
Vole plutôt quelque chose pour un cas sem-
blable, vends-le, et apporte au prêtre une
offrande convenable; tu te confesseras à lui
en même temps de ce vol, et il te remettra
tous tes péchés à la fois!» Et le pope
chasse ce soldat sans le confesser: «Ne re-
viens pas auprès de moi sans apporter un
grivennik.» Le soldat s'en va et pense;
«Que faire avec le pope ?» Il regarde autour
de lui: près du chœur se dresse le bâton
pastoral et à ce bâton pend un bonnet de
castor. «Voyons, se dit le soldat, essayons
d'enlever ce bonnet.» Il prend le bonnet,
sort tout doucement de l'église et se rend
droit au cabaret. Il le vend là pour vingt-


i66

COMTES SECRETS

cinq roubles, cache l'argent dans sa poche,
et met de côté un grivennik pour le pope.
Il retourne à l'église et s'approche de nou-
veau du pope. «Eh bien, apportes-tu le
grivennik? demande le pope. — Je l'ap-
porte, petit père ! — Et où l'as-tu pris,
l'ami! — J'ai péché, mon petit père! j'ai
volé un bonnet, puis je l'ai vendu pour avoir
le grivennik.» Le pope prend le gri-
vennik et dit au soldat: «Allons, Dieu te
pardonne et moi je te remets tes péchés et
je t'absous.» Le soldat s'en va, et le pope,
ayant fini de confesser ses paroissiens, dit
les vêpres, puis, après les vêpres, il se dis-
pose à retourner chez lui. Il va dans le
chœur pour prendre son bonnet, mais le
bonnet n'y est plus, et il est obligé de s'en
aller tête nue. Aussitôt arrivé, il envoie
chercher le soldat. Le soldat lui demande:
«Que désirez-vous, petit père! — Voyons,
dis la vérité, l'ami, tu as volé mon bonnet ?
— Je ne sais pas, petit père, si c'est votre
bonnet que j'ai volé, c'est un bonnet comme
les popes seuls en portent, personne n'en
porte de pareils. — Et où l'as-tu pris? —
, Il était suspendu au bâton pastoral de notre
église, dans le chœur même. — Ah, fils de
chienne! ah, brigand! comment as-tu osé


TRADUITS DU RUSSE

167

voler le bonnet de ton père spirituel? —
Vous-même, petit père, vous m'avez absous
de ce péché et me l'avez pardonné.»

LI

RIRE ET CHAGRIN

DBBHANS certam empire, dans certain
B2sl royaume, il y avait une fois un pope ;
il vivait sur le bord d'une rivière et y possé-
dait (un bac). Arrive à la rivière un batelier,
qui lui crie de l'autre rive : «Eh, petit père,
passe-moi! — Me paieras-tu le passage,
l'ami? — Je te paierais volontiers, mais je
n'ai pas d'argent ! — Si tu n'as pas d'argent,
je ne te passerai pas! — Si tu me passes,
petit père, je te montrerai en paiement le
rire et le chagrin.» Le pope réfléchit,
il voudrait bien connaître le rire et le
chagrin; pourquoi, se dit-il, le batelier
m'a-t-il parlé de cela tout de suite ? Il monte
dans sa barque, traverse sur l'autre rive,
prend le batelier et le passe de son côté.*

* Variants : Il y avait une fois un pope ; près de


i68

comtes secrets

«Maintenant, petit père, retourne ta barque
sens dessus dessous!» dit le batelier. Le
pope retourne sa barque sens dessus dessous
et se dit: «Que va-t-il arriver?» Lebatelier
tire de son caleçon une rude p... et en
frappe un tel coup sur le fond de la barque,
qu'elle se partage en deux. Le pope avait
ri en voyant une p... si raide, mais ensuite,
quand il pense à sa barque brisée, cela lui
fait tant de peine qu'il en pleure de chagrin.
«Eh bien, es-tu content de moi, petit père?
demande le batelier. — Je ne plaisante pas

sa maison passait une rivière et de l'autre côté il y
avait une église. C'était un jour de fête; les cloches
sonnaient pour la messe, le pope monte dans sa barque
et passe sur l'autre rive.. Il est à peine sorti de sa
barque, qu'il rencontre un paysan: «Petit père, passe-
moi de l'autre côté. — Ah, l'ami ! je te passerais volon-
tiers, mais la messe est sonnée depuis longtemps, tu
me retarderais. — Ne crains rien, ils ne commenceront
pas la messe sans toi, et si tu me passes, je te montre-
rai rire et chagrin. Le pope passe le moujik. «Eh,
bien quoi ! petit père, tu es très-désireux de voir rire
et chagrin? — Oui, l'ami, très-désireux ! (Le moujik
brise la barque avec sa p ...) Comment le pope main-
tenant ira-t-il à l'église sans barque ? «Eh, quel fils de
chienne tu es, moujik, quel chagrin tu me causes !• Le
pope reste debout, reste debout devant sa barque, puis
il s'en va. «Pourquoi reviens-tu si tôt ?> lui demande
la popesse. Le pope lui dit pourquoi ...


TRADUITS DU RUSSE 169

avec toi! passe ton chemin!» Le batelier
prend congé du pope et continue sa route,
le pope retourne chez lui. A peine a-t-il
passé le seuil de l'izba, qu'il se rappelle la
p... du batelier et il se met à rire, mais
il pense à sa barque et il pleure. «Que
t'est-il arrivé, petit père? demande la po-
pesse. — Ah, quel chagrin, petite mère, si
tu savais!» et il lui raconte tout ce qui lui
est arrivé. Quand la popesse entend son
petit père parler du batelier, elle s'emporte
immédiatement contre lui: «Ah, vieux dé-
mon! pourquoi l'as-tu chassé? pourquoi ne
l'as-tu pas amené à la maison ? ce n'est pas
un batelier, c'est mon propre frère ! Ce sont
à coup sûr mes parents qui l'ont envoyé
faire connaissance avec toi, et toi, au lieu

de deviner cela..... Attelle vite le cheval,

et cours après lui; il errera sans doute le
malheureux et retournera chez lui sans nous
avoir vus. Quel plaisir j'aurais à le voir,
le cher pigeon, et à lui demander des nou-
velles de mes parents!» Le pope attelle le
cheval et part à la recherche du moujik; il
le rejoint et lui dit: «Écoute, bon homme!
pourquoi ne me l'as-tu pas dit: tu es sans
doute le frère de ma popesse. Quand je
lui ai raconté ta vaillance, elle t'a reconnu


170

contes secrets

à l'instant même et m'a ordonné de te ra-
mener près d'elle.» Le batelier comprend
de suite ce qu'il en est: «Oui, dit-il, c'est
vrai; je suis le propre frère de ta popesse;
mais je ne t'avais jamais vu auparavant,
petit père, et voilà pourquoi je n'ai pas su
te reconnaître.» Le pope lui prend la main
et l'entraîne vers le téléga: «Assieds-toi,
l'ami, assieds-toi! nous nous en retournons
chez nous. Grâce à Dieu! nous vivons, la
petite mère et moi, dans le contentement
et la prospérité, il y a de quoi te régaler.»
Il emmène le batelier; la popesse court aussi-
tôt à sa rencontre, se jette à son cou et
l'embrasse: «Ah, frère bien-aimé, comme il
y a longtemps que je ne t'ai vu! comment
vont tous nos gens? — Comme autrefois,
petite sœur. Ils m'ont envoyé chercher de
tes nouvelles. — Nous, cher frère, Dieu jus-
qu'ici a supporté nos péchés, nous allons
tout doucement» La popesse le fait asseoir
à table, place devant lui divers hors-d'œuvre,
une omelette et de l'eau-de-vie. Elle le
régale: «Mange, cher petit frère.» Ils se
mettent tous les trois à manger, à boire et
à se divertir jusqu'au soir. Quand la nuit est
venue, la popesse fait apporter un lit et dit
au pope : «Mon frère et moi nous coucherons


traduits du russe 17I

ici et nous parierons de nos parents, de
ceux qui vivent et de ceux qui sont morts;
toi, petit père, tu coucheras seul, dans la
chambre aux provisions ou dans la soupente.»
Ils se couchent. Le batelier grimpe sur la
popesse et la pétrit tellement avec sa p...,
qu'elle n'y tient plus et qu'elle remplit l'izba
de ses gémissements. Le pope entend et
crie: «Qu'y a-t-il donc? — Ah, petit père,
si tu savais quel est mon chagrin ? mon père
est mort! — Allons, que le royaume des
cieux lui appartienne!» dit le pope, et il se
signe. De nouveau la popesse ne peut y
tenir et gémit plus fort encore que la pre-
mière fois. De nouveau le pope lui crie:
«De quoi pleures-tu? — Eh, petit père, ma
mère est morte! — Que le royaume des
cieux lui appartienne! qu'elle repose avec
les saints!» Toute la nuit se passe de la
sorte pour eux. * Au matin, le batelier s'ap-

* Variante: Le moujik se régale. «Allons main-
tenant dans ma chambre, lui dit la popesse ; nous par-
lerons de nos parents : tu me diras, petit frère, comment
ils vont, tu me parleras de ta vie, et moi je te parlerai
de la mienne.» Ils entrent ensemble. Le pope se doute
de ce qu'il en est ; il s'approche de la porte et regarde
par une fente : le moujik roule déjà la petite mère sur
le lit, et il la travaille de telle sorte que le lit en branle.


172

CONTES SECRETS

prête à partir, la popesse le régale, pour
les adieux, de vin, de pâtés, et s'empresse
autour de lui: «Frère bien-aimé! quand tu
reviendras dans cette contrée, ne manque
pas de descendre chez nous!» Et de son
côté le pope lui dit: «Ne nous oublie pas;
nous serons toujours contents de te voir.»
Le batelier prend congé d'eux. La popesse
veut accompagner son frère, et le pope la
suit. Ils marchent et causent: on arrive en
pleine campagne. La popesse dit au pope:
«Retourne, petit père, à la maison; pour-
quoi venir plus loin? maintenant je recon-
duirai bien seule mon frère.» Le pope s'en
retourne. Quand il a fait une trentaine de
pas, il s'arrête et regarde, pour voir s'ils
sont déjà loin. Mais le batelier, sur la col-
line, a déjà renversé la petite mère, il monte
dessus, il la chauffe pour le coup du départ,
et, afin de juieux tromper le pope, il met
son chapeau sur la jambe droite de la po-
pesse et lui ordonne de lever cette jambe
en l'air. Il la f..., et la popesse, pendant

Le pope voit cette vilaine affaire, mais il n'ose entrer
dans la chambre: je les dérangerais, pense-t-il, et le
moujik me tuerait avec sa p ... Évidemment, il en
serait ainsi.


traduits du russe 173

l'affaire, remue la jambe et le chapeau. Le
pope est arrêté et regarde: «Voyez, dit-il
en lui-même, quel bon parent 1 II est déjà
loin, mais il me salue toujours et me fait
signe de son chapeau. Il prend aussi le sien
et se met à saluer. «Adieu, beau-frère,
adieu !» Le batelier achève de fouler la po-
pesse, et il l'a satisfaite £ tel point, que
pendant trois jours elle regarde sous sa
jupe; elle rejoint le pope, et, de joie, elle
chante une chanson. «Voilà bien des années
que je vis avec elle, dit le pope, mais jus-
qu'ici je ne l'ai jamais entendue chanter! —
Petit père, dit la popesse, j'ai reconduit mon
frère bien-aimé, me sera-t-il donné de le
revoir une seconde fois! — Dieu n'est pas
sans miséricorde! Peut-être reviendra-t-il!

lu

LA GRAISSE. MERVEILLEUSE

ans un certain empire, dans un cer-
tain royaume, il y avait une fois un
moujik, un jeune garçon; il n'avait pas
été heureux dans son train de culture : toutes


»74

contes secrets

ses vaches et tous ses chevaux avaient péri,
il ne lui restait qu'une seule jument H a
soin de cette jument comme de la prunelle
de ses yeux; il ne mange pas, il ne dort
pas, il ne fait que la choyer : aussi la jument
a pris de Fembonpoint. Un jour qu'il pan-
sait sa bête, il se met à la caresser et à lui
dire: «Ah, ma. petite pigeonne! ma petite
mère! il n'y a rien de plus charmant que
toi!» Ces paroles sont entendues par la
fille du voisin, une robuste vierge, et quand
les filles du village se rassemblent dans la
rue, elle leur dit: «Ah, petites sœurs! j'étais
dans notre potager, et notre voisin Grigorii
pansait sa jument, et quand il a eu fini, il
Fa grimpée et il l'embrassait en lui disant:
«Ah, ma petite pigeonne, ma petite mère!
il n'y a rien de plus charmant que toi sur
la terre.» Les jeunes filles se mettent à se
moquer du garçon; partout où elles le ren-
contrent, elles lui crient: «Ah, ma petite
mère, ma petite pigeonne !» Le jeune gars
ne sait plus que faire, il n'ose plus se mon-
trer. Il se chagrine. Sa vieille tante le voit
en cet état: «Pourquoi, Gricha, n'es-tu pas
gai? Qu'est-ce qui te trotte par la tête?»
Il lui raconte toute son affaire. «Ce n'est
rien, Gricha, lui dit la vieille. J'arrangerai


TRADUITS DU RUSSE 175

l'affaire ; viens chez moi demain. Sois tran-
quille, elles cesseront de se moquer de toi!»
Cette vieille était une femme-médecin, d'une
grande réputation dans tout le village, et
c'est dans son izba que les jeunes filles se
réunissaient pour les veillées. Le même soir,
elle voit cette jeune fille qui avait raconté
comment Grigorii avait grimpé sous la queue
de sa jument, et elle lui dit: «Viens chez
moi, jeune fille, demain matin; j'ai à parler
avec toi. —- Bien, grand'-mère!» Le jour
suivant, le garçon se lève, s'habille et se
rend chez la vieille. «Fais attention, Gricha,
de tenir ton arme toute prête! Maintenant
cache-toi derrière le poè'le, et restes-y tran-.
quille jusqu'à ce que je f appelle.» Il est à
peine caché derrière le poè'le, que la jeune
fille arrive. «Bonjour, grand'-mère î — Bon-
jour, pigeonne! Voici, jeune fille, ce que je
veux te dire: il se passe certainement à l'in-
térieur de ton corps quelque chose de mau-
vais, tu es très malade, ma chérie.......

— Eh, grand'-mère, je me croyais tout à fait
bien portante! — Non, ma pigeonne, il se
passe dans ton corps une chose à laquelle
je ne peux penser sans en être effrayée!
Cela ne te fait pas mal maintenant, mais
quand cela arrivera au cœur, à ce moment-


176

CONTES SECRETS

là, il ne sera plus possible de te guérir: tu
mourras. Donne que je te palpe le ventre. —
Palpe, grand'-mère !» lui dit la jeune fille, qui
est sur le point de pleurer de frayeur. La
vieille lui palpe le ventre et dit: «Tu vois,
je disais vrai! Dès que je t'ai vue hier soir,
j'ai tout de suite deviné qu'il ne se passait
rien de bon dans ton corps. Ma pigeonne,

tu as la jaunisse sous le cœur ..... —

Guéris-moi, je t'en prie, grand'-mère ! —
Puisque tu es malade, il faut te guérir;
, seulement, pourras-tu supporter le remède:
cela te fera mal ! — Fais ce que tu voudras,
coupe avec un couteau, mais guéris-moi!
— Allons, mets-toi là, avance ta tête par
la fenêtre et remarque bien de quel côté, à
droite ou à gauche, il passera le plus de
monde? Et ne regarde pas en arrière, car
tout mon remède serait perdu ; dans ce cas,
tu n'aurais pas deux semaines à vivre!» La
jeune fille passe sa tête par la fenêtre et re-
garde des deux côtés; la vieille lui enlève
sa jupe et lui dit: «Baisse-toi encore plus
sur la fenêtre, et ne regarde pas en arrière :
je vais te graisser tout de suite avec le tam-
pon d'étoupes et le goudron de bouleau!»
Alors la vieille appelle tout doucement le
jeune garçon : «Allons, travaille !» Le jeune


TRADUITS DU RUSSE 177

homme enfonce son tampon de tout un
quart (d'archine) * jusqu'au fond de la jeune
fille, et quand il y est, celle-ci tortille
son cul et s'écrie elle-même: «Grand'-mère,
ma pigeonne, graisse, graisse encore plus
avec ton tampon d'étoupes et ton gou-
dron de bouleau!» Le gars achève le fou-
lage et retourne derrière le poè'le. «Allons,
ma fille! dit la vieille, maintenant tu seras
une telle beauté, que cela fera plaisir à voir !»
La jeune fille remercie la vieille: «Merci,
grand'-mère! Quel excellent remède tu as
là! C'est vraiment délicieux! — Il n'y a
rien de mauvais chez moi ; ce remède-là est
très utile aux femmes et aux filles. Et de
quel côté a-t-il passé le plus de monde ? —
A droite, grand'-mère ! — Ah, quelle chance
tu as! Allons, retourne à la maison et que
Dieu t'accompagne!» La jeune fille sort, et
le jeune homme s'en va. Il dîne et conduit
sa jument boire à la rivière. La jeune fille
le voit, accourt et lui crie: «Ah, ma petite
mère, ma pigeonne!» Il se retourne, et, la
singeant: «Ah! grand'-mère, ma pigeonne!
graisse, graisse encore plus avec ton tam-
pon d'étoupes et ton goudron de bouleau!»

* L'archine = om, 71 x.

K^vnréSia. i. 12


I78 contes secrets

La jeune fille alors mordit sa langue et
vécut en bonne amitié avec le garçon.

(Autre version.)

Il était une fois un jeune homme qui
avait l'habitude de passer devant une maison
de marchand. En passant, il tousse et s'écrie :
«J'ai mangé de l'oie et j'ai des chatouille-
ments I» La fille du marchand lui dit: «Mon
petit père a beaucoup d'argent, et cependant
nous ne mangeons pas des oies tous les jours.
— Cela ne dépend pas de la richesse, mais
de la chance!» répond le jeune homme et
il s'en va chez lui. La fille du marchand
appelle une vieille mendiante et lui dit : «Suis
ce jeune homme et sache ce qu'il mange
pour son dîner. Je te récompenserai de ta
peine.» Le jeune homme arrive à la mai-
son, derrière lui vient la mendiante: elle
prie qu'on lui permette de se reposer dans
l'izba ; on la laisse entrer. Le jeune homme
vivait dans une grande pauvreté. «Petite
mère, dit-il, n'y a-t-il rien à manger? — Il
y a de la soupe aux choux (fermentes) d'hier
et du gruau d'avant-hier. — Donne-moi le
gruau.» Sa mère lui donne le gruau. «Et


traduits du russe 179

du beurre, dit-il, il n'y en a pas? — Veux-
tu de la chandelle ? Tiens, voilà un bout de
chandelle?» Il met le bout de chandelle
dans son gruau et se met à bâfrer. La
mendiante raconte tout cela à la fille du
marchand. Le jeune homme vient encore
à passer devant la maison du marchand, il
tousse de nouveau et dit: «J'ai mangé de
l'oie et j'ai des chatouillements!» Mais la
fille du marchand crie de sa fenêtre: «Tu
as mangé du gruau avec un bout de chan-
delle! — Ah, je f..v. ta mère! d'où sait-elle
cela? C'est sans doute la mendiante qui le
lui a raconté.» Il cherche la mendiante et
lui dit: «N'y aurait-il pas moyen de me re-
lever de cette affaire? Quand j'aurai de
l'argent, je te paierai ! — Bien, dit la vieille.»
Elle va aussitôt trouver la fille du marchand:
«Comment cela va-t-il, jeune demoiselle ? —
Je ne suis pas très bien portante, grand'-
mère : j'ai toujours mal au ventre. Ne pour-
rait-on pas me guérir de cette maladie? —
On le peut; ordonne de chauffer un bain
et je te graisserai le ventre.» On chauffe
la salle de bain, la vieille y cache le jeune
homme, puis elle y conduit la fille du mar-
chand; elle la met toute nue et lui dit:
«Maintenant, demoiselle, il faut te bander

12*


i8o

contes SECRETS

les yeux, afin que tu ne te trouves pas mail»
Elle lui bande les yeux avec un mouchoir,
elle la place sur le banc et dit: «Je vais
d'abord te graisser avec de la graisse légère !»
et elle lui passe la main deux fois sur le
ventre. «Maintenant cela sera plus difficile !»
Elle fait signe au jeune homme, qui grimpe
sur la jeune fille; il lui fourre son instru-
ment de telle sorte, qu'elle remplit tout le
bain de ses cris. «Aie un peu de patience,
demoiselle; cela fait toujours mal en com-
mençant; mais quand cela sera en train,
cela marchera comme avec du beurre et ton
ventre sera guéri!» Le jeune homme com-
mence à travailler la fille du marchand, à
la bourrer vivement; cela lui semble bon
et elle dit: «Graisse, grand'-mère, graisse!
excellente est ta graisse !» Le jeune homme
finit son affaire et se cache, la vieille débande
les yeux de la fille du marchand. Celle-ci
regarde : à ses pieds il y a du sang. «Qu'est-
ce que cela, grand'-mère ? — C'est du mau-
vais sang, qui est sorti de ton corps; cela
t'a-1-il soulagée? — Cela m'a soulagée,
grand'-mère! Ah, quelle excellente graisse
tu as, plus douce que le miel. N'y en a-t-il
plus? — Est-ce que tu en voudrais encore?
— J'en voudrais bien encore, grand'-mère!


TRADUITS JJU RUSSE l8l

le ventre recommence à me faire mal.» La
vieille lui bande les yeux, la couche sur le
banc et le jeune homme la travaille une
seconde fois à sa manière. «Graisse, grand'-
mère, graisse! excellente est ta graisse!» dit
la fille du marchand. Quand le jeune homme
a fini, il se cache; la fille du marchand se
relève et dit: «Apporte-moi, grand'-mère, de
cette graisse: voilà cent roubles pour ta
médecine !» Voici comment se termine
l'affaire. Le jeune homme passe devant la
maison du marchand et dit de nouveau:
«J'ai mangé de Poie et j'ai des chatouille-
ments.» La fille du marchand lui crie par
la fenêtre: «Tu as mangé de la chandelle
avec le gruau!» Mais le jeune homme lui
répond: «Graisse, grand'-mère, graisse, ex-
cellente est ta graisse!» Le ventre de la
fille du marchand gonfle; sa mère s'en
aperçoit et lui dit : «Qu'est-ce que cela signi-
fie, ma fille, tu n'es allée nulle part hors
de la maison, et ton ventre s'élève plus haut
que ton nez! — Ah, petite mère! cela pro-
vient sans doute de ceci : quand je suis allée
au bain avec la grand'-mère, elle m'a graissé
le ventre avec de la graisse, mais de la
graisse si excellente ! plus douce que le miel!»
La mère devine, elle fait venir la mendiante


l8l contes secrets

et lui dit: «Grand'-mère, tu as graissé ma
fille dans le bain avec ta graisse? — Oui,
maîtresse. — Graisse-moi aussi! — Je le
veux bien, je te graisserai.» Elle court de
suite vers le jeune homme : «Habille-toi, viens,
la marchande demande qu'on la graisse!»
Ils vont au bain. La vieille bande les yeux
de la marchande et la couche sur le petit
banc. Le jeune homme lui grimpe dessus
et la chauffe. La marchande arrache alors
vivement le mouchoir qui est sur ses yeux,
voit le jeune homme, l'embrasse pour sa
peine et dit : «Jeune homme, il y a vingt ans
que je vis avec mon mari, mais je ne con-
naissais pas de semblables délices. Voilà cent
roubles pour toi; sois le mari de ma fille!»
Le jeune homme se maria avec la fille du
marchand, et il donna un festin au monde
entier. J'y étais, et j'ai bu du vin miellé;
il a coulé sur mes moustaches et il n'en est
pas tombé une seule goutte dans ma bouche.

(Autre-version,)

Il était une fois un soldat qui aimait boire.
Il avait un asthme et il vient chez la femme-
médecin. La femme - médecin était -déjà


i83

vieille, mais encore forte. Quand elle voit
le soldat, cela lui démange entre les cuisses.
«Qu'y a-t-il, militaire? — Voici: guéris-moi
de l'asthme. — Débarrasse-toi de tes habits
et assieds-toi!» Le soldat s'assied et la
femme place devant lui une bouteille d'eau-
de-vie. «Bois, militaire, pour ta santé !» Le
soldat ne se fait pas prier ; il s'en verse tant,
qu'il voit rouge; il roule en bas et s'endort.
La vieille palpe le soldat, elle arrive au
nombril et plus bas encore ; mais comme elle
gémit! «Ah, étourdie que je suis! Qu'ai-je fait?
sa p... ne se relèvera pas, elle est tout à fait
recourbée ...» Elle place le soldat sur le
lit, et se couche elle-même à côté. Elle est
couchée et elle le täte, pour voir si la p...
ne se relève pas? Mais le soldat ronfle à
poings fermés. Elle le palpe une dernière
fois à la racine, mais cette racine est tournée
vers l'épine dorsale; et elle s'endort. Le
soldat s'éveille avant l'aube, il voit la vieille
femme près de lui et se dit : «Si je l'attaquais
de flanc!» et il s'approche comme il con-
vient. La vieille était rusée; elle lui dit
à moitié endormie: «Que fais-tu, militaire?
n'as-tu pas honte ?» mais elle se tourne elle-
même encore mieux du côté de la p...
«Quoi donc, grand'-mère! est-ce que cela


184

est mauvais pour un malade ? je me retirerai
alors. — Que dis-tu-là, militaire! ne pour-
rais-tu la fourrer plus avant, tu en éprou-
verais du soulagement!» Le soldat la tra-
vaille et se retire en disant: «Si cela ne
soulage pas, cela rassasie!» Par malheur
pour le soldat dans la soupente couchait
une jeune fille, la nièce de la vieille; elle
avait tout vu et raconte tout aux autres
jeunes filles; elles harcèlent le soldat: «Il a
secoué la vieille ! il a secoué la vieille !» Le
soldat patiente, patiente, et va se plaindre
à la vieille femme. «Ah, mon bienfaiteur!
dit la vieille, pourquoi as-tu tant tardé à me
dire cela ? J'aurais bien empêché ces vilaines
filles de se moquer de toi. Ah, c'est ainsi
qu'elles agissent! Est-ce que par hasard la
fente d'une vieille n'en vaut pas une autre?
C'est bien à elles, les maigres fillettes, de
se moquer des autres! Écoute, une jeune
fille vient près de moi se faire soigner d'une
hernie, trouve-toi demain soir chez moi,
militaire, je te cacherai sur le lit, je ferai
mettre la jeune fille à quatre pattes, et je te
la donnerai à retaper sur toute sa peau!»
Le lendemain, le soldat arrive à l'heure dite,
comme si l'ordre eût été écrit, et se couche
sur le lit Au bout d'une demi-heure, une


TRADUITS DU RUSSE 185

jeune fille entre. .Quand le soldat la voit,
son nerf se tend et se dresse, absolument
comme une baïonnette. La vieille examine
la jeune fille et lui dit: «Qu'est-ce qui t'ar-
rive, ma chérie! les puces ont fait un nid
entre tes cuisses, et il n'y a plus possibilité
de les enlever autrement qu'avec la main;
sinon tu mourrais ! — Ah, grand'-mère ! pour
l'amour de Dieu, guéris-moi! — Eh bien,
il n'y a rien à faire; je ne voulais pas y
porter la main, mais c'est nécessaire. Tiens,
voilà un mouchoir, bande-toi les yeux, dés-
habille-toi toute nue, et mets-toi à quatre
pattes.» La jeune fille fait tout cela. Alors
le soldat avance contre la cible, prend sa
p... à deux mains et se met à la lui plan-
ter dans le c.. La jeune fille crie : «Cela
me fait mal, grand'-mère, cela me fait mal!
— Aie du courage, ma chérie! ces maudites
puces se sont tellement multipliées, qu'il y
en a dans tous les replis!» Le soldat lui
fourre son quart (d'archine) tout entier, la
jeune fille pousse des cris plaintifs: «Oï,
grand'-mère, je meurs; cela me fait mal,
bonne grand'-mère, cela me fait mal! —
Attends, mon enfant, j'essaierai avec le gou-
dron de bouleau ; cela ira peut-être mieux.»
Le soldat plante sa. p... jusqu'au bout, la


186

jeune fille mord sa langue, et il la graisse
d'importance. Cela commence à aller. «Main-
tenant, grand'-mère, voilà que cela va bien I
Vraiment, c'est bon! Ne pourrais-tu pas
graisser, encore avec le goudron de bouleau?
C'est avec ce goudron que cela va ronde-
ment! J'en prendrai à mon père un seau
tout entier et je te l'apporterai.» Le soldat
sent que la jeune fille est chauffée jusqu'au
rouge, il pousse sa trompe et les grelots en
même temps; il lui procure tant de soulage-
ment, qu'il rend le c.. large comme un bon-
net. «Eh bien, cela va-t-il mieux ? demande
la vieille ; il me semble que toutes les puces
sont étouffées! — Comment donc, grand'-
mère! maintenant cela va très bien!» Le
soldat se cache ; la jeune fille se relève, s'ha-
bille et s'en va. L,e jour suivant, cette jeune
fille au large c.. rencontre le soldat et se
met à le harceler. «Il a secoué la vieille!
il a secoué la vieille!» Mais le soldat lui
dit: «Avec le goudron de bouleau, c'est bien
mieux !»


i87

LUI

LE CHALUMEAU MERVEILLEUX

ans certain empire, dans certain
royaume il y avait une fois un seigneur,
et il y avait aussi un moujik, tellement pauvre,
que je ne saurais le dire. Le seigneur rap-
pelle et lui dit: «Écoute, petit moujik! tu
ne paies pas ta dette, et Ton ne peut rien
tirer de toi; viens chez moi et tu y passeras
trois ans pour t'acquitter.» Le moujik passe
chez lui une première, une seconde, une
troisième année. Le maître voit que le
temps du moujik va bientôt finir et il pense
à part soi: Quel prétexte de faute pourrais-
je inventer pour faire rester le moujik chez
moi encore trois ans. <-Le seigneur le fait
venir et lui dit: «Écoute, petit moujik! voilà
dix lièvres, mène-les paître dans les champs,
et fais bien attention de les ramener tous,
autrement je te garderai chez moi encore
trois ans.» Le moujik n'a pas sitôt conduit
les lièvres dans les champs, qu'ils s'enfuient
tous de divers côtés. Que faire ? pense-t-il ;
maintenant je suis perdu! Il s'assied et
pleure. Sorti on ne sait d'où, apparaît un

IfcV


i88

CONTES SECRETS

vieillard, qui lui dit: «Pourquoi pleures-tu,
petit moujtk? — Comment ne pleureraîs-je
pas, vieillard ; mon maître m'a donné à faire
paître des lièvres et ils se sont tous enfuis;
maintenant mon malheur est inévitable.» Le
vieillard lui donne un chalumeau et lui dit:
«Voilà un chalumeau; quand tu en joueras,
ils accourront tous près de toi !» Le moujik
remercie, prend le chalumeau, et à peine
en a-t-il joué, que tous, les lièvres accourent
aussitôt auprès de lui. Il les ramène à la
maison; le maître compte les lièvres et
s'écrie: «Tous les dix! Eh bien, que ferons
nous? dit le seigneur à sa femme. Quelle
faute mettre sur le dos du moujik ? — Voici
ce que nous ferons, cher ami; demain,
quand il conduira les lièvres aux champs,
je me déguiserai sous d'autres vêtements,
j'irai le trouver et je lui achèterai un lièvre.
— Bien!» Le lendemain matin le moujik
mène les lièvres aux champs ; à peine est-il
arrivé au bois, que tous aussitôt se dis-
persent dans différentes directions; mais le
moujik s'assied sur l'herbe et se met à tresser
des lapti (chaussures de tille). Tout à coup
la dame vient à passer en voiture ; elle s'ar-
rête, vient près de lui et lui dit: «Que fais-
tu là, petit moujik! — Je fais paître du


TRADUITS DU RUSSE 189

bétail. — Quel bétail?» Le moujik prend
son chalumeau et joue: tous les lièvres ac-
courent auprès de lui: «Ah, petit moujik!
dit la dame, vends-moi un de ces lièvres.
— Impossible ! ce sont les lièvres du seigneur,
et le seigneur est très sévère pour moi! il
me dévorerait sans pitié!» La dame le
presse: «Je t'en prie, vends m'en un!» Le
moujik voit qu'elle a grande envie d'avoir
un lièvre et lui dit: «A cela, bonne dame,
je poserai une condition. — Quelle con-
dition? — Je donnerai un lièvre à celle qui

se laissera f..... — Demande plutôt de

l'argent, petit moujik! — Non, je ne veux
pas autre chose!» La dame (que faire?)

se laisse f.....par le moujik. Il la travaille

et lui donne un lièvre: «Seulement, dame,
tiens-le délicatement, ou tu l'étranglerais.»
Elle prend le lièvre, monte dans sa voiture
et part. Mais quand le moujik joue de son
chalumeau, ce lièvre entend, s'échappe des
mains de la dame et revient vers le moujik.
La dame arrive à la maison. «Eh bien,
quoi l as-tu acheté le lièvre ? — Je l'ai acheté,
je l'ai acheté, mais quand le moujik a joué
de son chalumeau, le lièvre s'est échappé
de mes mains et s'est sauvé.» Le jour sui-
vant, la dame retourne vers le moujik. Elle


i9<> contes secrets

s'approche et lui demande de nouveau : «Que
fais-tu, petit moujik? — Je tresse des lapti
et je fais paître le bétail de mon maître. —
Où est-il ton bétail?» Le moujik joue du
chalumeau et aussitôt tous les lièvres ac-
courent auprès de lui. La dame marchande
un lièvre. «A cela je mets une condition.

— Laquelle? — Laisse-toi f.....» La dame

se laisse f..... une seconde fois et pour

cela reçoit un lièvre; mais quand le moujik
joue du chalumeau, le lièvre s'échappe et
se sauve d'elle. Le troisième jour, le maître
se déguise et va lui-même. «Que fais-tu,
petit moujik? — Je fais paître le bétail. —
Et où est ton bétail?» Le moujik joue du
chalumeau et les lièvres accourent vers lui.
«Vends-moi un de ces lièvres! — Je n'en
vends point pour de l'argent; j'y mets une
condition. — Quelle condition? — Je don-
nerai un lièvre à celui qui voudra f.....la

jument.» Le seigneur grimpe la jument et
commet le péché avec elle. Le moujik lui
donne un lièvre et lui dit: «Tiens-le déli-
catement, seigneur; autrement tu l'étrangle-
rais.» Le seigneur prend le lièvre et s'en
va chez lui; mais le moujik joue du chalu-
meau; le lièvre entend et se sauve pour venir


TRADUITS DU RUSSE igi

vers le moujik. Le seigneur voit qu'il n'y
a rien à faire et laisse le moujik vivre en
liberté.

LIV

le berger*

l y avait une fois dans un village un
berger, un jeune garçon; les jeunes
filles et les jeunes gens du village étaient
familiers avec lui et ils plaisantaient en-
semble de toutes les façons. Il avait excité
l'envie de beaucoup de jeunes filles, qui
avaient voulu lui plaire; mais cela n'avait
pas réussi à chacune d'elles. Voilà que ces
jeunes filles imaginent sur son compte une
accusation calomnieuse, ou peut-être bien
fondée: elles l'ont surpris en train de saillir
une jument, et elles se divertissent aux dé-
pens du jeune gars. Dounia (Eudoxie) est,
de toutes, la plus acharnée contre lui. Un
matin, elle conduit ses bêtes, et elle crie au
berger: «Fais attention, Ivann, n'approche

* Comprir:* avec le no LU.


contes secrets

pas de ma jument!» Et elle ne lui permet
pas de passer du côté de sa jument. Le ber-
ger cache tout cela dans sa moustache. Mais
dans le village vivait une vieille femme très
affable et chez laquelle les jeunes filles s'as-
semblaient pour les vieillées. Le berger va
trouver cette vieille et se jette tout droit à
ses genoux: «Grand'-mère, fais qu'on prie
éternellement Dieu pour toi, et que moi, je
ne t'oublie jamais!» Il lui raconte son cha-
grin et lui donne un demi-rouble. «C'est
bien, mon cher enfant, reviens à la tombée
de la nuit.» Le soir, le berger ramène son
troupeau des champs; il pleuvait un peu;
les femmes faisaient rentrer leurs bêtes au
passage. Dounia aussi avait couru dans le
village chercher sa vache. La vieille la voit
de sa fenêtre et lui crie: «Dounia, Dounia!
viens ici !» La jeune fille accourt. La vieille
commence à la gronder; le berger s'était
caché chez elle derrière le poêle : «Écoute,.
Douniacha, tu t'en repentiras, et il sera trop
tard !» Dounia est enrayée et ne sait quelle
faute elle peut avoir commise. «Comme
vous êtes sottes et imprudentes! lui dit la
vieille, vous courez étourdiment et vous
sautez par-dessus le fossé à tout risque ! est-
ce qu'il est convenable d'agir ainsi? Vois


TRADUITS DU RUSSE 193

maintenant ce que tu as fait: sotte que tu
es, tu as gâté ton honneur (ton pucelage)!
Qui maintenant te prendra pour femme?
— Ah, grand'-mère ! ne peut-on pas y remé-
dier, le réparer ? — Le réparer ! — Réponds-
moi franchement, grand'-mère ! — Viens ici,
fais ce que je te dirai, et souffre courageuse-
ment, quelque mal que cela te fasse. — Bien,
grand'-mère ! — Regarde par la fenêtre, écar-
quille largement les jambes, et sous aucun
prétexte ne regarde en arrière, ou toute
l'affaire manquerait, et il ne serait plus pos-
sible ensuite de le réparer.» Elle lui retrousse
son sarafane* et fait signe au berger. Ivann
rampe tout doucement, abaisse son caleçon
et se met a réparer l'honneur (le pucelage)
de Doukina : «Eh bien ? Est-ce bon ? demande
la vieille. — C'est bon, grand-mère! ah,
comme c'est bon! Répare-le encore, grand'-
mère! je ne f oublierai jamais.» Le bergef
termine son affaire et se cache derrière le
poèleu «Maintenant, dit la vieille, retourne
à la maison, ma petite sotte, et prie Dieu
pour la grand'-mère.» Le jour suivant,.
Dounia conduit ses bêtes et se met de nou-
veau à harceler le berger au sujet de la ju-

* Vêtement des femmes russes.
Kçvnrtxdia. I. 13


194

CONTES SECRETS

ment; celui-ci lui répond: «Ne veux-tu pas
que je répare ton honneur (pucelage)? —
Ah ! c'est bon I Ivann, dit la jeune fille avec
reproche. —• Je ne sais pas si c'était bon
pour toi, mais c'était bon pour moi!» répond
le berger.

le soldat, le MOUJIK et sa femme

es soldats séjournaient dans un vil-

BSsI tage» et les femmes étaient très fami-
lières avec eux; cela, bien entendu, ne se
passait pas sans péché: l'homme va à son
travail, la femme boit, mange et dort avec
le soldat! Un moujik avait une femme très
paillarde; bien des fois il l'avait surprise» et
avec des moujiks et avec des soldats, et tou-
jours elle avait protesté de son innocence.
Un jour le moujik la surprend avec un jeune

garçon dans la grange : «Eh bien, p.....,

que diras-tu cette fois?» Elle était couchée
sous le garçon: «Pardonne-moi, mon cher
ami!» Mais quand elle s'est relevée et qu'eue
s'est sauvée dans l'izba, elle se jette aussitôt
dans les bras de sa belle-mère et se met à

LV


TRADUITS DU RUSSE 19$

pleurer. Le moujik arrive et dit: «Eh bien,
petite mère ! pour le coup je n'ai pas écouté
les étrangers, j'ai moi-même surpris ma
femme avec un jeune garçon dans la grange.»
Mais la femme s'écrie baignée de larmes:
«Tu vois, petite mère, de quelle calomnie

j'ai à souffrir ! — Ah, maudite p....., je vie»

à l'instant de te retirer de dessous Am*
driouchka! — Tu mens, infâme! Eh bien,
dis de quel côté j'avais la tête ?» Le moujik
réfléchit et s'écrie: «Le diable sait de quel
côté tu avais la tête ! — Tu vois, petite mère,
comme il ment pour me faire tort!» La
mère se fâche contre son fils et le gronde.
«C'est bien, dit le moujik; je te reprendrai,
ma pigeonne, avant peu.» Quelque temps
se passe; la femme se lie avec un soldat
et ils vont ensemble dans la grange. Le
soldat la couche sur une botte de paille et
la f... Le moujik épie, il entre dans la
grange et attrape le soldat sur sa femme:
«Ah, militaire! c'est mal, cela. — Que le
diable vous démêle! répond le soldat; elle
dit: c'est bien! et toi: c'est mal! On ne
peut être agréable à tous deux! — Militaire,
j'irai réclamer contre toi! — Va, réclame;
moi, j'ai déjà obtenu.»

13*


196

CONTES SECRETS

LVI

LE SOLDAT DORT, MAIS SA P.,. TRA-
VAILLE

IBl était une fois un moujik, qui avait

Bflune jeune ménagère. Voilà que des
soldats arrivent dans le village, et l'un d'eux
est logé chez ce moujik. Le soir, ils se
couchent tous à la fois: la ménagère au
milieu, le moujik et le soldat aux bords. Le
moujik cause avec sa femme, mais le soldat
met le temps à profit et bourre la ménagère
par derrière. Le moujik éprouve aussi une
envie, il grimpe sur sa femme et veut la
tâter, lui prendre le c.. avec la main, mais
il saisit la p... du soldat. «Que fais-tu,
militaire?» Le soldat ronfle, comme s'il
était profondément endormi. «Voyez donc
ce militaire! dit le moujik, il dort, mais il
dirige sa p ... dans le c.. — Pardonne,
patron, je ne sais pas moi-même comment
elle se trouve là.»


traduits du russe

(Autre version.)

Le soldat avait réfléchi longtemps sur

le moyen de f..... la femme du paysan.

Voici ce qu'il imagine. Il dit à ce paysan:
«Patron! il y a beaucoup de diables chez
toi, ils ne me laissent pas dormir! Et toi,
comment as-tu dormi ? — Moi, gloire à Dieu !
j'ai bien dormi. — Alors, ce soir je cou-
cherai avec toi!» La femme dit: «Laisse-le
coucher avec nous!» Le paysan y consent:
il se couche lui-même sur le bord du lit et
place la ménagère au milieu, le devant
tourné vers lui; le soldat se couche contre
le mur et enfile la femme par derrière. Le
moujik allonge tout doucement le bras et
attrape le soldat par la p... «Ah, monsieur
le militaire, il dort lui-même, mais il envoie
sa p ... dans le c.. d'autrui ! 7- Pourquoi,
fils des diables ! me saisis-tu par la p... ?
s'écrie le soldat: je ne le permettrais pas à
ta femme, à plus forte raison à toi! — Et
pourquoi, monsieur le militaire, envoies-tu
ta p... dans le c.. d'autrui ? — Est-ce qu'elle
s'y était fourrée ? —- Voyez donc ! c'est à
peine si j'ai pu l'en retirer de force ! —- Quelle
enragée polissonne! Attends, je lui caresserai


i98

les flancs, elle n'ira plus rôder dans les
fentes d'autrui.»

LVII

le soldat et la paysanne (de petite-

russie)

ÏEFfltf paysan, sa femme et son fils vont à
rft*Sl| la ville avec des bœufs ; sur la route,
un cuirassier a attaché sa jument à un arbre
et la f... «Que fais-tu, moscovite?* —
C'est un cheval de l'Etat qui s'est démis
l'épaule, et je le guéris dé cette façon!» La
paysanne pense: «Il doit avoir une longue
p..., il f... une jument !» Elle se lève et
s'assied sur le rebord dutéléga; une roue
enfonce dans le fossé, la paysanne tombe
du téléga et crie : «Cours vite vers le soldat,
je me suis démis l'épaule !» Le paysan court,
rattrape le soldat: «Moscovite! sois bon
père, viens à notre aide, je t'en prie, ma

* Variante: Le paysan s'approche: «Que Dieu te
-vienne en aide, bon homme! que fais-tu?»


TRADUITS DU RUSSE 199

femme s'est démis l'épaule. — Que faire ? Il
faut faider dans ton malheur!» Le soldat re-
tourne sur ses pas; la paysanne est étendue
sur la terre et gémit : «Aïe, petit père, je me
suis démis l'épaule. — As-tu, demande le sol-
dat au paysan, une toile pour couvrir le téléga ?
—■ J'en ai une. — Bon! donne-la-moi!» Il
couvre le téléga et y place la paysanne. «Et
maintenant, as-tu du pain-sel? — J'en ai.»
Le soldat prend un petit morceau de pain et
le couvre de sel. «Maintenant, paysan, va
et tiens solidement les bœufs, ahn qu'ils ne
bougent pas de place.» Le paysan les saisit
par les cornes et les tient solidement; le
soldat monte dans le téléga et- se met à
f.....la paysanne. Le fils voit que le sol-
dat est étendu sur sa mère : «Petit père, hé>
petit père! le moscovite f... ma mère. —
Il te paraît, mon fils, qu'il la f... ! Mais cela
n'est pas! Le pain-sel le lui défend!» Le
soldat termine sa besogne et descend du
téléga; la paysanne lui dit: «Allons, merci,
moscovite, voilà un rouble pour toi.» Le
paysan tire sa bourse et lui donne deux
roubles: «Merci, moscovite, de ce que tu
as guéri ma femme.»


200

CONTES SECRETS

Lvm

le soldat et le paysan (de petite-

russie)

njBff soldat était logé chez un paysan et
yBH| avait fait connaissance avec sa femme.
Le paysan s'en aperçoit et cesse d'aller à
son travail; il ne quitte plus la maison. Le
soldat parvient à imaginer quelque chose.
Il se déguise sous un costume étranger,
arrive le soir à la chaumière et frappe à la
fenêtre. La paysanne demande: «Qui est
là?» Le soldat répond: «Le Vieux. — Quel
vieux? — Celui qui f... les paysans. Le
maître du logis est-il à la maison? — Que
lui veux-tu ? — Il nous est arrivé l'ordre de

f.....tous les paysans ! Ouvre la porte tout

de suite!» Le paysan a peur, il ne sait où
se sauver, il saisit une peau, se roule dedans
et se fourre sous le banc. La paysanne
ouvre la porte au soldat. Celui-ci entre dans
la chaumière et crie : «Où est le maître du
logis ? — Il n'est pas à la maison.» Le soldat
le cherche derrière le poêle, dans la sou-
pente, dans tous les angles, et enfin tombe
sur le paysan caché sous le banc. «Et cela,


TRADUITS DU RUSSE 201

qu'est-ce?» La paysanne répond: «C'est un
veau.» Le paysan entend et beugle comme
le veau. «Allons, puisque le maître du logis
n'y est pas, couche-toi toi-même! — Ah,
mon Dieu! ne pourrais-tu remettre à une
autre fois, et attendre jusqu'à ce que le
maître de la maison soit revenu? — Cela
t'est facile à dire: remettre à une autre fois?
mais il faut que je fasse le tour de toutes
les izbas, et si je ne les parcours pas toutes,
je recevrai trois cents coups de bâton sur
le dos. Couche-toi vite; je n'ai pas à discuter
avec toi.» La paysanne se couche, et le
soldat la bourre à sa manière^ il la pétrit
tellement, qu'elle pète sous la pression. Le
soldat a fini de la fouler ; il sort de la chau-
mière. Le paysan se lève de dessous le banc
et dit: «Ah, merci, ma femme, de la peine
que tu as eue à ma place. * Tu as deux
trous: par l'un suinte le liquide, par l'autre
sort l'odeur. Tu n'as pas pu y tenir et tu
as pété; mais moi, il me semble que j'aurais
ch.. ! Ah, ma femme ! tu es avisée, et moi
encore plus; tu as dit que j'étais un veau,
et moi fai beuglé comme un veau!»

que tu m'as épargnée.


202 CONTES SECRETS

LIX

LE SOLDAT DÉSERTEUR

FBHk soldat déserteur se glisse pendant
£§3||la nuit dans la grange d'un moujik et
se couche dans le foin. Il venait à peine
de s'endormir qu'il entend venir quelqu'un.
Le soldat a peur et grimpe jusqu'au toit.
Arrive une jeune fille et derrière elle un
jeune garçon ; ils apportent avec eux du vin
et différentes victuailles; ils les posent dans
un coin, se déshabillent et se mettent à s'em-
brasser, à se caresser. Le jeune garçon roule

la fille sur le foin et commence à la f.....;

tout en gigotant dessous, la jeune fille dit:
«Ah, cher ami! si Dieu voulait que je fisse
un petit, qui est-ce-qui le soignerait, qui est-
ce qui le surveillerait?» Le garçon répond:
«Celui qui est au-dessus de nous.» Quand
iL entend ces paroles, le soldat n'y tient plus
et s'écrie: «Ah, gredins! vous forniquez, et
c'est moi qui dois en subir les conséquences !»
Le garçon se relève aussitôt et se sauve, la
jeune fille aussi joue des jambes; le soldat
se laisse glisser à terre, ramasse leurs habits,
le vin, les victuailles, et continue sa route.


TRADUITS DU RUSSE a<>3

LX

LE SOLDAT ET LE POPE

n soldat voulait f..... la popesse.

Comment foire? Il met son grand
uniforme, prend son fusil et arrive dans la
cour du pope. «Allons, petit père! il est

arrivé un oukase qui ordonne de f.....tous

les popes; présente ton derrière! — Ah,
militaire! ne pourrais-je pas me racheter?
— Voilà encore une invention! Pour que je
paie à ta place ! Abaisse ton caleçon au plus
vite, et mets-toi à quatre pattes. -— Sois
compatissant, militaire! ne pourrais-tu pas
f..... la popesse à ma place? — Ah, per-
mets, cela n'est pas absolument impossible,
seulement si on venait à le savoir, malheur
à moi! Mais toi, petit père, que me don-
neras-tu pour cela? Je n'accepterai pas moins
de cent roubles. — Soit! militaire, seule-
ment épargne-moi ce chagrin. — Allons, va
te coucher dans le téléga et couche la po-
pesse sur toi, je monterai dessus et ce sera

comme si je te f......I» Le pope se couche

dans le téléga, la popesse se couche sur lui;
le soldat lui relève sa jupe et lui pétrit


204

CONTES SECRETS

la peau du haut en bas. Le pope est couché ;
il est couché et il est tourmenté ; sa p...
s'étend, elle passe par une fente à travers
le fond du téléga; elle fait saillie et elle est
si rouge I La fille du pope regarde, regarde,
et dit: «Eh, quelle rude p... il a, le mili-
taire! elle a passé à travers ma mère, à tra-
vers mon père, et le bout branle encore !» *

ii y avait noce chez un riche moujik:

Q£|il mariait son fils et donnait chez lui
un grand festin. On bénit le fiancé et la
fiancée et on les mène au lit; le lendemain
matin, on les lève, on les complimente sur
leur union légitime, puis on étend sur eux
un drap blanc, et on commence à les couvrir
du crible (à leur faire des cadeaux) ; chacun
leur donne autant d'argent qu'il peut. Tous
avaient couvert du crible, à l'exception d'un

* Écrit dans le gouvernement de Moscou.

LXI

LE SOLDAT CRIBLE


TRADUITS DU RUSSE 205

soldat. Un vieillard le voit couché, malade
d'ivresse, et lui dit : «Voyons, militaire, lève-
toi et crible les jeunes gens!» Le soldat se
lève: «Puisqu'il faut cribler, criblons,» dit-il ;
il s'avance sans caleçon, tel qu'il s'est levé,
prend le crible, soulève le drap et crible la
jeune femme par derrière. «Militaire! s'écrie
le beau-père, ce n'est pas ainsi qu'on crible !
— Cela ne fait rien, petit père, dit la jeune
mariée, laisse-le cribler de cette manière.»
Le militaire achève de la bourrer et retourne
sur le banc. Le beau-père est de mauvaise
humeur et dit aux jeunes filles: «Chantez
au soldat une chanson mordante.» Les
jeunes filles chantent: «Eh! soldat! tu t'es
traîné de par le monde, et tu n'as pas appris
à cribler! — Eh, sottes! je crible comme
je sais!


io6

CONTES SECRETS

LXII

LA BELLE-MÈRE ET LE GENDRE NIAIS

! était une fois un moujik et sa femme,

Bfl qui avaient une fille. Un prétendant
se présente; il se fiance avec la jeune fille
et l'épouse. Il arrive à ce gendre de se
trouver chez sa belle-mère pour les fêtes de
Noël La belle-mère le place à table et le
régale; elle met devant lui différents plats
et s'adresse elle-même à son gendre: «Dis-
moi, mon fils, quelle bête avez-vous abattue
chez vous aujourd'hui pour la fête? —- Ah,
voici: mon petit père, ces jours passés, at-
trape une chienne dans le hangar, et il la
frappe de telle sorte qu'elle pisse et ch.. ;
c'est à peine si elle peut s'échapper et se
sauver; mon père la poursuit, l'atteint près de
la clôture au moment où elle passait à tra-
vers une ouverture et la frappe encore une
fois dans le c.. 1» Eh bien, je me suis pro-
curé là un gendre spirituel! pense la belle-
mère. Quels jolis petits mots il a dans la
bouche! Je me garderai bien de lui jamais
rien demander.


TRADUITS DU RUSSE 307

LXIII

la femme bavarde

Hml y avait une fois un moujik qui vou-
|B01ait essayer si, à l'occasion, il était
possible, oui ou non, de confier un secret à
une femme. Un jour il a envie de satisfaire
un besoin : il sort dans la cour et ch.. ; il
revient dans l'izba, s'assied sur le banc,
penche la tête et soupire profondément,
comme s'il avait fait quelque chose de mal!
Sa femme lui dit: «Qu'as tu? es-tu malade?
Tu étais si gai tout à l'heure, et maintenant
tu fronces le sourcil! —- Eh, tais-toi, femme!
dit le moujik, je ne sais pas moi-même si
c'est bon ou mauvais, ce qui m'est arrivé h
La femme insiste : «Dis-moi, dis-moi ce qui
t'est arrivé ? — Il n'y a qu'un instant, femme,
je suis sorti pour un besoin; je m'étais à
peine accroupi et j'avais à peine pété, que
de mon cul il s'est envolé une. pie ! et je me
demande : qu'est-ce que cela peut bien signi-
fier?» Dès que la femme a entendu parler
de pie, elle court chez sa commère sous le
premier prétexte venu et lui raconte l'affaire :
«Écoute, commère, ce qui est arrivé hier à


208

CONTES SECRETS

mon homme: il sort pour un besoin; à peine
a-t-il pété, que deux pies s'envolent de son
cul. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir
dire ? — Je ne sais pas, petite mère !» Elles
conjecturent et se séparent. La commère
court aussitôt vers une autre commère et
lui dit: «Sais-tu, petite commère Arina, ce
qui est arrivé à Ivann ? Sa femme est venue
vers moi et m'a raconté qu'il était allé
satisfaire un besoin, et qu'au premier pet,
trois pies s'étaient envolées de son cul!»
La commère Arina court chez ses voisines
et raconte qu'Ivann est sorti pour un besoin,
et que quatre pies se sont envolées de son
cul. Plus on avance, plus le nombre des
pies devient grand ; quand la nouvelle a fait
le tour des femmes du village, il se trouve
qu'il s'est envolé douze pies dù cul du mou-
jik; et il en résulte pour lui une si grande
renommée, qu'il ne peut plus se montrer
nulle part 1 en quelque lieu qu'il apparaisse,
chacun lui crie: «Eh bien, quoi, camarade!
il s'est envolé douze pies de ton cul? Ra-
conte-moi cela, je t'en prie!»


TRADUITS DU RUSSE

209

LXIV

LE POPE HENNÎT COMME UN ÉTALON

ans certain village, il y avait autrefois

feH4| un pope, ~ grand amateur de jeunes
femmes. Quand, par hasard, il voyait de
sa fenêtre une jeune femme passer devant
sa cour, aussitôt il avançait la tête et hen-
nissait comme un étalon. Dans ce village
vivait un moujik, qui avait une femme très
bien de sa personne. Chaque jour, en allant
à l'eau, elle passe devant la cour du pope,
et le pope ne l'a pas plus tôt aperçue,
qu'aussitôt il avance la tête hors de la fenêtre
et hennit! La femme revient à la maison
et dit à son homme : «Mon petit moujik, dis-
moi, je t'en prie, pourquoi ceci: quand je
passe, allant à l'eau, devant la cour du pope,
le pope hennit comme un étalon, de manière
à remplir toute la rue ! — Ah, la sotte femme !
Il veut faire l'amour avec toi! Écoute: quand
tu iras à l'eau et que le pope hennira comme
un étalon: iho-ho! hennit toi-même d'une
voix douce: ihi-hi! Il accourra aussi-
tôt et te proposera de passer la nuit avec
toi; attire-le: nous l'arrangerons, ce pope;

K^vn radia. I. 14


aïO CONTES SECRETS

il ne hennira plus comme l'étalon!» La
femme prend son seau et va à l'eau. Le
pope l'aperçoit de sa fenêtre et hennit à se
faire entendre dans toute la rue: iho-ho!
iho-ho! et la femme lui répond en hen-
nissant: ihi-hi! ihi-hi! Le pope bondit,
met sa soutanelle, sort de l'izba et court
vers la femme : «Eh bien, Mariouchka ! peut-
on faire cela ? ... — Très bien, petit père !
Mon homme s'apprête à aller à la ville pour
la foire, seulement, il ne peut trouver nulle
part des chevaux. — Que ne le disais-tu plus
tôt? Envoie-le chez moi, je lui donnerai
une paire de chevaux et le chariot: qu'il
aille donc !» La femme revient chez elle et
dit à son mari: «Voilà l'affaire, prends les
chevaux du pope.» Le moujik s'apprête
aussitôt et va droit chez le pope; celui-ci
l'attendait depuis longtemps. «Faites-moi
cette grâce, petit père, prêtez-moi votre paire
de chevaux pour aller à la foire. — Très
bien, l'ami, très bien.» Le moujik attelle
les chevaux du pope au chariot, il vient à
la maison et dit à sa femme : «Allons, mé-
nagère! je sortirai du village et je m'arrêterai
un peu, puis je reviendrai sur mes pas. Le
pope accourra pour faire l'amour avec toi;
quand je reviendrai et que je frapperai à la


traduits du russe 211

porte, il aura peur et te demandera: Où
faut-il me cacher? Cache-le dans cette malle,
qui contient du noir de fumée; entends-tu?

— Parfait !» Le moujik monte dans le cha-
riot et traverse le village ; le pope le voit et
accourt aussitôt vers la femme: «Bonjour,
Mariouchka! — Bonjour, petit père! Main-
tenant nous voilà libres. Amusons - nous !
assieds-toi à table et buvons de l'eau-de-Vie.»
Le pope boit un petit verre et ne peut pas
attendre plus longtemps: il ôte sa soutane,
ses bottes, son caleçon, et s'apprête à mon-
ter sur le lit; tout à coup on frappe à la
porte. Le pope est effrayé et demande:
«Qu'est-ce, Mariouchka! on frappe? — Ah,
petit père! c'est sans doute mon homme
qui revient à la maison; il aura oublié
quelque chose ! — Où pourrais-je me cacher ?

— Voilà dans l'angle une malle vide, fourre-
toi dedans!» Le pope se fourre dans la
malle et tombe droit dans la suie; il s'y
étend et faillit étouffer; la femme rabat
vivement le couvercle sur lui et ferme la
malle à la clef. Le moujik entre dans l'izba.
Sa femme lui demande: «Pourquoi es-tu
revenu? — J'ai oublié de prendre la malle à
la suie; je trouverai peut-être à la vendre à
la foire ! Aide-moi à la porter sur le chariot.»

14*


212

Ils soulèvent à eux deux la malle, avec le
pope, et la traînent hors de Pizba. «Pourquoi
est-elle si lourde ? dit le maître de la maison ;
elle est tout à fait vide, ce me semble, et
cependant elle est pesante!» Et il la traîne,
il la traîne, il la cogne à dessein tantôt
contre le mur, tantôt contre la porte. Le
pope roule dans la malle et pense : «Je suis
tombé dans un beau traquenard !» Ils hissent
la malle sur le chariot, le moujik s'assied
dessus et part pour la ville avec les chevaux
du pope; il arrive sur la route, agite son
knout et fouette les chevaux ; ceux-ci partent
à fond de train! Il est rencontré par un
seigneur, qui dit à son laquais: «Va, arrête
ce moujik et demande-lui où il va si vite?»
Le laquais court et crie: «Eh, petit moujik,
arrête! arrête!» Le moujik s'arrête. «Mon
maître m'ordonne de te demander pourquoi
tu vas si vite? — Je donne la chasse aux
diables, voilà pourquoi je vais vite. — Quoi
donc, petit moujik, en as-tu déjà pris un?
— J'en ai pris un et j'en poursuivais un
second, mais tu m'as retardé! maintenant
je ne pourrai plus l'atteindre.» Le laquais
raconte l'affaire à son maître: le moujik a
pris un diable ! Le maître vient aussitôt vers
le moujik: «Montre-moi ton diable, mon


traduits du russe

213

ami; de ma vie je n'en ai vu! — Donne-moi
cent roubles, seigneur, et je te le montrerai.

— Bien!» dit le seigneur. Le moujik reçoit
les cent roubles du seigneur, ouvre la malle
et lui en montre le contenu: dans la malle
est assis le pope, tout meurtri et barbouillé
de suie, avec ses cheveux ébouriffés! «Ah,
comme il est effrayant! s'écrie le seigneur.
Voilà donc ce que c'est qu'un diable! de
grands cheveux, un visage noir, des yeux
hors de tête!» Ensuite le moujik enferme
son diable et galope de nouveau vers la ville.
Il arrive sur une place où se tenait une
foire et s'arrête. «Que vends-tu, moujik?»
lui demande-t-on. — Un diable, répond-il.

— Et combien en veux-tu ? — Mille roubles.

— Et le dernier prix? — Pas un copek de
moins! c'est le dernier mot: mille roubles.»
Alors il se rassemble autour du moujik une
foule si compacte, qu'une pomme n'y serait
tombée nulle part! Arrivent deux riches
marchands, qui s'informent de ce qu'il y a
dans le chariot. «Moujik, vends-nous ton
diable! — Je veux bien. — Combien nous
le feras-tu ? — Mille roubles, et cela pour le
diable seulement, sans la malle. Cette malle
m'est nécessaire, afin que, si je prends un
diable, je sache où le mettre.» Les mar-


2l4 contes secrets

chands se cotisent et lui donnent mille roubles.
«Veuillez en prendre livraison I» dit le mou-
jik; il ouvre la malle: le pope bondit et
court! il se jette droit contre la foule; la
foule se sauve de lui dans toutes les direc-
tions, de telle sorte que le pope s'échappe.
«Quel diable! disent les marchands entre
eux. Quand on tombe sur un diable pareil,
tout est perdu!» Le moujik revient à la
maison et rend les chevaux au pope. «Merci,
petit père, de ton chariot I J'ai fait de bonnes
affaires: j'ai gagné mille roubles.» Les jours
suivants, sa femme passe, en allant à l'eau,
devant la cour du pope; elle voit le pope
et hennit: Thi-hi-hi! «Va, je f... ta mère!
ton mari m'en a donné du h i h i !» Depuis ce
temps-là le pope cessa de hennir comme
les étalons.

(Autre version.)

Dans certain empire, dans certain royaume,
il y avait une fois un pope; il s'était amou-
raché de la femme d'un moujik. Quand elle
passe avec son seau, allant à la rivière, il
se met à hennir comme ,un étalon. Elle
passe un jour allant à Peau, le pope la voit


TRADUITS DU RUSSE 215

et hennit; elle hennit aussi. Le pope ac-
court: «Eh bien, quoi, ma mignonne, y a-
t-il moyen de faire connaissance avec toi?
— Sans doute, petit père! seulement il
faut arranger cette affaire!» Elle rentre
à la maison et dit à son mari: «Le pope
veut avoir, affaire à moi, il demande à cou-
cher avec moi. — Eh bien, quoi? laisse-le
venir; je quitterai la maison pour aller la-
bourer dans les champs, puis je reviendrai
et je le raserai; peut-être pourrons - nous
Pécosser un peu!» Le moujik part pour les
champs et passe à dessein devant la cour du
pope. «Où vas-tu, Pamî ? — Je vais labourer,
petit père! Bénissez-moi pour le voyage,
pour la route! — Cest une bonne chose,
dit le pope : que Dieu te bénisse !» La femme
vient toute de suite à Peau, elle rencontre
le pope et lui dit: «Eh bien, mon mari est
allé labourer! viens ce soir, petit père; je
te préparerai à manger, apporte de Peau-de-
vie.» Le pope ne peut attendre le soir; il
s'habille à la hâte, il prend dans sa poche
de l'argent et une bouteille d'eau-de-vie et
accourt vers la femme. Il arrive. «Bonjour,
mignonne! — Bonjour, petit père!» Le pope
tire sa_bouteille, la place sur la table; ils
mangent et boivent comme il convient. Alors


2l6

le pope commence à jouer avec la femme,
il lui täte les tétons et Pen traîne vers le lit!
Tout à coup on frappe à la fenêtre : «Ouvre,
femme; pourquoi t'es-tu enfermée? est-ce
que tu caches des amoureux? — Attends,
mon petit homme, je t'ouvre à l'instant.»
Le pope est enrayé. «Où me cacher? où
me sauver?» Mais la femme lui dit: «Désha-
bille - toi vite, petit père, mets ces habits
de mendiant et assieds-toi là près du poêle.
Si mon mari demande qui tu es, je lui dirai :
un pauvre est venu demander à coucher et
je l'ai reçu.» Le pope ôte lestement sa sou-
tane, endosse les vêtements déguenillés et
s'assied près du poêle. Le moujik entre
dans Pizba. «Qu'y a-t-il ? mon petit homme,
tu rentres de bonne heure, lui dit la femme ;
tu étais parti pour trois jours ? -- J'ai oublié
le baril à l'eau. Mais qui est cet homme
que je trouve chez nous ? — C'est un étran-
ger; il a demandé à passer la nuit, et je le
lui ai permis. — Allons, ménagère, donne-
moi à souper, je coucherai ici et demain
matin je partirai pour le labourage.» Il
s'assied à table et se met à bâfrer. «Tu boi-
rais peut-être volontiers de l'eau-de- vie ?
lui dit la femme. — 11 y en a donc? — Il
y en a. Je suis allée aujourd'hui chez ma


217

mère et elle m'en a donné une bouteille en-
tière.» Le moujik boit et dit au pope:
«Assieds - toi, compatriote, et soupe avec
nous!» Le pope ne bouge pas et se tait.
«Eh, femme ! il a couru le monde, il a laissé
croître toute sa barbe et il a honte main-
tenant de se montrer devant les gens. Vois
comme il est craintif! Donne-moi les ciseaux,
que je lui coupe sa barbe !» La femme donne
les ciseaux. Le moujik coupe la barbe du
pope jusqu'à la peau. Ensuite il s'assied, il
s'assied et .réfléchit : «Eh, ménagère ! dit-il,
va chez la popesse et prie-la de nous faire
l'amitié de venir manger et boire avec nous :
c'est une bonne femme ! on peut la régaler.»
La femme court inviter la popesse: celle-ci
est très contente ; elle saute de joie, s'habille
et vient chez le moujik. «Pourquoi t'a-t-il
fallu tant de temps, petite mère ! dit le mou-
jik. — Quel homme I ne sais-tu pas combien
sont longs les apprêts d'une femme de pope ;
il faut se laver, s'habiller: un bon moujik
ferait dix verstes pendant ce temps-là! —
«Allons, assieds-toi, petite mère! mange et
bois avec nous ce que Dieu nous a envoyé ;
c'est jour de fête aujourd'hui chez moi : ma
vache a fait le veau !» et il lui verse de l'eau-
de-vie, un verre d'abord, puis un second,


2l8

CONTES SECRETS

'puis un troisième. «Bois, petite mère, à la
santé de notre veau!» us boivent toute
l'eau-de-vie. «Femme, dit le moujik à sa
ménagère, va au cabaret, rapporte encore
une demi - bouteille, je fais bombance au-
jourd'hui.» La femme court au cabaret; le
moujik voit que la popesse est ivre et lui

propose de la f..... La popesse s'excuse, -

s'excuse; mais plus elle s'excuse, plus le

moujik insiste: «Laisse-toi f....., petite

mère! De ma, vie je n'ai essayé avec une
popesse! — Où nous coucherions-nous? dit
la popesse, voilà un mendiant qui est assis
là! — Cela ne fait rien, qu'il regarde!» dit
le moujik. Il place la popesse sur le lit et
se met à la carder (Variante: à la teindre
au bois de sandale). Le pope est assis, il
regarde et soupire profondément Le moujik
termine à peine son affaire avec la popesse,
que sa femme arrive avec l'eau-de-vie. Ils
boivent de nouveau. La popesse prend congé
et retourne chez elle, le moujik se couche
avec sa femme. Le pope s'étend sur le banc
comme pour dormir, mais 41 attend l'occa-
sion de s'esquiver. Le moujik ronfle à des-
sein. Le pope se lève tout doucement et
joue des jambes. Il arrive en courant à la
maison, peut à peine cogner, jette ses gue-


219

nilles et se couche avec la popesse. Voilà
que la popesse veut le saisir par la barbe:
il n'y a plus de barbe. «Qui donc, petit
père, t'a ainsi pelé ? — Ce même diable qui
t'a écorcée, toi!» La popesse se mordit la
langue.

LXV

LA FEMME RUSÉE*

hDl y avait une fois un bourgeois qui
avait une jolie femme. Us avaient vécu
et mangé tout leur bien. La femme dit à
l'homme: «Il faut nous arranger de manière
à gagner notre vie. — Et comment nous
arranger? — J'ai trouvé le moyen, seule-
ment ne me gronde pas! — Allons, agis, si
tu as trouvé le moyen. — Tu te cacheras»
dit la femme, et tu épieras. J'attirerai et je
ramènerai des hôtes ; tu cogneras à la porte :
alors nous ferons notre affaire. — Allons,
bien !» Elle prend une caisse, elle y répand
de la suie et la place dans la soupente;

* Comparez avec le no LXIV.


220 CONTES SECRETS

l'homme va se cacher; la femme se farde de
blanc, de rouge, s'attife, sort dans la rue et
s'assied près de la fenêtre, ainsi parée!*

** Variante: Ce conte commence aussi de cette
façon: Un pauvre moujik, Vannka le gueux, a imaginé
de se marier avec la fille d'un riche marchand. Il de-
mande au père de la jeune fille une mesure pour mesurer
de l'argent et le trompe de cette manière. Celui-ci se
dit: certainement ce moujik-là est riche, et il lui donne
sa fille ; mais le moujik dépense et dissipe tout. Alors
sa femme a recours à la ruse. Elle attend le dimanche
et va à la messe. Un propriétaire la voit et s'approche
d'elle, il se met à blâmer l'ivrognerie de son mari et
lui dit: «Eh, Maria Draitrovna ! ne pourrait-on passer
une nuit avec toi ? — Certainement, dit-elle, seulement
quand mon mari ne sera pas à la maison.» Au sortir
de la messe, elle voit le pope qui lui court après et qui

lui dit: «Maria Dmitrovna, ne pourrait-on pas te f.....

un petit coup ? — Certainement. Viens quand mon mari
ne sera pas à la maison. (A la place du propriétaire on
met parfois le vaïvode.) Maria Dmitrovna rentre chez
elle et raconte tout à son mari. Il va lui-même aussitôt
dans le village, passe devant la maison du propriétaire
et crie : «Vannka le gueux va dans le cabaret des Tsars
riboter toute la nuit ! — Viens chez moi, lui crie le
propriétaire, je t'offrirai quelque chose. — Est-ce que je
n'ai pas de l'argent?» Il se dirige aussitôt vers la cour
du pope, passe devant et crie: «Vannka le gueux va dans
le cabaret des Tsars riboter toute la nuit!» Après avoir
entendu ces paroles, le propriétaire s'habille aussitôt
et va trouver la femme de Vannka. Elle le fait asseoir
à table et le régale, quand tout à coup Vannka le gueux


221

Après un court moment d'attente, le pope
vient à passer à cheval; il s'approche et lui
dit : «Eh, jeune poulette, tu t'es bien parée ;
c'est donc fête chez toi ? — Quelle fête ! c'est
de chagrin que je me suis parée: je suis
maintenant seule à la maison. — Et ton
mari, où est-il ? — Il est parti pour travailler.

— Voyons, chère petite colombe, ne pour-
rait-on pas te consoler dans ton chagrin?
Permets que je te rende visite, tu ne seras
plus seule, et la nuit ne sera pas si longue ï

— Je t'en prie, petit père! — Où faut-il
mettre mon cheval? — Conduis-le dans la

revient à la maison. «Ah, Maria Dmitrovna, où me
fourrer? — Cache-toi dans la malle.» Le propriétaire
se cache dans la malle, le mari rentre et gronde sa
femme: .«Pourquoi n'es-tu pas couchée depuis long-
temps ?» Il fait du bruit, il fait du bruit et sort. A
peine est-il sorti, que le pope arrive en visite. Et la
même scène se passe avec le pope ; il se jette dans la
malle et s'assied droit sur le propriétaire. Celui-ci le
saisit par la barbe: «C'est toi, petit père! — C'est moi,
l'ami !» Vannka le gueux attelle un cheval, place la
malle sur un chariot, la conduit à la rivière et la jette
dans l'eau. Le pope et le propriétaire ont grand' peine
à en sortir. Vannka ramasse leurs habits, avec tout
l'argent qui était dans les poches, il vit tranquillement
avec sa femme, se procure les bonnes choses et évite
les mauvaises.


222 contes secrets

cour, j'ordonnerai à l'ouvrier d'en prendre
soin. Ds entrent tous deux dans l'izba. «Mais,
chère pigeonne, il faut d'abord boire; voilà
un rouble, envoie chercher de Peau-de-vie.
L'ouvrier leur apporte une bouteille entière
d'eau-de-vie : ils boivent et mangent «Allons,
il est temps maintenant de se mettre au lit,»

dit le pope, couchons-nous et f...... un

peu ! — Ecoute, petit père ! quand on pèche,
il faut pécher : déshabille-toi tout nu, ce sera
plus amusant!» Le pope se déshabille tout
nu, et il est à peine couché dans le lit, que
le mari frappe violemment à la porte. «Ah!
malheur à moi! mon mari est revenu! monte,
petit père, dans la soupente, et cache-toi
dans la caisse.» Le pope,, tout nu comme
il était, se précipite dans la caisse et se
couche dans la suie. Le mari entre dans
l'izba et gronde. «Je f... ta mère"! Pour-
quoi as-tu tant tardé à ouvrir?» Il se met
à table, boit un verre d'eau-de-vie et mange;
ensuite il sort de l'izba et se cache de nou-
veau; sa femme se hâte d'aller dans la rue
et s'assied sous la fenêtre. Le diacre vient
à passer. La même chose a lieu avec lui.
Quand le mari frappe à la porte, le diacre,
déshabillé tout nu, se jette dans la caisse à
la suie et tombe droit sur le pope : «Qui est


TRADUITS DU RUSSE

223

là? — C'est moi, dit le pope à voix basse.
Et toi, l'ami, qui es-tu? — Moi, petit père,
je suis le diacre ! — Et comment es-tu ar-
rivé ici? — Et toi, petit père, comment? —
Tais-toi, que le maître du logis n'entende
pas, ou il arriverait malheur !» La maîtresse
de la maison attire ensuite de la même ma-
nière le petit-diacre (le chantre). Il se jette
aussi dans la caisse à la suie, täte avec ses
mains le pope et le diacre : «Qui est là ? —
C'est nous, moi et le père diacre, dit le
pope; et toi, si je ne me trompe, tu es le
petit-diacre (le chantre)? — C'est bien moi,
petit père!» Enfin, la maîtresse de la mai-
son sort encore dans la rue et attire le
sonneur (sacristain). Le sonneur était à peine
déshabillé, qu'il se fait du bruit, et des coups
résonnent contre la porte. Il se précipite dans
la caisse: «Qui est là? — C'est moi, l'ami,
avec le père diacre et le petit-diacre ; et toi,
ce me semble, tu es le sonneur? — C'est
bien moi, petit père ! — Allons, l'ami, main-
tenant, tout le clergé (les gens d'église) de
la paroisse est rassemblé.» Le mari entre et
dit à sa femme: «N'avons-nous pas de la
suie à vendre. On' m'en demande, on veut
l'acheter. — Bien, vends-la, dit la femme;
il y en a une caisse toute pleine dans la


224 CONTES SECRETS

soupente.» Il prend la caisse, aidé de l'ouvrier,
ils la hissent sur le téléga et la conduisent
sur la grande route. Arrive un seigneur en
équipage: «Détourne-toi», crie-t-il de tous
ses poumons. «Impossible. J'ai des diables
dans mon chariot. — Montre, dit le seigneur,
-t- Donne cinq cents roubles. — Pourquoi
si cher? — Si j'ouvre la caisse, nous n'aurons
que le temps de les voir: ils se sauveront
à l'instant!» Le seigneur lui donne cinq
cents roubles; dès qu'il ouvre la caisse, tout
le clergé de la paroisse saute dehors et se
sauve à toutes jambes, de vrais diables, bien
enduits et noirs!»

* Variante : Le pope arrive et à peine a-t-il bu un
petit verre, que le mari frappe à la porte de l'izba. Où
se fourrer ? «Assieds-toi là, dit la femme, tourne la meule
à moudre ; il fait sombre maintenant, il ne te reconnaîtra
pas, et je lui dirai : C'est la tante qui moud.» Le pope
se met à moudre. Vannka entre dans l'izba et aussitôt
il crie à l'oreille du pope: «Mouds, tante! mouds,

p.....!» Il marche, il marche dans l'izba ; de nouveau

il crie à l'oreille du pope: «Mouds, tante, mouds,

p.....! ensuite il dit à sa femme : «Souffle le feu !» La

femme souffle le feu. Vannka regarde et s'écrie: «Ah,
diable poilu, qu'es-tu venu faire ici ?» Le pope ne peut
l'échapper, il avoue : «J'étais venu vers ta femme ! —
Donne cinq cents roubles de rançon !» Le pope dit :■


TRADUITS DU RUSSE

(Autre version.)

Il était une fois un moujik, qui avait une
femme jeune et belle. Le pope, le diacre
et le petit-diacre (le chantre) en étaient
amoureux. «Voyons, Mariouchka, dit le pope,
ne pourrait-on faire cela ?... — Venez, petit
père, ce soir, à la tombée de, la nuit.» Le
diacre lui fait la même demande: «Venez,
père diacre, quand il fera tout à fait nuit.»
Elle dit au petit-diacre de venir autour de
minuit. Le moujik s'entend avec sa femme;
il sort de la maison et prend des sacs,
comme s'il voulait aller à la ville, au bazar.
Le pope arrive près de la femme, mais à
peine est-il déshabillé, qu'on frappe à la
porte: le moujik est revenu. Le pope se
cache au fond d'une caisse. Ensuite arrive le
diacre; la même chose se passe et il se couche
sur le pope; sur celui-ci se couche le petit-
diacre, au-dessus des deux autres. Le moujik
crie: «Femme, donne mon fusil! Je veux tirer.

Je les donnerai, seulement laisse-moi aller, que je fasse
pénitence ! — De plus, chasse un diable de ma maison.»
Le pope prend sa croix et chante la prière ; Vannka
ouvre la caisse ; le propriétaire en sort tout enduit et
se sauve. Vannka l'attrape et lui fait donner aussi une
rançon 4e 500 roubles, et ensuite il vécut dans l'abondance.

fcçvn radia. i. l5


226 contes secrets

Marque le but avec de la craie, là, sur cette
caisse !» La femme marque le but. Le pope
lui chuchote : «Marque plus haut,» et le petit-
diacre: .«Marque plus bas.» Le moujik les
effraie, les effraie, et ordonne à sa femme
de les mettre en liberté: il se place sur le
seuil avec un gourdin et leur sert une ré-
galade. Le diacre et le petit-diacre sortent,
mais le pope se cache dans le foin sous la
vache. Le moujik le remarque et dit à sa
femme : «Femme ! va trouver la popesse, dis-
lui de venir acheter la vache; depuis long-
temps elle la marchande, aujourd'hui je la
lui donnerai à bon marché.» Dès que la
popesse entend qu'il s'agit de la vache, elle
saute de suite à bas du ht, s'habille et ac-
court: «Eh bien, Ivann, tu veux me vendre
ta vache ? — Je te la vendrai, petite mère !

— Combien en veux-tu? — Tu m'en don-
neras quarante roubles; mais si tu veux te
laisser limer, je te la donnerai pour rien!

— Eh bien, lime, l'ami!» Le moujik étend
la popesse sur le foin, la travaille et lui dit:
«La vache, petite mère, je te l'enverrai de-
main, avec le veau.» La popesse sort, et
le moujik crie à sa femme: «Donne-moi
à souper! — Que veux-tu ? — Donne-moi du
lait. — Il n'y a pas de lait, le veau à sucé


traduits du russe 227

tout le lait de la vache.» Le moujik prend
un gourdin et tanne le pope ; celui-ci beugle
comme le veau; il beugle, beugle, et voit
bientôt que cela' est au-dessus de ses forces,
il bondit et se sauve chez lui. «D'où viens-
tu? demande la popesse; voyez cet oiseau
de nuitl tu viens de te traîner chez les

p......I» Mais le pope lui dit : «Tais-toi,

je f... ta mère! où est donc la vache que
tu as achetée?»

(Autre version.)

Il était une fois un forgeron, qui avait
une femme d'une merveilleuse beauté. Ils
vivaient pauvrement. Un jour le forgeron
dit à sa femme: «Écoute, ménagère! Que
pourrions-nous bien faire pour nous procurer
de l'argent ? Si tu attirais chez toi des amou-
reux ? Les riches te convoiteraient. Va faire
un tour dans la ville! peut-être ramèneras-
tu quelque imbécile! Mais tiens-toi bien
sur tes gardes. Si quelqu'un te fait des pro-
positions, prends l'argent et dis-lui de venir
pendant la nuit dans la forge, par la
cheminée. Je serai là et je les arrangerai
comme il convient !» La forgeronne se pare

15*


contes

secrets

avec soin et va dans la vijle. Elle rencontre
un pope de sa connaissance : «Bonjour, petite
dame ! Eh bien, ton mari est-il à la maison ?

— Non, petit père! un seigneur a eu besoin
de lui pour tout un mois de travail et main-
tenant je suis seule. — Eh, ma mie, c'est
très bien que tu sois seule. Ne pourrais-je
pas aller coucher une nuit avec toi? —
Pourquoi pas? petit père, je le veux bien,
seulement, donne-moi vingt roubles. — Très
bien, ma mie! tiens, voilà l'argent. Ce soir,
après les vêpres, j'irai tout droit chez toi.

— Viens, petit père, mais pas dans l'izba;
je passerai la nuit dans la forge, pour gar-
der les outils de mon mari; tu te laisseras
glisser tout doucement par la cheminée. —
Bien, ma mie !» Elle reçoit les vingt roubles
du pope et va plus loin. Elle rencontre le
staroste (marguillier) de l'église: «Eh, bon-
jour, forgeronne! — Bonjour, bon homme!

— Eh bien, ton mari est-il à la maison ? —
Non, il est allé travailler pour un mois en-
tier chez un seigneur, maintenant je vis
seule chez moi. — Ne pourrait-on, ma chérie,
passer une petite nuit seulement? — Pour-
quoi pas? je suis libre aujourd'hui. Donne-
moi vingt roubles et viens ce soir un peu
tard ; je passerai la nuit dans la forge ; quand


traduits du russe 229

tu viendras, ne frappe pas à la porte, afin
qu'on n'entende pas de bruit, mais glisse-
toi tout doucement dans la cheminée. —
Parfait!»' Elle reçoit les vingt roubles du
staroste et va plus loin. Elle rencontre un
tsigane. «Ah, bonjour, petite mère ! — Bon-
jour, tsigane? — Eh bien, ma chérie, ton
vieux est-il à la maison ? — Non, il est allé
pour un mois entier travailler chez un
seigneur, et maintenant je vis toute seule.
— Ah, ma petite chérie, je pourrais donc
passer une petite nuit avec toi! — Pour-
quoi pas ? Viens, tsigane ! seulement donne-
moi vingt roubles.» Le tsigane tire l'argent
de sa poche: «Voilà, voilà, ma chérie. Ce
soir j'accourrai chez toi. — Viens, tsigane,
tout droit à la forge et descends par la
cheminée, je t'attendrai là. — Bien, ma pi-
geonne!» La forgeronne revient à la mai-
son et dit: «Eh bien, forgeron, trois amou-
reux viendront me voir cette nuit; ils m'ont
donné chacun vingt roubles. — Allons, mé-
nagère, gloire à Dieu ! je me charge de ces
gens-là.» Ils attendent le soir. Le forgeron
s'apprête et va dans la forge; il allume le
4 feu au fourneau, il y met des tenailles et il
attend les amoureux. Dès qu'il a terminé
les vêpres, le pope prend sa soutane et court


contes secrets

de l'église à la forge. Le staroste lui court
après: «Où allez-vous, petit père? — Ah,
tais-toi, l'ami! j'ai péché devant Dieu, je vais
coucher chez la forgeronne, j'ai donné l'ar-
gent d'avance. — Ah, petit père ! moi aussi
je vais là! — Cela ne fait rien, l'ami! allons
ensemble, ce sera plus gai» Ils approchent
de la forge; le tsigane les rejoint. «Hé! où
allez-vous, pères spirituels? — Tais-toi, tsi-
gane, nous allons coucher avec une femme,
là, dans cette forge. — Ah, ah, petits pères,
et moi aussi j'y vais. — Eh bien, allons en-
semble.» Ils arrivent les trois à la fois.
«Allons, maintenant à qui de descendre le
premier par la cheminée?» Le pope dit:
«C'est à moi, l'ami! je suis plus vieux que
vous. — Bien, descends, petit père !» Le pope
ôte sa soutane, se débarrasse de ses bottes
et de son caleçon. Le staroste et le tsigane
le prennent, lui passent des cordes sous les
bras et se mettent en devoir de le descendre
dans la cheminée. Le pope leur dit: «Dès
que j'aurai fait mon affaire, je crierai: fik!
vous me répondrez: chmik! et vous me
tirerez en haut.» Ils avaient à peine com-
mencé à descendre le pope par la cheminée,
que le forgeron chauffe les tenailles, et avec
ces tenailles saisit le petit père par les


231

c....... Le pope crie de toutes ses forces:

fik! ils lui répondent: chmikl et le tirent
en haut: «Quoi donc, petit père, tu as fait
ton affaire aussi vite que cela? demande le
tsigane. — Ah, l'ami ! comme son c.. est
chaud! à peine le touche-t'on qu'il vous
brûle comme de la vapeur. Je n'ai jamais
rien vu de pareil. — Allons, maintenant,
c'est à moi de descendre, dit le staroste. —
— Descends!» Le staroste se déshabille, le
pope et le tsigane le lient sous les bras et
le font glisser le long de la cheminée. Le
forgeron prend ses tenailles et pince cet

amoureux par les c....... Le staroste se

met à crier: fik! ils lui répondent chmik!
et le tirent en haut. «Allons, tsigane, dit le
staroste, on ne regrette pas ses vingt roubles,
cela vaut l'argent; descends à ton tour. —
Moi, petits pères, je ne travaille pas à votre
façon; je ne me relèverai pas avant de
l'avoir patinée trois fois. Écoutez bien, petits
pères; ne me retirez pas avant que je n'aie
dit trois fois: fik! — Boni» Ils laissent
glisser le tsigane. Le forgeron entend qu'un
troisième amoureux descend dans la che-
minée, il prend dans son fourneau des te-
nailles brûlantes et pince le tsigane droit
aux c....... Le tsigane crie de toute sa


232 contes secrets

force: fik! ils ne le tirent pasl Le tsigane
crie une seconde fois: fikï ils ne le tirent
pas ! Le tsigane crie une troisième fois : fik!
Dieu de miséricorde! on ne f... pas ici, on
vous cuit tout vivant! fik! Le pope et le
staroste. répondent: chmik! et hissent le
tsigane, dont les c....... pendent en lam-
beaux! Celui-ci s'emporte contre le petit
père: «Pourquoi donc, chien, barbe de bouc!
ne nous as-tu pas dit que là-bas on nous
régalait de cette façon ? Que le diable t'em-
porte! au moins tes œufs seuls auraient été
rôtis! Ah, petits pères, c'est moi qui suis
le plus maltraité! — Allons, l'ami, ce n'est
rien. Puisque cette vilaine femme nous a
trompés, allons maintenant chez elle dans
l'izba et nous lui travaillerons la peau comme
il convient!» Ils s'habillent tant mal que
bien et vont chez la forgeronne. Ils entrent
dans l'izba et la trouvent seule: «Quel tour
nous as-tu joué, gredine? — Ah, chers amis!
je suis moi-même bien contrariée que les
diables aient ramené mon mari à la mai-
son. Il est revenu je ne sais ni pourquoi
ni comment, et dès le soir il est allé tra-
vailler à la forge. Asseyez-vous, mes petits
pigeons; je vais m'attifer un peu; la nuit
est longue, elle nous appartiendra en entier,


TRADUITS DU russe 233

et maintenant mon mari restera dans sa forge
jusqu'au jour.» Les visiteurs s'asseyent. Tout
à coup le forgeron revient à la maison ; il
feint d'être ivre, frappe à la porte et injurie
sa femme: «Ouvre, p____.; !» Dès qu'ils en-
tendent le bruit et les cris, les visiteurs bon-
dissent: «Où nous fourrer maintenant?» La
forgeronne leur dit: «Ne craignez rien, mes
petits pigeons, je vous cacherai; il est ivre,
il ne tardera pas à s'endormir. Toi, petit
père, ôte vite tous tes habits, mets-toi tout
nu dans l'angle de devant. Je dirai à mon
mari que j'ai acheté un saint.*» Le pope
ôte de suite sa soutane, son caleçon, ses
bottes et sa chemise, se place debout dans
l'angle de devant, comme un saint, et épar-
pille ses cheveux et sa barbe. «Et moi, où
vais-je me fourrer?» demande le staroste.
— Et moi, crie le tsigane. — Vous, mes
petits pigeons, déshabillez - vous aussi tout
nus ; toi, dit-elle au staroste, je te lierai avec
une corde à la perche et je dirai à mon
mari que j'ai acheté une grande cruche; toi,
tsigane, fourre-toi dans ce petit cuvier plein
de marc : ü ne te verra pas.» Ils se déshabillent

* Figures de saints que Ton fait pour les fêtes de
Noël.

*


234 contes secrets

tout nus; la forgeronne attache le staroste
avec une corde à la perche et le tsigane se
plonge dans le marc. La forgeronne ouvre
alors la porte à son mari. Il entre, gronde
et crie: «Femme, donne-moi à souper!» Il
regarde autour de lui: dans Parigle se tient
debout le pope. «Quel diable se tient là de-
bout dans la chambre? — Que Dieu soit
avec toi ! De quel diable parles-tu ? C'est un
saint. — Et combien as-tu payé pour ce
grand saint-là ? — Nous verrons cela demain,
va te coucher.» Le forgeron allume une
chandelle, s'approche du pope, ie prend par
la p... et dit à la ménagère : «Et ce mor-
ceau-là, qu'est-ce? — Ce morceau-là, c'est
pour placer la chandelle. — Alors, je vais
la placer tout de suite!» Il prend la chan-
delle et la colle sur la p... La chandelle
ne tient pas et tombe à terre. «Il faut rou-
gir au feu ce chandelier et alors la chandelle
tiendra mieux!» Il brûle avec sa chandelle
le bout de la p... du pope. Le pope pète,
saute par-dessus la table et s'échappe ainsi

tout nu de l'izba. «Ah, p....., s'écrie le

forgeron, ce n'est pas un saint, mais un diable
que tu as acheté ; tu vois comme il se sauve,
tu as bien perdu ton argent !» Ensuite il va
vers la perche: «Qu'est-ce qui pend là? —


traduits du russe 235

C'est une grande cruche pour l'eau, que j'ai
achetée. — Quelle diable de cruche, c'est
un vrai tonneau! est-elle solide? — J'ai
frappé dessus avec le poing: elle résonne
bien ! — Essayons-la avec une bûche ; voyons
si elle ne se brisera pas?» 11 prend une
bûche et, de toutes ses forces, se met à
cogner sur les côtes du staroste. Le staroste
se balance au bout de la corde. Tout à
coup la corde casse, le staroste tombe sur
le sol la tête la première, rebondit et se
sauve dehors. «Vois ce que tu as acheté !»
dit le forgeron. «Et maintenant donne, que
je boive du kvass.» Il va vers le petit cu-
vier et voit le tsigane assis jusqu'au cou dans
le marc ; son museau seul se montre au de-
hors. Le forgeron se signe : «Pourquoi ai-je
vécu jusqu'à ce jour avec toi? Tu gardes
sans doute ce marc depuis l'époque où tu
t'es mariée avec moi : vois, les diables s'y sont
déjà établis!» Il prend le couvercle, couvre
le cuvier ainsi que le tsigane et fixe solide-
ment ce couvercle avec des clous. Le tsigane
reste là sans manger un jour entier, puis un
second. Le troisième jour, le forgeron at-
telle son téléga, y place le cuvier et part
pour l'étang. Il arrive et s'arrête ; il ôte ses
bottes, retrousse sa culotte, entre dans l'eau


236 contes secrets

et marche son knout à la main sur le bord
de Tétang, comme s'il péchait. Au bout de
quelques instants, vient à passer un seigneur:
«Bonjour, petit moujik! — Ah, seigneur!
pourquoi m'as-tu salué; tu as troublé ma
pêche. — Quelle pêche? — J'allais prendre
à l'instant même un diable à l'hameçon, mais
dès qu'il a entendu ta voix, il n'a pas mordu
et s'est sauvé. — Quel mensonge me fais-
tu là? — Comment, un mensonge! j'en ai
déjà pris un et je l'ai mis dans mon cuvier ;
c'est toi qui as effrayé le second. — Montre-
moi celui que tu as pris? — Je ne te le
montrerai pas, seigneur. — Voilà cinquante
roubles. — Mes maîtres m'en donneront
cent. — Allons, voilà cent roubles !» Le for-
geron prend les cent roubles du seigneur
et découvre le cuvier : le tsigane saute aussi-
tôt dehors et joue des jambes. «En effet,
c'est le diable! dit le seigneur, et il crache;
voilà bien des années déjà que je suis au
monde, et c'est la première fois que je vois
le diable!» Le forgeron revient chez lui et
dit à sa femme : «Voilà, ménagère ! j'ai vendu
le tsigane pour cent roubles; maintenant il
faut encore vendre la soutane du pope et
l'affaire sera parfaite!» Il endosse la sou-
tane, prend le bâton pastoral et va de grand


traduits du russe 237

* Variante: Le forgeron est remplacé par un peintre
(de saints). Près de la femme du peintre vient un tsi-
gane. Le mari rentre à la maison. Où le tsigane va-
t-il se fourrer ? «Déshabille-toi tout nu, lui dit la femme
rusée, je te placerai dans le magasin où Ton met les
tableaux. Le mari rentre et dit à sa femme : «Les
ouvriers ont-ils beaucoup peint ? — Viens toi-même dans
le magasin et vois.» Le peintre va dans le magasin
avec sa femme. Le tsigane se tient contre le mur, les
bras étendus, comme le Christ en croix. Le peintre
jette les yeux sur lui et dit: «Quel saint m'ont-ils fait
là ? saint Joanice ? mais la p ... est trop grande ! saint
Athanase ? mais la p... est attachée autrement que
chez nous! saint Onésime? mais la p... pend en bas!»
Il prend Une chandelle et se met à brûler la p... du
tsigane. Celui-ci bondit et se sauve chez lui. Le jour

matin dans la cour du pope. Le pope voit
le forgeron et se dit: «Ce sera mauvaise
affaire, si mes paroissiens le reconnaissent.»
Il dit au forgeron : «Accorde-moi cette grâce,
l'ami! ne fais pas rire les gens! — Que me
donneras-tu? veux-tu te racheter pour cent
roubles ? — Je ne t'en donnerai pas cent, mais
cent cinquante !» Le forgeron rend au pope
sa soutane et son bâton, et reçoit de lui cent
cinquante roubles. Il retourne près de sa
femme et vit avec elle un peu plus con-
venablement.*


238 contes secrets

LXVI
LA JUIVE

■ rap jeune garçon part pour chercher de
lyOll l'ouvrage; il voit sur sa route un ca-
baret, il entre pour y passer la nuit. Ce
cabaret était tenu par un Juif; ce Juif avait
une femme. La nuit vient; ils se couchent
sur le sol. La Juive trouve qu'il fait chaud ;
à moitié endormie, elle se débarrasse et jette
tout ce qu'elle a sur elle: elle est étendue
le c.. découvert. Le désir vient au moujik;
il ne réfléchit pas longtemps, il se glisse sur
elle et se met à la bourrer. La Juive pense
qu'elle est secouée par son mari et crie:
«bouvillonl bouvillon!» Le garçon lui dit:
«Que diable as-tu à crier: bouvillon? Le
Juif se réveillera!» La Juive le saisit par
la tête et täte: il n'y a point de cheveux
en boudins! «Ah vé! bouvillon! — A la

suivant, le peintre aperçoit le tsigane dans la rue, au
milieu de la foule, il s'approche et dit : «Ah, mes amis !
si vous saviez ce qui est arrivé chez moi hier ! les
saints couraient ....» Le tsigane ne peut se contenir
et dit: «Je ch.. sur ton pèrel Quand tu leur brûles
la p ..., comment ne S'enfuiraient-ils pas 1»


traduits du russe 23o,

bonne heure, tout doucement comme cela !»
dit le garçon, qui achève sa besogne et se
retire.

LXVII

le soldat et le diable

lB"OllN soldat sen va en congé définitif et
IkLSlil se dirige vers son pays natal. Ce
soldat aime à chasser le chagrin : tout l'ar-
gent qu' il peut avoir, il le dépense de
différents côtés. Il continue sa route: «Al-
lons, dit-il, je noierai le chagrin dans Peau-
de-vie ! je vendrai mon dernier hâvre-sac et
je me réjouirai le cœur.» Très bien! il se
défait du hâvre-sac et absorbe une demi-
bouteille d'eau-de-vie. 11 continue sa route,
tombe lourdement d'ivresse sur la terre et
reste à quatre pattes; il lui est impossible
de se relever ! Le diable s'approche de lui :
«Que fais-tu, militaire? — Tu vois bien: je
f...! — Et ta p..., sort-elle dehors? —
Cela ne va pas très bien ! — Et qui f... -
tu? —. Je f..trai qui tu voudras.» Le diable
voit que le soldat est un garçon avisé; il


240 contes secrets

LXVÏH

nicolas doupliannskoï

L était une fois un vieillard, qui avait
une jeune femme. Un jeune gars,

Terekha Gladkoï, avait coutume de venir
en visite auprès d'elle. Le vieillard s'en
aperçoit et dit à sa femme: «MénagèreI je
suis allé au bois, j'ai trouvé Nicolas Dou-
pliannskoï: tout ce qu'on lui demande, il
l'accorde !» Lui - même, de grand matin,
il court au bois, avise un vieux pin et se
cache dans le creux de l'arbre. La femme
fait cuire des - pâtés, des pains ronds, des
crêpes au beurre, et va au bois, prier Nico-
las Doupliannskoï. Elle arrive près du pin,
voit un vieillard et se dit : «Voilà sans doute
le petit père Nicolas Doupliannskoï! Adres-
sons-lui notre prière: «Petit père Nicolas,

lui en faut de pareils, et il le prend à son
service. Le soldat maintenant est riche,
chaque jour il boit de l'eau-de-vie, il fume
du gros tabac et mange rarement après
avoir bu.


241

rends aveugle mon vieux !» Le vieillard ré-
pond: «Retourne à la maison, femme; ton
vieux sera aveugle ; mais laisse-là ton panier
avec les pâtés. La femme place près du
pin le panier aux pâtés et retourne à la
maison. Le vieillard sort aussitôt du creux
de l'arbre, mange les pâtés, les pains ronds
et les crêpes, coupe un gourdin et revient
chez lui. Il marche en tâtonnant, comme s'il
était aveugle. «Qu'as-tu, vieux, lui demande
sa femme, que tu marches si doucement?
est-ce que tu n'y vois pas ? — Ah, ma petite
femme, il m'est arrivé malheur: je n'y vois
plus du tout.» Sa femme le prend par la
main, le conduit dans l'izba et le couche
sur le poêle. Le soir de ce même jour, son
cher ami, Térékha Gladkoï, vient la voir.
«Maintenant, ne crains plus rien, lui dit la
femme; viens me voir quand tu voudras.
Je suis allée aujourd'hui au bois, j'ai prié
Nicolas Doupliannskoï, afin qu'il rende
aveugle mon vieux: celui-ci vient de rentrer
à la maison, et il a tout à fait perdu la vue !»
La femme fait cuire des crêpes, les pose sur
la table, et Térékha se met à bâfrer à pleines
joues. «Prends, garde, Térékha! lui dit la
ménagère, ne t'étouffe pas avec ces crêpes,
je vais te chercher du beurre ! A peine est-

KçuTTTaSia. i. l6


242 CONTES SECRETS

elle sortie de l'izba pour aller chercher du
beurre, que le vieux prend son arbalète, l'ap-
prête et tire sur Térékha Gladkoï; il le frappe
à mort. Alors il saute à bas du poè'le, roule
une crêpe en boule et la pousse dans la
bouche de Térékha, comme s'il s'était étouffé
lui-même ; cela fait, il remonte sur le poè'le.
Sa femme revient avec le beurre; que voit-
elle? Térékha assis et mort «Je te l'avais
bien dit: ne mange pas sans beurre, ou tu
t'étoufferas : il ne m'a pas écouté, et le voilà
mort maintenant.» Elle le prend, le traîne
sous le pont et revient se coucher seule.
Elle n'aime pas dormir seule, et elle crie
au vieux de venir près d'elle ; mais le vieux
répond: «Je suis bien ici!» Le vieillard est
couché, il est couché et il crie, comme s'il
rêvait: «Femme, lève-toi, Térékha est étendu
mort sous notre pont ! — Que dis-tu, vieux;
tu as cru voir cela en songe.» Le vieillard
descend du poè'le, il retire Térékha Gladkoï
et le traîne chez un moujik riche: il a vu
chez celui-ci un seau de miel ; il place Téré-
kha près du seau et lui met en main une
spatule, comme s'il puisait le miel. Le mou-
jik voit quelqu'un puiser son miel, il accourt
et frappe Térékha sur la tête; celui-ci roule
sur la terre comme s'il était mort Le


TRADUITS DU RUSSE " 243

vieillard sort d'un angle et saisit le moujik
au collet : «Pourquoi as-tu tué ce jeune gar-
çon? — Je te donnerai cent roubles, n'en
parle à personne! dit le moujik. — Donne-
m'en cinq cents, ou je te mène devant le
tribunal.» Le moujik donne les cinq cents
roubles. Le vieillard prend le mort et le
traîne au cimetière: il va tirer de l'écurie '
du pope un étalon, sur lequel il place Té-
rékha, il lui met les guides clans les mains
et lâche le cheval dans le cimetière. Le pope
accourt, il injurie Térékha et veut le saisir;
l'étalon se sauve du pope et se dirige droit
vers l'écurie : mais il heurte Térékha contre
la solive; celui-ci tombe et roule à terre.
Le vieillard sort d'un angle et saisit le pope
par la barbe: «Pourquoi as-tu tué ce jeune
homme? allons devant le tribunal!» Il n'y
avait rien à foire, le pope lui donne trois
cents roubles : «Seulement lâche-moi et n'en
dis rien à personne.» Ensuite le vieillard
enterre Térékha.

(Autre version.)

Il y avait une fois un pope et une po-
pesse; la popesse s'était procuré un amant.
L'ouvrier avait remarqué cela et cherchait

16*


244 CONTES SECRETS

de toute manière à y mettre obstacle. «De
quelle façon m'en défaire ?» pense la popesse,
et elle va demander conseil à une vieille
sorcière, avec laquelle l'ouvrier s'était depuis
longtemps entendu. Elle arrive et dit : «Bonne
grand'-mère 1 viens à mon aide, comment
me défaire de l'ouvrier et du pope ? — Va,
lui dit la vieille, dans le bois; là Nicolas -
Doupliannskoï t'apparaîtra ; adresse-lui ta
prière, il te viendra en aide.» La popesse
court au bois chercher Nicolas Douplianns-
koï. L'ouvrier s'est complètement barbouillé
et a saupoudré sa barbe de farine, il monte
sur un sapin et gémit. La popesse regarde
et voit sur le sapin un vieillard tout blanc.
Elle s'approche de l'arbre et se met à prier:
«Petit père Nicolas Doupliannskoï! comment
me défaire de l'ouvrier et du pope? — O
femme, femme, répond Nicolas Douplianns-
koï, s'en défaire tout à fait serait un péché,
mais on peut les rendre aveugles. Demain
fais cuire en quantité des crêpes, imbibe-les
bien de beurre; ils en mangeront et de-
viendront aveugles; de plus, fais-leur cuire
des œufs: ils les mangeront et deviendront
sourds.» La popesse retourne chez elle* et
s'occupe des crêpes. Le jour suivant, elle
fait cuire les crêpes et prépare des œufs.


TRADUITS DU RUSSE

Le pope et l'ouvrier se disposaient à aller
aux champs: «Déjeunez auparavant!» leur
dit-elle, et elle les régale de crêpes et d'œufs,
et elle leur verse du beurre dessus, elle
n'épargne rien : «Mangez, mes amis; mettez-y
plus de beurre, trempez-les dans le beurre,
ils auront plus de goût!» et elle montre au
pope et à l'ouvrier comment il faut faire.
Ils mangent et disent: «Comme il fait noir!»
et ils marchent tout droit contre le mur.
«Qu'avez-vous, mes amis? — Dieu nous a
punis, nous sommes tout à fait aveugles.»
La popesse les conduit sur le poêle, elle
appelle elle-même son amoureux et com-
mence à se divertir, à boire et à s'amuser
avec lui. «Maintenant, donne que je te f....,
dit l'hôte à la popesse ; seulement, par der-
rière, comme le bouc f... la chèvre.» La
popesse retrousse sa queue et se met à quatre
pattes; son hôte la grimpe. Alors le pope
et l'ouvrier descendent du poêle, les frappent
à tour de bras et les rossent de la belle
façon !


24^ CONTES SECRETS

LXIX

LES DEUX FRÈRES FIANCÉS

l était une fois un moujik, qui avait
deux fils, des garçons déjà grands.

Le vieux se consultait un jour avec la vieille :
«Lequel de nos deux fils faut-il fiancer: Gritsko
(Grégoire) ou Lavr (Laurent)? — Fiançons
l'aîné, dit la vieille.» Ils se décident donc
pour Lavr et le fiancent à une jeune fille
d'un autre village, le jour même du mardi
gras. Ils attendent la semaine sainte, se
régalent de viande au premier repas gras,
puis Lavr et son frère Gritsko se disposent
à partir pour aller voir la fiancée; ils se
sont apprêtés, ils ont attelé une paire de
chevaux et ils s'asseyent dans le chariot:
Lavr, en sa qualité de fiancé, à la place du
maître, et Gritsko à celle du cocher ; ils vont
en visite. Ils sont à peine hors du village,
que Lavr veut déjà ch ..., il s'est tellement
bourré dans les premiers repas gras 1 «Frère
Gritsko! dit-il, arrête les chevaux. — Pour-
quoi ? — J'ai envie de ch... — Quel im-
bécile tu es ! est-ce que tu vas ch... sur
notre terre? patiente un peu; nous nous


TRADUITS DU RUSSE 247

arrêterons sur les champs des voisins, là,
tu pourras vider ton ventre en entier, si
bon te semble!» Que faire? Lavr se raidit
et prend patience. Il en éprouve une grande
chaleur et la sueur perle sur son front. On
est arrivé au champ des voisins. «Allons,
frère, dit Lavr, fais-moi ce plaisir, arrête les
chevaux, je n'y tiens plus, j'ai besoin de
ch... à en mourir ! — Quel imbécile tu es !
répond Gritsko; on ne fera jamais rien de
toi. Pourquoi ne l'as-tu pas dit quand nous
avons passé à travers nos terres: là tu aurais
pu t'arrêter et ch... hardiment, autant que
tu aurais voulu. Mais maintenant, tu le sais
toi - même . comment ch... sur la terre
d'autruil De plus, l'heure ne convient pas,
quelque mauvais diable nous verra, on nous
cognera tous les deux et on nous prendra
nos chevaux. Patiente un peu. Dès que
nous arriverons dans la cour de ton beau-
père, tu sauteras du chariot, tu courras tout
droit aux lieux d'aisance et tu ch..ras
bravement ; moi, pendant ce temps-là, je dé-
tellerai les chevaux.» Lavr s'assied dans le
chariot, fait la grimace et se retient. Ils
arrivent dans le village et se dirigent vers
la cour du beau-père; sur la porte même,
la belle-mère vient à la rencontre de son.


24^ CONTES SECRETS

futur gendre: «Bonjour, mon fils, mon petit
pigeon! nous t'attendons depuis longtemps!»
Mais le fiancé, sans dire un seul mot, saute-
du chariot et veut courir tout droit au lieux
d'aisance. La belle-mère pense que son
gendre se gêne, elle le prend par la main
et lui dit: «Quoi donc! cher fils, tu te gênes?
Que le Seigneur soit avec toi! ne sois pas
honteux! nous n'avons chez nous aucun
étranger, je t'en supplie, entre dans l'izba.»
Elle l'entraîne des l'izba et l'assied à table
à la place d'honneur. Lavr ne peut plus se
retenir, il ch.. sous lui et remplit sa culotte,
il reste assis sur le banc et craint de bouger
de place. La belle-mère est empressée:
elle sert des mets à ses hôtes, elle prend
une bouteille de vin, en verse et présente
le premier verre au fiancé. A peine le fiancé
s'est-il levé avec le verre et se tient-il debout

sur ses jambes, que la m____coule en bas

sur ses cuisses et dans les tiges de ses bottes;
la puanteur se répand dans toute l'izba.
Qu'est-ce donc? Comme on sent mauvais 1
La belle-mère se lève et regarde dans tous
les coins : les petits enfants n'auraient-ils pas
fait des vilenies quelque part? non, on ne
voit rien; elle revient vers ses hôtes: «Ah,
mes chers enfants! notre cour n'est pas très


TRADUITS DU RUSSE

24$

propre, peut-être Tun de vous a mis le pied
dans la m.... Levez-vous, je regarderai si
Tun de vous n'a pas sali ses bottes.» La
vieille examine Gritsko: elle ne trouve rien;
elle vient vers Lavr: «Voyons, petit gendre,
quand tu es entré dans la cour, tu as couru
du côté des lieux d'aisance, n'aurais-tu pas

mis le pied dans la m----» Elle le täte, et

à peine l'a-t-elle touché entre les genoux,
qu'elle retire sa main toute salie. Elle in-
jurie le gendre. «Voyons, as-tu perdu la
tête, dis? Que diable as-tu là imaginé! Tu
n'es certainement pas venu nous voir, tu es
venu te moquer de nous, mauvais cœur? Il
n'a encore ni bu, ni mangé, et il a déjà
ch.. sous la table ? Va-t'en au diable, tu
seras son gendre, mais pas le nôtre!» La
vieille appelle aussitôt sa fille et lui dit:
«Vois-tu, ma chère enfant ! je ne te donnerai
pas ma bénédiction pour épouser ce vilain
merd..., prends son frère, voilà un bon
fiancé pour toi !» Lavr est alors mis de côté,
et Gritsko est amené au premier plan: on
boit, on mange, on se rafraîchit jusqu'au
soir. La nuit arrive, il est temps d'aller se
coucher. La vieille dit à ses hôtes : «Allons,
que Dieu soit avec vous! allez vous cou-
cher dans la nouvelle izba, et toi, ma fille,


250

CONTES SECRETS

portes-y le lit de plumes et apprête-le pour
ton fiancé; mais ne prépare rien pour ce

m......, qu'il couche sur le banc nu!» Ils

vont donc se coucher: Gritsko sur le ht de
plumes, et Lavr, tout ratatiné, sur le banc
nu. Celui-ci ne dort pas : il pense au moyen
de se venger de la mauvaise farce de son
frère. Dès qu'il entend que Gritsko est pro-
fondément endormi, il se lèye du banc,
prend la table et la traîne tout doucement
devant la porte; puis il se recouche sur le
banc. Au milieu de la nuit, Gritsko s'éveille,
se lève de son lit de plumes et se dirige
droit vers la porte pour satisfaire un besoin,
mais il se heurte contre la table. «Qu'est-ce
donc? Où est la porte?» se dit il; il retourne
en arrière, il tâtonne; mais il a beau cher-
cher, il ne trouve que les murs. «Qu'est
donc devenue cette porte?» Et il avait be-
soin de ch... à en mourir. Que faire? Il
s'accroupit sur la table et ch.. un tel tas,
qu'on n'aurait pu l'emporter sur une pelle.
Après avoir ch.., il se dit : «Mauvaise af-
faire ! il faut que la m----disparaisse avant

le jour!» Il regarde tout autour et voit une
grande crevasse dans le mur; il veut y

lancer la m____, mais il la lance contre le

mur, et elle lui revient droit sur le museau.


251

Gritsko s'essuie avec ses mains; il en prend
encore une poignée et la lance une seconde
fois, mais elle lui retombe encore sur la
figure. Il a barbouillé le mur et s'est bar-
bouillé lui-même. Il faut se laver : il cherche
de l'eau; il cherche, il cherche, et trouve
dans le poêle une marmite avec de la cou-
leur rouge, dans laquelle on a teint les œufs
le jour de Pâques; il la tire dehors et se
lave les mains et la tête. «Allons ! c'est bien,
maintenant!» Grisko se couche, et dès qu'il
dort, son frère prend tout doucement la
table et la remet à son ancienne place. Il
fait tout à fait jour ; la fiancée vient éveiller
son fiancé: «Lève-toi, cher ami, dit-elle, le
déjeuner est prêt!» Mais quand elle jette
les yeux sur lui, elle s'aperçoit que le visage
de son fiancé ressemble à celui du diable:
elle est épouvantée et se sauve. Elle court
vers sa mère et fond en larmes. «Pour-
quoi pleures-tu? lui demande la mère. —
Comment ne pleurerais-je pas ? Je suis per-
due! Va voir toi-même ce qu'il y a chez
nous, dans la nouvelle izba! — Qu'y a-t-il
donc? ton fiancé et son frère. — De quel
fiancé parles-tu? C'est le diable, ce n'est
pas un fiancé!» Ils vont tous les trois: le
% père, la mère et la fille dans l'izba où a


252 CONTES SECRETS

couché le fiancé. A peine sont-ils entrés,
que le fiancé les aperçoit et sourit de con-
tentement: les dehts seules sont blanches,
tout le visage est bleu foncé: c'est un vrai
démon! Ils se sauvent Le vieux ferme
l'izba solidement et va trouver le pope :
«Viens, petit père, bénir notre nouvelle izba
et en chasser l'esprit impur; le maudit y est
entré? — Comment, l'ami, les démons sont
entrés chez toi; mais, moi-même, je crains
les diables. — N'aie pas peur, petit père, j'ai
une jument: s'il arrive quelque chose, tu
monteras dessus et tu te sauveras; de cette
façon, le diable ailé lui-même ne t'attrape-
rait pas ! — Eh bien, l'ami, soit ! j'irai chasser
l'esprit impur; seulement, la jument m'ap-
partiendra ! — Elle t'appartiendra, petit père,
elle f appartiendra!» dit le moujik, qui lui
fait encore des révérences. Le pope se rend
à l'izba, il emmène avec lui le petit-diacre
et le sacristain,, endosse la chasuble, prend
dans ses mains l'encensoir allumé, y met de
l'encens, puis ils tournent autour de l'izba
et chantent: Dieu saint! «Ah, se dit Gritsko,
voici le pope avec sa croix; je me tiendrai
à la porte, et aussitôt qu'il entrera dans
l'izba, je lui demanderai sa bénédiction?» Il
reste à la porte et attend. Le pope fait trois


TRADUITS DU RUSSE 253

fois le tour de l'izba, s'avance vers la porte
et l'ouvre, mais à peine a-t-il fait un pas sur
le seuil, que Gritsko étend vers lui sa main
bleu foncé. Le pope se rejette en arrière
et s'élance sur la jument ; il l'excite à coups
d'encensoir dans les flancs, en guise de
knout. La jument galoppe à fond de train,
mais cependant le pope ne cesse de lui
chauffer les côtes, et comme, en gesticulant,
il lui arrive de la brûler sous la queue, la
jument s'emporte encore davantage, elle rue
par derrière, par devant, bronche et tombe
à terre; le pope fait la culbute par-dessus
le cheval, se brise la tête et se tue. Et les
fiancés benêts s'en retournent chez eux sans
fiancée.

LXX

LA FIANCÉE SANS TETE

l y avait une fois un moujik avec sa
femme. Il conduit sa vache au marché
et la vend à un paysan d'un autre village:
ils boivent le pot-de-vin et deviennent'cou-
sins. «Allons, cousin, soyons amis pour


254 CONTES SECRETS

toujours! — Comment donc, cousin, com-
ment donc!» Depuis cette époque, chaque
fois qu'ils se rencontrent, ils se proclament
l'un l'autre cousins et se régalent d'eau-de-
vie. Il leur arrive un jour de se rencontrer
dans une gargotte. «Eh, bonjour, cousin!

— Comment cela va-t-il, cousin? comment
va la petite vache? — Gloire à Dieu! elle
va bien. — Allons, gloire à Dieu! tout est
pour le mieux. Mais dis-moi, cousin, com-
ment pourrions-nous nous apparenter l'un à
l'autre. — Eh bien, quoi? tu as un fils en
âge d'être fiancé, moi, j'ai une fille, marions-
les tout de suite! — Alors, c'est convenu?

— C'est convenu.» Ils causent et se séparent
De retour à la maison, le moujik qui a vendu
la vache dit à son fils: «Allons, mon fils,
fais-moi la révérence: je t'ai trouvé une
fiancée, je veux te marier. — Où as-tu trouvé
cela, petit père ? — Te rappelles-tu ce cousin
à qui, un jour, j'ai vendu ma vache? — Je
sais, petit père. — Eh bien, ce cousin a une
fille, une beauté ! — Est-ce que tu Tas vue ?

— Je ne l'ai pas vue, mais ce cousin me l'a
dit. — Si tu ne l'as pas vue, tu ne dois pas
en > faire l'éloge. Tu connais toi-même le
dicton: quand l'acheteur n'est pas là, on le
déchire à coups de knout. Laisse-moi faire:


*55

j'irai dans ce village, j'examinerai comme il
faut et je verrai ce que c'est que cette jeune
fille? —Bon! que Dieu t'accompagne!» Le
jeune homme met son plus mauvais vête-
ment, jette une bride sur son épaule, prend
un knout à la main et part pour aller trou-
ver le cousin. Il arrive sur le soir et frappe
. à la fenêtre de l'izba: «Bonjour, patron! —
Bonjour, bon homme, répond le moujik;
que désires-tu ? — Reçois-moi chez toi pen-
dant cette nuit noire. — Et d'où es-tu? —
Je suis de bien loin, de cent verstes; je
cherche les chevaux de mon maître. J'étais
couché avec les chevaux; ils m'en ont en-
levé deux. Voici le troisième jour que je
cherche, mais je n'ai rien trouvé ... — Je
t'en prie, couche chez nous !» Le garçon entre
dans l'izba, ôte la bride de son épaule et la
pend à un clou, puis il s'assied sur le banc et
regarde sa fiancée. Le vieillard demande à
son hôte : «Et que dit-on de bon dans votre
pays? — De bon, grand-père, rien; mais
beaucoup de mauvais. — Et quoi donc? —
Ah, voilà: chaque nuit les loups mangent
les gens; depuis deux semaines, il se passe
rarement une nuit, sans que les loups ne
mangent de cinq à dix personnes.» • Us
causent et se couchent: le vieux et la vieille


256 CONTES SECRETS

dans la chambre, la fille sous l'auvent, dans
un lit de sangle, et l'hôte, aussi sous l'auvent,
mais dans du foin étendu en haut sur des

. planches. Le jeune garçon se couche, seule-
ment il écoute avec attention: quelque amou-
reux ne viendrait-il pas vers la jeune fille?
Une heure se passe, puis deux; tout à coup
quelqu'un frappe à la porte et dit: «Ouvre-
moi, chère amie!» La jeune fille se lève
tout doucement, ouvre la porte et fait entrer
son amoureux; celui-ci se déshabille et se
couche. Ils parlent entre eux et s'entendent
si bien que le garçon monte sur la jeune
fille et la pétrit à pleine spatule; il la rase
une fois, et la rase une seconde fois. «Écoute,
mon amour, lui dit-elle, j'ai entendu dire
aux femmes que si on lie les jambes avec une
corde et qu'on les relève fortement en les
rattachant au cou, le c. ressort tout à

fait, et qu'il fait bon f.....ainsi: H n'est

pas besoin de gigoter. Essayons, mon chéri!»
L'amoureux ne réfléchit pas longtemps, il
prend sa ceinture, il la lui enroule autour
des jambes, il les relève fortement jusqu'au
cou, et se met en fonctions. Alors l'hôte
saute en bas et crie de toute sa force: «A
la garde! au secours, patron! ta fille est

' perdue: les loups lui ont mangé la tête.»


TRADUITS DU RUSSE 257

L'amoureux s'élance vers la porte, mais
l'hôte le saisit au collet : «Non, l'ami, arrête !
attends un peu!» Le vieux et la vieille ont
entendu l'hôte crier que les loups ont mangé
la tête de leur enfant, ils accourent de leur
chambre vers le lit de leur fille; le vieillard
la täte avec ses mains et sent dans l'obscu-
rité le cul et le c.., il est atterré: évidem-
ment, pense-t-il, c'est le torse7, il n'y a plus
de tête ; il crie à la vieille : «Donne vite de la
lumière! notre fille maintenant ne vit plus
dans ce monde.» Il a saisi et presse forte-
ment le c. . et le cul, et il pleure sur sa
fille. La vieille femme apporte de la lumière.
Elle regarde: sa fille est liée. «Seigneur
Dieu ! qu'est-ce que cela veut dire ? — Le
voilà, grand-père, le loup,» dit l'hôte, qui
tient l'amoureux au collet. «Eh, fils de
chienne ! s'écrie la vieille, tu ne pouvais pas
la f..... simplement !» ♦ Ils se mettent .à
cogner sur l'amoureux, ils le rossent d'impor-
tance et délient la fille. «Fais-moi cette
grâce, cher ami, dit le vieillard à l'hôte, ne
raconte à personne notre chagrin; voilà
vingt-cinq roubles pour celai — Je ne le
dirai pas, grande père; que Dieu soit avec
vousl en quoi cela me regarde-t-il?» L,e
lendemain matin, le vieillard régale l'hôte

KfvnTââia. I. 17


258 CONTES SECRETS

et raccompagne jusque derrière le village.
Le garçon s'en retourne chez lui ; il marche,
et rencontre toute une société de mendiants
à besace. «Écoutez, mendiants, leur dit-il;
allez dans ce village: tout à l'extrémité de-
meure un moujik riche; il fait aujourd'hui
la commémoration de sa fille, dont les loups
ont mangé la tête. Ce moujik est bon, il
vous accueillera, il vous donnera à manger,
à boire, et, de plus, il garnira encore vos
besaces!» Les mendiants se dirigent tout
droit vers le lieu indiqué, ils arrivent dans
la cour, se rangent en ligne et attendent le
dîner. Le maître de la maison les voit:
«Tiens, combien en voilà!» Il prend une
grande corbeille de pain, le coupe et en
donne à chacun un morceau ; mais les pauvres
ne bougent pas et ne sortent pas de la cour.
«Qu'attendez-vous? demande le moujik; ne
vous a-t-on pas fait l'aumône? — Mais, ae
nous donneras-tu pas à dtner, grand-père; né
fera-t-on pas la commémoration de ta fille?
— De quelle fille? — De celle que les loups
ont mangée. —- Qui, diable, vous a dit cela ?
ma fille est chez moi en parfaite santé 1 —
C'est un jeune garçon qui nous a envoyés
près de toi. — Allons, allons, décampe*!»
s'écrie le moujik. Les mendiants sortent de


TRADUITS DU RUSSE

*59

la cour et je maître de la maison dit: «Eh
bien, vieille, mon argent est perdu ! c'est
inutilement que je Tai donné à ce fils de
chienne : il avait promis de n'en parler à per-
sonne, et à peine a-t-il passé la porte, que la
cour est pleine de mendiants qu'il y a pous- *
ses 1 Vois, il a répandu le bruit de l'aventure
dans tous les villages 1 Si le cousin vient à
l'apprendre, notre affaire tournera mal.» Pen-
dant ce temps le garçon marche, marche,
et arrive à la maison: «Eh bien, cher fils,
as-tu vu ta fiancée? lui demandent son père
et sa mère. — Ah, petit père ! ne m'en parlez
pas, il eût bien mieux valu pour moi ne pas
la voir. — Qu'y a-t-il donc ? — Ma fiancée,
que le royaume des cieux lui appartienne !
a eu la tête mangée par les loups, le buste
seul est resté; demain on l'enterrera! —
Quel malheur est tombé sur eux! 11 faut
aller, ma vieille, et lui faire nos adieux avant
l'enterrement. Ces gens-là ont été très bons
avec nous! Mpn fils, attelle-nous les chevaux:
la vieille et moi nous irons chez le cousin
...» Le fils attelle les chevaux, ils s'asseyent
et partent. Ils arrivent dans la cour; le
cousin les voit et se précipite à leur ren-
contre : «Bonjour, cousin ! Dieu est-il miséri-
cordieux pour toi? Faites-nous l'amitié de

17*


26o

contes secrets

venir dans l'izba, chers hôtes!» Les vieux
répondent d'une voix attristée: «Merci,
cousin, nous ne sommes pas venus comme
hôtes, mais pour faire nos adieux à ta fille.
Le sort ne nous a pas permis de nous ap-
parenter avec toi. — Pourquoi donc, cousin ?
— Parce qu'il est arrivé un malheur dans
ta maison: les loups ont dévoré la tête de
ta fille? — Quand? qui vous a dit cela? —
Mon fils; il a couché la nuit dernière chez
toi, et il a tout vu de ses propres yeux. — En
voilà une bonne ! c'était donc ton fils ? Il n'y
a pas de remède à cela : ma fille est vivante,
' mais l'affaire ne peut plus aller.» Ils s'ex-
pliquent et se rendent leurs paroles. Depuis
cette époque, ils ne s'appelèrent plus cousins.

(Autre version.)

Un soldat a demandé un congé; il marche*
il marche, et, dans son voyage, il lui arrive
de passer, la nuit chez un pope. Ce pope
avait une fille, et, chemin faisant, le soldat
avait déjà appris que la fille recevait un
amoureux. Ils se mettent à souper. Le pope
rai dit: «Militaire! où sers-tu? — A Péters-


2ÔI

bourg, petit père! — Et vois-tu souvent le
tsar? — Très souvent — Et tu n'as rien
appris de nouveau là-bas? — Pour du nou-
veau, il y en a, mais je ne puis pas le dire.
-t- Dis, l'ami ! — Tu le sauras quand l'ou-
kase paraîtra. — Je t'en prie, l'ami, dis-le ?»
Le pope s'approche du soldat aussi près que
le fond d'une baignoire est près du cul. «Eh
bien, petit père! il y aura une nouvelle tenue
pour les femmes à propos de la f..terie:
les jambes et la tête devront être prises
dans un collier: c'est ainsi que l'on f.. .ra.
Il y a maintenant une si grande sévérité

pour tout! on ne pourra pas même f.....

sans avoir la tenue! — Que faire? c'est sa
volonté (du tsar)!» dit le pope; sa fille est
assise et écoute. Ils vont se coucher: la
fille sur le poè'le, le soldat dans la soupente.
«Donne-moi une bûche, petit père, dit le
soldat au pope. — Et pour quoi faire, ca-
valier ? — Des loups viennent chez vous pen-
dant la nuit!» Le pope se met à rire^lui
donne une bûche et dit à la popesse: «On
nous raconte qu'il n'y a pas d'imbéciles à
Pétersbourg, et voilà le soldat qui dit une
extravagance; comme si les loups pouvaient
entrer dans l'izba!» Au milieu de la nuit,
l'amoureux vient sur le poè'le près de la


2Ö2

CONTES SECRETS

fille du pope et veut lui monter dessus. Elle
refuse: «Trouve, lui dit-elle, un collier; c'est
maintenant la nouvelle tenue prescrite par
le tsar; un soldat Ta dit aujourd'hui au petit
père! — Mais où veux-tu que je prenne un
collier? — Il y en a un de pendu à un clou
sous l'auvent.» L'amoureux y courte rap-
porte le collier, passe dedans les jambes de
la fille du pope, les lui dresse en haut, aussi
relevées que possible, et lui passe encore la-
tête dans le susdit collier. Il ne lui restait
plus qu'à la bourrer, mais le soldat saute de
la soupente, et en même temps qu'il le frappe
sur le cul avec sa bûche, il crie de toute sa
force: «Petit père, les loups!» L'amoureux
s'échappe sans terminer son affaire ; le pope
et la popesse se précipitent vers le poêle
pour voir si les loups n'ont pas mangé leur
fille. Le pope lui met la main sur le c,
la popesse sur le cul, et tous deux s'écrient
en même temps : «Ah, pauvre fille ! les loups
font mangé la tête.» Mais le soldat rallume
le feu et s'approche du poêle: le pope et
la popesse voient alors que leur fille est
vivante et qu'elle est prise dans un collier.
Le soldat regarde et s'écrie : «Comment osez-
vous agir ainsi sans attendre l'oukase de l'em-
pereur? — N'en parle pas, militaire, dit le


TRADUITS DU RUSSE 263

pope; voilà cent roubles pour toi.» Le soldat
prend les cent roubles et dit: «Allons, petit
père, cela passera comme cela; je lui par-
donne, à cause de sa naïveté; mais si vous

cette manière, je ne vous en tiendrais pas
quittes pour mille roubles.

LXXI

les ruses des femmes

Jetttb^taittk ! je voudrais te demander

UB quelque chose ... — Eh bien, parle,
que veux-tu? — Je pense que tu peux bien
le deviner, ce que je veux.» " La tante Ta
deviné tout de suite: «Je ferais volontiers
quelque chose pour f être agréable, Ivanouch-
ka, mais tu ne connais pas nos ruses de
femmes. — Eh bien! petite tante, voyons
si je m'y laisserai prendre. — Allons, soit!
viens cette nuit sous notre fenêtre.» Le jeune
garçon se réjouit, il attend la nuit et vient
dans la cour de l'oncle, mais tout au travers
de la cour on a jeté des brindilles. Il arrive

vous avisiez, toi et la popesse, de f

de


264 contes se;crets

sous la fenêtre, et les brindilles craquent
sous ses pieds. «Vois donc, vieux! dit la
tante, quelqu'un marche autour de l'izba:
ne serait-ce pas un voleur?» L'oncle ouvre
la fenêtre et crie: «Qui est-ce qui rôde là
pendant la nuit? — C'est moi, oncle, répond
le neveu. — Quel diable fa amené ici? —
— Voici, mon oncle! nous avons une dis-
pute: mon père prétend que ton izba est
bâtie sur neuf poutres, je soutiens, moi,
qu'elle en a dix, et je suis venu compter. —
Est-ce qu'il a perdu l'esprit, le vieux démon,
dit l'oncle: il a construit l'izba avec moi,
sur dix poutres! — C'est cela, oncle, c'est
cela; je vais retourner et je lui cracherai
dans les yeux, à mon pèrel» Le jour sui-
vant, le jeune homme dit à sa tante! «Ah,
petite tante! avec toi on ne fait pas son af-
faire, on est attrapé soi-même! — Tu es
curieux! quand tu parles avec ton oncle,
comment puis-je aller vers toi? Voyons,
sais-tu où est notre étable, où l'on fait rentrer
les brebis? viens-y cette nuit, j'irai près de
toi sans faute.» Le jeune garçon obéit, il
vient pendant la nuit dans l'étable de l'oncle,
se serre dans un coin et attend sa tante.
Mais la tante dit à son mari : «Va donc voir,
maître! il y a quelque chose d'extraordinaire


TRADUITS DU RUSSE 265

dans notre cour; ne serait-ce pas une bête
fauve? Nos brebis donnent des signes de
frayeur : un loup ne se serait-il pas introduit
près d'elles ?» Le vieillard sort dans la cour
et crie : «Qui est là dans retable ?» Le neveu
accourt dehors : «C'est moi, oncle ! — Pour-
quoi le diable t'amène-t-il ici à pareille
heure? — Cher petit oncle, mon père ne
veut pas me laisser la paix, nous avons été
sur le point de nous battre. — Pourquoi
donc ? — Voici pourquoi : il prétend que tu
as neuf brebis et un bélier; mais moi, je
soutiens que tu n'as maintenant que neuf
brebis, et que tu as tué le bélier. — C'est
toi qui as raison: j'ai tué le bélier pour le
baptême. Lui-même, le vieux démon, il
était chez moi le jour du baptême et il a
mangé du bélier. Quoiqu'il soit mon propre
frère, demain, aussitôt que je le verrai, je lui
cracherai dans les yeux. — Et moi donc?
quoiqu'il soit mon propre père, j'irai et je
lui arracherai la barbe; il ne dort pas lui-
même et il ne laisse pas dormir les autres!
Adieu, oncle! — Adieu, que Dieu soit avec
toi!» Et la tante se pâme de rire. Le troi-
sième jour, le neveu rencontre sa tante et
lui dit: «Ah, petite tante, petite tante! com-
ment n'as-tu pas honte? vraiment, c'est à


2Ô6 CONTES SECRETS

mourir arec toi! — Ah, Vania, Vania! quel
sot tu es ! Quand ton oncle parle avec toi,
comment puis-je aller te trouver ? Voilà deux
fois que tu te fais rouler, fais en sorte que
cela ne f arrive pas une troisième fois. Viens
cette nuit chez nous dans l'izba ; tu sais où
nous couchons, tu tâteras et tu pousseras ta
pointe; mon cul sera tourné de ton côté.»
La tante est à peine couchée avec son mari
qu'elle lui dit: «Écoute ce que je vais te
dire: je n'y tiens plus; voilà six ans que je
couche sur le bord du lit, tu y coucheras,
toi, à l'avenir, et moi, du côté du mur. —
Cela m'est bien égal!» dit le vieux, et il se
couche sur le bord. La tante se tourne, se
retourne et s'écrie: «Ah, maître, comme il
fait chaud dans cette izba! vois donc, le
poêle est sans doute fermé ;» ce disant, eUe
lui met la main sur le cul. «Et tu as laissé
ton caleçon ? Ah, cou.... pourrie! demande
donc à Loukiann ou à Karp, s'ils couchent
en caleçon avec leurs femmes?» Il suit le
conseil, ôte son caleçon et s'assoupit, le cul
tourné en dehors. Les coqs avaient à peine
chanté pour la première fois, que le neveu
franchit le seuil de la porte cochère et gagne
de suite l'auvent; il applique l'oreille à la
porte de l'izba: tout est tranquille; il ouvre


TRADUITS DU RUSSE 267

doucement la porte, entre et täte autour
du lit; sa main rencontre le cul de l'oncle, et
il se réjouit de cette face nue; il tire sa p...
et renfoncé dans le cul de l'oncle; au mo^
ment où elle pénètre, celui-ci pousse un
grand cri et le saisit par la p... La tante
s'écrie: «Qu'as-tu, qu'as-tu, vieux? — Lève-
"toi vite! crie l'oncle à sa femme, allume le
copeau de pin : je tiens un voleur. La tante
saute à bas du lit, court comme si elle vou-
lait souffler le feu, mais elle prend de l'eau
et la verse sur les derniers charbons ardents.
«Pourquoi es-tu si lente? — Il n'y a plus de
feu! — Cours chez le voisin! — Comment
aller chez le voisin? Il fait nuit, les loups
rôdent. — Ah, je f... ta mère! Voyons,
tiens le voleur; je courrai moi-même cher-
cher du feu. Mais fais attention qu'il ne
s'échappe pas!* Pendant tout le temps que
l'oncle cherche sa lanterne, qu'il ouvre la
porte, qu'il va chez le voisin, qu'il l'éveille,
qu'il lui raconte ce qui lui est arrivé, qu'il
se procure de la lumière, la tante reste avec
le neveu dans l'izba. «Allons, lui dit-elle,
maintenant fais avec moi ce que tu voudras !»
II la place sur le lit et la travaille deux fois.
La tante reconduit le jeune homme et se
demande : «Que dire à mon mari ? Comment


3Ô8 contes secrets

avouer que j'ai lâché le voleur?» Heureuse-
ment pour elle, la vache avait vêlé il n'y
avait pas très longtemps et le veau était
attaché au lit La femme rusée prend le veau
par la langue et le tient ferme. Son mari
revient avec de la lumière et s'écrie: «Femme,
que tiens-tu? — Je tiens ce que tu m'as
donné à tenir.» Le moujik est tellement
irrité, qu'il saisit un couteau et coupe la
tête du veau. «Que fais-tu? tu as perdu
l'esprit ou tu deviens enragé,» lui crie sa
femme. Il ôte son caleçon et lui montre
son cul : «Regarde comme il m'a léché ! S'il
m'avait léché une fois encore, je crois que
je ne serais plus en vie.»

La tante rencontre le neveu et lui dit:
«Voyons, Vania, veux-tu m'acheter des sou-
liers (des bottes) rouges? — Pourquoi pas?
demain j'irai à la ville et j'en achèterai —
Achète, Vania, je t'en récompenserai.» Mais
Vannka n'était pas un sot : il se rend au po-
" tager, choisit une tête de chou, la coupe,
l'enveloppe dans un mouchoir et la porte à
■ sa tante. «Eh bien, lvanouchka, tu les as \.
achetés? — Je les ai achetés. - Donne,que
je les essaie. — Travaille auparavant.» Il
la conduit dans la grange, il lui met sous
la tête 4e mouchoir qui enveloppe le chou


TRADUITS DU RUSSE 269

et se met à pétrir sa tante; il la pétrit et
la tête de chou crie, crie. «Crie ou ne crie
pas, dit la tante, tu iras aux pieds.» Et le
garçon: «Tu seras mangé dans le pâté!»

LXXII

LES NOMS ÉTRANGES

l t avait une fois un moujik avec sa
femme; il va labourer son champ et

au premier sillon qu'il creuse, il déterre un
chaudron plein d'argent. Le moujik, tout
réjoui, saisit le chaudron; mais au moment
où il va le cacher, un soldat s'approche,
voit l'argent et lui dit: «Écoute, moujik ! cet
argent est à moi. Si tu me le donnes, au-
tant de sillons tu creuseras aujourd'hui, au-
tant de chaudrons pleins d'argent tu trou-
veras!» Le moujik réfléchit, réfléchit, et
donne sa trouvaille au soldat. Il se remet
à labourer, il creuse un sillon, pas d'argent ;
îl creuse un second sillon, toujours rien.
«Évidemment je n'enfonce pas assez le soc,»
pense le moujik, et il enfonce le soc plus

4


VJO CONTES SECRETS

profondément: c'est à peine si le cheval
peut tirer la charrue; mais toujours pas d'ar*
gent! La ménagère vient lui apporter à
dîner et lut dit des injures : «Quel maître tu
es! Tu ne crains donc pas Dieu; vois comme
ton cheval est en sueur! Pourquoi creuses-
tu si profond? —* Ecoute, femme! dit le
moujik, j'étais à peine arrivé dans le champ,
et je creusais le premier sillon, lorsque j'ai
-déterré un chaudron plein d'argent; à ce
moment l'esprit impur a amené près de moi
un soldat: Si tu me donnes cet argent, dit-
il, autant tu creuseras de sillons pendant la
journée, autant tu trouveras de chaudrons
pleins d'argent. Je lui ai donné ma trouvaille,
puis je me suis mis à labourer; mais voyant
que je ne trouvais rien, je me suis dit: Evi-
demment le soc ne descend pas assez bas,
et j'ai creusé plus profond. J'ai labouré,
labouré, labouré tout le jour et je n'ai rien
trouvé J — Quel imbécile tu es ! La chance
t'arme et tu ne sais pas la garder! De quel
côté est parti le soldat? — Il a suivi tout
droit ce chemin. — J'irai et je le rejoindrai!»
Et la ménagère part avec son fils, un petit
garçon, pour rejoindre le soldat Ils vont,
ils vont, et ils voient un soldat qui marche
devant eux et qui porte un chaudron dans


TRADUITS Dû RUSSE 271

ses mains. Elle le rejoint. «Bonjour, mili-
taire! Où Dieu te mène-t*il? — Je vais en
congé, ma pigeonne! — Et dans quel vil-
lage ? — Dans ce village-là. — Eh bien, c'est
aussi là que j'ai affaire; faisons route en-
semble. — Allons!» Ils vont de compagnie
et conversent: «Comment t'appelle-t-on, ma
pigeonne ? — Ah, militaire, à moi et à mon
fils on nous a donné des noms que j'ai
honte de prononcer. — Pourquoi avoir
honte? il est honteux de voler, mais il n'y
a pas de mal de parler; on peut toujours
parler. — Eh bien, on m'appelle: Je ch,.,
et mon fils : J'ai ch.. * — Qu'y a-t-il là? cela
ne fait rien!» Ils arrivent à l'auberge et se
couchent. A peine le soldat est-il endormi,
que la femme lui enlève le chaudron, éveille
son fils, sort de l'auberge et s'en retourne
avec lui Le soldat s'éveille, täte, ne trouve
plus l'argent et appelle : «Je ch.., Je ch.. !»
Le maître du logis l'entend et lui dit: «Mi-
litaire, va ch... dans les lieux d'aisance.»
Le soldat, voyant que la femme ne répond
pas, appelle le petit garçon: «J'ai ch..,
J'ai ch..!» Le maître du logis l'injurie:

* il y a là une plaisanterie du type de celle d'Ulysse
"ches Polyphême, prenant le nom de Otitis.


272 dONTES SECRETS

«En voilà un soldat! qui ch.. dans la mai-
son!» Il prend le soldat et le pousse de-
hors. *

Lxxni

LE POPE ET LE TSIGANE

ans certain empire, dans certain
royaume, il y avait une fois un tsigane,

dont le père était vieux. Le vieillard est
bien malade, il est couché dans son lit; le
fils le soigne, le soigne, puis l'abandonne.
Quoi que demande son père, à boire ou
autre chose, le tsigane feint de ne pas en-
tendre; il n'a qu'une pensée: si son père
'pouvait mourir bientôt! ... «Eh, cher fils,
cher fils! dit le père, tu ne te conduis pas
bien avec moi, tu ne m'honores pas comme
ton père, et cependant c'est moi qui t'ai en-

* On conte en France une facétie assez semblable.
Un nommé Monar, qui vivait sous la Terreur, fut pris un
jour d'une colique. Il était en train de se satisfaire,
quand des soldats étant venus le demander, sa femme
leur crie du haut de l'escalier : iMonar chie, Monar chie!»
Ils furent pour ce cri séditieux décrétés d'accusation et.
envoyés à la guillotine.

1


traduits du russe 273

gendre!» Mais 'le'fils lui répond: «Je ch..
sur ton père! Tu ne m'as pas engendré,
tu as réjoui ton âme. F... tâ mère dans
le cul, et moi, petit père, je t'en ferai au-
tant.» Le père soupire et se tait. Le mo-
ment vient où le vieux meurt. On l'habille
et on le place sur le banc: le défunt est
étendu, sa barbe est longue ; on a brûlé de
l'encens dans l'izba, tout est prêt ; le tsigane
va trouver le pope : «Bonjour, petit père ! —
Bonjour, tsigane! Que dis-tu de nouveau?
— Mon petit père est mort, viens et enterre-
le. — Vraiment, il est mort ? — Il est mort,
que le repos lui soit léger! Il est étendu sur
lé banc comme le Sauveur et sa barbe est
étalée; fais-moi la grâce de venir dans la
chaumière et d'examiner le corps du défunt.
Il me semble, petit père, qu'il est sanctifié,
car il a l'odeur de l'encens ! — Voyons, tsi-
gane, as-tu de l'argent pour payer les funé-
railles? — Pourquoi te donner de l'argent?
pour cette charogne qui est étendue sur le
banc, noire comme des tiges de bottes, et
les dents écartées comme un chien qui a la
rage? Te donner de l'argent pour lui! Si
tu ne viens pas Penterref, je te le jettrai
dans les jambes ; tu en feras ce que tu vou-
dras; tu le dévoreras même pour ton souper,

KçvnTaâta. i. l8


374 CONTES SECRETS

si cela te plaît! — Allons, c'est bon, c'est
bon, dit le pope: j'irai de suite et je P en-
terrerai» Le tsigane revient à la maison;
derrière lui arrive le pope; on chante les
prières pour le père du tsigane, on le place
dans la bière, on le porte au cimetière et on
l'enterre. «Est-ce possible, dit le pope au tsi-
gane, que tu ne me paies rien pour l'enterre-
ment de ton père>? c'est un péché de ta part!
— Ah, petit père! dit le tsigane, tu sais toi-
même si les tsiganes ont de l'argent. J'avais
quelques kopeks, je les ai déjà dépensés
pour l'office des morts; attends jusqu'aux
foires, petit père, je gagnerai de l'argent et
je te le donnerai ! — Allons, bien, l'ami ! on
peut attendre.» La foire commence, le tsi-
gane se rend à la ville pour échanger des
chevaux; le pope y va pour ses affaires. Le
hasard veut que le tsigane et le pope se
rencontrent «Écoute, tsigane, lui dit le pope,
il ne serait pas trop tôt de me donner de
l'argent 1 — Quel argent? pourquoi te donner
de l'argent? — Comment, pourquoi? n'ai-je
pas enterré ton père? — Ah, c'est donc toi?
depuis si longtemps je cherche mon père,
sans pouvoir le trouver ! les pères des autres
échangent, des chevaux, et moi, je n'ai pas.
de père, et c'est toi, chien à barbe de bouc,


TRADUITS DU RUSSE 276

qui l'as enterré!» Il saisit le pope par la
barbe, le jette à terre, tire son knout de sa
ceinture et commence à le chauffer. «C'est
toi, chien à la barbe de bouc! qui es cause
que mon père est mort, et pour cela je te
déchirerai de mon knout.» C'est à peine si
le pope peut se tirer des mains du tsigane
et se sauver à toutes jambes! Depuis cette
époque, il ne lui demande plus d'argent.

LXXIV

LE BON POPE

□Hl y avait une fois un pope, qui em-
|BB|baucha un ouvrier et le ramena dans
sa maison: «Allons, ouvrier! fais bien ton
service et je ne te renverrai pas.» L'ouvrier
passe une semaine chez le pope, puis on
commence à faner. «Eh bien, l'ami! dit le
pope, si Dieu le permet, nous dormirons
bien, nous attendrons le matin et demain
nous irons faucher. — Bien, petit père!»
Ils attendent le matin et se lèvent de bonne
heure. Le pope dit à la popesse: «Petite

18*


276

mère, donne-nous à déjeuner, nous allons
aux champs, couper le foin.» La popesse
met la table. Ils s'asseyent tous les deux
et déjeunent convenablement. Le pope dit
à l'ouvrier: «Si tu veux, l'ami, nous pren-
drons notre premier dîner, puisque nous
sommes à table, et nous faucherons ensuite
jusqu'au milieu du jour sans arrêt. — Comme
il vous plaira, petit père; prenons notre pre-
mier dîner. — Petite mère, apporte-nous notre
premier dîner,» dit le pope à sa femme. Elle
leur donne le premier dîner. Ils travaillent
de la cuiller pour la seconde fois et se
rassasient. Le pope dit à l'ouvrier: «Puis-
que nous sommes à table, l'ami, dînons et nous
faucherons jusqu'au souper. — Comme il
vous plaira, petit père, s'il faut dîner, dînons.»
La popesse apporte le dîner sur la table:
ils jouent de nouveau de la cuiller et se rassa-
sient encore. «Si cela ne te fait rien, dit le
pope à l'ouvrier, soupons tout d'un temps;
nous coucherons aux champs et demain ma-
tin nous nous mettrons de bonne heure à
l'ouvrage. — Soupons, petit père.» La po-
pesse leur donne le souper. Ils mangent
encore et se lèvent de table. L'ouvrier prend
son sarrau et s'apprête à s'en aller. «Où
vas-tu, l'ami, lui demande le pope ? — Com-


TRADUITS DU RUSSE 277

LXXV

LA BATAILLE EN GAGEURES

l y avait une fois un pope, qui tenait
une auberge sur la grande route. Tous
les moujiks qui revenaient de travailler au
dehors s'arrêtaient chez lui pour dîner et
pour coucher. Un jour le pope parlait avec
un jeune garçon : «Eh bien, l'ami, la besogne
a-t-elle bien marché ? as-tu gagné beaucoup
d'argent? — Je rapporte cinq cents roubles
à la maison. — C'est une bonne affaire,
l'amiI Faisons un pari, veux-tu? dont tes
cinq cents roubles seront l'enjeu; si tu
gagnes, tu en auras un millier tout rond. —
Sur quoi donc pourrais-je faire un pari avec

ment, où je vais? vous savez bien vous-
même, petit père, qu'après souper il faut
aller se coucher.» Il s'en va dans la grange
et il dort jusqu'au jour suivant. Depuis ce
temps, le pope cessa de régaler en une seule
fois son ouvrier du déjeuner, du premier
dîner, du dîner et du souper.


„ 278 CONTES SECRETS

toi? — Voici sur quoi: tu resteras vingt-
quatre heures chez moi, tu boiras, tu man-
geras tout ce qui te fera plaisir; seulement,
tu ne sortiras pas pour ch... Si tu peux ré-
sister, tu auras gagné le pari ; si tu ne peux
pas, c'est moi qui aurai gagné 1 — Je veux
bien, petit père!» Us touchent en main.
Le pope place aussitôt sur la table toutes
sortes de mets et de vins; le jeune homme
se met à bâfrer ; il mange et il boit de telle
sorte qu'il ne peut plus souffler. Le pope
l'enferme dans une chambre particulière.
Mais la journée n'est pas encore à sa fin,
que le moujik a envie de ch... : il ne peut
tenir plus longtemps: «Que faire? dit-il au
pope ; ouvre, petit père, j'ai perdut» Le pope
lui prend son argent et le renvoie de chez
lui bien nettoyé. Ce pope prend goût à râ-
teler l'argent: il dupe encore deux ou trois
moujiks de la même manière. Le bruit s'en
répand dans les villages et les hameaux, et
un gaillard hardi se présente. Il revient du
travail et retourne à la maison, mais il n'a
pas un kopek dans sa bourse. «D'où viens-
tu ? demande le pope. — Je viens de tra-
vailler, maintenant je retourne chez moi. —
— Et emportes-tu beaucoup d'argent chez
toi? — Quinze cents roubles!» Le pope


TRADUITS DU RUSSE 279

est sur le point de sauter de joie en enten-
dant cela. «Faisons un pari sur cette somme,
lui dit-il. Tu mangeras et tu boiras chez
moi tout ce qui te fera plaisir; seulement,
pendant vingt-quatre heures entières, tu ne
sortiras pas pour ch... Si tu résistes, je
te paierai quinze cents roubles! si tu ne ré-
sistes pas, c'est toi qui me les donneras.
Veux-tu? — Je veux bien, petit père!» Le
moujik s'assied et se met à se régaler: le
pope a assez à faire de lui apporter . les
mets et de lui verser le vin, tant il y va
rondement; il dévore,, il boit et se couche
pour dormir; le pope l'enferme solidement.
Pendant la nuit le moujik s'éveille : il éprouve
une si grande envie de ch..., qu'il lui
paraît que le dernier guichet va se rompre,
si forte est la poussée. Il regarde autour de
lui: à un clou est pendu un grand chapeau
du pope ; le moujik le prend, le remplit plus
qu'à moitié et le repend contre le mur; puis
il se couche et dort. Les vingt-quatre heures
sont passées, le moujik frappe : «Ouvre, petit
père!» Le pope ouvre, regarde partout, ne
voit nulle part la m.... Le moujik s'em-
presse alors de dire au pope: «Donne l'ar-
gent.» Le pope fronce le sourcil, mais il
n'y a rien à faire, il lui compte l'argent et


28o

CONTES SECRETS

lui dit: «Comment t'appelle-it-on, maudit
moujik? Jamais je ne t'oublierai. — On
m'appelle Kakof (Quel), petit père!» répond
le moujik, qui prend l'argent et s'en va-
Le pope reste seul et réfléchit: l'argent
perdu lui serre le cœur. «Pour passer mon
chagrin, j'irai voir mes chevauxI» dit-il; il
prend son chapeau, pendu au mur, et l'en-
fonce sur sa tête ; la m.... lui coule le long
des cheveux, sur le cou et sur les épaules. Le
pope est encore plus enragé, il se précipite
dans la cour, saute sur un cheval et-s'élance
sur la grande route. Il rencontre des charre-
tiers et leur dit : «Mes amis, n'avez-vous pas
vu Kakof (Quel) ? -r JKakof (Quel) es-tu toi-
même? petit père! Il n'y a rien à dire, tu
es beaul Qui est-ce qui fa si magnifique-
ment enluminé ?» Là-dessus Je pope s'en
retourna.


traduits du russe

28l

LXXVI

JE SUIS KÄKOF (QUEL)*

aus certain empire, dans certain

glZdj royaume, il y avait une fois un moujik
si fripon! que Dieu nous en préserve! Il
vole cent roubles et se sauve de son village;
il marche, il marche, et demande à toucher
à^tm pope. «Var-fen^dit lcpope, il*rif a "pas
de place chez nous pour te coucher!» Le
moujik s'approche d'un banc, se déshabille
et se couche. Il lui vient à l*idée de comp-
ter son argent Le pope ,vott que le moujik
compte de .l'argent-(les popes* dut le flair
subtil pour cela!) et il se; dit: «Voyez donc,
il a d'air d'un déguenillé, et cependant quelle
masse d'argent il possède! je le ferai boire
jusqu'à ce qu'il sbit ivre et je hii'prendrai
cet argent!» Le >pope, sans plus tarder,
s'approche du moujik et 'lui dit: «Viens,
l'ami, souper avec nous!» 'Le moujik est
liés content: «Merci, petit père!» Ils as-
seyent pour souper; le pope fait servir de
l'eau-de*vie et toi ^en verse"; il te* pousse

* Voyez no LXXV.


382

CONTES SECRETS

tellement, qu'il ne le laisse pas respirer! Le
moujik boit jusqu'à l'ivresse et roule sur le
sol; le pope lui enlève aussitôt l'argent de
sa poche, le cache, et couche le moujik sur
le banc. Le lendemain matin le moujik s'é-
veille, il regarde : sa poche est vide; U com-
prend bien ce qu'il en est, mais comment faire ?
S'il réclame au pope, on lui dira ; d'où te vient
cet argent, et toi-même d'où viens-tu ? il s'at-
tirera des malheurs. Le moupk. s'en va* donc;
il-rôde de ci de là pendant un mois, pen-
dant deux mois, pendant trois mois* puis il
se dit: «Le pope m'a sans doute oublié, je
m'habillerai de telle sorte qu'il ne me re-
connaîtra pas et f irai cher lui régler notre
vieux compte.» Il arrive à l'izba du pepe;
celui-ci n'y était pas à ce moment; la po-
pesse y était assise seule. «Petite mère,
permets que je passe la journée chez toi!
— Je t'en prie, entre!» Il entre dans l'izba
et 's'assied sur le banc. «Comment t'appelle-
t-on, l'ami, et d'où viens-rtu ? — On m'ap-
pelle Kakof (Quel), petite mère, je viens de
loin et je vais en pèlerinage.» Sur la table
du pope était un livre, le moujik le prend,
en tourne les feuilleta et murmure entre ses
lèvres comme s'il lisait, puis il se met à
pleurer. La popesse lui -dit: «Pourquoi


TRADUITS DU RUSSE 283

pleures-tu, l'ami ? — Comment ne pas pleu-
rer ? il est écrit dans la Sainte Écriture que
chacun sera puni suivant ses péchés, et nous,
pécheurs, nous avons- tant commis d'iniquités,
que je ne sais pas, petite mère, comment
Dieu peut encore supporter nos péchés! —
Et tu sais lire, l'ami? — Comment donc!
petite mère; sous ce rapport je n'ai pas été
mal partagé de Dieu! — Et sais-tu chanter
comme le petit-diacre (le chantre) ? — Je
connais cela, petite mère, je connais cela;
je l'ai appris dès mon jeune âge ; je connais
toutes les cérémonies de l'Église. — Nous
n'avons pas de petit-diacre (de chantre); le
pope est allé faire un enterrement; ne pour-
rais-tu pas lui aider demain à célébrer la
messe ? — Parfaitement, petite mère, pour-
quoi pas?» Le pope revient; la popesse lui
raconte tout. Le pope est très content de
cela, il régale le moujik de son mieux. Le
lendemain matin, il va à l'église avec le mou-
jik et commence à célébrer la messe. Mais
le moujik reste debout dans le chœur et se
tait. Le pope lui crie: «Pourquoi restes-tu
là debout sans rien dire, pourquoi ne chan-
tes-tu pas ?». Le moujik lui répond :. «Je vais
m'asseoir, puisque tu me défends de rester
debout!» et il s'assied sur son cul. Lejpope


a&J. contes secrets

lui crie de nouveau: «Pourquoi f assieds-tu,
et pourquoi ne chantes-tu pas? Je me
coucherai alors.» Et il s'étend sur Je sol
Le pope arrive près de lui, le chasse de
l'église et reste seul pour finir la messe.
Le moujik revient chez le pope. La popesse
lui dît: «Eh bien, la messe est-elle finie? —
Elle est finie, petite mère! — Et où est le
petit père ? — Il est resté à l'église pour en-
terrer un défunt. Mais il m'a envoyé vers
toi pour que tu me donnes sa fourrure
neuve couverte de drap et son bonnet de
castor: il faudra aller loin et il veut être
vêtu pins chaudement! La popesse va lui
chercher la fourrure et le bonnet. Le mou-
jik passe derrière l'izba, ôte son bonnet,
ch.. dedans, le remplit et le pose sur le
banc, il endosse la fourrure du pope, se
coiffe du bonnet de castor et se sauve. Le
pope achève la messe et revient à la mai-
son; la popesse voit qu'il porte sa vieille
fourrure et lui dit : «Où est ta fourrure Jieuve?
— Quelle fourrure?» Ils se racontent alors
l'un à l'autre ce qu'a fait le moujik et voient
qu'il les a trompés. Le pope dans sa colère

pcend le bonnet plein» de m----qui était sur

le banc, le met sur sa tête et court dans le
village à la recherche du moujik; mais la


traduits du russe

m.... coule du chapeau sur sa figure; il en
est tout sah. Il entre dans une izba et de-
mande à la ménagère: «As-tu vu Kakof
(Quel) ? — Je. vois, petit père, quel tu es !
tu es beau!» Tous ceux à qui il s'adresse
lui font la même réponse. «Quels imbéciles !
dit le pope: on leur demande une chose, il
vous en répondent une autre!» Il court, il
court* il parcourt tout le village, mais il ne
trouve rien. «Allons, pense-t-il, ce qui tombe
du chariot est perdu!» Il retourne à la
maison, ôte son bonnet; mais dès 4\ue la
popesse jette les yeux sur lui, elle jette les
hauts cris : «Ah, petit père, tu as la tête
couverte de petite vérole! — Que dis-tu là!»
répond le pope; il tàte sa tête et retire sa

main toute barbouillée de m____ Ainsi finit

le conte.

LXXVII

LA FEMME DE MARCHAND ET LE COMMIS
(Pareil conte se trouve dans Boccace.)

l y avait une fois un marchand, vieux
barbon, qui avait épousé une jeune
petite femme. Il avait beaucoup de commis.


286 CONTES SECRETS

Le plus ancien de ces commis se nommait
PatapofE Cest un robuste et beau gaillard,
qui s'occupe de gagner les bonnes grâces de la
patrone, qui joue avec elle à toutes sortes de
petits jeux, dételle manière qu'ils s'entendent
parfaitement. Les gens le remarquent et en
font part au, marchand Le marchand dit
à sa femme: «Sais-tu, chère amie, ce que
les gens disent : ils prétendent que tu as des
relations avec mon commis Patapoff... —
Que me dis-tu là? Que Dieu te bénisse i
Ai-je jamais rien fait de mal? N'en crois
pas les gens, crois-en tes propres yeux! —
— On dit que depuis longtemps il a tes
faveurs! Ne pourrait-on, d'une façon quel-
conque, le mettre à l'épreuve ? — Eh bien,
dit la femme, écoute; mets mes habits, va
le trouver dans le jardin, tu sais où il couche,
et dis-lui tout doucement en chuchotant: j'ai
quitté mon mari pour venir te trouver. Tu
verras alors ce qu'il est — Parfait!» dit le
mari. La marchande ne perd pas de temps
et prévient le commis: «Quand mon mari
viendra, rosse-le de telle sorte qu'il s'en sou-
vienne longtemps, le vilain!» Le marchand
attend la nuit, il s'habille avec les vêtements
de sa femme, des pieds à la tête, et va dans
le jardin trouver le commis. «Qui est là?»


287

demande celui-ci. Le marchand répond en
chuchotant: «C'est moi, mon chéri! — Que
veux-tu ? — J'ai quitté mon mari pour venir
près de toi. — Ah, vilaine ! et l'on dira que

c'est moi qui te cours après ! Et toi, p.....,

tu veux que je déshonore mon maître!»
Alors il frappe le marchand sur la tête, sur
l'échiné, il lui tire les cheveux : «N'approche
pas, drôlesse! ne me compromets pas: à
aucun prix je ne consentirais à de pareilles
vilenies!» Le marchand s'arrache comme
il peut de ses mains, il court vers sa femme
et lui dit : «Non, ma chérie ! maintenant, per-
sonne au monde ne me fera croire que tu
vis avec mon commis. Comme il m'a in-
jurié, menacé, battu! C'est à peine si j'ai
pu me tirer de ses mains! — Tu vois! tu
ajoutes foi à tout ce qu'on te dit!» lui ré-
pond la marchande, et depuis ce moment
elle vécut avec le commis sans la moindre
inquiétude.


TABLE.

patfea.

Préface.................. i

I. La Renarde et le Lièvre ...... 7

II. Le Moineau et la Jument...... 10

TU. L'Ours et la vieille Femme r ia

IV. Le Loup............. 14

V. Le Moujik, l'Ours, le Renard et le Taon 15

VI. Le Chat et la Renarde....... 16

VII. Le Pou et la Puce......... 17

VIII. Le Chien et le Grimpereau ..... k 18

IX. Le C et le Cul . *. . . . •* . . «o

X. Lave le cul ,^ ... * • . 21

XI. C'est mauvais, ce n'esf Pas mauvais . . 22

XII. Le Benêt.............. ?3

XIII. La Tête de Brochet...... . 24

XIV. Le Mariage du Benêt.....* . . «9

XV. La Fiancée craintive........ 37

XVI. La P... brûlante ......... 4»

XVII. Les Dictons (non traduits)...... 43

XVIII. Vers de vieillard.......... 43

XIX. Les Entretiens de famille...... 45

XX. La première Entrevue du fiancé et de la

Fiancée............ • 47

XXI. Les Moujiks et le Seigneur..... 49

XXII. La Mattresse de maison perspicace . . 51


TABLE

289

page».

XXIII. Non.............. 53

XXIV. Le Mari sur les œufs....... 55

XXV. Le Chasseur et le Sylvain..... 58

XXVI. Le Moujik et le Diable...... 59

XXVII. Le Moujik faisant besogne de femme . 61
XXVIII. La Femme de l'aveugle...... 65

XXIX. Le Tétras (Coq de bruyère) .... 67

XXX. La Réponse du prélat ...... 68

XXXI. La Semaille des p........•. . 70

XXXII. L'Anneau enchanté........ 77

XXXIII. La Dame excitée......... 90

XXXIV. A la manière des chiens...... 93

XXXV. Les deux Épouses........ 94

XXXVI. La Dame pudibonde....... 96

XXXVI1. Le bon Père........... 99

XXXVIII. Le Conte du pope qui a fait un veau . xoz

XXXIX. Le Pope et le Piège....... xo6

XL. Le Pope, la Popesse, la Fille du pope

et le Domestique........ 107

XLI. Le Cochon de lait........ xxa

XLII. Le Père spirituel . . . . •..... xx6

XLIII. Le Pope et le Moujik....... 1x7

XLIV. Le Pope et l'Ouvrier....... i«7

XLV. La Famille du pope et l'Ouvrier . . . 139

XLVI. Le Peigne............ 142

XLVII. Pousse de la chaleur....... 149

XLVIII. Les Obsèques du chien ou du bouc . 153

XLIX. Le Jugement sur les vaches .... 159

L. Le Pope avide ......... 164

LI. Rire et chagrin......... 167

LU. La Graisse merveilleuse ...... 173

LUI. Le Chalumeau merveilleux .... 187

LIV. Le Berger..........« 191

LV. Le Soldat, le Moujik et sa Femme • 194

LVI. Le Soldat dort, mais sa p... travaille 196

Kqvnràêux. i. 19


2qo

TABLE

pages.

LVII. Le Soldat et la Paysanne (de Petite-

Russie) , . . ......... 198

LVIII. Le Soldat et le Paysan (de Petite-

Russie)............ 200

LIX. Le Soldat déserteur....... 302

LX. Le Soldat et le Pope ...... 203

LXL Le Soldat crible......... 204

LXII. La Belle-Mère et le Gendre nigaud » 305

LXIII. La Femme bavarde ....... 207

LXIV. Le Pope qui hennit comme un étalon 309

LXV. La Femme rusée ........ 2x9

LXVI. La Juive............ 238

LXVII. Le Soldat et le Diable...... 239

LXVIIL Nicolas Doupliannskoï...... 340

LXIX. Les deux Frères fiancés...... 346

LXX. La Fiancée sans tète....... 353

LXXI. Les Ruses des femmes...... 263

LXXII. Les Noms étranges ....... 269

LXXIII. Le Pope et le Tsigane...... 272

LXX1V. Le bon Pope.......... 375

LXXV. La Bataille en gageures ...... 277

LXXVI. Je suis Kakoff (Quel)....... 281

LXXVII. La Femme de marchand et le Coïnmis 285

-+--------


ANMERKUNGEN

Zü DEN

CONTES SECRETS TRADUITS DU RUSSE.

No. I p. 9 : «elle se démène, mais ne peut ni avan-
cer ni reculer, ni sortir de là. Le louche tourne la tête,
il voit que l'occasion est belle, il accourt par derrière,
et f... la renarde.» — Cf. Grimm, Reinhart Fuchs S. 75,
105, 270. Freytag, Arabum Proverbia, 2, 539 No. 433:
*Non mihi p lacet vulnerare faciem soefi.» — Jonesus
[Jones] dixit, Arabes proverbium sic explicare : Vulpes
lapidem album in loco vallis angusto conspexit. Ut
leonem perderet, ei dixit: «In loco vallis angusto adeps
est, quo facile potiri potes.' Qui locus quum nimis an-
gustus esset quam ut corpus leonis intraret, vulpes ei
dixit : 'Protrude caput !' Leo vulpis consilium sequens
inox firmiter loco inhaesit, ut neque redire neque pro-
dire posset. Vulpes autem leonem in podice laesit, et
quum leo eum, quid ageret interrogaret, respondit, se
eu m liberare velle ; et leone dicente a capitis latere hoc
faciendum esse, ista proverbii verba protulit, quibus
significant, virum se erga alterum amicum fidum osten-
dere, quum perfidus esset.»

No. VII. Le Pou et la Puce. Cf. das hier fol-
gende Norwegische Märchen No. x «Die Landmaus
und die Wassermaus auf der Reise.»

No. XXVI p. 30 1. 12 ff. «Voici ce que je te pro-
pose etc.» Cf. Bartsch's German. 26, 116 No. 18. 28,
108 f. «Einmal wettete er (der Böse) mit einem Bauern»
u. s. w.

No. XXXII. L'Anneau enchanté. Cf. Norweg.
Märchen No 7 : «In den Himmel auf meines Mannes
Pint.»

No. XXXV. Les deux Épouses p. 95 1. 13 ff.
«Elle tourne le cul de son coté et dit: 'Voilà pour ce

19*


292

fUs de putain mon cul seul T etc.» Cf. Cent Nou-
velles Nouv. No. 49 «Le Cul d'écarlate.»

No. XLII1. Le pope et le Moujik. Zu beiden
Theilen des Schwanks s. Straparola N. 6 Fav. 1 und
dazu Dunlop-Liebrecht, Gesch. der Prosadichtung S. 283.

Ib. p. 123 1. 5 ff. «Un jour pendant l'été» etc. S.
Norweg. Märchen no. 9: «Die Frau, die ihre eigene
Schande offenbart.»

No. XLV p. 142 1. 13 ff. «La popesse donne sa
part à l'ouvrier» etc. Cf. Norweg. Märchen No. 9:
«Die Frau, die ihre eigene Schande offenbart».

No. XLVI. Le Peigne. Cf, Norweg. Märchen
No. 12 «Das Mädchen, welches lange pissen konnte.»

No. XLVIII. Les Obsèques du Chien. S

an das geweiht» und dazu Oesterley (85. Public, des Lit-
terar. Ver. zu Stuttgart).

No. XLIX. Le Jugement sur les vaches. S.
Pauli a. a O. c. 324. 'Der bawer gab dem pfaffen ein
ki?, das er im hundert geb,' und dazu Oesterley.

Ib. p. 162 Z. 15 ff. «Cela c'est l'enfer pour le coup,
petit père. — Et moi, j'ai un pécheur, la mère ; il faut

No. LI1L Le Chalumeau merveilleux. S.
Grimm, Märchen No. 165 u. 3, 328 ; Kuhn, Westf. Mär-
chen 2, 226. Wenzig, Westslav. Märchenschatz S. 36 ff.
59 ff. Bechstein, Märchenbuch «Der Hasenhüther» ;
Hahn, Griech. March. 2, 242 ; Wolf, Deutsche Hausm.
S. 134 ; Asbjörnsen, . Norske, Folke-Event. Ny. Sämling
Kjöb. 1876 no. 38. Arnason Isl. bjo(ts. Leipz. 1864. 2,
482 ff. u. A.

No. LXV. La Femme rusé. Cf. v. d. Hagen»
Gesammtab. No, 62 «Die drei Mönche von Kolmar».

Pauli, Schimpf und Ernst c, 72

le mettre en enfer.»


NORWEGISCHE MÄRCHEN
UND SCHWANKE.

I

DIE LANDMAUS UND DIE WASSERMAUS AUF

DER REISE.1

ine Landmaus und eine Wassermaus
waren einst auf der Reise. Den Tag

über gingen sie zusammen und theilten mit
einander Leid und Freud; des Nachts je-
doch trennten sie sich; denn die Landmaus
wollte im Trocknen schlafen, die Wasser-
maus dagegen wollte es feucht haben. So
geschah es denn, dass sie einmal spät zu
einer Scheune gelangten, in welcher ein


294 NORWEGISCHE MÄRCHEN

Frauenzimmer schlief, und dieser kroch ohne
Verzug die Landmaus hinten, die Wasser-
maus aber vorn in den Leib.

Als sie nun des Morgens wieder heraus-
kamen, so schüttelte sich die Landmaus und
rief aus: «Potz Blitz, was war das für ein
Wetter heute Nacht! der Donner krachte
Schlag auf Schlag, als ob die Wände ein-
stürzen sollten! Und wie es da gar erst
stank! nicht anders als ob der leibhaftige
Teufel mit Schwefel und Pech losgewesen
wäre!» — «Glaubst du denn, ich hatte es
besser, wo i c h war ? sprach die Wasser-
maus und machte sich daran ihren Pelz zu
waschen. Mitten in der Nacht kam ein
Herr herein, der zwar erst die Mütze abzog,
dann aber in einem fort 'raus und 'rein fuhr
und mir zu Leibe wollte; da er mich aber
nicht erreichen konnte, so wurde er so roth-
sprenklich am Kopf wie ein Sommerlachs
und am Ende so giftig, dass er mir gerade-
zu ins Gesicht spuckte!» — «Ja den Teufel
auch war das ein Herr! rief die Landmaus
aus; das war bloss ein Bettler, der seinen
Sack draussen gelassen hatte.»2


NORWEGISCHE MÄRCHEN 295

n

DER VORKOSTER3

s war einmal ein Schneider, der hatte
eine Bauerndirne als Liebste, und sie

hätten einander gern geheiratet ; aber ihre
Eltern wollten das nicht zugeben. Ihr An-
wesen sei allerdings nur klein, sagten sie,
aber ihre Tochter sei doch eine Hüfner-
tochter und viel zu gut für den Schneider,
der bloss von Gehöft zu Gehöft umherzöge
und schneiderte; es könne daher nichts
daraus werden. «Füge dich also in Geduld,
sagte das Mädchen zu ihrem Geliebten; jeden-
falls sei sicher, dass, wie es auch geht, und
wen ich auch bekommen mag, du doch
unter allen Umständen Vorkoster sein sollst.»

Nach einiger Zeit meldete sich auch wirk-
lich ein Freier, dem die Eltern das Mädchen
gaben und eine stattliche Hochzeit herrich-
teten, bei weicher sich auch der Schneider
befand. Während aber die Kameraden des
Bräutigams diesem tüchtig zutranken, und
zwar dermassen, dass er am Ende seine fünf
Sinne nicht mehr beisammen hatte, lag der
Schneider bei der Braut in der Brautkammer


2$6 norwegische mârchen.

und erlustierte sich mit ihr aufs beste.
Endlich jedoch vermisste sie der Bräutigam
und kam taumelnd in die Kammer. «Bist
du hier ?» fragte er mit schwerer Zunge. —
«Ja wol, antwortete sie; ich hab' mich ein
Bischen aufs Bett gelegt ; ich war so müde,»
und zugleich liess sie sich auf der Wand-
seite vom Bette herab. Der Bräutigam kroch
hierauf zu ihr (wie er dachte) und suchte
auch bald nachher das Lustgärtlein, fand
aber statt des Thaies einen Berg, der ihm
die ganze Hand anfüllte. «Kreuzdonner-
wetter! rief er aus, wie bist denn du be-
schaffen ? du hast ja gerade so ein Ding wie
ich; wie soll denn das nu gehen?» — Ja, sie
wäre nun einmal nicht anders, sagte die
Braut hinter dem Bette ; aber sie glaube wol,
der Sache wäre abzuhelfen, obschon dazu
Geld und Zeit gehöre. — Es möchte kosten
was es wolle, meinte der Bräutigam, wenn
er sie nur ordentlich in Stand bekäme. —
Da sagte die Braut, sie kenne einen Schnei-
der, der die Arbeit wohl übernehmen würde,
aber er müsse sie drei Monat lang bei sich
haben und zur Herstellung des Notwendigen
16 Bärenfelle, 16 Ellen rothes Tuch, 16 Ton-
nen Salz so wie überdies 100 Thaler Ar-
beitslohn erhalten ; denn er mü>se in ihrem


NORWEGISCHE MÄRCHEN 297

Leibe eine ganz neue Vorrichtung anbringen.
— Es blieb nun nichts anderes übrig als auf
die Forderung des Schneiders einzugehen,
und als die drei Monate um waren, brachte
dieser die junge Frau zurück und legte sie
auf den Tisch. «Jetzt habe ich sie in Stand
gesetzt, sagte er, und sie ist nun* so gut wie
neu. Komm her und sieh dir sie einmal
an;» dabei hob er ihr die Röcke auf und
zeigte sein Werk. «Ist von den 16 Bären-
fellen nicht mehr übrig geblieben als der
kleine Haarstreifen da?» sprach der Ehe-
mann. «Nein, versetzte der Schneider, das
ist alles.» — «Und von den 16 Ellen rothen
Tuchs, fuhr jener fort, ist da nicht mehr
übrig als das?» — «Nein, antwortete der
Schneider, es ist alles draufgegangen.» Als-
dann steckte der Mann den Finger hinein
und hielt ihn darauf an die Zunge. «Ja,
sagte er, das Salz ist da; das ist ausge-
macht.»4


2o8 NORWEGISCHE MÄRCHEN

EINE GEFÄHRLICHE KLEMME5

s war einmal ein Mann um die Weih

|Uë9 nachtszeit auf der Reise und kam am
heiligen Abend an ein Haus, wo er um ein
Nachtlager bat. «Du lieber Himmel! sagten
die Leute, die da wohnten, wir sind ja selbst
in grosser Noth und müssen uns beim
nächsten Nachbar einquartieren, denn in der
Weihnachtsnacht kommt stets der Gottsei-
beiuns leibhaftig hier ins Haus.» — Das hätte
keine Noth, meinte der Reisende ; wenn man
ihm nur gestatten wolle, da zu bleiben, wolle
er mit dem Schwarzen schon fertig werden,
und damit legte er sich zur Ruhe. Es
dauerte aber nur kurze Zeit, so erbebten die
Mauern und Stöpke kam angeflogen, und
ohne Verzug fingen sie an mit einander Kar-
ten zu spielen. Dies trieben sie so lange,
wie das Weihnachtslicht brannte, wobei der
Reisende einen ganzen Haufen Geld gewann,
denn er hatte auf die besten Karten Kreuze
gemacht, so dass der Böse sie nicht in seine
Gewalt bekommen konnte. Als aber das
Licht ausgebrannt war, hatte das Spiel ein

m


NORWEGISCHE MÄRCHEN 299

Ende, da sie die Karten nicht mehr zu
unterscheiden vermochten. «Jetzt müssen
wir hinaus um Holz zu hauen, sagte der
Mann, dann haben wir des Morgens etwas
zu Licht und Feuer.» Ja, damit war der
Teufel zufrieden, und der Mann wählte einen
krummen Tannenblock voll Knorren, den
sie auch herbeischleppten. «Nun müssen
wir dran,» sagte er und hieb mit der Axt in
den Klotz, worauf er einen Keil hineintrieb ;
jedoch der Block war, wie gesagt, krumm
und knorrig; er klaffte wol, allein er wollte
sich nicht spalten, obschon der Mann die
Axt hin- und herdrehte. «Sie sagen, du bist
stark, sprach endlich der Mann zum Teufel,
aber, du hast nicht mehr Kraft als meine
Katze ; wenn du wirklich stark bist, so spucke
dir in die Fäuste und fahre damit in die
Spalte, dann will ich einmal sehen, wozu
du's bringst.» Ja, Stöpke that wie geheissen,
fuhr mit seinen Krallen hinein und strengte
sich an, so viel er konnte; aber in dem-
selben Augenblick schlug der Mann den Keil
heraus und StÖpke sass in der Klemme,6
worauf jener den Axthâmmer ihm gehörig
auf dem Rücken umhertanzen Hess. StÖpke
flehte ihn an hoch und theuer, ihn doch
loszulassen, allein der Mann wollte nicht eher


3<x> norwegische märchen

darauf eingehen, als bis der Schwarze ver-
sprach, dass er nimmermehr dorthin kommen
und Unfrieden anstiften würde. Auch befand
sich in der Heimath des Mannes nicht weit
von seinem Hause eine Furt über einen
reissenden und gefährlichen Strom, in wel-
chem gar häufig Leute ertranken, und die
auch er oft passiren musste ; über diese nun
sollte der Teufel eine Brücke bauen, so dass
man zu allen Zeiten des Jahres ohne Ge-
fahr hinüberkommen könnte.

Das war allerdings hart, wie StÖpke
meinte, denn er hatte dort stets eine oder
die andere Seele geholt ; allein es war nichts
zu thun ; wollte er los, so musste er das Ge-
forderte versprechen, und nur das bedang
er sich aus, dass, wenn die Brücke fertig
wäre, er die erste Seele bekäme, die darüber
passirte; das sollte ein für allemal der
Brückenzoll sein.

Eines Sonntags nun stand die Brücke fix
und fertig da, und StÖpke lauerte auf der-
selben um den ausbedungenen Zoll zu erheben.
Als jedoch der Mann von seinem Gehöft aus
dies sah, sattelte er alsbald ein Pferd, und
seine Frau vor sich auf den Sattel setzend,
ritt er spornstreichs auf die Brücke, so dass
diese laut erdröhnte. «Ei wie ? rief der Teu-


NORWEGISCHE MÄRCHEN 3OI

in Pint und eine Schuhsohle kamen

einmal mit einander ins Gespräch,

und die Schuhsohle fing an zu klagen. «Es
kann wol Niemand mit mehr Verachtung
behandelt werden als ich, sagte sie. Man
heftet mich den Leuten unter die Füsse,
und diese treten mit mir in allen Dreck und
Koth, so dass ich so nass werde wie ein
Wischlappen; nicht selten auch tritt man
mit mir auf Scherben oder spitze Steine;
nicht minder schmiert man mich an der
Seite mit Schuhwichse und Theerschmiere
ein. Am härtesten aber ist es, dass ich in

IV

DER PINT UND DIE SCHUHSOHLE

fei, bist du es ? wo ist der Brückenzoll ? wo
hast du die Seele?» Der «Mann, nicht faul,
hob seiner Frau die Röcke auf und wies
ihm ihre Spalte. «Nein, rief Stöpke aus, in
eine Klemme hast du mich hineinbekommen,
vor der zweiten werde ich mich wohl zu
hüten wissen.» 7


302 NORWEGISCHE MÄRCHEN

Frost und Hitze heraus muss, ohne dass mir
jemals etwas Gutes zu Theil wird, es sei
denn, dass hin und wieder, aber nur selten,
ein armer Teufel, der sich wund gelaufen,
mir einen Schluck Branntwein zukommen
lässt. Du aber, liebster Freund, du hast es
viel besser als ich; du sitzest in den Hosen
und hast ein warmes Haus, und nehmen sie
dich einmal heraus so geht es dir nicht
minder gut. Du wirst von zarten Händen
gestreichelt und schöne Frauen spielen mit
dir.»

Als der Pint dies hörte, lachte er laut
auf und meinte, den Teufel auch hätte er
es so gut, wie die Schuhsohle glaubte, viel-
mehr viel schlimmer, und es schiene ein
Wunder, dass er nicht schon längst auf-
gerieben wäre; wenn er auch aus Stahl
und Eisen gewesen wäre, so könnte er doch
nicht länger das ausstehen, was er bisher
ausgestanden. Er müsse zu jeder Zeit wach
sein und gerade stehen und paradiren und
die Mütze abziehen vor einer jeden lumpigen
Bettelliese, der ihn sein Herr in den Leib
schieben wolle, und das schlimmste dabei
wäre, dass er ihn hin und her fahren lasse
in einem Loche, welches sich dicht beim
Hintern befände; auch sässe da drinnen


è

NORWEGISCHE MÄRCHEN 303

V

DIE HOCHZEIT AUF VELKJE8

as waren immer sonderbare Leute, die
auf Velkje, einem Gehöft, welches in
dem Kirchspieldorf Gravén in Hardanger
geradeüber von der Kirche belegen ist. Es
wohnte da einmal ein altes Ehepaar mit
ihrem einzigen Kinde, einer Tochter, die so
gross und stark war, wie der grÖssteMann,
und weit und breit unter dem Frauenvolk
' ihres Gleichen nicht hatte; aber gleichwohl
nannten die Eltern sie nie anders als «das
Kind» oder «mein Kind»; auch machten sie
sich immer mit ihr zu schaffen wie mit einem

Einer, der mit einer Hufzange klemme, und
ein ganz verteufelter Marksauger, der da
festpacke und sauge, so dass er (der Pint)
dermassen wirr im Kopfe und schwach im
Magen werde, dass er alles Nasse, was er
im Leibe habe, ausspeien müsse und sich
dann so matt und übel befinde, dass er hin-
terher wie ein nasser Lappen herabhänge.


304 NORWEGISCHE MÄRCHEN

kleinen Kinde und hüteten sie wie ihren
Augapfel. Endlich musste sie sich doch auch
verheirathen wie andere Hüfherstöchter;aber
es war nicht leicht einen passenden Bräu-
tigam zu finden, bis sich zuletzt gleichwol
einer fand, der ebenso gross und dick war
wie die Dirne selbst. Das Ehepaar auf
Velkje war jedoch etwas dämlich und da-
her auch nicht alles gehörig im Stande als
die Hochzeitsgäste anlangten ; aber der Bräu-
tigam war da und liess sie durch den
Küchenmeister bitten nur immer einzutreten,
obschon auf der Vorderseite des Tisches in
der Essstube noch keine Bank stand. Um
dem abzuhelfen, setzte sich der Bräutigam
auf den Hochsitz, nahm seinen «Christian»
heraus und legte ihn quer über die Stube,
indem er die Gäste aufforderte sich desselben
als Tischbank zu bedienen; es könnten
ihrer zwölf darauf Platz finden. Während
sie nun so unter Schwatzen und Trinken
wohlgemut dasassen, kam die Braut herein,
und ihr «Geräth» war so gross, dass vier
Männer es in einem Backtroge vor ihr her
tragen mussfen, so dass, als der Bräutigam
sie damit kommen, .sah, sein «Christian» in
die Höhe fuhr und die darauf sitzenden
zwölf Gaste herabfielen. Einige von ihnen


norwegische märchen 305

brachen sich den Nacken an den Dachbalken,
andere schlugen sich todt gegen Tische und
Bänke, und wenn auch einige heil davon
kamen, so litten doch die meisten Schaden
an ihrem Leibe. So verwandelte sich also
das Hochzeitmal auf Velkje in ein Leichen-
mahl.

8 war einmal ein wohlhabendes Ehe-

lyggpaar, das ein einziges Kind, eine
Tochter, hatte, und dieselbe so sorgfältig
hütete, dass sie niemals unter die Leute
kam, keine Sonnabendsferien wie andere
Mädchen haben durfte und über nichts in
der Welt ordentlich Bescheid erhielt, so dass
sie weder wusste wie die Mannsleute von
Natur beschaffen sind, noch auch sonst etwas
lernte als Waffeln backen ; das aber verstand
sie ganz perfect. «Du must dich genau vor-
sehn und das abscheuliche Mannsvolk dir
vom Leibe halten, sonst wirst du eine alte
Jungfer,» sagte die Mutter zu ihr, und das

KçvnTaSta. I. 20

VI

WAFFELN BACKEN9


306 NORWEGISCHE MÄRCHEN

versprach denn auch das Mädchen, denn
eine alte Jungfer wollte sie durchaus nicht,
werden. Endlich kam ein Freier, der den
Eltern zusagte, und diesem gaben sie die
Tochter. In der Hochzeitsnacht machte sich
der Bräutigam daran zu thun was Rechtens
war, allein die Braut wollte es durchaus
nicht gestatten ; er versuchte auf jede mög-
liche Weise seine Absicht auszuführen, es
war aber alles vergeblich; denn die Braut
kreischte und schrie nur immer fort, ihre
Mutter hätte zu ihr gesagt, sie solle sich
das abscheuliche Mannsvolk nicht an den
Leib kommen lassen. Da stand er zuletzt
auf und klagte der Schwieger, wie es
ihm erginge. «Ei was, sprach diese, kehre
dich nicht daran und sage bloss zu ihr, du
wollest Waffeln backen.» Gesagt, gethan,
er begab sich zur Braut zurück, und als
diese bei einem neuen Angriffe es noch viel
schlimmer machte als vorher, sagte er end-
lich zu ihr : «Jetzt ist es genug ; komm nun,
wir wollen zur Veränderung Waffeln backea»
Ja, damit war sie zufrieden. «Ich habe
einen vortrefflichen Quirl, fuhr er fort, und
du hast ein hübsches kleines Pfannchen
zwischen den Beinen; darin wollen wir den
Brei zurecht machen und herumrühren*»


NORWEGISCHE MÄRCHEN 307

Hierauf ging nun das Rühren und Backen
los, wobei die Braut zuletzt wacker mithalf,
bis der Bräutigam endlich müde wurde.
«Nur zu, nur zu!» sprach sie da. — «Ich
kann nicht mehr,» versetzte jener. — «Und
warum kannst du denn nicht mehr?» fuhr
sie fort und benahm sich ganz unbändig. —-
«Der Griff am Waffeleisen ist mir abge-
brochen,» antwortetete der Bräutigam. —
«Ha, ha, ha! lachte sie dann auf; ja das
will ich wol glauben, denn ich merkte gleich,
dass mir der Brei in den Hintern lief.»

IN DEN HIMMEL AUF MEINES MANNES

PINT 10

s war einmal ein Paar, das sich mit

einander verheirathete ; aber der Mann

hatte einen so kurzen Pint, dass die Frau
durchaus nicht zufrieden war. Sie gingen
darüber oft mit einander zu Rathe und
schliesslich musste der Mann zu einem Fin-
nenweibe reisen um Abhülfe zu erlangen.

VII


3o8 NORWEGISCHE MÄRCHEN

Diese wurde ihm denn auch wirklich zu
Theil, und er erhielt noch obendrein eine
Salbe, welche Wunden jeder Art heilte und
die er aufschmieren sollte, wenn etwa der
Pint zu gross würde und er ihn abschneiden
müsste. Auf dem Rückwege begegnete er
einem Frauenzimmer und bekam Lust, an
dieser einmal seinen Fiesel zu versuchen.
Ja, hiess es, sie habe nichts dagegen, und
so Hess er sie seinen zwölfzolligen einmal
kosten. «Das hat ja wundergut gethan,» sagte
sie, und meinte, es wäre ein ganz prächtiger
*KerP, obwol er für sie noch immer etwas
länger sein könnte. — Ja, versetzte jener,
er wolle sie wol zufrieden stellen, doch
müsse sie sich obendrauf setzen, denn sonst,
läge sie unten, könnte sie am Ende durch
und durch gebohrt werden. Sie war es zu-
frieden, und als sie sich im Sattel fest ge-
setzt hatte, sprach sie: «So, nun lass ihn
hinein, so weit wie er reicht.» — «Wie thut
es nu ?» fragte der Mann. — «O, ich sitze wie
im siebenten Himmel, liebster Schatz !» ant-
wortete das Frauenzimmer. — «Ei, so bleibe
nur immer sitzen, wo du sitzest!» sprach
jener. Endlich, als sie fertig waren, schnitt
er ein Stück vom Pint ab, und da lag dieses
da und schlangelte sich längshin wie grosse


NORWEGISCHE MÄRCHEN 309

Haufen von Aalen und Würsten, und von
der ganzen Umgegend her kamen Weiber
herbei und fuhren und schleppten nach
Hause was sie nöthig hatten. Aber auch
der Mann langte bei seiner Frau an, und
man kann sich wohl denken, dass sie ihn
mit grösster Ungeduld erwartete. «Wie ist
es dir ergangen ? fragte sie ihn alsbald ; hast
du bekommen, was wir brauchen ?» — «Ich
bringe nichts Besonderes,» lautete die Ant-
wort. Ja, dem mochte nun sein, wie ihm
wollte, so musste sie doch einmal versuchen,
und der Mann fügte etwa einen Zoll zur frü-
heren Länge hinzu. Nun, das sei doch nicht
so übel,» meinte sie, er reiche doch weiter
als zuvor; gleichwol fragte sie, ob er nicht
mehr hätte und bekam dann einen-zwölf-
zolligen zu schmecken. «Der war ganz
golden, meinte sie, aber wenn er noch mehr
hätte, so hätte sie wohl Lust zu versuchen,
wie es thäte. — Dann müssten sie die Plätze
wechseln, sagte der Mann, und so thaten
sie auch. Aber als es los ging, fuhr sie so
hitzig auf und nieder, dass sie mit dem Hin-
tern ans Dach anschlug und ausrief: «Jetzt
fahre ich in den Himmel auf meines Mannes
Pint!»


310 NORWEGISCHE MÄRCHEN

s war einmal eine Bauerndirne, die

HJgJI hatte einen schlimmen Finger, der
ihr so entsetzlich weh that, dass sie meinte,
es hätte noch niemals in der ganzen Welt
einen so schlimmen Finger gegeben. Sie
schwenkte ihn hin und her, sie blies darauf,
sie hätschelte ihn und umwickelte ihn wie
ein Wickelkind, aber das alles half nichts,
und sie jammerte in einem fort. Da sprach
die Mutter zu ihr : «Das ist doch rein zum
toll werden, du Mädchen! du gehst umher
und hörst nicht auf zu ächzen und zu
stöhnen und wir haben beide Tag und Nacht
keine Ruhe. Ich denke, es ist am Besten,
du fährst in die Stadt zum Doctor und fragst
den um Rath wegen deines Fingers.» Ja,
das meinte das Mädchen auch, spannte an
und fuhr zum Doctor. Als sie nun aber
bei ihm in die Küche trat und nach ihm
fragte, hiess es, er hätte Gesellschaft und
sässe mit dem Propst und dem Stadtschreiber
beim Kartenspiel: es könne jetzt Niemand
mit ihm sprechen. Das helfe alles nichts,

VIII

DER SCHLIMME FINGER11


NORWEGISCHE MÄRCHEN 311

sagte das Mädchen, wenn er auch mit dem
Bischof selbst beim Spieltisch sässe; denn
sie hätte einen so schlimmen Finger, wie
ihn noch nie ein Mensch gehabt, und er
müsse ihr einen Rath geben, was sie an-
fangen solle, eher Hesse sie ihm keine Ruhe.
Da war nun eine von den Mägden, die war
so dreist, dass sie hinein ging und zu dem
Doctor sagte, es stehe ein junges Frauen-
zimmer draussen, die gar. sehr krank sei.
«Was ist los mit Ihr?» schnauzte er das
Mädchen an, als er mit den Karten in der
Hand in die Küche gerannt kam und
schimpfte und wetterte wie ein Rohrsperling.
«O, der schlimme Finger da, Herr Doctor...,»
mehr brachte sie nicht heraus. «Fahr Sie
. zur Hölle mit Ihrem schHmmen Finger und
steck Sie ihn in die Fotzel» schrie jener.
— «Schönsten Dank, Herr Doctor I» sagte
das Mädchen und machte einen tiefen Knix.
«Das war ein hurtiger Rath und ein hastiger
Mann,» fügte sie dann bei sich selbst hinzu,
als sie wieder aufstieg, worauf sie that, wie
der Doctor gerathen hatte und dann davon-
fuhr, so rasch wie das Pferd laufen konnte.
Inzwischen zog und klemmte es den schlim-
men Finger in dem warmen Orte, in dem
er sich befand, und ehe sie noch ganz zu


3« NORWEGISCHE MÄRCHEN

Hause war, ging der Schwär auf, so dass
von der Zeit an der Finger besser zu wer-
den anfing und endlich auch nach und nach
ganz heilte.

Im darauffolgenden Sommer hatte die
Mutter nun einmal gebuttert und die Butter
war so schön und gelb gerathen, dass sie
aussah wie Eidotter. Da sagte sie zur Toch-
ter; «Ich denke du nimmst ein Pfund von
dieser prächtigen Butter und bringst sie dem
Doctor, der dir einen so guten Rath für
deinen Finger gegeben hat.» Gesagt, ge-
than; das Mädchen fuhr mit dem Pfund
Butter in die Stadt zum Doctor, und als sie
mit dem Geschenk bei ihm anlangte, war
es freilich nicht schwer bei ihm Zutritt zu
erhalten. Er gab ihr freundlich die Hand
und dankte für die Butter, indem er zugleich
fragte: «Aber sage Sie mir doch, was war
es denn eigentlich was Ihr fehlte; ich kann
mich der Sache nicht mehr genau erinnern.»
— «O, hat Er das vergessen, Herr Doctor?
antwortete das Mädchen; es war der schlimme
Finger, der schlimmste, der je in der Welt
vorhanden gewesen ist.» — «Ja so, ja so ! ver-
setzte der Doctor, als ob er anfinge, sich
der Sache zu erinnern; aber es fällt mir
nicht gleich bei, welchen Rath ich Ihr er-


NORWEGISCHE MÄRCHEN 313

theilt habe;» und als das Mädchen ihm den
gewünschten Bescheid gegeben, fugte er
hinzu : «O, so war Sie das ? (und es war
ein hübsches, dralles Frauenzimmer), ja,
das war ein guter Rath, und ich danke Ihr
vielmals für die Butter; aber weder Butter
noch sonst was kann mir jetzt helfen ; ich
habe einen viel schlimmeren Schwär als Sie
damals hatte, denn er sitzt an dem elften
Finger.» — «Da steh* Ihm der Himmel bei!
rief das Mädchen aus; ich hab's erfahren,
was ein schlimmer Finger ist. Aber kann
Er denn nicht den Rath befolgen, Herr
Doctor, den Er mir damals gab ?» — «Ja da-
mit ist es eine ganz eigene Sache, sagte
jener; ich habe kein solches Geräth wie
Sie.» — «Ich kann Ihm ja meins leihen,» ver-
setzte das Mädchen, und der Doctor nahm
das Anerbieten auf das Bereitwilligste an.
Er lieh sich ihr Geräth und benutzte es
unverzüglich aufs allerbeste. «So, so, nun
wird's besser am Finger, stöhnte das Mäd-
chen; ich fühle dass der Schwär aufge-
gangen ist»

Als sie nun wieder nach Hause kam, er-
zählte sie der Mutter von Anfang bis zu
Ende wie alles gegangen war und bildete
sich was darauf ein, dass sie sogar dem


314

NORWEGISCHE MÄRCHEN

Doctor selbst von seinem Schwur geholfen,
den er am elften Finger hatte, was ihr wol
kein anderer nachmachen könnte. «Der
Himmel stehe uns bei! rief die Mutter aus
und schlug die Hände über dem Kopfe zu-
sammen, Kind, du hast ja deine Ehre ver-
loren !» — «Was ? die Ehre verloren? antwor-
tete die Tochter ; ich scheisse auf eine Ehre,
die so nahe am Arsche sitzt.»

IX

DIE FRAU, DIE IHRE EIGENE SCHANDE

OFFENBART 12

Is war einmal ein junger Bauern-
bursche, der in die Welt hinauswollte,
um sich sein Brot zu verdienen. So kam er
denn zu einem Hüfher. dem er seine Dienste
anbot und welchem er auch gefiel, so dass
er ihn fragte, was für Lohn er verlange. Er
verlange gar keinen Lohn, meinte der Bursche,
und nur für den Fall bedinge er sich hun-
dert Thaler aus, wenn die Hausfrau ihre


NORWEGISCHE MÄRCHEN 315

eigene Schande offenbare. Darauf ging der
Bauer ohne Weiteres ein; denn so viel er
wüsste, hätte er ein braves Weib, sagte er;
jedoch bedachte er nicht, dass ein Narr zwei
und zwei deren zehn machen. Den nächsten
Tag nun fuhren sie zu Walde um Holz zu
hauen ; bald aber begann es den Burschen
in die Füsse zu frieren, denn es war im
Winter, und er hatte nur schlechte Schuhe
an, wie er sagte; er wollte daher zurück-
kehren und sich seine mit Pelz gefütterten
Schnallstiefel anziehen, die auf dem
Boden ständen. Das solle er nur thun, sprach
der Bauer, er hätte nichts dagegen. Zu
Hause angelangt, sagte der Bursche zu der
Frau, ihr Mann hätte ihm befohlen, nach
Hause zu gehen und sie sowohl wie die
Tochter gehörig durchzuknüllen. «Ei was,
das sind Possen!» rief die Bäuerin, während
die Tochter, obwol gegenwärtig, schwieg.
«Ja, kommt nur mit auf den Hügel hinaus,
so sollt ihr's wol hören,» erwiderte der
Knecht, und als sie hinkamen, schrie er mit
lauter Stimme dem Bauern zu: «Ist es nicht
wahr, dass ich beide schnallen soll?» —
«Ja, gewiss sollst du beide schnallen,» rief
jener zurück und war ganz bös, dass er erst
gefragt wurde; worauf der Knecht sich an


3l6 NORWEGISCHE MÄRCHEN

die Arbeit machte und, als er fertig war, die
Stiefel mit sich nahm.

Als nun Bauer und Knecht nach verrich-
tetem Tagewerk heimkehrten und beim
Nachtessen sassen, nahm die Bäuerin den
grössten Theil ihrer Butter und legte ihn
dem Knechte auf den Teller mit den Wor-
ten: «Das gebe ich dir, du weisst wofür!»
Bald nachher folgte die Tochter dem Bei-
spiel der Mutter und sprach gleichfalls:
«Das geb' ich dir, du weisst wofür!» so
dass der Bauer dachte, es müsse wol so
Sitte und Gebrauch sein, wenn ein neuer
Knecht anziehe und desshalb legte auch er
einen Klecks Butter dem Burschen auf den
Teller, indem er wie die andern dazu sagte :
«Das geb' ich dir, du weisst wofür.» Als
die Bäuerin dies hörte, rief sie ganz ver-
blüfft : «Potz Sapperment, hat er dich auch
geknallt?» — «Nun sind die hundert Thaler
mein!» sprach der Bursche.


NORWEGISCHE MÄRCHEN 3lJ

X

DAS MÄDCHEN, DIE IHRE JUNGFERSCHAFT
HÜTEN SOLLTE18

s war einmal ein Mädchen, die zu
einer Hochzeit eingeladen war. Da
sie nur wenig Verstand besass und ihr noch
viel weniger zugetraut wurde, so sagte die
Mutter zu ihr, sie solle ihre Jungferschart
sorgfältig hüten, denn dies wäre für junge
Mädchen bei Hochzeitslustbarkeiten kein
leichtes Ding; die Mannspersonen, wenn
ihnen erst das Hochzeitsbier zu Kopf ge-
stiegen, hätten glatte Zungen und griffen
auch ohne weiteres zu. Das Mädchen ver-
sprach den Rath der Mutter genau zu be-
achten und ging auf die Hochzeit, wo sie
sich die ganze Zeit über so vorsichtig be-
nahm, dass sie weder zu tanzen noch zu
trinken wagte. Ein junger Bursche nun, der
ebenfalls auf der Hochzeit war und sie
kannte, auch wol Gefallen an ihr fand (denn
es war ein tüchtiges Frauenzimmer), fragte
sie, warum sie sich so abseits hielte und
weder tanzen noch trinken wollte. «Ja, das
will ich dir wol sagen, versetzte das Mäd-


3l8 NORWEGISCHE MÄRCHEN

chen, meine Mutter hat mir eingeschärft,
ich solle meine Jungferschart sorgfältig
hüten, so dass die bösen Mannspersonen
sie mir nicht auf der Hochzeit fortstipitzen
könnten.» — «Oh, sprach der Bursche, ist's
nichts anderes als das? da brauche ich dir
ja blos die Spalte zuzunähen, dann kann
die Jungferschaft nicht heraus und du darfst
dann tanzen und trinken und dich lustig
machen so viel du willst, gerade wie die
andern Mädchen.» Ja, darauf ging sie gern
ein, und so stiegen sie auf den Heuboden
hinauf, wo der Bursche tüchtig drauf los
nähte, bis er zuletzt nicht weiter konnte und
aufhörte. «Nicht doch, nicht doch, sprach
dann das Mädchen, nähe nur immer zu!» —
«Ja, aber ich kann nicht mehr,» antwortete
der Bursche. — «Und warum kannst du nicht
mehr?» fragte sie ungeduldig. — «Ich habe
keinen Zwirn mehr,» erwiderte jener. — «Ei
was! versetzte das Mädchen, ich fühlte ja
eben noch zwei grosse Knäuel.»


NORWEGISCHE MÄRCHEN 310
XI

DER HÄMMLING

s war einmal ein Pastor, ein solcher

mm Geizteufel, dass er seinem Hof knecht
kein besonderes Bett einräumte und dieser
bei der Tochter vom Hause schlafen musste,
weshalb er auch immer nur einen Hamm-
ling in Dienst nahm. So suchte er denn
auch wieder einmal einen solchen und fand
zwar viele junge Burschen, die gern bei ihm
dienen wollten, allein wenn er sie fragte,
ob sie hätten, was alle Männer haben, so
antworteten sie natürlich nicht mit Nein,
und es wurde deshalb nichts daraus, denn
er konnte sie nicht brauchen, wie er sagte.
Einer jedoch, der klüger war als die übrigen,
merkte endlich, dass er hätte Nein sagen
sollen; er lief deshalb bei Seite, drehte seinen
Kittel um, und einen anderen Weg ein-
schlagend, kam er dem Pastor von Neuem
entgegen. Dieser erkannte ihn auch wirklich
nicht, sondern fragte ihn wiederum, ob er
sich zu ihm verdingen wollte, und weiter,
ob er ein Hämmling wäre. «Ja freilich,
das versteht sich,» versetzte der Bursche,


320 NORWEGISCHE MÄRCHEN

und alsbald war die Sache abgemacht, wo-
rauf er den Pastor stehenden Fusses nach
Hause begleitete. Unterwegs fragte ihn der
Pastor, wie er hiesse. «Ich muss mich fast
meines Namens schämen,» antwortete der
Bursche. — «Seines Namens braucht sich
Niemand zu schämen,» erwiderte der Pastor.
— «Das habe ich wol auch sonst schon ge-
hört, sprach jener, und da der Herr Pastor
es durchaus wissen will, so muss ich es ihm
freilich sagen, obwol es gerade kein hübscher
Name ist; ich heisse Pint.» — «Das ist aller-
dings kein hübscher Name, bemerkte der
Pastor; aber wir brauchen ihn ja nicht zu
Jedermanns Kenntniss zu bringen, und man
wird dich im Hause bloss 'den Knecht'
nennen.»

Als nun der Bursche in die Küche kam,,
fragte ihn die Pastorin vor allen Dingen,
wie er hiesse. «Ich muss mich meines Na-
mens schämen,» antwortete jener. — «Seines
Namens braucht sich Niemand zu schämen,
versetzte die Pastorin, und wir müssen wissen,
wie du heissest, wann wir dich zum Essen
rufen sollen.» — «Freilich hübsch ist mein
Name nicht, sprach der Bursche; da aber
die Frau Pastorin es durchaus wissen will,
so muss ich ihr wol sagen, dass ich "Meine-


KORWEGISCHE MÄRCHEN 321

fût (Meine Fut) heisse. — «Du hast aller-
dings Recht, bemerkte die Pastorin; es ist
gerade kein schöner Name, doch können
wir dich ja für gewöhnlich 'den Knecht*
nennen.»

Nachdem die Mutter fortgegangen war,
kam die Tochter vom Hause in die Küche
gerannt, um sich den neuen Knecht anzu-
sehen und seinen Namen zu erfahren; auch
kann man sich über ihre Neugier nicht
wundern, denn sie war es ja, die ihn zum
Bettgenossen haben sollte. Ja nun,- der
Bursche sagte zu ihr, was er zu den Andern
gesagt hatte : er schäme sich seines Namens ;
bis es endlich herauskam, dass er hiesse
'Vaterkriechaufdiemutter* (Vater, kriech
auf die Mutter). Es dauerte nun nicht
lange, so lagen Bursch und Haustochter oben
auf dem Boden bei einander, und kaum
hatten sie sich gelegt, so fing auch alsbald
das Bett zu krachen14 an, so dass der Pastor
aufhorchte ; denn er lag gerade in der Stube
darunter. «Was geht denn da oben vor,
Tochter ?» rief er hinauf. — «Nichts, antwor-
tete sie; es ist blossVaterkriechaufdiemutter;»
und der Pastor mochte fragen so viel er
wollte, so bekam er immer dieselbe Ant-
wort. «Dummes Zeug! sagte er endlich,

Kqvnrâiixt. I. 21


33» NORWEGISCHE MÄRCHEN

geh du doch einmal hinauf, Mutter, und sieh
was los ist.»

«Meinefut liegt auf unserer Tochter,» sprach
die Pastorin, als sie auf den Boden hinauf-
kam. — «Ja, Vaterkriechaufdiemutter kraut
mir meine Fut aufs allerbeste,» sagte die
Tochter. — «Kein Wunder, dass sie dich kl
deinem Alter kraut,» sprach der Pastor. —
«Nicht doch, nicht doch, Vater, es ist ja
Meinefut wovon die Rede ist,» rief die Pasto-
rin. — «Ich will doch einmal sehen, ob ich
dir deinen Rand nicht stopfen kann,»
brummte der Bursche vor sich hin und warf
die Mutter aufs Bett, worauf er es mit ihr
ebenso machte, wie er es mit der Tochter
gemacht hatte. «Aber was ist denn das für
ein Tummeln undStossen?» rief der Pastor.
— «Meinefut kraut mich gar zu prächtig,»
versetzte die Pastorin. — «Schämst du dich
denn gar nicht, du altes Mensch, dass du
im Beisein deines Kindes so sprichst ?» sprach
der Pastor. Allein es wurde mit dem
Stossen und Krachen immer ärger, so dass
der Pastor endlich aus dem Bette sprang
und im Schlafrock auf den Boden hinauf-
eilte. Er war aber noch auf der Treppe,
so sprang auch schon der Bursche zürn
Fenster hinaus und weg war er.


NORWEGISCHE MÄRCHEN 323

Als nun am darauffolgenden Sonntag die
Pastorin und ihre Tochter in der Kirche
waren und der Predigt zuhörten, da geschah
es, dass letztere den Burschen hinter dem
Altar erblickte und darob mit einem Male
ganz froh und fröhlich wurde. «Vaterkriech-
aufdiemutter steht da hinter dem Altar,»
sagte sie. — «Seht, seht, jetzt ist es nicht
Zeit solche Reden zu führen,» flüsterte der
Pastor und dabei winkte er mit der Hand.
Sie jedoch wies auf die Stelle hin, wo der
Knecht stand, so dass ihn jener zu sehen
bekam und alsbald auf die Kanzel schlug,
indem er rief: «'Raus mit dem Pint, ihr
Männer alle !» so dass diese ganz verwundert
die Augen aufsperrten und nicht wussten,
was der Pastor meinte. Wiederum aber
donnerte dieser mit der Faust auf die Kanzel
und schrie noch lauter, bis endlich die
männlichen Glieder der Gemeinde thaten,
was sie glaubten, dass sie thun sollten. Da
nun hierüber der Bursche hinter dem Altar
eine laute Lache aufschlug, sprach die
Pastorin : «Jetzt lacht Meinefut», worauf jener
antwortete : «Lacht sie jetzt nicht, dann lacht
sie wol nimmer!»15

21*


NORWEGISCHE MÄRCHEN

xn

DAS MÄDCHEN, WELCHES LANGE PISSEN

KONNTE

s war einmal ein Kaufmann, der ein

grosses Grundstück gekauft hatte, von
dem aber ein guter Theil noch ganz wüst
lag, und da er nun auch eine Tochter be-
sass, welche wunderlang pissen konnte, so
machte er mit jedem der zu ihm kam und
bei ihm Arbeit haben wollte, den Accord,
dass wenn er nicht im Stande wäre, so lange
zu graben, wie seine Tochter zu pissen ver-
mochte, so solle er ausser der Kost keine
andere Bezahlung bekommen; könne er aber
länger graben, so würde er dreifachen Tage-
lohn erhalten. Da fanden sich nun viele, die
es versuchten, aber umsonst; denn gruben
sie lange, so pisste das Mädchen noch
länger, und dies ging so fort, bis endlich der
Kaufmann fast das ganze Grundstück für
Essen und Trinken umgegraben bekam.

Endlich jedoch kam da Einer, der pfiffiger
als alle Andern war und meinte, es solle
dem Mädchen nichts nützen, wie geschickt
sie auch ihre Fut zu gebrauchen wüsste. Er
ging daher auf den Accord ein, kaufte aber


NORWEGISCHE MÄRCHEN 325

dann einige Düten Rosinen, gebrannte Man-
deln und Zuckerwerk, worauf er am nächsten
Morgen ganz frühzeitig aufs Feld hinaus-
ging und die Düte Rosinen unter die Scheu-
nenbrücke,16 die andere mit den Mandeln
unter einen Stein, die dritte mit dem Zucker-
werk unter einen Wachholderstrauch ver-
steckte. Um die Frühstückszeit kam nun
die Kaufmannstochter und setzte sich auf
die Scheunenbrücke, wo sie mit den Arbei-
tern, während sie assen, zu plaudern pflegte.
Als sie aber sah, wie rüstig der erwähnte
Bursche gearbeitet und wieviel er in den
ersten drei Stunden gegraben hatte, er-
schreck sie ganz gewaltig, aus Furcht, dass
sie verlieren könnte und rief ihn in die
Scheuer hinein, wo er frühstücken sollte.
Er kam also und fing ohne Weiteres zu
essen an, bald nachher aber schlug er sich
zwischen die Beine und sprach : «Halt's Maul,
du Schwätzer ! witterst du nun wieder etwas ?»
— «Zu wem sprichst du denn da ?» fragte das
Mädchen. — «Es ist nichts, antwortete der
Bursche; ich habe hier einen Wahrsager
sitzen, der nimmer die Schnautze halten
kann, sondern ohne Aufhören schwatzt und
sich in jeden Quark mischt.» — «Ei der Tau-
send I rief das Mädchen aus, und fügte voll


326 NORWEGISCHE MÄRCHEN

Neugier hinzu : Was sagt er denn jetzt ?» —
«Was er sagt, darum muss man sich nicht
kümmern, erwiderte der Bursche ; es ist doch
nur tolles Zeug, wenn er auch zuweilen die
Wahrheit spricht und das, was er prophe-
zeit, eintrifft.» Da wollte sie nun durchaus
wissen, was der Wahrsager eben gesagt
hatte; denn er könnte doch vielleicht das
Richtige getroffen haben, und so theilte ihr
denn der Bursche lachend mit, dass unter
der Scheunenbrücke eine Düte gebrannter
Mandeln liegen sollte. «Da will ich bald
wissen, ob's wahr ist!» rief das Mädchen
aus und fand auch bald das Gesuchte. «Das
ist ja ein wackerer Wahrsager, sprach sie
dann zu dem Burschen, den musst du mir
verkaufen.» — «Nein, antwortete dieser, für
nichts in der Welt gebe ich ihn weg, denn
in Freud und Leid weiss er mich zu er-
götzen, besonders aber in den langen Näch-
ten.» Bald nachher schlug er sich wieder
zwischen die Beine, und das Mädchen wollte
auch wieder wissen, was los wäre; da er-
fuhr sie denn, dass unter einem gewissen
Steine eine Düte Rosinen läge, welche sie
stracks suchen ging und auch wirklich fand.
Als sie nun geschmeckt hatte, wie süss sie
waren, so wurde sie noch viel erpichter auf


NORWEGISCHE MÄRCHEN 327

den Wahrsager und bot für denselben ein
gutes Stück Geld; aber umsonst; denn der
Bursche wollte ihn nicht lassen. Bald da-
rauf verkündete er die dritte Prophezeiung,
die gleichfalls in Erfüllung ging, da das
Mädchen das Zuckerwerk an dem be-
stimmten Orte fand, so dass sie nun wie
halbtoll wurde und den Wahrsager durch-
aus für jeden Preis verkauft oder aller-
wenigstens doch geliehen haben wollte. Vom
Verkaufen eines solchen Kleinods könnte nun
und nimmer die Rede sein, meinte der Bursche,
aber auch es förtzuleihen wäre ihm unmög-
lich, er könne es durchaus nicht entbehren.

Während sie nun so dasassen und mit
einander verhandelten, sagte mit einem Male
das Mädchen: «Es ist doch wirklich arg! da
haben wir nun mancherlei gute und süsse
Sachen gegessen, aber der arme Wahrsager
hat gar nichts bekommen; ob er vielleicht
- hungrig oder durstig ist ?» — «Das sollte ich
fast glauben, versetzte der Bursche, denn
wann er Hunger hat, so schwatzt er am
meisten.» — «Was giebst du ihm denn ge-
wöhnlich zu essen ?» fragte sie weiter. — «ö
solehe Sachen, wie die du eben selbst ge-
gessen hast, auf die ist er am meisten ver-
sessen,» erwiderte jener. — «Könnten wir ihm


328 NORWEGISCHE MÄRCHEN

denn nun nicht etwas von dem geben, was
wir noch übrig haben? fuhr sie fort, denn
essen muss ja jeder.» — «Ja freilich, antwor-
tete der Bursche, doch isst er nicht auf die-
- selbe Weise wie ich und du.» *— «Jeder soll
essen und trinken wie es ihm am besten
gefällt, sagte das Mädchen; kannst du mir -
nicht sagen, wie er es haben will?» — «Frei-
lich kann ich das sprach jener; aber es ist
schwer für ein Mädchen es ihm recht zu
machen; denn er isst sich nicht satt, wenn
er nicht gehörig an einem Tisch essen kann,
und dieser Tisch muss der Leib einer reinen
Jungfrau sein.» — «Ist es weiter nichts, was
er braucht, erwiederte sie, so soll er nicht
hungrig bleiben, sondern sich vollständig
satt essen, und zwar auf meinem eigenen
Leibe.» Sie streute sich alsdann einige Ro-
sinen und Zuckerwerk auf, so dass der
Wahrsager unverzüglich anfing nach ihnen
auf dem glatten Tisch umher zuspähen und
umherzufahren, und hier tippte und da
bohrte, bis er-endlich unversehends unten
in die Grube purzelte. «Was ist denn das ?»
fragte sie. — «O nichts besonderes antwor-
tete der Bursche; es ist ihm bloss eine Ro-
sine unten hineingefallen und die will er
sich wieder herausholen.» — «Lass ihn nur


NORWEGISCHE MÄRCHEN 329

hineinkriechen, so tief wie er will, er mag
wol sehr hungrig sein,» sagte das Mädchen
und Hess den Wahrsager suchen und weiter-
essen, so lang wie er wollte und konnte, bis er
satt war, worauf das Mädchen ganz froh und
fröhlich wie eine Königin nach Hause kehrte.

Der Bursche grub an diesem Tage nicht
weiter, weshalb der Kaufmann, als er mit
seiner Tochter des Abends aufs Feld hinaus-
kam, alsbald sagte: «Oho, lieber Freund, du
verlierst, und kannst das Spiel nur gleich
aufgeben.» Allein der Bursche meinte, die
Sache wäre keineswegs ausgemacht, und
das Mädchen solle nur immer anfangen.
Das that sie denn auch, aber es dauerte
nicht lange, so hatte sie ihren Vorrath durch
die jetzt grösser gewordene Oeffnung fort-
gepisst «Oho, rief nun seinerseits der
Bursche; ich habe das Spiel gewonnenI»
So erhielt er denn die dreifache Bezahlung
von dem Kaufmann, und da dieser wol
merkte, wie die Sachen standen, gab er
seiner Tochter nicht nur den Burschen, son-
dern auch noch obendrein den Wahrsager. **


INHALT.

r t Seite.

I. Die Landmaus und die Wassermaus auf der

Reise.............. 293

II. Der Vorkoster........... 295

III. Eine gefahrliche Klemme........ 298

IV. Der Pint und die Schuhsohle...... 301

V. Die Hochzeit auf Velkje......... 303

VI. Waffeln backen........... 305

VII. In den Himmel auf meines Mannes Pint . 307

VIII. Der schlimme Finger......... 310

IX. Die Frau, die ihre eigene Schande offenbart 3x1
X. Das Mädchen, die ihre Jungferschaft hüten

sollte.............. 317

XI. Der Hämmling . .'......... 319

XII. Das Mädchen, welches lange pissen konnte 334


ANMERKUNGEN

ZU DEN

NORWEGISCHEN MÄRCHEN.

1. Ist in Valders aufgezeichnet, findet sich aber
auch in Gudbrandsdal und anderen Distpicten. Vgl.
oben Contes russes No. VII.

2. Dies Märchen hat man auch in Schlesien erzählen
hören, doch trat darin statt der Landmaus ein Mistkäfer
und statt der Wassermaus ein Frosch auf.

3. Aus Nidre in Valders.

4. Auch dies Märchen hat man in Schlesien ge-
hört; der Hauptsache nach war es aber schon im 13.
Jahrh. in Deutschland bekannt; s. das von Keller in
den Altdeutschen Gedichten Nr. 4 (Tübingen 1861)
herausgegebene Fragment *Der Knecht Huvor*.

5. Aus Nidre in Valders.

6. Vgl. Mannhardt, Wald- und Feldkulte. Berlin
1875. I, 95 Anm.

7. Vgl. Asbjörnsen, Norske Folkeeventyr. Ny Säm-
ling. Christiania No. 96. «Mumie Gaaseaeg» p. 181.

8. Erzählt vom Schneider Lars Larsen zu Rone-
Strand in Greven, Hardanger.

9. Aus Andel en in Ringerige.

10. Vgl. oben Contes russes No. XXXII.

11. Allgemein bekannt ; hier aus Valders. Vgl. Cent


ANMERKUNGEN

Ntwv. Nouv. No. 95 «Le doigt du moine guéri» und
dazu Leroux de Lincy; ferner Ebert's Jahrb. f. rom. u.
engl. Litt, i, 317 No. 29.

12. Aehnl. Schwanke bei Oesterley zu Pauli Schimpf
u. Ernst, Kap. 646 ; füge hinzu ein madagaskarisches
Märchen im Archiv f. Litteraturgescb. 10, 113 und vgl.
oben Contes russes No. XLIII u. XLV.

13. Auch in Deutschland bekannt.

14. Ueber dieses Krachen s. Bartsch's Germania
XXIV, 21 ff. «Die krachende Bettstatt».

15. Obiger Schwank ist aus Hallingsdal; übrigens
findet er sich noch in vielen andern Gegenden und in
verschiedenen Versionen. In dem Wochenblatt Dölen
ist eine solche mit Weglassung alles Anstössigen aus
Nannestad mitgetheilt, natürlich aber auch das humo-
ristische Element dabei ganz verloren gegangen.

16. Eine erhöhte Auffahrt zum Scheunenthor.

17. Aus Tölen; eine andere Version erzählte ein
Matrose am Bord der Corvette Örn auf einer Fahrt im
Mittlandischen Meere im Jahre 1850 und wonach laut
Accord der Gewinner dem Verlierenden drei rothe
Riemen sollte aus dem Rücken schneiden dürfen. —
Vgl. übrigens Contes russes No. XLVI.

In Betreff der eben erwähnten drei rothen Riemen
s. E. Cosquin, Romania 7, 558—63 Anm. zu No. 36 der
Contes lorrains ; vgl. Reinh. Köhler in der Ztschr. f.
rom. Philo!. 3, 157.


TROIS CONTES PICARDS

!

LA PRINCESSE QUI PISSE PAR DESSUS LES

MEULES

§n paysan mourut laissant trois fils. De
retour chez eux après _ l'enterrement
de leur père, les trois jeunes gens se con-
certèrent Le défunt n'était pas riche et il
ne laissait à ses fils que sa maison et une
petite pièce de terre. Après avoir bien dis-
cuté, x>n convint que rainé abandonnerait
la maison et le champ à ses deux frères et
qu'il irait par le monde chercher fortune.
S'il réusissait, il reviendrait aussitôt trouver


334 CONTES PICARDS

ses cadets pour leur faire partager sa bonne
chance, mais s'il n'était pas de retour dans
un an et un jour, le deuxième frère par-
tirait à sa recherche. Ceci bien entendu,
Faîne embrassa ses frères et s'éloigna. A la
sortie du village, il trouva deux routes. Dans
son embarras, il jeta en l'air un liard qui
tomba face — c'est ainsi qu'il se décida.
Il marcha longtemps sans rencontrer autre
chose que des auberges et des fermes où
il passait la nuit pour reprendre sa route
le lendemain. Enfin, après quinze jours de
marche il arriva devant un château magni-
fique.

«Ce sera peut-être ici que je trouverai
la fortune,» se dit-il. «Entrons dans ce châ-
teau et demandons y du service.»

Mais toutes les places étaient prises. En
s'en allant, il rencontra le propriétaire du
château, qui était le roi du pays. A la de-
mande du roi, le jeune homme lui raconta
pourquoi il se trouvait dans la contrée.

«Je n'ai pas d'emploi à te donner dans
mon palais ; mais j'ai quelque chose de mieux
à te proposer. J'ai une fille comme on n'en
voit nulle part. Elle pisse par dessus les
plus hautes maisons. Tous les médecins que
j'ai appelés n'ont pu la guérir et c'est dorn-


CONTES PICARDS

335

mage car elle est de toute beauté. Si tu
peux l'empêcher de pisser par dessus les
meules que tu élèveras, ta fortune sera feite;
je te la donnerai en mariage. Sinon, tu iras
rejoindre dans leur prison les imbéciles de
médecins et de charlatans qui ont essayé
avant toi de réussir dans ce que je leur ai
proposé. Tu as bien compris. Vois si tu
te sens capable d'arriver à ce résultat»

Le jeune homme réfléchit quelques in-
stants et accepta la proposition du roi. Ce
dernier le ht entrer au palais et, après lui avoir
donné un habit de médecin, le ht dîner avec sa
femme et sa fille. La princesse était mer-
veilleusement belle et le paysan ne pouvait
rassasier sa vue de tant de perfections. On
lui donna un appartement au château en
attendant le jour de l'épreuve.

Dès le lendemain, le jeune aventurier,
choisit un vaste champ et y fit apporter
cinq ou six cents voitures de foin. Puis il
prit cent paysans et leur fit élever une
énorme meule.

«Si la princesse réussit à pisser par dessus
ce tas de foin,» pensait-il, «j'y perds ma
raison.»

Et il alla dire au roi que sa meule était
prête. Le lendemain, la princesse arriva et


3j6 CONTES PICARDS

se mit à rire en voyant la meule. Elle releva
sa robe et pissa bien au-dessus de l'énorme
tas de foin. Le jeune homme resta atterré.
Sur l'ordre du roi, on le saisit et on ren-
ferma dans un souterrain avec les médecins
qui avaient tenté l'aventure avant lui.

Un an et un jour après le départ de son
frère aîné, le deuxième frère partit à son
tour et prit le chemin suivi par son aîné
un an auparavant. Après avoir marché
quinze jours, il trouva le château dans le-
quel il entra pour demander une place de
domestique. Le roi le vit et lui fit la même
proposition qu'au frère aîné. Il accepta.
Bien reçu par la famille de la princesse, il
se voyait déjà le gendre du roi et bâtissait
projets sur projets pour l'avenir. Il choisit
une vaste plaine et y fit apporter six mille
voitures de foin. Puis il prit mille ouvriers
et leur fit élever la meule.

Le jour suivant, la princesse vint auprès
de la meule, partit d'un grand éclat de rire,

releva sa robe et___pissa bien plus haut

que la meule.

Et le deuxième frère alla rejoindre son
aîné dans le souterrain qui servait de prison
dans le palais du rot.


337

Le cadet de la famille s'ennuyait fort de
ne pas voir revenir ses deux frères.

«Pour sûr, il leur est arrivé malheur
dans leur voyage,» se disait-il. «Ce serait
mal à moi de ne pas partir à leur recherche
et de ne pas les aider s'ils sont dans le mal-
heur! Il quitta donc le village à son tour. Le
hasard lui fit prendre la même route que
ses frères et il arriva devant le palais du
roi qui retenait prisonnier ses deux aînés.
Il entra au palais, vit le roi et accepta la
proposition qui lui fut faite.

Au dîner il trouva la princesse adorable
et la princesse le trouva charmant II s'en
aperçut et résolut d'en tirer parti. La nuit
il ne ht que rêver à la princesse et il se
réveilla de grand matin. Il put réfléchir
alors tout à son aise.

«Tout de même», se dit-il, «si je par-
venais à dépuceler la princesse avant l'é-
preuve; elle ne pisserait peut-être* plus aussi
haut Je suis sûr que tout dépend de sa
virginité. Je vais essayer de ce moyen.*

Le jour venu, il se leva et alla se pro-
mener dans le parc du château.

La princesse n'avait pu dormir de toute
la nuit. La figure du jeune homme lui
trottait par la tête. Elle s'était levée au

KçvTjrâSia. i. 22


point du jour et était allée se promener dans
le parc où elle rencontra le paysan.

Ce dernier ne laissa pas échapper l'oc-
casion ; il s'avança vers la jeune fille et lui
dit qu'il se mourait d'amour pour elle. La
princesse se laissa facilement persuader et
une heure après elle avait perdu sa vir-
ginité. Elle rentra au palais; le paysan se
promena jusqu'à l'heure du déjeuner et rentra
comme si de rien n'était

Puis dans l'après-midi, il fit conduire une
simple voiture de foin dans un coin du parc
et dit au roi qu'il était prêt pour l'épreuve.

Quand le roi accompagnant sa fille arriva
près de la petite meule du jeune homme il
s'écria que l'épreuve n'était pas sérieuse et
il lui conseilla de construire une meule bien
plus haute. Mais le paysan affirma que le
tas de foin suffisait et le roi dit à sa fille de
pisser.

Qui fct étonné? Ce fut le roi et la prin-
cesse quand celle-ci ne parvint qu'à pisser
dans ses basr tant le charmant endroit où
le jeune homme avait travaillé avec la jeune
fille d'étroit était devenu large.

Jugée si le paysan fut satisfait! La prin-
cesse, sans le laisser voir était tout aussi
joyeuse. ISt le roi dut donner sa fine au


CONTES PICARDS 339

jeune homme. Les noces furent splendides
et les jeunes paysans devenus princes vé-
curent depuis fort heureux.

Cvnti en 1882, en Picardie.

II

JEAN CATORNOIX*

^'était il y a déjà longtemps. Un soi-
_dat, nommé Jean, se trouva n'avoir

qu'un sou le jour d'une fête. Ses camarades
plus riches étaient partis de ci, de là en
quête d'aventures, et il était resté seul avec
son unique sou devant la porte de la ca-
serne.

«Que faire d'un misérable sou ?» se disait-
il. «Je vais passer une triste fête. <Jtfoi
faire;, mon Dieu?»

A tout hasard^ il marcha par la ville son
sou dans la main, et il finit par rencontrer
une marchande de noix.

«Combien vos noix, la bonne femme?»

— «Dix pour un sou.»

Cad. Jean quatorze Noix.

22*


340 CONTES PICARDS

— C'est trop cher. Donnez-m'en qua-
torze.»

— «Ce m'est impossible. Je n'y gagnerais
rien.»

— «Alors, au revoir.»

— «Allons, prenez-en quatorze tout de
même, mais n'en parlez pas.»

Jean choisit quatorze noix et donna son
sou à la femme. Puis il reprit sa prome-
nade. Il arriva sur le boulevard et avisant
un jardin ouvert, il y entra et alla se placer
sous un berceau où se trouvaient une table
et un bac. Il mit deux noix sur la table et
s'amusa à les casser avec son membre.

A une fenêtre voisine, une servante ar-
rosait des fleurs. Elle vit le manège du
soldat et courut prévenir sa maîtresse.

«Mais c'est impossible, Catherine.»

— «Je vous assure que c'est vrai, Ma-
dame.» , ' J

La dame se mit à la fenêtre et le soldat,
prenant une noix, la dassa'avec son doigt
cette fois. . t' y

«Quand je te disais, Catherine, que ce
n'était pas vrai F»

— «Voulez-vous que je fasse venir le
soldat ?»


34i

— «Tout de même. Va le prier de
monter.»

* La servante courut chercher le casseur
de noix et l'introduisit près de la jeune
femme.

«Vous cassez les noix avec votre membre,
à ce que m'a dit la servante. Est-ce vrai ?»

— «Non, Madame, mais avec le doigt.»

— «Vous voulez me tromper. Allons,
avouez.»

— «Eh bien, c'est vrai tout de même;
mais je n'osais pas____»

— «C'est bon; c'est boni Vous devez
avoir un fameux instrument pour donner de
tels coups. Je l'essayerais bien volontiers.»

— «A votre service, Madame. Je n'ai
pas le sou et si vous voulez essayer de mon
casse-noix, je vous le prêterai à quarante
sous du coup.»

— «Entendu, entendu. Allons nous cou-
cher.»

Le soldat et la femme se couchèrent.
Ils venaient d'achever le quatrième coup,
quand on entendit: pan, pan à la porte.

«Ah Dieu! c'est mon mari, le capitaine!
Cachez-vous sous le lit.»

Le soldat prit ses vêtements et se blottit
sous le lit. Puis la femme alla ouvrir.


342 CONTES PICARDS

«Pourquoi es-tu couchée à cette heure?
Ce lit est tout sens dessus dessous. Tu
étais avec un homme. Il doit se trouver
dans le lit.»

Et prenant ses pistolets, le capitaine les
déchargea dans le lit.

Puis il laissa là sa femme et s'en alla
persuadé qui il avait tué l'homme.

Dès qu'il fut parti, Jean Catornoix quitta
sa cachette et reprit la partie avec la femme.
Il alla jusqu'au dixième coup et reçut un
louis.

Mais à l'appel xlu soir, Jean manqua.
Quand il rentra à la caserne, son capitaine
lui demanda la cause de ce retard.

«Oh! ne m'en parlez pas! J'ai joué un
joli tour à l'un de vos camarades. J'étais
couché avec sa femme — qui me donne
quarante sous du coup, s'il vous plaît! —
lorsque le mari est rentré, je me suis caché
sous le lit; le capitaine a tiré dans le lit et
a cru me tuer. Puis il est parti.»

— «Reverras-tu cette femme?»

— «Parbleu; on ne trouve pas tous les
jours des femmes qui vous donnent quarante
sous du coup. J'irai demain.»

— «C'est bien; cela m'amuse. Je te
donne congé pour demain.»


343

Le lendemain, Jean Catornoix, retourna
chez la jeune femme qui l'attendait avec
impatience. On se mit au lit, mais au
deuxième coup, le capitaine — celui de Jean
justement — cognait à la porte.

Le soldat prit ses habits et se cacha dans
l'armoire.

«Cette fois encore, il y a un homme icil
Si je Tai manqué hier; il n'en sera pas de
même aujourd'hui.»

Et le capitaine tira deux coups dans le
lit et deux coups sous le lit.

«Cette fois, il est tué! je retourne à la
caserne.»

Le capitaine parti, Jean Catornoix sortit
de sa cachette, se recoucha avec la femme et
ne la quitta qu'après avoir gagné son louis*

Et au retour, le capitaine, tout étonné
de le revoir vivant, lui demanda comment
il avait passé sa journée.

«Oh ! de la façon la plus charmante, mon
capitaine. Je finissais à peine mon deuxième
coup, quand le mari arrivant, je n'eus que
le temps de me fourrer derrière l'armoire.
Le capitaine tira des coups de pistolet dans
le lit, sous le ht et laissa sa femme croyant
m'avoir tué. Demain, cela ne m'empêchera
pas de coucher encore avec sa femme si


344

CONTES PICARDS

vous me donnez la permission de la jour-
née.»

— «Je te l'accorde avec plaisir, Jean.»
Comme Jean Catornoix couché avec la

jeune femme, en était le jour suivant à son
premier coup, le capitaine arriva furieux et
frappa à la porte de la chambre de sa femme.
Jean se cacha dans la boîte de l'horloge.

«J'ai manqué hier ton amant»; dit le ca-
pitaine à sa femme. «Cette fois, je le tiens.»

«Et il se mit à tirer dans le lit, sous le
lit et dans l'armoire.

«Je retourne à la caserne, me voilà dé-
barrassé pour tout de bon!» s'écria joyeux
le pauvre mari cocu, en s'éloignant.

Le capitaine ne pouvait en croire ses
yeux quand il vit le soldat rentrer joyeux
à la caserne.

«Eh bien, Jean, le mari ne t'a donc pas
surpris avec sa femme!»

— «Oh, que si! mon capitaine. Seule-
ment je m'étais caché dans la boîte de l'hor-
loge et il ne s'en est pas aperçu.»

— «Tu es un malin compère, Jean, je
veux f emmener demain à la chasse.

— «Vous êtes bien bon, mon capitaine.
J'accepterai cet honneur avec plaisir.»

Le lendemain matin, Jean n'eut rien de


CONTES PICARDS

plus pressé que d'aller trouver sa maîtresse
et de lui recommander de se déguiser en
curé et d'aller se promener dans la forêt où
le capitaine devait chasser.

Le capitaine était tout joyeux d'avoir
trouvé un moyen d'empêcher Jean d'aller
trouver sa femme. Au milieu de la partie
de chasse, le capitaine vit un curé qui se
promenait dans le bois.

«Tiens, Jean, le bel abbé!»

— «Si beau, que sauf votre respect, je
coucherais bien avec lui.»

— «Tu plaisantes, Jean.»

— «Vous croyez ? Tenez, vous allez voir.»
Et le soldat rejoignit le prétendu curé,

l'entraîna dans un buisson malgré ses cris
et ... gagna dix francs en un rien de- temps.

Pendant ce temps» le capitaine riait à
s'en tordre les côtes: Quand Jean eut laissé
aller l'abbé, il assura à son capitaine qu'il
venait d'éprouver tout autant de plaisir qu'à
coucher avec sa maîtresse.

«J'essayerai à la première occasion, Jean.
Voici dix francs pour ce que tu viens de
m'apprendre;»

Et le jour suivant, le pauvre cocu ren-
contrant un véritable curé, se jeta sur lui et
malgré ses cris, en usa comme avec sa


yfi CONTES P1CARPS

femme. Mais il n'y trouva pas le même
plaisir, et il vit que Jean l'avait encore joué.

Notre homme avait fini par envoyer sa
femme dans un château éloigné. Le soldat
prévenu par celle-ci, alla trouver son capi-
taine et lui demanda une permission de huit
jours pour rendre visite à ses vieux parents.
Le mari vit bien que ce n'était qu'un pré-
texte; il fit semblant d'y croire et accorda
le congé demandé.

Jean Catornoix n'eut rien de plus pressé
que de se rendre au château. La femme le
reçut avec beaucoup de plaisir, et le soir
venu, on se coucha. Tout alla bien jusque
vers minuit. Mais en ce moment, on frappa
à la porte de la chambre à coucher et Jean
n'eut que le temps de se blottir dans une malle.

La porte ne s'ouvrant pas assez vite, le
capitaine l'enfonça d'un coup d'épaule.

«Qu'y a-t-il donc, mon mari?»
— «Il y a que vous étiez couchée avec ce
maudit Jean. Mais je saurai bien m'en dé-
barrasser, cette fois. Sortez d'ici; je vais
mettre le feu au château. Qu'il se soit caché
n'importe où, le feu saura bien l'atteindre.»

— «Mais, vous n'y songez pasl Je vous
assure que j'étais endormie et bien seule
quand vous êtes arrivé ...»

i


CONTES PICARDS

347

— Taisez-vous, et hâtez-vous de des-
cendre.»

— «Je vous en prie, modérez-vous I Laissez-
moi au moins emporter les effets de ma fille.»

— «Je le veux bien. Où sont-ils?»

— «Dans cette malle. Faites-la descendre.»
Le capitaine prit deux des soldats qu'il

avait amenés et leur dit de descendre la
malle et de la porter à la gare. Les soldats
en la descendant se disaient.

«Cette malle est bien lourde. Ce diable
de Jean est pour sûr dedans.»

Mais ils se turent.

Bientôt le château brûla et le lendemain,
il n'en restait plus que des ruines.

Le capitaine alla à la gare voisine avec
sa femme et, après avoir expédié la malle
à sa fille, élève d'un pensionnat voisin, il
reprit le chemin de la ville.

Jean Cafornoix ne se trouvait pas trop
à l'aise dans la malle. Cependant, il se gar-
dait bien de remuer.

On porta la caisse au pensionnat et la
jeune fille la fit monter dans sa chambre.

Le soir venu, elle s'enferma bien et
ouvrit la malle comptant y trouver des
robes nouvelles ou d'autres cadeaux de sa
mère. Mais elle fut fort effrayée en aperce-


348 CONTES PICARDS

vant l'homme en chemise qui y était couché.
Jean Catornoix se hâta de la rassurer et lui
dit que s'il se trouvait dans une telle posi-
tion, il s'y était vu contraint pour sauver la
femme du capitaine. Il fit tant qu'il obtint
la permission de coucher avec la pensionnaire
à laquelle il fit passer une nuit charmante.
Puis avant le jour, il s'habilla avec les vête-
tements du jardinier, et il quitta le pen-
sionnat.

A l'appel du soir, Jean Catornoix répon-
dit: Présent. Et le capitaine crut pour de
bon que quelque diable protégeait le soldat.
Il le mit en prison pour trois mois jugeant
sans doute que ce serait autant de pris sur
l'ennemi.

Mais un beau jour, il apprit que sa fille
était enceinte et celle-ci lui avoua qu'elle
avait couché comme on sait, avec Jean Ca-
tornoix après l'incendie du château. Le
pauvre capitaine se vit forcé de la marier
avec le soldat.

A partir de ce jour, il fut tranquille et
Jean vécut heureux avec sa jeune femme et
les nombreux enfants qu'il en eut.*

Conté en 1882, en Picardie.

* Comparer avec le conte de Balzac : Le moine
Amador.


CONTES PICARDS 349

III

LA BAGUE MERVEILLEUSE

[n paysan avait trois fils qu'il avait
élevés de son mieux.
Les mauvaises récoltes étant venues, le
pauvre homme fût réduit à la plus grande
misère, Un matin donc, il alla trouver ses
trois fils qui travaillaient dans un champ
et leur dit dans quelle mauvaise position
il se trouvait.

«Il faudrait que Tun de vous se décidât
à quitter la maison et à courir le monde
pour essayer de rencontrer la fortune.»

— «Ce sera moi!» s'écrièrent à la fois
fes trois frères.

,r,?fTTT. «TrQi$, ce serait trop; car quitresterait
pour m'accompagner à ma4ernière demeure,
si je mourais bientôt? Que Jean, l'aîné,
prenne son bâton et une galette de blé, et
qu'il s'en aille faire son tour de France. Si,
à pareille heure, il n'est pas revenu dans
an et un jour, JÇierre^.&on^ça^ ira à^sa
recherche.» #j.,..:,j;riiÄ^ <-.^m n^.-

v — «Cçst ceJaU dit l'aîné i'


35« CONTES PICARDS

— «C'est cela !» ajoutèrent les deux autres
frères.

Jean prit sa galette qu'il plaça soigneuse-
ment dans son bissac et partit avec la béné-
diction de son vieux père.

Il ne savait trop de quel côté se diriger,
mais voyant deux hirondelles le précéder, il
se dirigea du côté où elles le conduisaient.
Jean marcha bien pendant huit jours, s'arrê-
tant aux fermes pour y demander un mor-
ceau de pain pendant le jour et une botte
de paille pour la nuit, et au bout de ce
temps, il eut à traverser une grande forêt.

A la sortie de la forêt, il aperçut une
charmante fontaine vers laquelle il se dirigea
pour se rafraîchir. Une vieille femme et un
jeune homme habillés de noir, étaient assis
près de la fontaine. Sans leur parler, Jean
se mit à boire et puis après, à manger un
morceau de sa galette. Le jeune homme
le regardait manger. 1

«Vous vous nommez Jean?»

Tout à cbup la vieille femme:

— «Tiens, où avez-vous appris mon nomfc»

— «Que vous importé? Donnez donc à
rûdn fus un iriorceaude cette béntie galette
que vous mangez maintenant.»

— «Ah! Ah!«la vieille sorcière ï'Pensez-


CONTES PICARDS 351

tous donc que je sois venu ici pour nourrir
votre fainéant de fils? Pourquoi ne tra-
vaille-t-il pasr II pourrait s'acheter de ces
bonnes galettes qui lui font tant envie!»

— «C'est bien, c'est bien! 'fai voulu vous
éprouver. Vous aurez bientôt à vous re-
pentir de votre mauvais cœur.»

Et la vieille femme en noir s'éloigna avec
son fils.

Sans songer davantage à cette rencontre,
Jean acheva son modeste repas et reprit sa
route.

A une lieue de là, il se trouva en face
d'un château si beau, si beau, que jamais le
jeune paysan n'avait vu chose si mer-
veilleuse.

Sur la porte d'entrée du palais, était
écrite en grandes lettres d'or cette inscription :

'Je suis jeune ; je suis riche et je suis belle.
Celui qui parviendra à me contenter sera
mon mari.'

«Depuis huit jours que je cherche la for-
tune,» se dit le jeune homme, «je ir*ai rien
trouvé. Mais aujourd'hui, je suis récom-
pensé. Voilà ce qu'il me faut. Je suis un
solide gaillard et je me fais fort de satisfaire
la princesse de ce château. Entrons.»

11 fut reçu par une jeune femme de la


352

CONTES PICARDS

plus grande beauté qui l'introduisit dans un
salon splendide. Le paysan ne savait trop
que faire de sa personne au milieu des mer-
veilles qui l'entouraient, mais quand vint la
fin du dîner que la princesse avait fait ser-
vir, il était tout familiarisé avec la jeune
fille.

«Voici la nuit,» lui dit la princesse. «Al-
lons nous coucher et nous verrons si tu
sauras me contenter. Si tu réussis, tu m'é-
pouseras ; dans le cas contraire, mes gardes
te couperont la tête.»

— «Entendu! Entendu!»

Et la princesse conduisit le jeune homme
dans une chambre à coucher plus belle en-
core que les autres appartements.

D se déshabilla; la princesse en fit au-
tant et tous deux se couchèrent.

Jean se mit aussitôt à la tâche. La prin-
cesse le secondait fort bien. A la première
fois succéda une deuxième, puis une troisième,
puis une quatrième, puis tant et tant que ni
Jean ni la jeune fille ne dormirent de la nuit "
et qu'à l'aurore ils se tenaient enlacés comme
la veille.

«Voici le matin,» dit le jeune homme.
«Il me semble que je me suis fort bien con-


CONTES PICARDS

353

duit de toute la nuit et que vous avez lieu
d'être satisfaite.»

— «Satisfaite! Satisfaite! Mais vous rado-
tez, je crois. Il m'en aurait bien fallu quatre
comme vous pour me contenter 1 ....
Gardes!» cria-t-elle. «Coupez la tête de ce
paysan.»

Des gardes entrèrent et coupèrent la tête
du pauvre Jean.

Le frère aîné était parti depuis un an et
un jour et aucunes nouvelles de lui n'étaient
arrivées à la cabane du vieux paysan.

A regret, le vieillard donna sa bénédiction
à son deuxième fils et l'engagea à partir à
la recherche de Jean.

«Voici une galette d'orge; je ne puis te
donner davantage. Va et retrouve ton frère.»

Pierre sortant du village, vit deux hiron-
delles, suivit leur vol et prit le chemin que
son frère aîné avait pris un an auparavant.

Après huit jours de marche, il arriva à
la fontaine et y trouva la femme en noir et
son fils.

«Vous vous nommez Pierre ?» lui dit-elle.

— «Où diable, sorcière, avez-vous su mon
nom ?»

KcvnraSux. l 23


354

CONTES PICARDS

— «Que t'importe ? Donne donc un mor-
ceau de ta galette à mon fils?»

— «Croyez-vous que je sois ici pour
nourrir votre fainéant de fils. Faites-le tra-
vailler et laissez-moi manger en paix ma
galette !»

— «C'est bon, c'est bon; vous vous en
repentirez, jeune homme.»

La vieille s'éloigna; Pierre continua son
chemin et arriva au même château que son
frère.

«Une bonne fortune!» se dit-il en lisant
l'inscription. Et il entra au château où il
fut fort bien reçu.

La nuit venue, il se coucha avec la jeune
fille, et toute la nuit il la passa dans des
ardeurs qui ne cessèrent qu'à l'aurore.

«Eh bien ! aî-je réussi à vous contenter,

princesse ?»

— «Vous vous moquez! mais pas du tout.
Il m'aurait fallu trois hommes comme vous
pour le moins pour me satisfaire .... Gardes,
coupez la tête de ce paysan!

Les gardes vinrent et lui tranchèrent la
tête.

Un an et un jour s'étaient encore écou-


CONTES PICARDS

355

lés. Jean et Pierre n'étaient pas revenus. Le
cadet des trois frères voulut partir à son
tour. Son père essaya de le retenir, mais
en vain.

Le vieillard le bénit comme il Pavait fait
pour les aînés et lui remit une galette d'orge
et de cendres. La misère était si grande
à la maison!

Deux hirondelles encore indiquèrent à
Thomas la route à suivre et il arriva après
huit jours à la forêt et puis à la fontaine où
il s'arrêta pour se rafraîchir et manger un
morceau de sa mauvaise galette d'orge et
de cendres.

La vieille femme en noir et son fils
étaient toujours là assis auprès de la fontaine.

«Bonjour Thomas!» dit-elle.

— «Bonjour la bonne femme. Vous me
connaissez donc?»

— «Quelque peu. Voudrais-tu bien
donner un morceau de ta galette à mon fils
qui en meurt d'envie?»

— «Très volontiers! Je regrette seule-
ment qu'elle ne soit pas meilleure. Enfin,
je la donne comme je l'ai.»

Et il donna à l'enfant le plus gros mor-

23*


356

ceau de la galette. Le fils de la vieille
femme mangea la galette avec appétit.

«Thomas, tu es un bon garçon. Je sais
que tu cours après la fortune. Voici une
bague qui te servira fort pour l'attrapper.
A chaque fois que tu diras: Dominus
vobiscum, certaine partie de ton corps
s'allongera et à chaque fois que tu diras
Sursum corda, cette même partie se rac-
courcira. Adieu, Thomas!»

La femme et l'enfant partis, Thomas
voulut voir l'effet de la bague et s'aperçut
que la vieille n'avait pas menti. Il reprit
son chemin et arriva au château où il lut:

'Je suis jeune ; je suis riche et je suis belle.
Celui qui parviendra à me contenter sera
mon mari.'

«Bon, Bon!» se dit Thomas; voici ce
qu'il me faut.»

Et il entra au château oû il fut fort bien
reçu comme l'avaient du reste été ses deux
frères.

On passa dans la chambre à coucher et
à peine dans le ht, Thomas se mit en de-
voir de satisfaire la princesse. Toute la
nuit, celle-ci n'eut pas un moment de trêve.
On ne cessait la lutte que pour recommencer
aussitôt.


CONTES PICARDS 357

L'aurore arrivée:

«Eh bien, princesse, êtes-vous enfin satis-
faite ?»

— «Satisfaite ? mais c'est pour rire ce que
vous dites? Deux comme vous n'auraient
pas été de trop.»

— «Alors, je puis continuer?»

— «Oh oui! tant qu'il vous plaira.»

— «C'est bien!»

Et à part lui, Thomas dit: Dominus
vobiscumet il sentit l'effet de la bague se
produire. Il recommença; la princesse soupira
plus fort, mais ne se prétendit pas vaincue.

A la deuxième reprise, grâce à la bague
et à la formule, on aurait entendu la jeune
fille se pâmer à l'autre bout du palais. Elle
répéta qu'elle n'était pas satisfaite. Cette
fois, Thomas dit plusieurs Dominus vo-
biscum de suite, et y alla avec tant de
vigueur que le membre sortit par la bouche
de la princesse.

«Cette fois êtes vous satisfaite?»

Elle essaya un non, et n'en pouvant plus,
elle s'avoua vaincue. Thomas aussi en avait
assez. Les jeunes gens se levèrent et peu
après on célébrait leur mariage.


35$ CONTES PICARDS

A quelque temps de là, Thomas se
baignait dans la rivière voisine du château.
Ses vêtements étaient déposés sur la berge.

Un curé vint à passer au bord de la ri-
vière. N'apercevant pas le baigneur, il eut
l'idée de fouiller dans les poches des habits
et il trouva la bague magique qu'il emporta.
La bague était fort belle et le curé se la
passa au doigt le lendemain pour dire sa
messe. C'était un dimanche et l'église était
pleine de monde. Tout alla bien jusqu'au
premier Dominus vobiscum. Mais là,
le curé se demanda ce qui se passait d'extra-
ordinaire sous sa soutane. Au deuxième
Dominus vobiscum ce fut pis ; puis en-
core pis au troisième. On vit bientôt une
sorte de boyau étrange qui descendait le
long de l'autel, puis suivait la grande allée,
sortait par la grande porte de l'église et
s'allongeait, s'allongeait indéfiniment. Le
pauvre curé était devenu rouge, puis violet,
puis bleu. Les femmes s'enfuyaient; les en-
fants, puis les hommes suivirent. Le saint
homme quitta l'église et aidé de sa servante
rentra au presbytère avec la queue d'un
nouveau genre qui venait de lui pousser.
On appela médecins sur médecins pour
guérir le curé. Aucun ne réussit. Si par


CONTES PICARDS

359

aventure, Thomas n'avait appris l'affaire, la
queue serait restée au prêtre. Thomas se
fit rendre la bague et à force de dire Sur-
sum corda guérit le curé qui fut heureux
comme bien vous le pensez.

Conti en 1882, en Picardie.


DEVINETTES ET FORMULETTES
BRETONNES.

I

Divinet d'eno^h petra hen deuz baro
na n'euz ket a chink, hen deuz muzellou na
n'euz ket a zent.

— Moudenn.

Devinez ce qui a de la barbe et pas de
menton, des lèvres et pas de dents.

— Cunnus.

II

Pehini ann dra a gouenv hag a astenn
pa hen deuz naoun?

— Ar vitouzenn.


DEVINETTES ET FORMULETTES 361

Quelle chose gonfle et s'allonge quand
elle a faim?

— Le membre viril.

m

Laket ho tourn war he reor, rodellet he
vleo ha gwelet hag arm toul a blîj d'ehoc'h.

— Eun tok.

Tâtez-lui le cul, maniez lui le poil et
voyez si l'entrée vous convient.

— Un chapeau.

IV

Toull ma reor ha me

Oa gret ho daou er memez de.

Ha va sutel ha va ialc'h

Oa gret ho daou en de warlarc'h,

Hag emoun abaoue
O c'hoari gant anezhe.

Le trou de mon cul et moi,

Tous les deux ont été faits le même jour;


362 DEVINETTES ET FORMULETTES

Mon sifflet et ma bourse

Ont été faits, tous les deux, le jour suivant,

Et je suis, depuis lors,
A jouer avec eux.

V

Janned ar Wiz ha Iann ar C'houezegel
A zo et d'ann Oriant da ziski ar brezel.
Disadorn da noz, deuz ann eil zizun d'eben,
E krogas ann tan en kaezourenn va den,
Braoa kaezourennik am euz gwelet biskoaz.
En eur ober eun eur a oa 'n em gavet poaz ;
Me oa et da glask dour e-leac'h ne oa ket,
Gant eur goz ribot toull hag eur pot direoret.

Jeannette la Truie et Jean la Vessie

Sont allés à Lorient pour apprendre (à faire)

la guerre.
Samedi soir, d'une semaine à l'autre,
Le feu prit dans la partie poilue du ventre

de mon homme,
Le plus beau petit morceau que j'aie jamais vu.
Dans l'affaire d'une heure il s'est trouvé cuit;
J'étais allée chercher de l'eau où il n'y en

avait mie,

Avec une vieille baratte percée et un pot
v défoncé.


DEVINETTES ET FORMULETTES 363

VI

Petite historiette qui se débite en breton.

Une fillette, qui marchait sur ses quinze
ans, préparait un jour de la bouillie, quand
le feu prit dans son tablier. Il arriva que,
pour réteindre, elle releva ses jupes plus
haut que d'habitude et aperçut sur elle
quelque chose qui la remplit d'épouvante.
— Mère, ma chère mère, s'écria-t-elle, venez
vite ici, voilà que je tourne en bête ! Voyez
donc tous ces poils qui me poussent au
bas du ventre!

— Pas tant de bruit, ma fille, et remuez
votre bouillie ; toutes, tant que nous sommes,
nous en avons chacune une poignée.


TABLE DES MATIÈRES

Avis du Comité de direction du Recueil des

Kçv7irâSia............V—XII

Contes secrets traduits du russe...... i

Table.............. a88

Anmerkungen........... 291

Norwegische Märchen und Schwanke .... 393

Table.............. 330

Anmerkungen........... 331

Trois contes picards .......... 333

La princesse qui pisse" par dessus les

meules............. 353

Jean Catornoix.......... 339

La Bague merveilleuse....... 350

Devinettes et formulettes bretonnes..... 361


 

 

 


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