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KPÏIITÂAIA
VOL. I
Tiré à 210 exemplaires numérotés
CD
K PYE TA AI A
RECUEIL DE DOCUMENTS POUR SERVIR
r
k
L'ÉTUDE
j
DES TRADITIONS POPULAIRES
w HEILBRONN HENNINGER FRÈRES, ÉDITEURS
1883
Tous droits réservés
i
Imprimerie de G. Otto à
Darmstadt.
AVIS
DU
COMITÉ DE DIRECTION
du
RECUEIL DES
KPYÜTjUlA.
*A qui maly voit, mal y tourne.»
HEWBlUX
-frivoles- qui trompés par
l'apparence pistée- ■B&W
raient ce recueil sous l'invocation
de Cypris la lESsal
lascive et de son gentil fils Erôs,
dieu d'Amour, nous dirons sans plus tarder que nous avons choisi pour patronne la grave, chaste et austère Athêné, déesse <$e sagesse et de science.
Notre premier souci en commençant
une publication qui, nous l'espérons, comprendra plusieurs volumes est, en effet, d'en bien préciser le but et l'objet, afin que personne ne puisse s'y méprendre. — Nous le devons à nos lecteurs, nous nous le devons à nous-mêmes bien que nous gardions l'anonyme, par crainte des mal inten- tionnés et des Prud'hommes faux ou sincères.
♦
AVIS DU DIRECTION
Tous ceux qui s'occupent de la
littérature populaire et traditionelle, on pour employer l'expression excellente, concise et harmonieuse de folklore, maintenant adoptée à peu près généralement, ont eu occasion de rencontrer sur leur chemin, sous toutes les formes qu'elles affectent : contes, chansons, dictons, proverbes etc., des productions qui mériteraient d'être conservées et publiées, non seule- ment au point de vue littéraire pur, les unes par la verve joyeuse et l'esprit qui y pétillent, d'autres, plus rarement il est vrai par leur style aimable et leur grâce coquette, mais surtout parce qu'elles constituent un document d'étude pour les folkloristes. Mais la crudité, l'immoralité du sujet, la grossièreté des expressions em- ployées ont fait reculer les collecteurs qui la plupart du temps ont laissé retomber dans l'oubli les matériaux qu'ils avaient pu recueillir.
Cependant, grand nombre d'entre
elles, grâce sur- tout aux littérateurs du moyen âge et de la Renaissance, en Italie et en France notamment, moins bégueules ou moins hypocrites que ceux de notre époque, ont passé dans les lais, les fabliaux, les soties, les farces et les contes, plus ou moins déguisées et travesties, plus ou moins dépouillées de leurs expressions grossières et cyniques primitives. Il est vrai que le public, même lettré, les ignore pour la plupart, car elles dorment dans les manuscrits des bibliothèques publiques ou privées, puisque les érudits qui ont composé les recueils les plus renommés de fabliaux n'ont pas osé troubler leur pou- dreux sommeil pour les insérer à côté d'autres pièces. Il y a là une mine curieuse à exploiter et plus d'un trésor à mettre en lumière. Nous en trouverons peut- être l'occasion quelque jour. — Quelques unes et non des moins obscènes ont eu pourtant la bonne fortune d'être publiées dans des recueils célèbres. Témoin le lai des Quatre Souhaits St. Martin (Recueil Barbaxan-Méon,
AVIS DU DIRECTION Vu
tome IV) dont l'auteur ne
craignait pas assurément d'ap- peler un chat : un chat. Nous possédons ainsi une ver- sion littéraire du conte des Souhaits ridicules aussi curieuse que grossière, mais dont la gaîté et l'esprit font pardonner l'absolue obscénité. * — Heureusement aussi, plus d'un conte à forme obscène a pu, aisément, moyennant quelques légers changements sans impor- tance, prendre l'aspect décent qui lui permettait d'être raconté pour l'amusement des enfants ou de circuler dans la société polie et élégante. — Pour n'en donner qu'un exemple, et puisque nous avons cité les Souhaits ridi- cules, Perrault n'a eu dans ce récit, qu'à faire pendre au nez de la femme de son villageois l'aune de boudin pour que l'une des très-nombreuses versions de ce conte pût prendre place en un recueil destiné à des mains en- fantines.
De même dans les contes de même
famille que celui dont L'arbre-Nez ** de Grimm est le type, ce n'est pas le nez qui dans la version populaire s'allonge, s'al- longe pendant plusieurs lieues et dont on peut re- trouver le propriétaire en le suivant tout du long par les broussailles et les sentiers. — Dans ce volume, nous
* Ce lai est une imitation d'un
des récits du fameux roman grec de Syntipas, ce livre aux nombreuses ver- sions qui avec le Pantchatantra a fourni les matériaux de tant de recueils pendant plusieurs siècles. — Voir sur le Syntipas : Essai sur les Fables indiennes de Loiseleur- Deslongchamps. — Récerche intorno al Libro di Sindibad par Comparetti, reproduit dans le volume de
1882
publié par The English Folklore Society. — Introduction du Pantchatantra par Benfey.
A la suite dû conte : «Der
Krautesel» Grimm donne le résumé d'un conte populaire dans lequel un arbre merveilleux produit des pommes ayant la propriété d'al- longer le nez indéfiniment et des pommes lui rendant sa proportion habituelle.
VIII AVIS
DU DIRECTION
donnerons deux versions
populaires non châtiées de ce récit, le premier c'est le conte no. 32
de la collection oosaque et le second un conte recueilli en Picardie. — Lorsque des substitutions aussi simples ont pu avoir lien, sans nuire au récit, tout a été pour le mieux, à tous les points de vue. Mais il n'en est pas toujours ainsi. Il existe certainement — notre collection en sera la preuve — des versions populaires, curieuses à ré- cueillir à plus d'un titre, dont l'obscénité est telle qu'il n'est pas de plume, quelqu'alerte et exercée qu'elle soit qui puisse les reproduire sans les dénaturer et qui pour oe fait se sont perdues au grand détriment de la science folklorique. —- 11 est d'autant plus regrettable de laisser dans l'oubli telle version obscène d'un conte, quelle constitue souvent la forme primitive, primordiale, qui avec des variantes, des interpolations a donné naissance à d'autres versions plus connues, plus aimables, mais qui au point de vue spécial où se place le folkloriste ont moins d'intérêt. Ainsi, pas n'est besoin d'être folkloriste pour être certain que des deux formes du trait obscène qui se rencontre dans Rabelais et le conte de Lafontaine «Le Diable de Papefiguière» et dans plusieurs des contes cosaques ci-après, c'est la forme populaire qui a précédé la forme littéraire. A coup sûr, les moujiks grossiers et ignorants, narrateurs des ces contes n'ont jamais connu ni Rabelais, ni Lafontaine; c'est à la tradition popu- laire qu'ils les ont recueillis. De même aussi a fait Rabelais d'après qui notre fabuliste l'a raconté en- suite littérairement, — L'immoralité d'une œuvre ne réside pas au surplus dans la crudité des mots, la gros- sièreté des expressions, mais dans le but que se propose l'écrivain. Les romans les plus pervers du
18«
siècle sont souvent écrits en un style châtié où les fleurs du langage y distillent un poison détestable. — A quelque nation ou quelque siècle qu'il appartienne, un écrivain
AVIS DU DIRECTION IX
qui aura cherché à allumer de
mauvaises passions dans l'esprit de son lecteur, fût-ce dans le style le plus correct et irréprochable, devra être réputé immoral ; quant à l'emploi d'expressions obscènes, l'immoralité en est toute contingente ; c'est une question qui varie avec l'époque, la mode, les usages et le pays. On n'en saurait citer de meilleur exemple que des récits fort connus de La Bible ou les dissertations fort graves et fort pieuses d'intention des scholastiques sur les sujets par eux- mêmes le plus scabreux.*
Nous considérons donc faire œuvre
utile à la science en publiant un recueil où les productions obscènes, grossières, scatologiques mêmes, se rapportant à la lit- térature populaire et traditionelle seront réunies à titre de documents d'étude. Nous aurons plus d'une fois à faire taire nos scrupules, à surmonter notre répugnance, sans aucun doute. Mais nous pensons que comme le feu, la science purifie tout. — De même que le chimiste pèse, analyse, recompose les matières les moins ragoû- tantes, sans s'affecter de leur aspect ou de leur odeur ; de même que le médecin décrit dans leurs plus intimes détails, étudie dans leur fonctions les plus mystérieuses les organes de la génération sans songer qu'à la science, de même nous toucherons d'une main et d'un esprit chastes aux sujets les plus obscènes ou de l'immoralité la plus choquante. Pourtant, comme ce n'est pas pour rien que le vieux sang gaulois coule dans nos veines et que d'ailleurs «rire est le propre de l'homme«, nous ne réprimerons pas â l'occasion le rire large et franc, sans arrière pensée qu'amène sur toute lèvre française
* Lire dans
la
préface du tome
3
du Recueil Méon- Barbazan, ce que l'auteur dit de l'Usage
de nos anciens poètes de nommer les choses naturelles par
leurs
noms.
X AVIS
DU DIRECTION
la lecture de Pantagruel ou des
farces tabariniques on bien le fin sourire que font éclore les œuvres plus raffi- nées des aimables conteurs de la Renaissance.
Ces prémisses bien établies, ce
qui nous reste à dire au sujet de notre programme en découle facilement. — Et d'abord notre titre de Kruptadia, c'est à dire les sujets secrets, nous l'avons choisi précisément pour son aspect hirsute, barbare et rébarbatif, parce qu'il est intelligible au plus grand nombre et qu'inscrit sur le dos d'un livre, il ne tentera pas la main d'un curieux sur un rayon de bibliothèque.
Notre publication étant destinée
exclusivement aux folkloristes et notre dessein étant d'écarter absolument ceux qui dans le fumier d'Ennius n'aiment que le fu- mier et se moquent des perles, les intelligents et sérieux éditeurs des Kruptadia : M. M. Henninger frères de Heil- bronn (Wurtemberg) qui partagent ces idées ont pris tous arrangements nécessaires pour atteindre ce but.
La série qui s'ouvre aujourd'hui
par la collection des contes cosaques de la petite Russie, des contes norwégiens et de quelques formulettes bretonnes com- prendra des contes et productions folkloriques de toutes les nations. Comme en outre, elle intéressera les folkloristes de race germanique et latine autant au moins que ceux de France et que d'ailleurs l'étude du folklore exige l'intelligence du plus grand nombre possible de langues, nous publierons dans leur texte anglais, alle- mand, espagnol, italien, les ouvrages de ces langues, réservant le français pour les productions françaises et les traductions d'oeuvres écrites en langues accessibles au petit nombre. Les volumes seront tirés à aïo exem- plaires numérotés, dont dix pour les éditeurs, auteurs et directeurs de la publication.
Les membres du Comité de
direction du présent recueil tiennent à déclarer à cette occasion qu'ils tra-
AVIS DU DIRECTION
XI
vaillent pour la science seule et
repoussent toute ré- munération sous quelque forme que ce soit. C'est d'ailleurs ce qui permet aux éditeurs de livrer à un prix modique, en regard du faible tirage, des volumes dont il serait si aisé de trouver un tout autre prix, si l'idée de spéculation n'était pas écartée.
Les contes cosaques de ce volume
sont traduits d'un recueil en dialecte petit-russien tiré à petit nombre. — Nous les avons reproduits tels quels, malgré leur grossièreté inouie de langage et qui pis est de senti- ments, grossièreté qui est un témoignage, hélas I trop probant, de leur origine populaire. Ils offrent des traits de moeurs curieux à plus d'un titre et fournissent de nombreux points de comparaison avec des contes fort connus et notamment avec les nouvelles badines ita- liennes et françaises de la Renaissance, dont ils con- stituent la version populaire. Les spécimens des contes satiriques populaires sont beaucoup moins fréquents que les contes merveilleux ou mythiques. C'est la caracté- ristique de ce volume. Détail assez piquant: les contes auraient été recueillis par un moine orthodoxe, pour la plus grande gloire de la science d'ailleurs et imprimés par l'imprimerie du couvent afin d'échapper à la censure russe. — Ils contiennent en général d'amères satires contre les popes ; c'est un trait de ressemblance de plus avec nos auteurs de fabliaux et nos conteurs qui se plai- saient à mettre en scène de la façon la moins édifiante, les moines et les nonnes. — Si l'on s'étonnait que des moines orthodoxes imprimassent de telles satires contre les popes, sans invoquer le souvenir de notre joyeux curé de Meudon qui ne se faisait pas faute de mettre les propos les plus salés dans la bouche des moines et moinesses, et en Italie du bénédictin Firenzuola, nous rappellerons qu'un Russie il existe un antagonisme très- vif entre les clergés régulier et séculier, entre les popes
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AVIS DU DIRECTION
et les moines et que de part et
d'autre, ils ne se mé- nagent guère.
Les contes picards qui suivent
les contes cosaques sont surtout donnés pour montrer des variantes fran- çaises de ces mêmes contes. Nous en publierons d'autres par la suite.
Et maintenant, nous passons la
parole au chercheur curieux qui a recueilli ces récits de la bouche des sol- dats et des moujiks et qui a bien mérité des folkloristes en mettant courageusement les intérêts de la science au dessus des préjugés vulgaires.
CONTES SECRETS.
TRADUITS DU RUSSE.*
PRÉFACE DE L* AUTEUR.
€ BON NT BOIT,
Qui
MAL Y PENSE.»
ÉDITION de nos contes secrets,
dans la forme et Tordre sous lesquels nous les présentons aux amateurs de la nationalité russe, est une appa- rition à peu près unique en son genre. Il pourra bien se faire que, précisément pour cela, notre édition donne lieu à des reproches et à des exclamations de tout genre, non seulement contre l'éditeur téméraire, mais aussi contre la nation qui a produit de pareils contes, contes où la fantaisie populaire, sans la moindre con-
* Valaam, art typographique de la
confrérie mona- cale. Année de la diablerie des ténèbres.
Imprimé uniquement pour les
archéologues et les bibliophiles, à un petit nombre d'exemplaires, dont xo sur papier de couleur, grand format.
KqvnràSia.
I. I
2 CONTES
SECRETS
trainte d'expressions, a déroulé,
dans d'éclatants tableaux, toute la force et toute la richesse de son humour. Met- tant de côté tous les reproches qui ne s'adresseraient qu'à nous personnellement, nous devons déclarer que toute exclamation contre l'esprit national serait non-seulement une injustice, mais encore l'indice de cette ignorance complète, qui, le plus souvent, à dire vrai, constitue un des traits les plus indélébiles de la pruderie criai lieuse.
Nos contes secrets sont, comme
nous l'avons dit, une apparition unique en son genre, parce qu'il n'existe pas, à notre connaissance, une autre édition dans la- quelle le vrai langage populaire jaillisse avec une aussi grande abondance, étincelant de tous les côtés brillants et ingénieux de l'homme du peuple.
Les littératures des autres
nations offrent beaucoup *de contes secrets du même genre, et depuis bien long- temps déjà nous ont précédés dans cette voie. Non peut-être sous forme de contes, mais sous forme de chansons, de dialogues, de nouvelles, de farces, de so- ties, de moralités, de dictons etc., les autres nations possèdent une énorme quantité de productions, dans les- quelles l'esprit populaire, également sans aucune con- trainte d'expressions et de tableaux, signale avec hu- mour, stigmatise par la satire et livre hardiment à la risée différents côtés de la vie. Qui donc a jamais douté que les contes joyeux de Boccace ne soient tirés de la vie populaire, que les innombrables nouvelles et facéties françaises des XVe, XVIe et XVII« siècles ne pro- viennent de la même source, que les productions sa- tiriques des Espagnols, les S p o 111
i e d e r et les S c h m a h- schriften des Allemands, que cette masse de pasqui- nades, de feuilles volantes diverses dans toutes les langues, apparaissant au sujet de tous les incidents pos- sibles de la vie privée et publique, ne soient des produc- tions du peuple ? Dans la littérature russe, il est Vrai,
TRADUITS DU RUSSE 3
jusqu'à ce jour, il existe, toute
une catégorie d'expressions populaires qui n'ont pas été imprimées, qui nesont pas destinées à l'impression. Dans les littératures des autres nations, de pareilles barrières n'existent plus depuis longtemps pour le langage du peuple. Sans re- monter à l'antiquité classique, est-ce que lesRagiona- menti de P. Aretino, les Capitqli de Franc. Berni, de Giov. délia Casa, de Molza, la Rettorica délie putane, de Pallaricini, l'Alcibiade fanciullo a scola et les productions des autres écrivains italiens; est-ce que le livre de Meursius: Elegantiae la- tini sermonis; est-ce que toute la série, dans la littérature française, des célèbres joyeuse tes, facé- ties et folastres imaginations,* le fameux Re- cueil de pièces choisies par les soins du Cos- mopolite; est-ce que tout ce déluge de Flugschrift t e n, qui, au dire de Schade, «damals wie eine Fluth übers Land fuhren«,** ne montrent pas clairement qu'on ne regardait point comme nécessaire de couvrir le mot im- primé de la gaze d'une pruderie effarouchée et de la feuille de vigne d'un écrit passé à la censure ? Est-il besoin de rappeler encore les productions m a car o- niqu e s, jouissant d'une si haute estime depuis le magni- fique Laurent de Médicis jusqu'aux Médicis de notre époque ? Est-il besoin de remarquer en finissant, qu'elles ne sont pas réservées aux seuls bibliophiles, ces sections entières dont les sujets sont décrits dans des biblio- graphies spéciales, telles que la Bibliotheca scato-
* Voy. les réimpressions par
Caron, Montaran, Teche- ner, Veinant, J. Gay et autres.
** Sie kennzeichnen sich fast
alle durch ein scharfes satirisches Element, beispiellosen Freimuth, mitunter durch grosse Derbheit u. s. w. (Satiren und Pasquille v. Oscar Schade.)
I*
4
CONTES SECRETS
logica (Scatopolis,
5850),
sections connues dans le monde des livres sous les noms de: Singularités, Curiosa, Erotica, Ouvrages sur l'amour, sur la galanterie, etc.
Et le reproche de cynisme
grossier fait à la nation russe équivaudrait au même reproche fait à toutes les nations, c'est-à-dire se réduirait à zéro. Le contenu erotique des contes secrets russes ne témoigne ni pour ni contre la moralité de la nation russe ; il met tout simplement en relief un côté de la vie, qui, plus que tout autre, excite l'humour, la satire et l'ironie. Nos contes, sont livrés sous une forme sans art, tels qu'ils sont sortis des lèvres du peuple, et sont écrits avec les mots des conteurs. C'est ce qui constitue leur caractère propre: rien, dans ces contes, n'a été changé, rien n'a été enjolivé, rien n'a été ajouté. Nous ne nous étendrons pas sur cette particularité, que dans les différentes zones de la vaste Russie le même conte se présente sous des formes différentes. Ces variantes sont nombreuses, et pour le plus grand nombre, sans aucun doute, elles passent de bouche en bouche, sans avoir été jusqu'à ce jour ni recueillies ni transcrites par les collectionneurs. Celles que nous donnons sont tirées du nombre des plus remarquables ou des plus caractéristiques à un point de vue quelconque.
Nous regardons aussi comme
superflu d'expliquer l'ordre dans lequel paraissent nos contes. Nous ferons seulement remarquer à ce propos que ceux dont les ac- teurs sont des animaux, font voir, on ne peut mieux, toute la sagacité et toute la vigueur d'observation de notre homme du peuple. Loin des villes, travaillant dans le champ, dans la forêt, sur le fleuve, il comprend partout avec profondeur la nature, sa bien-aimée ; il ob- serve avec précision et apprend à connaître dans le menu détail la vie qui l'entoure. Les côtés pris sur le
TRADUITS DU RUSSE
5
vif de cette vie muette, mais
éloquente pour lui, se peignent d'eux mêmes dans son imagination, et voua un conte tout prêt, plein de vie et d'éclatant humour. La section des contes sur ceux que le peuple appelle la race étalonnière, et dont nous n'avons donné pour le moment qu'une petite partie, éclaire vivement et les relations de notre moujik avec ses pasteurs spirituels et la véritable manière de comprendre ces derniers.
Curieux sous beaucoup de
rapports, nos contes secrets russes sont particulièrement remarquables sous le rapport suivant: Au savant grave, à l'investigateur profond de la nationalité russe, ils fournissent un vaste champ de com- paraison, relativement au contenu de quelques uns d'entre eux, avec les récits de contenu presque identique des écrivains étrangers, avec les produits des autres nations. Par quel chemin ont pénétré dans les coins reculés de la Russie les contes^ de Boccace,* les satires et les farces françaises du XVI« siècle ? Comment la nouvelle occi- dentale a-t-elle ressuscité dans le conte russe, quel est le côté commun à l'une et à l'autre, où sont et de quelle part viennent les traces de l'influence, de quelle nature sont les doutes et les conclusions dérivant de l'évidence d'une pareille identité, etc. etc.?
Abandonnant la solution de toutes
ces questions et de beaucoup d'autres à nos savants patentés, nous espérons que nos lecteurs trouveront une bonne parole pour les travaux des honorables collecteurs de ces contes. Nous, de notre côté, en éditant cette rare collection, dans le but de la soustraire à l'anéantissement, nous resterons en dehors, nous osons la penser, et de la lou- ange et du blâme.
* Voyez, par exemple, le conte
no. LXVII: La femme du marchand et le commis.
6
CONTES SECRETS
Ainsi, sans prendre hypocritement
an extérieur scien- tifique, notre livre apparaît comme le simple recueil accidentel de ce côté de l'humour du peuple russe, qui jusqu'à ce jour n'avait pas trouvé place sous la presse. Devant les conditions sauvages de la censure russe, et sa fausse appréciation de la moralité et de la morale, notre livre s'est imprimé sans bruit dans une retraite éloignée des agitations du monde, là où n'a pas encore pénétré la main sacrilège de quelque censeur que ce soie. A ce propos, nous ne pouvons nous empêcher d'exprimer un de nos désirs intimes : Que d'autres coins paisibles de notre patrie suivent l'exemple de notre couvent, Que là se développe, à l'abri de toute censure, le noble art de la typographie, que des mains de la con- frérie laborieuse sortent et viennent se réunir sous des presses secrètes, tous mots libres, tous récits intimes, à quelque côté le la vie russe qu'ils se rattachent.
Nous ajouterons, en finissant,
que nous^ nous pro- posons de publier ultérieurement les Proverbes se- crets russes, et la suite des Contes secrets russes. Les matériaux sont entre nos mains ; il ne nous reste plus qu'à les mettre en ordre. En les publiant, nous espérons rendre service et à l'étude de l'esprit national russe en général, et, en particulier, à nos con- frères, aux amateurs véritables et experts de la verve russe intime, franche, imagée et du brillant humour populaire.
Bibliophile.
I
LA RENARDE ET LE LIÈVRE
s
printemps était venu, le sang parlait chez le lièvre. Il est lâche, mais il est vif à la course et il a Pair d'un brave. Il va au bois et il imagine d'entrer en passant chez la renarde : il se dirige donc vers sa petite izba. La renarde, à ce mo- ment-là, était assise sur le poêle; ses petits étaient sous la fenêtre. Elle voit le lièvre et dit aux renardeaux : «Enfants ! si le louche vient ici et s'adresse à vous, dites-lui, que je ne suis pas à la maison. Que le diable l'emporte ! Je suis depuis longtemps fâchée contre lui, le gredin; peut-être cette fois parviendrai-je à le pincer.» Elle se cache. Le lièvre s'approche et frappe. «Qui est là?» demandent les renardeaux. — «C'est
8
CONTES SECRETS
moi», dit le lièvre; «bonjour, chers petits renards! votre mère est-elle à la maison ? — Elle n'y est j>as ! —- C'est dommage, je l'aurais
f.....!» dit le louche et il s'en va au bois.
La renarde l'entend et dit: «Oh! fils de chienne, diable louche! voyez donc ce soupirant ! attends, je t'en donnerai de l'aurore.» Elle descend du poêle et se met en observation derrière la porte, en cas que le lièvre revienne. Elle regarde: le lièvre approche en suivant l'ancienne trace et dit aux renardeaux: «Bonjour, renar- deaux; votre mère est-elle à la maison? — Elle n'y est pas. — C'est dommage, dit le lièvre; je l'aurais bourrée à ma manière.» Tout à coup la renarde bondit: «Bonjour, mon petit pigeon!» Le lièvre ne pense plus
à f....., il se sauve à toutes jambes, c'est
à peine s'il peut reprendre haleine, et son cul égrène des noisettes. La renarde est à ses trousses. «Non, diable louche, tu ne l'échapperas pas !» Ils se poursuivent, se poursuivent! le lièvre, saute et passe entre deux bouleaux * qui avaient poussé tout près l'un de l'autre; la renarde veut sauter à sa
* Variants ; entre des bouleaux fourchus.
TRADUITS DU RUSSE
9
suite et se prend entre les deux:* elle se démène, se démène, mais ne peut ni avancer, ni reculer, ni sortir de là. Le louche tourne la tête, il voit que l'occasion est belle, il accourt par derrière et f... la renarde, tout en disant : .«Voilà comment nous opérons ! voilà comment nous opérons !» La besogne faite, il poursuit sa route ; mais non loin de là il y avait une fosse à charbon (un moujik avait fait une chauffe en cet endroit), le lièvre tombe droit dans la fosse, «roule dans la poussière et la suie et en sort noir comme un vrai moine. Il remonte sur la route, laisse pendre ses oreilles et s'assied. A ce moment la renarde, qui avait on ne sait comment recouvré sa liberté, arrive à la recherche du lièvre, elle l'aperçoit et le prend pour un moine. «Bonjour, révérend père! lui dit-elle, tu n'as pas vu le lièvre - louche ? — Lequel ? celui qui t'a f.... tout à l'heure?» La renarde rougit de honte et
* Variante:
Le lièvre va au bois, voit la renarde et se. met à parler avec elle ; il parle, il parle, épiant - l'occasion ; sa p... se dresse comme une corne. Il est adroit dans cette sorte d'affaires ; il supplie timidement. Profitant du moment favorable, alors que la renarde est empêtrée dans les bouleaux.....
10
CONTES SECRETS
se sauve chez elle: «Ah, le lâche! il a déjà trouvé moyen de publier cela dans tous les monastères!» La renarde était rusée, mais le lièvre lui joua le tour.
ans la cour d'un moujik s'était posée
BJBfll une volée de moineaux ; l'un deux se met à faire le fanfaron devant ses camarades : «La jument gris foncé s'est amourachée de moi, dit-il; à chaque instant elle me jette des œillades; voulez-vous que je lui fasse son affaire devant toute notre honorable confrérie? «Voyons cela!» disent les cama- rades. Le moineau vole vers la jument et lui dit : «Bonjour, gentille jument ! — Bon- jour, chanteur ! Que désires-tu ? — Ce que je désire ? Je veux te prier de .... » La jument lui dit: «C'est très-bien; mais, selon la cou- tume villageoise, quand un jeune garçon commence à faire Ja cour à une jeune fille, il lui achète un cadeau: des noix et des
II
LE MOINEAU ET LA JUMENT
TRADUITS DU RUSSE II
pains d'épice. Et toi, qu'est-ce que tu me donneras ? — Dis ce que tu veux. — Eh bien voici: apporte moi à un grain près un tchetvérik (26iitr**,ai) d'avoine; alors nous commencerons à faire l'amour.» Le moineau se met à la besogne de toute son ardeur, il peine pendant longtemps et finit par amasser un tchetvérik d'avoine tout entier. Il vole vers la jument et lui dit: «Eh bien, gentille jument! l'avoine est prête!» et son cœur n'y tient plus, il est rempli de joie et en même temps de crainte à en mourir. «C'est bien, répond la jument: inutile de différer l'affaire! l'indécision est pire que la mort, et pour moi la vie vaut moins que l'honneur. Du reste, il n'y a pas de honte à se laisser faire par un jeune brave ! apporte l'avoine et assemble tes camarades (le jeune gaillard ne demandait pas mieux !) ; toi-même assieds-toi sur ma queue, juste derrière le c .., et attends là jusqu'à ce que je lève la queue.» La jument se met à manger l'avoine, le moineau est posé sur la queue, les camarades regardent: que va- t-il arriver? La jument mange, mange et vesse, elle lève la queue, le moineau s'enlève et retombe derrière. La jument le presse avec sa queue. Il est mal dans cette po-
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CONTES SECRETS
sttion, il manque d'étouffer
1 Elle
mange, elle mange, puis elle pète; le moineau s'échappe et se met à se vanter devant ses camarades ; «Voilà comme cela se pratique, mes amis! Avec moi, la jument n'en pouvait plus: elle a pété.»
Baal un ours l'aperçoit et se dit: «Je n'ai jamais lutté avec les femmes. La femme est-elle plus forte que l'homme, ou non? Des moujiks, j'en ai déjà brisé pas mal, mais il ne m'est jamais arrivé de m'entreprendre avec les femmes.» Il s'avance donc vers la femme et lui dit : «Luttons nous deux ! — Et si tu me déchires, Mikhaïl Ivanovitch? — Si je te déchire, je t'apporterai une ruche de miel. — Bien, luttons!» L'ours saisit la femme entre ses pattes, mais au moment où il la jette à terre, elle lève en l'air ses deux jambes écartées, porte la main à son çff et lui dit: «Qu'as-tu fait? comment me
IU
L'OURS ET LA FEMME
labourait dans un champ;
TRADUITS DU RUSSE 13
montrer à la maison maintenant? que dirai- je à mon mari?» L'ours regarde: la fente est très-grande; il a déchiré la femme, et il ne sait que faire. Tout à coup vient à passer un lièvre, venant on ne sait d'où et courant. «Arrête, louche ! lui crie l'ours, viens ici!» Le lièvre accourt. L'ours saisit les bords du c.. de la femme, les étire et ordonne au louche de les tenir avec ses pattes; lui-même il court au bois, arrache un gros paquet d'écorces, autant qu'il en peut traîner. Il veut recoudre la fente de la femme. Il apporte les écorces et les jette à terre; la femme a peur et pète si fort, que le lièvre fait un bond en l'air de deux ar- chines* : «Pour le coup, Mikhaïl Ivanovitch, elle est tout à fait crevée ! — Elle va main- tenant se fendre de bas en haut!» dit Fours, qui se met à courir de toutes ses forces et disparaît.
* L'archine
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CONTES SECRETS
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LE LOUP
Dhl était une
fois un moujik qui possé- BJ3I dait une truie ; cette truie avait une portée de douze cochonnets; il renferme dans une étable; cette étable était faite de ramilles entrelacées. Le lendemain, le moujik vient voir les cochonnets et les compte: il en manque un. Le troisième jour il en manque encore un» Qui est-ce qui vole les cochonnets ? Le vieux va. passer la nuit dans l'étable, il s'assied et attend, pour voir ce qui arrivera. Un loup accourt au bois et. se dirige droit sur Pétable, il tourne le c.. contre la porte, fourre et pousse sa queue par une fente, puis l'agite dans Pétable. Les cochonnets entendent le frôlement, ils quittent la truie et viennent vers la porte flairer la queue. Alors le loup la retire, se retourne, fourre son museau, saisit un cochonnet et se sauve au bois. Le moujik attend le jour suivant, il revient dans l'étable et s'assied tout près de la porte. Il fait noir, le loup accourt, mais à peine a-t-il fourré sa queue et la remue-t-il dans tous les sens, que le
15
moujik saisit des deux mains cettye queue de loup, appuie ses genoux contre la porte et crie de toute sa force : tiou — tiou — tiou I Le loup tire, tire, ch.. de détresse, et se démène jusqu'à ce qu'il ait arraché sa queue. Il se sauve, mais il perd son sang; il fait vingt pas, tombe et meurt Le moujiik lui enlève le peau et la vend au marché.
V
LE MOUJIK, L'OURS, LE RENARD ET
LE
TAON
.......Et il ne sait que lui faire. En- suite il (le moujik) prend un parti, il saisit sa femme à la brassée et la jette sur le sol ; elle crie, mais le moujik lui dit: «Tais-toi! Tout ira bien.» Il lui arrache son sarafane, sa chemise, et lui lève les jambes en l'air aussi haut qu'il peut. L'ours voit que le moujik troue une femme et dit: «Non, Re- nard! le taon et toi, vous ferez comme il vous plaira, mais moi, pour rien au monde je n'attaquerai le moujik! — Pourquoi? —
i6
CONTES SECRETS
Parce que, voyez donc! — il perce encore quelqu'un.» Le renard regarde, regarde, et dit: «Tu as raison, il casse les jambes à quelqu'un.» Mais le taon regarde, regarde, et se dit à lui-même: «Ce n'est pas cela du tout: il pousse une paille dans le cul de quelqu'un.» Chacun, bien entendu, sent son propre malheur, mais cependant le taon a mieux deviné que les autres. L'ours et le renard s'élancent dans le bois, et le moujik reste sain et sauf.
LE CHAT ET LA RENARDE
\s moujik chasse de chez lui un chat
RSaltrop polisson; le chat se
sauve dans le bois. Dans ce bois vivait alors une re- narde, mais une renarde si put... 1
elle faisait continuellement la vie avec les loups et les ours. Elle rencontre le chat; ils se mettent à parler de ceci, de cela. La renarde lui dit: «Toi, Kataféï Ivanovitch, tu es céli- bataire, moi je ne suis pas mariée 1
prends-
VI
traduits du russe
moi avec toi.» Le chat y consent. On festoie, on s'amuse; après le festin, le chat, suivant la coutume, doit pécher avec la renarde. Le chat monte sur la renardç et il la déchire plus avec ses griffes qu'il ne la f..., tandis qu'il aie lui-même $ (malo) c'est peu, (malo) ctest peu, (malo) c'est peu! — En voilà un original ! dit la renarde, pour lui c'est toujours peu !» • • •
v pou rencontre
une, puce: «Ou vas-tu ?
de femme. — Et moi je vais me. glisser dans un c.. de femme.» Et ils se séparent. Le jour suivant, ils se rencontrent de nouveau. — Eh Wen» comment as-tu dormi ? demande le pou. — Ne m'en parle pas ! J'ai eu une si grande frayeur! Il est venu où j'étais je
* Ce conta a été écrit r dans le gouvernement de
«Voronége. ^ , '
VU
le pou et la puce*
Je vais passer la nuit dans un cul
2
i8
CONTES SECRETS
ne sais quel chauve, et il s'est mis à me poursuivre; je sautais, je sautais, de ci, de là, mais il était toujours derrière moi, et en- suite il m'a craché dessus et s'en est allé! — Eh bien, ma petite commère ! là où j'étais ils sont venus frapper à deux; je me suis caché; ils ont frappé, ils ont frappé, puis ils sont partis.
vin
LE CHIEN ET LE GRIMPEREAU
......La femme cherche à prendre
le grimpereau; elle l'attrape et elle le place sous le tamis. Le moujik arrive à la maison: la ménagère va à sa rencontre. «Eh bien, femme ! dit-il, il m'est arrivé un malheur en chemin. — Eh bien, dit-elle, mon homme, il m'est arrivé un malheur à moi aussi.» Ils se racontent l'un à l'autre ce qui leur est arrivé. «Maintenant, où est le grimpereau? s'est-il envolé? demande le moujik. — Je l'ai pris et je l'ai logé sous le tamis. — Bon ! Je lui ferai son affaire, je le mangerai vivant.»
traduits du russe k)
Il soulève le tamis, mais quand il veut prendre le grimpereau avec ses dents, celui-ci s'élance tout droit dans sa bouche et pénètre la tête la première jusqu'au cul. Il sort sa tête du cul du moujik et crie : «Vivant, vivant !» puis il se cache, puis il sort de nouveau la tête et crie encore ; il ne laisse pas de repos au moujik. Le moujik voit que l'affaire est grave et il dit à la ménagère: «Prends une bûche; je me mettrai à quatre pattes, et quand le grimpereau sortira sa tête, tu lui allongeras un bon coup de bûche!» Il se met à quatre pattes, la femme prend la bûche et quand le grimpereau montre sa tête, elle frappe avec la bûche; elle n'atteint pas le grimpereau, mais elle écrase le cul du moujik. Que faire? Le moujik ne peut chasser le grimpereau de son corps ; celui-ci montre toujours sa tête au bord du cul et crie : «Viyant, Vivant !» «Prends, dit le mou- jik à sa femme, une faulx bien aiguisée, je me mettrai de nouveau à quatre pattes, et aussitôt que le grimpereau sortira sa tête, tu le frapperas avec la faulx.» La femme prend une faulx bien aiguisée et le moujik se met à quatre pattes. Dès que le grim- pereau sort la tête, la ménagère le frappe avec la faulx; elle n'abat pas la tête du
2*
20
CONTES SECRETS
T
grimper eau, mais elle coupe le cul du moujik. Le grrmpereau s'envole, le moujik perd tout son sang et meurt.
Comparer avec le récit suivant
populaire en France:
Une grue attrape un serpent,
l'avale et crie: Attrapé le serpent I Le serpent s'échappe par le derrière de la grue et crie: Attrapée la Grue! — La grue s'élance de nouveau, avale le serpent, s'appuie le derrière'par terre , et crie : Attrapé le serpent 1 — Le serpent ressort par la bouche et crie : Attrapée la Grue I — La grue court après le serpent, l'avale, se fourre le bec dans le derrière et murmure : Attrapé le serpent 1
! IM
C . • ET LE CUU
h beau
jour: le c.. et le cul se que- rellent entre eux et font tel vacarme,
qu'on emporte les saints (que le diable en tremble)! Le c. dit au cul: «Hé! toi, mauvais drôle, tu ferais mieux de te taire! tu sais que .chaque nuit vient chez moi un hôte charmant, et pendant ce temps-là tu rentes coi et tu marronnes. — Voyez-vous œ vilain petit c • •, répond le cul. Quand
TRADUITS DU RUSSE
21
oïl te
f.,".., Peau m'en vient à la bouche, et me tais pourtant!» — Cela se-passait il y a longtemps, à l'époque ou-l'on ne con* naissait pas les couteaux, et où l'on coupait la viande avec la p...
X
LAVE LE CUL*
l t avait
une fois un homme et une femme. Un jour que la femme donnait à dîner à son mari, celui-ci la rosse et lui dit: «Lave le cul, lave le cul!» La femme se met à laver son cul; elle le frotte et avec du. sable et avec des joncs, jusqu'à le mettre tout en sang. Mais dès qu'elle sert à dîner à son mari, celui-ci recommence à la rosser et lui répète : «Lave le cul, lave le cul! » Elle dit à sa tante: «Qu'est-ce que cela veut dire, petite tante ? quand je donne à dîner à mon mari, il me bat toujours et me dit : «Lave le cul, lave le cul !» Je le lave bien cependant, et je le
* Ecrit dans le district du
Petit-Arkhangel.
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contes secrets
frotte même jusqu'au sang!» — «Eh! 'sotte, sotte ! ce n'est pas ton cul, c'est le cul des tasses qu'il faut laver.» Quand elle lava le cul des tasses, son mari cessa de k battre*
XI
C'EST MAUVAIS, CE N'EST PAS
MAUVAIS*
......Des meules flottent sur l'eau;
sur elles un chien est assis, baissant la tête, la queue entre les jambes; il pousse des cris, il lèche sa patte. «As-tu passé devant la maison du prélat? — J'y ai passé: les chevaux sont sellés, les cavaliers sont à cheval, on sonne de la trompette; f... ta mère! le diable sait ce que l'on y fête? On y marie, dit-on, le prélat avec la jument isabelle .... — Et Tours usurier, l'as-tu vu ? — Je l'ai vu. — Comment est-il? — Gris?
* Ecrit dans le même district
(Petit-Arkhangel).
Variante:
As-tu vu le prélat? — Je l'ai vu. — Comment est-il ? — Il marche à quatre pattes, on le mène à la chaîne, on lui a passé dans le nez un anneau d'or, et les chiens aboient après lui. — Nigaud, c'est un ours. — Va te faire p .... Tu radotes.»
traduits du russe
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— F ... ta mère ! de quel ours parles-tu ? Vas te faire p .... Tu radotes! C'est un loup. — Qu'il te pousse une p... au front! Chez nous le loup court dans le bois, il a l'oreille au guet. C'est un lièvre. — Puisses- tu faire connaissance avec la p •.. C'est un couard. — Morceau de m •... pour toi ! • •.»
xn
LE BENÊT
Ba
était une fois un moujik et sa femme, qui avaient un fils nigaud. Celui-ci imagine de se marier et de coucher avec sa femme. Il parle de cette affaire à son père ; «Marie moi, petit père!» Le père lui dit: «Attends, mon fils! tu es encore trop jeune pour te marier; ta p... n'arrive pas en- core jusqu'à ton c.. ; quand elle y arrivera, je te marierai.» Le fils saisit alors sa p.. w des deux mains, l'étend de toutes ses forces et regarde : «c'est bien vrai, elle n'arrive pas encore jusqu'au c...» Oui, dit- il, il est encore trop tôt pour me marier ; ma p... est encore petite, elle ne va pas jus-
24 CONTES
SECRETS
qu'à mon c... Il faut attendre un an ou deux.» Le temps passe, passe; le benêt n'a d'autre occupation que d'allonger sa p. • et fait tant et si bien que non-seulement sa p... arrive jusqu'au c, mais qu'elle le dé- passe! «Je n'aurai plus honte de coucher avec ma femme, je la satisferai moi-même, elle n'aura pas besoin de s'adresser aux étrangers!» Le père pense à part soi: «Qu'attendre de raisonnable de la part d'un nigaud !» Il lui dit : «Eh bien, mon fils ! puis- que ta p... est devenue si grande, qu'elle dépasse ton c.., il n'est plus besoin de te marier: vis célibataire, reste chez toi et f... toi toi-même.» Ainsi se termine l'affaire. }
XIII
LA TÊTE DE BROCHET
l était
une fois un moujik et sa femme, qui avaient une fille, une jeune pucelle. Elle va herser le jardin; elle herse, elle herse, mais on l'appelle dans l'izba pour manger des crêpes. Elle accourt, et laisse le cheval avec la herse dans le jardin en lui
TRADUITS DU RUSSE
disant : attends là jusqu'à ce que je re- vienne. Or, chez le voisin il y avait un fils, un garçon stupide. Depuis longtemps il désirait f.... k jeune fille. Comment? c'est ce qu'a n'avait pas encore imaginé. Il voit le cheval avec la herse ; il se glisse à travers la haie, dételle le cheval et le conduit dan& son jar- din; il laisse la herse à sa place, mais il fait passer le timon à travers la haie et at- telle de nouveau le cheval de son côté. La jeune fille revient et reste tout étonnée: Qu'est-ce que cela signifie ? la herse d'un côté de la haie et le cheval de l'autre? Elle se met à frapper sa rosse avec son knout et lui dit: «Comment diable! es*tu arrivera ? Tu as bien su passer, tu sauras revenir; allons, allons, sors de là!» Le jeune garçon se tient tout près, il* regarde et sourit: «Je t'aiderai, si tu veux, dit-il; seulement tu me laisseras . . •.» La jeune fille était rusée. «Volontiers I* dit-elle. Elle se servait, comme jalon, d'une vieille tête de brochet, qui rou- lait dans le jardin, la gueule ouverte* Elle ramasse cette tête, la fourre dans sa manche et dit au jeune gars: «Je ne veux pas aller de tön côté, et je ne veux pas que tu viennes du mien, de crainte que quelqu'un ne te voie.; faisons cela à travers la haie ; passe-moi vite
26 CONTES
SECRETS
ta p ... et je la mettrai dedans.» Le garçon tire sa p • •. et la passe à travers la haie. La jeune fille prend la tête de brochet, l'ouvre et la met entre ses eusses; quand le jeune gars frotte, il écorche sa p •.. jusqu'au sang ; il la prend dans ses mains, court à la maison, s'assied dans un angle et reste coi. «Ah ! mal- heur !» se dit-il en lui-même, comme il mord son c.. ! Que ma p ... guérisse, et de ma vie je ne m'adresserai à une pareille fille.»
Le temps vient où l'on songe à établir ce garçon; on le fiance à la fille du voisin et on les marie* Ils vivent ensemble un jour, puis deux, puis trois ; ils vivent ensemble une semaine, puis une seconde, puis une troi- sième: le garçon a peur de toucher à sa femme. Voilà qu'ils sont obligés d'aller chez la belle-mère; il partent. Chemin faisant, la jeune femme dit à son mari: «Écoute donc, mon cher Danilouchka. Pourquoi t'es-tu marié, puisque tu ne fais rien avec moi? Si tu ne peux rien, pourquoi con- sommes-tu inutilement la vie d'autrui ?» Mais Danilo lui répond: «Non, tu ne m'y attra- peras pas maintenant! il mord, ton c Ma p. •. a été longtemps malade, c'est à peine si elle est guérie. — Tu radotes! lui dit-elle, à ce moment-là je me suis jouée de
TRADUITS DU RUSSE
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toi; mais ne crains rien maintenant! Fais l'essai de ce cher petit, tu en seras enchanté.» L'envie lui en vient alors, il lui retrousse la jupe et lui dit: «Attends, je vais te lier les jambes, et s'il mord, je pourrai sauter à terre et me sauver.» Il détache les rênes, et lie les deux cuisses nues de Variouchka. Son instrument était assez gros; quand il en bourre sa femme, celle-ci crie de toutes ses forces ; le cheval, qui était jeune, s'épouvante et commence à s'emporter, le traîneau est jeté de côté et d'autre, le moujik tombe, et Variouchka, les cuisses nues, est traînée dans la cour de la belle-mère. La belle-mère re- garde par la fenêtre: elle voit le cheval de son gendre et se dit que certainement il lui amène de la viande pour la fête; elle va à sa rencontre et trouve quoi? sa fille. «Ah, petite mère! s'écrie celle-ci, délie-moi vite, avant que quelqu'un ne me voie.» La vieille la délie, lui demande ce que cela veut dire. «Et ton mari, où est-il? — Le cheval l'a renversé !» Elles entrent dans l'izba, elles re- gardent par la fenêtre: Danilka arrive, s'ap- proche de petits garçons qui jouaient aux osselets, s'arrête et regarde. La belle-mère envoie vers lui sa fille aînée. Celle-ci s'ap- proche: «Bonjour, Danila Ivanitch! — Bon-
CONTES SECRETS
jour. — Viens dans l'izba: il ne manque phrt que toi 1
— Varvara est chez vous ?:— OuL Et le sang est arrêté ?» La jeune fille craché et s'éloigne de lui, La belle-mère lui en* voie sa bru: celle-là lui plaisait: «Viens; viens, Danilouchka ! le sang est arrêté depuis longtemps.» Elle le conduit dans l'izba; la belle»mère vient à sa rencontre et lui dit: «Sois le bienvenu, mon cher petit gendre ! Varvara est chez vous? — Oui. — Et le sang est arrêté ? —~ Il est arrêté depuis long* temps.» Alors il tire sa p..., la montre à la belle-mère et lui dit: «Vois, petite mère. Cette alène-là était tout entière dans son corps! — Allons, allons, assieds-toi; il est temps de dîner.»
Ils s'asseyent, boivent et mangent.
*9
XIV
LE MARIAGE DU BENET (EN PATOIS
COSAQUE)
l était
une fois un Cosaque, qui avait une femme, et aussi un fils, Gritsko (Grégoire). Gritsko allait dans la steppe faire paître les brebis. Le père dit à la femme: «Vieille, il nous faut marier Gritsko. — S'il faut le marier, marions-le!» Ils en- voient un exprès à Gritsko. L'exprès arrive et dit : «Bonjour, jeune seigneur ! le petit père .t'ordonne de venir vers lui.» Quand il arrive à la maison, son père et sa mère.viennent à sa rencontre: «Bonjour, cher fils k comment vas^tu? -r-
Grâce à Dieu, père et mère, cela va tout doucement Mais pourquoi m'avez^ vous fait venir à la maison?» Le petit père lui dit: «Je suis» vieux et ta mère est vieille, il faut te marier. —Je ne Veux pas ! je re- tourne dans, la steppe. —.Attends, garçon privé de sens, nous prendrons l'avis des bonnes gens» et nous verrons ce qu'ils diront. :— Allons, soit!» Les bonnes gens con- seillèrent de lui donner six sacs de grains, de l'envoyer au bazar (à la foire) et de lui ordonnner de ne vendre, son grain ni aux
3o
CONTES SECRETS
juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles com- mères, mais de le donner aux jeunes filles et aux jeunes femmes et de leur demander leur écureuil en échange. Le vieux revient à la maison et dit: «Mon cher fils, prends une paire de bœufs, attelle-les au chariot et conduis-les au bazar, où tu mèneras six sacs de grain; seulement, tu ne le vendras ni aux juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles commères; tu ne le donneras qu'aux jeunes filles et aux jeunes femmes, et tu leur de- manderas leur écureuil en échange.» Gritsko prend une paire de bœufs, les attelle, met le grain sur le chariot et se rend à la ville. Quand il arrive au bazar, un juif vient à sa rencontre : «Bonjour, jeune seigneur ! qu'avez vous donc à vendre ? — Je n'ai rien, maudit juif.» Vient un marchand: «Qu'avez vous à vendre, jeune seigneur? — Je n'ai rien à vendre.» Alors une jeune femme s'approche et lui dit: Qu'avez-vous à vendre? — Du grain, répond-il. — Combien en avez-vous?
— Six
sacs. — Et que demandez-vous pour cela? — Tu me donneras ton écureuil.» Elle est étonnée de la proposition et dit: «Ne te contenterais-tu pas d'un peu moins?
— Non,
je ne veux pas moins; si tu me donnes ton écureuil, je te donnerai mon
TRADUITS DU RUSSE
31
grain. — Conduis-le chez moi.» II crie aus- sitôt: «Hue! Hue!» arrive dans la cour de la jeune femme et lui dit: «Où faut-il le porter ?» Elle lui montre où il faut le mettre, entre elle-même dans la maison, prépare du mieL et le rôti, puis elle Tappelle. «Viens ici, jeune seigneur!» Il vient près d'elle, «Bon- jour, jeune maître! Assieds-toi et mange Técureuil.» Il s'assied, se met à manger, se rassasie et dit: «Merci pour Técureuil!» Elle lui répond: «Grâces à Dieu saint.»
Il revient à la maison; son père et sa mère lui disent: «Eh bien, cher fils! as-tu vendu le grain ? — Je Tai vendu. — Et pour combien Tas-tu vendu ? — Pour un écureuil.
— Dis-nous,
mon fils, n'est-ce pas délicieux, 4'écureuil? — C'est plus doux que je ne puis le dire. — Alors, cher fils, marie-toi et tu en trouveras près de ta femme! — S'il en est ainsi, je mê marierai. — Allons, vieille, gloire à Dieu! notre Gritsko veut se marier.» Ils envoient la marieuse vers un moujik riche. La marieuse arrive : «Que Dieu vous assiste !
— Porte-toi
bien, bonne femme! Que nous diras-tu de bon? — Il y a chez vous de la marchandise, et moi, j'ai un acheteur.» Elle fiance la jeune Hannka à Gritsko. On choisit un garçon d'honneur et un boyard, on or-
32
CONTES SECRETS
ganise le cortège, on va à Féglise, on les marie, puis on commence à se divertir, à s'amuser. Enfin il faut conduire les jeunes époux dans la chambre à coucher. La gar- çon jd'honneur dit au marié : «Ah ça, Gritsko-i sats-tu.où est L'écureuil?» Celui- ci réponde , «Sans doute, je le saisi — Eh bien, où est- il? — Il est sur la table. — Mais non, cherche : là où est le poil, là est Fécureuil? — Boni» On les met au lit et on retourne s'amuser. Gritsko reste longtemps couché avec Hannka, et il désire l'écureuil. Il se met à chercher dans les paniers et sur les rayons: il n'y en a nulle part. Dans cette chambre on avait dressé une charrue, et sur cette charrue était attachée une touffe de poils. Il voit ces poils, grimpe sur la charrue, fourre sa main et täte, pour voir s'il n'y a pas là d'écureuil; ensuite il a peur de descendre de la charrue. Le garçon d'honneur vient chercher les >eunes mariés, il frappe: «Bonjour, jeune Gritskol» Celui-ci est assis sur la charrue et répond : «Bonjour ! — Eh bien, Gritsko, as-tu trouvé les poils? — Je les ai trouvés. — As-tu grimpé? — J'ai grimpé: mais le mal- heur, . c'est que je ne puis descendre. — Roule-tpi sur le flanc (travaille vigoureuse- ment)!» Gritsko se laisse.rouler sur le flanc*
traduits du russe
33
il frappe le sol de sa tête et se blesse jus- qu'au sang. Le garçon d'honneur lui crie: «Eh bien! t'es-tu roulé sur le flanc (as-tu vigou- reusement travaillé) ? — Je me suis roulé sur le flanc. — Jusqu'au sang ? — Jusqu'au sang. Ouvrez la porte.» On ouvre la porte. Gritsko s'élance aussitôt du côté de la steppe, vers ses brebis. Il passe en courant devant la cour du pope ; tout à coup les chiens s'élancent après lui; il se défend; il recule, recule, et se glisse dans l'église elle - même : c' était le dimanche. Il s'étonne et dit: «Voyez donc, ces maudits chiens, combien de per- sonnes ils ont poussées ici ?» Ce qui le frappe, c'est que les gens sont richement habillés, qu'ils remuent les lèvres et chuchotent douce- ment en s'inclinant: sans doute, ils prient quelqu'un de les recevoir dans sa maison. Plus loin, il voit le pope, avec ses vêtements dorés, qui passe entre les gens, et tous s'in- clinent; il vient aussi du côté de Gritsko. Gritsko se demande: «Qu'est-ce que cela veut dire ? il porte une espèce de tuyau et il lance du feu sur les gens (il s'agit de l'encensoir) » Le pope s'approche et Gritsko lui dit : «Doucement, petit père, ne me brûle pas les yewL» Mais le pope continue à gesticuler, à gesticuler. Gritsko le frappe
KçvnrâSia.
I. 3
34 CONTES
SECRETS
sur la tête de telle sorte qu'il tombe. Alors les gens, au nombre de cinquante hommes peut-être se jettent sur le benêt. Il les chasse tous de l'église et s'en va lui-même dans la steppe: «Maudits hommes, vous auriez dû me remercier, et vous vous êtes jetés sur moi !»
Mais Hannka s'ennuie sans mari et elle pleure. On lui conseille d'aller trouver Gritsko dans la steppe, et, lorsqu'il sera au bord de l'eau pour la pêche, de lui dire: «Eh bien, mon homme, est-ce qu'on ne peut pas se baigner ici ?» Il répondra sans doute : «Pourquoi ne pourrait-on pas se baigner? On le peut. — C'est peut-être profond, là? entre toi-même le premier dans l'eau.» Ainsi fut fait. Hannka se rend à la steppe, elle s'approche de Gritsko au moment, où il est près de l'étang: «Bonjour, jeune seigneur! — Bonjour! — Dis-moi, mon homme, peut- on se baigner là? — Pourquoi ne le pour- rait-on pas ? — C'est peut-être profond, vois donc cela pour moi.» — Il ôte aussitôt son sarrau et sa culotte, il entre dans l'eau et dit : «Tu vois, l'eau ne monte qu'aux genoux.» Elle entre elle-même dans l'eau, voit la p ... de Gritsko et lui dit: «Qu'est-ce que cela?» Il répond: «C'est du tabac. — A quoi te sert-il? Qu*en fais-tu? — Je pisse avec. —
traduits du russe 35
Et de quoi le nourris-tu? — De rien. — C'est pour cela qu'il est maigre 1» Mais Gritsko voit le c.. de Hannka et lui dit : «Et toi, qu'as-tu là? — Un rognon. — Et à quoi te sert-il ? — A nourrir le tabac. Est-ce que ton tabac mange du rognon? — Est-ce que ton rognon me mordra? est-ce qu'il mord? — Non, il ne mord pas.» Gritsko approche son bâton de berger et fait l'essai pour voir si le rognon mord. Ensuite il veut bien qu'on donne à manger à son tabac. Elle lui prend la p..., la met dans son c.. et l'y retient. Cela fait plaisir à Gritsko: il abandonne la steppe, revient à la maison et s'écrie : «Papa, maman, où est ma femme ?
— Que lui veux-tu? — Je veux f.....—
« Elle va venir.» La femme est contente de cela et elle lui dit: «Attends«jusqu'au dîner, ma mère a fait frire des boulettes.» Il répond: «Je ne veux rien; allons faire manger le
tabac.» Il se met à la f....., mais elle
commence à péter : elle se sent mal, le désir n'y est plus. Elle lui dit : «Ah, mon homme, je ne puis plus souffler! — Que faire? — Les bonnes gens me disent que si le bœuf de notre voisin me léchait le c.. cela me guérirait peut-être. Va, demande le bœuf.» Gritsko va chez le voisin : „Est-ce que votre
3*
36
CONTES SECRETS
bœuf lécherait le c .. de ma femme? — Certainement !» Il revient près de sa femme et lui dit: «Viens! on amène déjà le bœufe Alors Hannka relève ses jupes et présente son c .. à la fenêtre, Gritsko la soutient par-dessous; le voisin Ivachka (elle s'était entendue d'avance avec lui) se met à peigner Hannka par-derrière de telle sorte qu'elle en attrape la fièvre. «Eh bien, quoi ? dit Gritsko. — Cela m'a un peu soulagée !» — Plus tard, Gritsko lui-même tombe malade et dit: «Femme, va chez le voisin et demande lui son bœuf, afin qu'il me lèche le cul.» Elle va et demande le bœuf: «Allons, lève-toi, viens à la fenêtre.» Il ôte sa culotte et tend le c.. à la fenêtre ; mais le bœuf le frappe de telle sorte, qu'il roule dans la chambre la tête la première.
37
XV
LA FIANCÉE CRAINTIVE
hPRlEüx
jeunes filles s'entretiennent en- pLBfll semble ; «Comme toi, fillette, moi, je ne me marierai pasl — Et pourquoi nous marier malgré nous ! nous n'appartenons pas à des seigneurs. — Et as-tu vu, fillette, cet instrument qu'ils essayent sur nous? — Je l'ai vu. — Eh bien, est-il gros? — Oh, fillette, il est certainement de la grosseur du bras. — On ne s'en tirerait pas vivante. — Viens, je te chatouillerai avec une paille. — Cela aussi fait mal.» La plus sotte se couche, la plus avisée se met à la chatouiller avec une paille: «Ahl cela me fait mal!»
Voilà que le père de l'une des jeunes filles la force à prendre un mari; elle attend deux nuits, puis vient voir son amie: «Bon- jour, fillette!» Celle-ci la prie aussitôt de lui dire ce qu'il en est. «Ah ! dit la jeune femme, si j'avais su, si j'avais connu l'affaire, je n'aurais écouté ni mon père ni ma mère. J'ai cru que j'y laisserais la vie, et je tirais la langue d'un pied de long.» La jeune fille a une telle frayeur qu'elle ne veut plus en-
«
3»
tendre parler de fiancées. Je ne me marie- rai, dit-èlle, avec personne, et si mon père veut employer la violence, j'épouserai, pour la forme seulement, le premier célibataire venu. Il y avait dans le même village un jeune garçon tout-à-fait pauvre : on ne voulait pas lui donner en mariage une fille con- venable, et lui ne voulait pas d'une mauvaise. Il entend cette conversation : «Attends, pense- t—il, je f en jouerai une ! A la première occa- sion, je dirai que je n'ai pas de p... !» Un jour que la jeune fille se rendait à la messe, elle voit le jeune homme qui conduisait à l'abreuvoir sa rosse maigre et non ferrée; le pauvre bête marche, marche en clochant, et la jeune fille se pouffe de rire. On arrive à une montée rapide, la jument gravit avec peine, tombe et roule en arrière. Le garçon se fâche, la saisit par la queue et se met à la battre sans pitié en disant : «Lève-toi, qu'on fécorche ! — Pourquoi la bats-tu, bri- * gand, dit la jeune fille ?» Il soulève la queue,
regarde et dit: «Et qu'en faire? la f.....
et la ref.....? mais je n'ai pas de p...»
Quand elle entend ces paroles, elle en pisse de joie et se dit: «Voilà que Dieu m'envoie un fiancé selon ma candeur!» Elle rentre à la maison, s'assied dans un coin retiré et
traduits du russe 39
fait la moue. Tous se mettent à table, on l'appelle, mais elle répond en colère: «Je ne veux pas! — Viens, Douniouchkal lui dit sa mère. A quoi réfléchis-tu, dis-le-moi.» Le père reprend : «Pourquoi fais-tu la moue ? Tu voudrais peut-être te marier? Tu veux te marier avec celui-ci et non avec celui-là ?» Mais la jeune fille n'avait qu'une chose en- tête: se marier avec Ivann le sans-p.......
«Je ne veux me marier, dit-elle, ni avec celui-ci ni avec celui-là; que cela vous plaise ou non, je me marierai avec Ivann. — Que dis-tu, petite idiote? es-tu enragée, ou as-tu perdu la raison? C'est avec lui que tu veux faire communauté! — Il faut croire que c'est mon destin! Ne cherchez pas à me marier à un autre; j'irai, me noyer ou je m'étrang- lerai.» Que faire? Auparavant, le vieux père n'aurait pas honoré d'un regard cet in- digent d'Ivann, mais maintenant il va lui-même se faire enlever sa fille. Il s'approche, Ivann est assis et répare une vieille chaussure de tille : «Bonjour, Ivanouchka ! —- Bonjour, vieux
1 — Que fais-tu là ? — J'essaie de
réparer mes lapti (chaussures de tille). — Des lapti ? — Il te faudrait des bottes neuves. — C'est à peine si j'ai pu ramasser quinze copeks pour acheter ces tilles, où prendrais-je de l'argent
40
CONTES SECRETS
pour acheter des bottes ? — Et pourquoi ne te maries-tu pas, Vania? — Eh 1
qui voudrait me donner sa fille? — Moi, si tu veuxI Em- brasse-moi sur la bouche I» Ils tombent d'accord. Chez le richard, il n'y a pas de bière à fabriquer, d'eau-de-vie à distiller: on les marie sur-le-champ, on festoie, puis le garçon d'honneur conduit les jeunes gens dans la chambre à coucher et les met au lit. On sait le reste. Ivann perce la jeune femme jusqu'au sang, et il y avait un chemin pour y arriver! «Ah! comme j'ai été bête, comme j'ai été sotte! pensait Dounnka. Qifai-je fait? Pour en venir là, autant valait prendre un riche! Mais où a-t-ii trouvé cette p ... ? Je le lui demanderai.» Et elle le lui demande, en effet: «Ecoute, Ivanouchka, où as - tu pris cette p... ? — Je l'ai louée de mon oncle pour une nuit — Ah, mon petit pigeon, demande la-lui pour une nuit encore.» Une seconde nuit passe; elle lui dit de nouveau: «Ah, mon petit pigeon, de- mande à ton oncle s'il ne voudrait pas te vendre tout-à-fait la p... ? Mais marchande bien. —- C'est bon. On peut marchander.» Il va chez le grand-père, lui donne le mot et revient à la maison. «Eh bien, quoi? — Que te dirai-je? Il n'y a pas à marchander
TRADUITS DU RUSSE 41
avec lui: il faut lui en donner 500 roubles, ou il ne la donnera pas; mais où prendre cet argent? — Eh bien, retourne et demande à la louer encore pour une nuit; demain je demanderai Pargent à mon père, et nous l'achèterons tout à fait. — Non, va toi-même la demander, moi, vraiment, je n'ose plus! Elle va chez l'oncle, elle entre dans la chambre, prie Dieu et s'incline: «Bonjour, mon oncle! — Sois la bien-venue. Que diras-tu de bon ? — Voyez-vous, mon oncle, j'ai honte de le dire, mais ce serait un péché de me taire ; prêtez votre p... à Ivann pour une nuit.» Le grand-père réfléchit, hoche- la tête et dit: «On peut la prêter: mais il faut avoir soin de la p... d'autrui. — Nous en aurons soin, grand-père ; j'en fais le signe de croix, Et demain, sans faute, nous te l'achèterons tout à fait. — Allons, envoie Ivann!» Elle s'incline jusqu'à terre et sort de la maison. Le jour suivant, elle va trou- ver son père, lui demande 300 roubles pour son mari et s'achète pour elle-même une bonne p...
4*
XVI
LA P • • . BRULANTE
mh
était une fois un moujik qui avait une fille. Elle dit à son père: «Petit père,
Vannka m'a proposé de me f.....— Eh,
sotteI pourquoi te donner à un étranger;
nous te £.......bien nous-même !» Il prend
un clou, le chauffe au poêle et le lui plante droit dans le c.., de telle sorte que pendant trois mois elle ne put pisser! Vannka ren- contre la jeune fille et lui fait de nouveau
sa proposition: laisse, que je te f____ Elle
lui dit: «Tu radotes, Vannka du diable
1 mon petit père m'a f.... et m'a
tellement brûlé le ç.., que pendant trois mois je n'ai pu pisser 1
— N'aie pas peur, niaise! ma p... est froide. — Tu mens, Vannka du diable! donne que je touche. — Tiens, touche.» bile lui prend la p... dans sa main et s'écrie: «Ah, le mauvais diable, tu vois bien qu'elle est chaude; trempe-la dans l'eau.» Vannka la trempe dans l'eau, et vesse de douleur. «Tu vois, dit-elle; elle a sifflé! Je disais bien qu'elle était brûlante et que tu voulais encore me tromper, vo-
TRADUITS DU RUSSE
4*
leur !» Ainsi elle ne se laissa pas f Vannka.
ptr
XVII
DICTONS
Ces dictons n'ont de sens que
dans le patois où ils sont écrits. Traduits en français, ils seraient incom- préhensibles.
L/epuis qu'à Nouveau-Sauveur, Il y a un archimandrite nouveau, Les fondateurs sont des destructeurs, Les économes, des dissipateurs. Ils nous ont éveillés matin, Nous ont donné très-peu à boire.
* Les aveugles de Moscou savent
cette pièce de vers de la manière la plus complète et avec des variantes très-intéressantes.
XVIII
VERS DE VIEILLARD
44
Nous nous fâcherons, frères;
Nous n'irons pas à la messe, ni à matines,
Ni à aucune autre sainte prière !
L'igoumène nous suppliera,
Il s'inclinera.
On roulera pour nous, frères, Des tonneaux en chêne, On nous donnera, frères, Des brocs de fer.
Nous agiterons les bras, nous puiserons
[le vin,
Nous le distribuerons à la ronde:
A l'un deux, à l'autre trois,
A moi quatre brocs.
Les cabarets se réjouiront,
Les ivrognes seront dans l'allégresse.
TRADUITS DU RUSSE 45
XIX
LES ENTRETIENS DE FAMILLE
l était
une fois un moujik, qui avait une femme, une fille et deux fils en-
core tout jeunes. Un jour la mère va au bain avec ses enfants ; elle y avait porté tout son linge sale et se met à le laver dans l'auge, en tournant le cul du côté des en- fants. Ceux-ci regardent et rient: «Hé, Anndriouchka, regarde donc, notre mère a deux c... — Ce n'est pas vrai I il n'y en qu'un ; seulement il s'est partagé en deux. — Ah. les petits diables morveux, leur crie la mère, voyez donc ce qu'ils ont imaginé 1» La mère revient à l'izba, se couche avec sa fille sur le poêle et elles se mettent à converser entre elles. «Eh bien, ma fille, dit la mère, il sera bientôt temps pour toi de prendre un mari ; tu ne vivras plus alors
avec nous,, mais avec lui____ — S'il en est
ainsi, je ne me marierai pas. — Que dis-tu, , que dis-tu, niaise! les filles comme il faut se réjouissent de cela. — Et de quoi se ré- jouir ? — Comment, de quoi ? Dès la première nuit que tu passeras avec ton mari, tu
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CONTES SECRETS
oublieras pour lui et ton père et ta mère, il te fera quelque chose de plus doux que le miel et le sucre. — Pourquoi cela est-il si doux, petit mère, et où se trouve chez
les hommes cette douceur? — Ah, quelle sotte tu fais! assurément, tu es allée au bain avec ton père, quand tu étais enfant? — Oui, dit la fille. — Eh bien, tu as vu une petite entaille à sa queue? — Je Tai vue, petit mère. — C'est cela qui est la douceur même." La fille dit alors: Si l'on faisait cinq de ces petites entailles, ce serait encore plus doux!" Le père était couché, il était dans la soupente; il écoute, écoute, perd patience et leur crie: „Ah, scélérates! que n'avez vous une p... dans le gosier! De quoi parlent - elles là ? Pour vous préparer des douceurs, ne faudrait-il pas tailler ma p... en petits morcçaux!"
La jeune fille se casse la tête, se casse la tête : une seule p..., c'est peu, deux n'entreraient pas: le mieux est d'en tordre deux ensemble et de les faire entrer à la
fois.
TRADUITS DU RUSSE
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XX
PREMIÈRE CONNAISSANCE DU FIANCÉ
ET DE LA FIANCÉE
N vieillard avait un fils, un grand gar-
Bjfefll çon ; un autre vieillard avait une fille, une fille nubile. Ils imaginent de les marier, «lvanouchka, dit le père, je veux te marier à la fille du voisin; approche-toi d'elle et parle-lui gentiment et poliment ! — Machout- ka, dit; l'autre vieillard, je veux te donner en mariage au fils du voisin; tâche de le rencontrer et fais connaissance gentiment avec lui!» Ils se rencontrent dans la rue, se saluent. «lvanouchka, mon père m'a or- donné de faire connaissance gentiment avec toi, dit la jeune fille. — Mon petit père m'a ordonné la-même chose, dit le garçon. — Comment ferons-nous? Où couches-tu, lvanouchka? — Dans le foin. — Moi, je couche dans la remise ; viens cette nuit près de moi et nous parlerons gentiment en- semble ____» Ainsi fut ! lvanouchka vient pen- dant la nuit et se couche avec Machoutka. Elle lui demande : «Es-tu venu par l'aire ! — Oui. — As-tu vu le tas de fumier? — Je l'ai vu. —
48 contes
secrets
Comment nous arrangerons-nous ensemble?
— Il
faut voir si tu as un bon instrument r
— Tiens,
regarde,» dit-il et il délie son ca- leçon ; «voilà ma richesse I — Il est bien gros pour moi! Regarde, comme le mien est petit 1 — Donne que j'essaye si cela peut aller !» Et il se met en devoir d'essayer ; sa p... se dresse comme un pieu, et quand il l'en* fonce, le jeune fille crie de toutes ses forces : «Ah, cela me fait mal, comme elle mordl
— N'aie
pas peur! Elle n'a pas assez de place, c'est pourquoi elle se met en colère!
— Tu
vois, je disais bien qu'il n'y avait pas assez de place pour elle! — Attends, cela s'étendra.» Quand il lui fit éprouver la jouissance, elle lui dit : «Ah, mon petit cœur I ta richesse vaut bien de l'argent!» Ils achèvent et s'endorment. Elle s'éveille pendant la nuit et lui baise le cul, qu'elle prend pour le visage. Il la laisse faire à satiété, et la jeune fille lui dit: «Sais tu, Vania! tu sens, le scorbut ! ...»
TRADUITS DU RUSSE 4o
XXI
LES MOUJIKS ET LE SEIGNEUR
■Qlp seigneur vient à l'église un jour de msÊ fête; il se tient debout et prie Dieu. Venu on ne sait d'où, un moujik se plante tout à coup devant lui et se permet des in- congruités, le fils de chienne: il vesse si bien, qu'il est impossible de respirer. «Quel sale animal! quelles odeurs il répand!» se dit le seigneur. Il s'approche du moujik, tire un rouble argent de sa poche, le tient à la main et s'adresse au paysan. «Dis-moi, mon petit moujik! C'est toi qui vesses si bien?» Le moujik voit l'argent et répond: «C'est moi, Seigneur ! — Voilà, mon ami ! voilà un rouble argent pour ta peine.» Le moujik prend l'argent et pense en lui-même : évidem- ment, ce seigneur aime beaucoup les vesses; il faut que je vienne à l'église tous les jours de fête et que je me place près de lui: il me donnera chaque fois un rouble argent. La messe finie, chacun rentre à la maison. Le moujik va droit chez son voisin et lui raconte ce qui lui esx arrivé. «Très-bien, frère, dit le voisin, nous attendrons le jour
Xçvnrciâia.
i. 4
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CONTES SECRETS
de fête et nous irons ensemble à l'église. A nous deux nous vesserons encore plus: il nous donnera de l'argent à l'un et à l'autre.» Ils attendent le jour de fête, vont à l'église, se placent devant le seigneur et lâchent des odeurs qui remplissent l'église entière. Le seigneur s'approche d'eux et leur demande: «Dites-moi, mes enfants, est-ce vous qui vessez si bien ? — C'est nous, seigneur ! — Je vous remercie; mais, par malheur, je n'ai pas d'argent sur moi en ce moment. Écou- tez, mes garçons, quand la messe sera finie, dinez solidement et venez ensuite chez moi vesser comme il faut, je vous paierai le tout à la fois. — Très-bien, seigneur! nous nous rendrons tous deux tantôt chez Votre Grâce.» Quand la messe est terminée, les moujiks s'en vont dîner chez eux, bâfrent et se rendent chez le seigneur. Celui-ci leur a préparé un bon cadeau: des verges et des bâtons. Il vient à leur rencontre et leur dit : «Eh bien, quoi ? mes enfants, vous êtes venus vesser ? — Précisément, seigneur ! — Je vous remercie, je vous remercie. Mais il faut vous déshabiller, mes amis. Vous avez beaucoup de vêtements, l'odeur ne passerait pas facile- ment à travers.» Les moujiks ôtent leurs sarraus et leurs camisoles, mettent bas leurs
TRADUITS DU RUSSE
caleçons et jettent leur chemise. Le seigneur fait signe à ses valets, qui saisissent les mou- jiks, les étendent par terre et se mettent à les battre de verges: ils leur appliquent sur le dos cinq cents coups de bâton! C'est à peine s'ils peuvent sortir et s'enfuir vers leurs demeures, sans regarder derrière eux et sans ramasser leurs vêtements. 1
XXII
LA MÉNAGÈRE PERSPICACE
IP'Pl était une fois une vieille femme, qui IH™ avait une fille, une grande saligaude; tout ce qu'elle prenait, lui tombait des mains. Avec le temps, il se trouva un nigaud qui devint son fiancé et qui l'épousa; il vécut avec elle un an et plus et lui fit un enfant. Elle vient un jour rendre visite à sa mère; celle-ci de la traiter, de la régaler. La fille mange et dit : «Ah, petite mère ! comme ton pain a bon goût; le nôtre est de farine blutée, et cependant il est tel que je ne puis l'avaler, c'est de la vraie brique. — Écoute,
4*
5* CONTES
SECRETS
ma fille, lui dit la vieille, c'est que tu
ne le travailles pas assez dans le pétrin, voilà pour- quoi ton pain n'a pas de goût; essaie de le pétrir jusqu'à ce que ton cul en soit mouillé! ton pain sera délicieux.» La fille retourne à la maison, découvre le pétrin et commence à pétrir; elle pétrit, pétrit puis elle retrousse sa jupe pour sentir si son cul est mouillé, ensuite elle pétrit de nouveau. Elle pétrit ainsi pendant deux heures, son cul est tout barbouillé et elle ne peut plus reconnaître s'il est mouillé ou non. Elle relève sa jupe, se met à quatre pattes et dit à son fils: «Viens ici ; regarde si mon cul est mouillé ou non?» Le petit garçon regarde et dit: «Eh, petite mère ! tes deux trous n'en font plus qu'un, et ils sont tous deux dans la pâte.» Elle cessa alors d£ pétrir dans le pétrin, et de cette pâte elle fit cuire des pains d'un goût tel, que si l'on avait su comment elle les avait pétris, personne n' eût voulu les porter à sa bouche.
TRADUITS DU RUSSE 53
XXIII NON
œj
était une fois un vieux seigneur; il avait une femme, et jeune, et belle de sa personne. Or il arrive que ce seigneur doit faire un long voyage. Il craint que sa femme ne le fasse cocu, et il lui dit: «Écoute, chère amie! je vais m'éloigner de toi pour longtemps, ne reçois pas chez toi les mes- sieurs, de crainte qu'ils ne troublent ton repos. Le mieux serait ceci : qui que ce soit qui te parle et quoi qu'il te dise, réponds toujours: non, non.» Le mari part et la dame va se promener dans son jardin. Pen- dant qu'elle se promène, un officier vient à passer. Il voit la jolie dame et lui adresse la parole: «Dites-moi, je vous en prie; à qui est ce domaine?» La dame lui répond: «Non!» Qu'est-ce que cela veut dire, pense l'officier: à toutes mes questions elle répond toujours: non, non! L'officier n'était pas un sot: «Si je descends de mon cheval, dit-il, et que je l'attache à la clôture, il ne m'en arrivera rien?» La dame lui répond: «Non! — Et si j'entre dans le jardin, si je vais près
54
CONTES SECRETS
de vous, vous ne vous fâcherez pas? — Non!» Il entre dans le jardin. «Et si je me mets à me promener avec vous, vous n'en serez pas irrité? — Non!» Il va se prome- ner avec elle. «Et si je vous prends la main, cela ne vous sera pas désagréable? — Non!» Il lui prend la main. «Et si je vous mène dans le kiosque, cela ne fera rien ? — Non
1» Il la conduit dans le kiosque. «Et si
je vous jette sur le lit, si je me couche avec vous, vous ne ferez pas de résistance ? — Non !» L'officier l'étend et lui dit : «Et si je vous relève votre jupe, vous ne vous en fâcherez pas? — Non!» — Il relève la jupe, lui passe la jambe et lui demande: «Et si je vous f..., cela ne vous sera pas désagréable? — Non!» Il la travaille convenablement, se relève, s'étend à côté d'elle et lui demande nouveau : «Etes- vous contente maintenant ? — Non ? — Puis- que vous n'êtes pas contente, il faut vous
f..... une seconde fois!» Il la f... une
seconde fois et lui dit : «Et maintenant, êtes- vous contente? — Non!» Il crache et s'en va. La dame se lève et rentre à la maison. Le seigneur revient de son voyage et dit à sa femme : «Eh bien, tout s'est-il passé heureusement ? — Non ! — Quoi donc ? Quel- qu'un t'aurait-il f.....? - Non!» A tout
TRADUITS DU RUSSE 55
XXIV
LE MARI SUR LES ŒUFS
l y avait
une fois un moujik et sa femme; le moujik était paresseux, mais
la femme était laborieuse. Elle cultive la terre, tandis que le mari reste couché sur le poêle. Un jour qu'elle était allée la- bourer le champ, le moujik, resté à la mai- son pour faire le ménage et soigner les pou- lets, ne s'occupe de rien : il se couche pour dormir et oublie les poulets ; la corneille les enlève tous. Une petite couveuse, dans la cour, se sauve et l'appelle à son aide; mais bah! que l'herbe cesse de pousser! peu lui importe, La ménagère rentre et lui dit: «Où sont les poulets? — Ah, ma petite femme, il m'est arrivé malheur ! je me suis endormi, et la corneille me les a tous enlevés. — Ah, quel chien ! Eh bien maintenant, fils de
^-
ce qu'il demande, elle répond toujours : Non, non! Le seigneur lui-même n'est pas con- tent de la leçon qu'il lui a apprise.
56 CONTES
SECRETS
p....., assieds-toi sur les œufs et couve
toi-même les poulets.» Le jour suivant la ménagère va au champ, tandis que le moujik prend la corbeille aux œufs, s'établit dans la soupente, abaisse son caleçon et s'accroupit sur les œufs. Mais la femme n'était pas bête, elle* emprunte à un soldat congédié sa ca- pote et son schako, se déguise, arrive à la maison et crie de tous ses poumons: «Hé, patron! où es-tu?» Le moujik se précipite de la soupente et tombe sur le sol en même temps que les œufs. «Que fais-tu donc? — Militaire, mon petit-père, je garde la mai- son. — Est-ce que tu n'as pas de femme?
— J'en
ai une, mais elle travaille aux champs.
— Et
toi, pourquoi restes-tu à la maison?
— Je
couve des poulets. — Ah, fils de chienne!» et le militaire le frappe de toutes ses forces à coups de fouet en lui disant; «Tu ne dois pas rester à la maison, tu ne dois pas couver des poulets, tu dois tra- vailler, labourer la terre! — Je travaillerai, petit père, je labourerai, je le jure par Dieu, je travaillerai! — Tu mens, gredin!» La femme le bat, le bat, ensuite elle lève la jambe : «Regarde, fils de chienne, j'ai assisté à une bataille et j'y ai reçu cette blessure. Qu'en penses-tu? se guérira-t-elle, ou non,
TRADUITS DU RUSSE 57
cette blessure ?» Le moujik regarde le c.. de
sa femme et dit : «Elle se cicatrisera, petit père I» La femme sort, reprend ses habits de femme et revient à la maison. Le moujik est assis et pousse des soupirs. «Pourquoi pousses- tu des soupirs? — Un soldat est venu et m'a rudement battu à coups de fouet. — Pourquoi ? — il m'a ordonné de travailler. — Depuis longtemps tu devrais le faire I C'est dommage que je n'aie pas été à la maison, je l'aurais prié de frapper encore plus. — Ce qu'il y a de bon, c'est qu'il mourra bientôt! — Pourquoi cela? — Il a été à une bataille et il a reçu entre les
cuisses..... Il m'a montré sa blessure et
il. m'a dit : guérira-t-elle ? Je lui ai
répondu : elle se cicatrisera ; mais elle est bien rouge, et il a poussé de la mousse tout autour!» Depuis ce temps le moujik s'est mis au tra- vail et il va labourer, tandis que sa femme garde la maison*
58 CONTES
SECRETS
XXV
LE CHASSEUR ET LE SYLVAIN
HWk
chasseur parcourt le bois ; il marche, BJh*1
marche et ne tue rien; il cueille des noisettes et les grignote. Il vient à ren- contrer un vieux Sylvain. «Donne-moi des noisettes, dit celui-ci.» Le chasseur lui donne une balle. Le Sylvain la grignote, la grignote, mais il n'en peut venir à bout et s'écrie : «Je ne puis pas la grignoter.» Le chasseur lui dit: «Es-tu châtré, oui ou non? — Non. — C'est pour cela! Donne, que je te châtre, et tu pourras grignoter les noisettes.» Le Sylvain y consent. Le chasseur le prend,
lui pince la p... et les c.......entre les
trembles. «Laisse-moi, crie le Sylvain, laisse- moi! je ne veux plus de tes noisettes! — Tu radotes, tu en grignoteras!» Il lui coupe les œufs, le lâche et lui donne une bonne poignée de noisettes. Lé Sylvain le grignote. «Tu vois, je t'ai bien dit que tu les grigno- terais.» Le chasseur va d'un côté, le Sylvain va de l'autre et le menace: «C'est bien! quand tu viendras faire du feu dans la tou- raille, je te jouerai un tour!» Le chasseur
TRADUITS DU RUSSE 59
rentre à la maison, s'assied sur le banc et dit: «Ah, femme! je suis fatigué, va faire du feu dans la touraille.» La femme va dans le séchoir, arrange le feu et se couche contre le mur. Deux Sylvains arrivent et disent entre eux: «Mettons-nous le feu au séchoir ? — Non. Regardons auparavant s'il a une blessure comme celle qu'il t'a faite!» Ils regardent. «Ah, frère! elle est encore plus grande que la tienne ; vois, elle est plus large qu'un chapeau, et comme elle est rouge !» Et ils s'en retournent dans le bois.
XXVI
LE MOUJIK ET LE DIABLE
l était
une fois un moujik, qui avait semé des navets. Arrive le temps de les arracher; mais ils n'étaient pas mûrs. Le moujik contrarié s'écrie: «Que le diable vous emporte !» et il sort du champ. Un mois se passe, la femme du moujik lui dit: «Va au champ ; peut-être pourras-tu en rap- porter des navets.» Le moujik part, arrive
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au champ et voit que les navets sont grands, qu'ils ont magnifiquement poussé. Il se met en devoir de les arracher. Soudain arrive en courant un petit vieillard, qui crie au moujik: «Pourquoi voles-tu mes navets? — Comment, tes navets? — Ne me les as-tu pas donnés, quand ils n'étaient pas encore mûrs. J'ai pris de la peine, je les ai ar- rosés! — Et moi, je les ai semés. — Je ne le conteste pas, dit le diable; effectivement, c'est toi qui les as semés, mais je les ai arrosés. Voici ce que je te propose: Tu viendras au champ, monté sur ce que tu voudras, et moi aussi, de mon côté. Si tu reconnais sur quoi je suis venu, les navets t'appartiendront; si je reconnais sur quoi tu es venu, les navets seront à moi.» Le moujik y consent. Le jour suivant, il prend sa femme avec lui, vient au champ, la fait mettre à quatre pattes, lui retrousse sa jupe, lui enfonce une carotte dans le c.. et lui éparpille les cheveux sur la tête. Le diable, lui, attrape un lièvre, monte dessus, arrive et demande au moujik: «Sur quoi suis-je venu ? — Et que mange la bête, dit le mou- jik? — Elle mange du bouleau. — Alors c'est un lièvre.» Le diable reconnaît que le moujik a dit vrai; puis il tourne autour, il
TRADUITS DU RUSSE
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tourne autour et dit: «Ces cheveux sont la queue de l'animal, voilà la tête et il mange une carotte.» Le diable s'était tout à fait trompé : «Les navets sont à toi, moujik, dit- il.» Le moujik arracha les navets les vendit et vécut parfaitement.
LE MOUJIK FAISANT LA BESOGNE DE
l y avait
une fois un moujik avec sa
femme. On était arrivé à Tété, le temps de la moisson était venu: ils allaient aux champs moissonner. Chaque matin la femme éveille le moujik de bonne heure; il se rend au travail, la femme reste à la maison, elle chauffe le four, elle fait cuire le manger, elle remplit les cruches et porte à dîner à son mari, puis elle travaille avec lui jusqu'à la brune dans les champs. Le soir ils rentrent à la maison'et le lendemain ils recommencent Le travail vient à ennuyer le moujik: sa femme réveille et l'envoie au
XXVII
FEMME
6a
CONTES SECRETS
champ; mais lui ne se lève pas et gronde sa ménagère: «Non, p.....! Va, toi, la pre- mière, moi je reste à la maison. C'est tou- jours moi qui vais le matin aux champs, tandis que tu dors; quand tu viens me re- joindre, je me suis déjà éreinté à travailler.» Sa femme a beau le pousser, le moujik s'en- tête et ne répond que ce seul mot: «Je . n'irai pasl — C'est aujourd'hui samedi, ajoute la femme; il y a beaucoup de besogne à la maison : il faut laver les chemises, écraser du millet pour le gruau, pétrir, battre le pot de crème pour la beurre du lendemain • •. •» «Je ferai tout cela moi-même, dit le moujik. — Soit. Fais? Je te préparerai tout» Et elle lui apporte un gros paquet de chemises sales, de la farine pour le pétrin, le pot de crème pour le beurre, du millet. pour le gruau, lui ordonne en outre de veiller sur la poule et sur les poulets, puis elle-même prend une faucille et s'en va aux champs. «Bon ! je dormirai encore un peu,» dit le moujik, et il se remet à dormir, et il dort jusqu'au dîner. Il s'éveille au milieu du jour et il voit qu'il a du travail par- dessus les yeux; il ne sait par quoi com- mencer. Il prend les chemises, les lie et les porte à la rivière: il les plonge dans
TRADUITS DU RUSSE 63
Peau et les laisse: «Elles tremperont, je les suspendrai, je les ferai sécher, et tout sera prêt» Mais le courant de la rivière était rapide, toutes les chemises furent em- portées par l'eau et disparurent. Le moujik retourne à la maison, il met la farine dans le pétrin et verse de l'eau: «Laissons-là s'aigrirl» Il verse ensuite le millet dans le mortier et commence à le piler, mais il voit la poule, qui se promène dans le vestibule et les poulets éparpillés de tous les côtés. Il court aussitôt, attrape les poulets, leur lie à tous les pattes avec un cordon, les attache à la poule et se remet à piler le millet. Il se rappelle alors que le pot de crème est là et qu'il faut battre cette crème pour avoir du beurre. Il prend le pot et l'attache à son c.. : «Je pilerai le millet, et pendant ce temps la crème frappera contre mon c .. : de sorte que, de même coup, le gruau serarfait et le beurre sera battu!» Il pile donc le millet, et la crème bat contre son c... Mais la poule arrive dans la cour traînant tous les poulets après elle. Tout à coup le vautour apparaît: il enlève la poule et tous les poulets avec elle. La poule crie, les poulets piaillent; le moujik entend et se précipite dans la cour. En
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passant, le pot frappe contre la porte, se casse et toute la crème se répand. fl s'élance pour délivrer la poule des griffes du vautour et ne ferme pas la porte: les cochons entrent dans l'izba, culbutent le pétrin, mangent toute la pâte, puis découvrent le millet et dévorent tout Le moujik n'a pas rattrapé la poule et les poulets, il revient à l'izba: elle est pleine de cochons et plus sale que l'étable; il a peine à les chasser. Que faire maintenant? — se dit-il; la ménagère va venir, ce sera une belle scène! J'ai fait du bel ouvrage ! il n'y a rien à dire ! Je vais aller retirer les chemises de l'eau. Il attelle la jument et se dirige vers la rivière; il cherche, il cherche le linge; rien! rien! «Je le chercherai dans l'eau!» Il se déshabille, ôte sa chemise, sa culotte et entre dans l'eau ; il rôde de tous côtés, mais ne trouve rien; il abandonne la partie et remonte sur la berge; il regarde: plus de chemise, plus de culottes: quelqu'un les lui a volées. Que faire ? il n'a rien pour se couvrir, il faut s'en aller tout nu au village. «J'arracherai de la grande herbe, dit-il, j'en envelopperai ma p •.., je m'assiérai dans le t é 1 é g a et je m'en irai à la maison: je n'aurai pas honte ainsi!» Il arrache de la grande herbe verte, il en
TRADUITS DU
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entoure sa p... et va détacher les guides du cheval. La jument voit de l'herbe, l'at- trape avec ses dents et l'arrache ainsi que la p... Le moujik pousse des cris de dou- leur, il regagne à grand'peine son izba, se traîne dans un coin et s'assied dans l'angle. «Eh bien, quoi ? tout est-il préparé ? — Tout, ma chère femme! — Où sont les chemises?
— Le
courant les a emportées. — Et la poule avec les poulets ? — Le vautour les a enlevés. — Et la pâte, et le millet? — Les cochons les ont mangés. — Et la crème?
— Je
l'ai toute renversée. — Et ta p..., où est-elle? — La jument l'a avalée. — Ahl fils de chienne! tu as fait de la belle be- sogne!»
XXVIII LA FEMME DE L*AVEUGLE
l y avait
une fois un seigneur et sa femme. Le seigneur était aveugle, et la dame faisait l'amour avec un commis. Le seigneur se dit : «ma femme ne paillarderait- elle pas avec quelqu'un?» et il ne lui laisse
KçvnTcâia.
i. 5
66 CONTES
SECRETS
pas faire un pas sans lui. Que devenir? Un jour elle va au jardin avec son mari, le commis y vient aussi La dame avait envie de se donner au commis. Le seigneur aveugle s'assied sous un pommier et la dame fait son affaire, avec le commis. Un voisin, dont la fenêtre donnait sur ce jardin, voit de sa maison ce qui se passe: le commis est sur la dame; ce voisin dit à son épouse: «Regarde donc, ma chère amie, ce qu'on fait sous le pommier. Qu'arriverait-il si Dieu ouvrait maintenant les yeux à l'aveugle et qu'il vît cette scène ? — Sans doute il la tuerait — Oh, ma chère amie ! Dieu inspirerait une excuse à notre sœur. — Quelle excuse? — Tu le saurais alors.» Dieu, en effet, ouvre à ce m ^ment les yeux au seigneur aveugle, qui voit le commis sur sa femme et s'écrie:
«Ahgredine! que fais-tu, maudite p.....?»
La dame répond: «Oh, comme je suis con- tente, mon cher amil Cette nuit, j'ai fait un songe: «Pèche, me disait-on, avec tel commis, et Dieu ouvrira les yeux à ton man. Je vois que c'était la vérité. Dieu a récom- pensé ma peine en t'ouvrant les yeux.»
traduits du russe 67
XXIX
LE TÉTRAS (COQ DE BRUYÈRE)
chasseur
avait couru pendant deux jours dans la forêt et n'avait rien tue ; le troisième jour, il se fit cette promesse:
échange de la bête. Il entre dans la forêt, tombe sur un tétras et le tue. Il retourne chez lui. De sa fenêtre, une châtelaine aperçoit le chasseur, elle voit qu'il porte un tétras et le fait venir dans sa chambre, «Combien le tétras? demande la châtelaine.
— Ce
tétras n'est pas à vendre, répond le chasseur; j'ai fait un serment. — Quel ser- ment ? — Quand je suis parti pour la chasse, je me suis fait cette promesse : si je tue quel- que chose, je f......en échange de la bête.
— Je
ne sais comment faire, dit la dame. J'ai envie du tétras, je le veux absolument! Il faut que l'affaire s'arrange. Mais j'aurais honte de me coucher sous toi ... — Eh bien, je m'étendrai dessous, et toi, châtelaine, tu te coucheras sur moi.» Ainsi fut fait. «Allons, moujik, donne-moi le tétras? — Pourquoi te le donnerais-je ? C'est toi qui
si je tue quelque chose, je f
en
68 CONTES
SECRETS
m'a f.. • •, ce n'est pas moi qui t'ai f....» La châtelaine ne voulait pas perdre le tétras: «Allons, dit-elle, monte sur moi!» Le moujik fait une seconde fois son affaire à la dame. «Donne le tétras? — Pourquoi te le donnerais - je ? Nous sommes quitte seulement. — Allons, monte encore une fois sur moi,» dit la châtelaine. Le moujik monte sur la dame et la travaille pour la troisième fois. «Voyons, donne le tétras ?» Il n'y avait rien à faire. Quelque regret qu'il en eût, le moujik donna le tétras à la châtelaine et s'en alla.
XXX
LA RÉPONSE DU PRÉLAT
nui* y avait une fois un général et un prélat. Un jour qu'ils étaient en con- versation, le général dit au prélat: «Eminence! nous autres,- pécheurs, nous ne pouvons
vivre sans pécher, sans f....., mais vous,
comment faites-vous pour ne pas pécher de toute votre vie?» Le prélat répond: «En* voyez demain chez moi chercher la réponse.»
TRADUITS DU RUSSE
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Le pur suivant, le général dit à son laquais : «Va chez le prélat, demande-lui sa réponse.» Le laquais se rend chez le prélat; un frère convers Pannonce. «Qu'il attende I» dit le prélat. Le laquais se tient debout pendant une heure, pendant deux heures, pendant trois heures : pas de réponse ; il dit au frère convers: «Rappelle-moi à Son Eminence. — Qu'il attende encore!» répond le prélat Le laquais se tient debout longtemps, long- temps, puis il perd patience, se couche, s'assoupit et dort jusqu'au matin. Il revient alors vers le général et lui dit : «J'ai attendu jusqu'au matin, mais il ne m'a pas donné de réponse. — Retourne près de lui, dit le général, et demande une réponse, absolu- ment.» Le laquais part et arrive chez le prélat; celui-ci le fait venir dans sa cellule et lui dit: «Tu as attendu debout chez moi, hier? — Je me suis tenu debout — Et en- suite n'est-ce pas, tu t'es couché et tu t'es endormi? — Je me suis couché et je me suis endormi. — Eh bien, il en est de même pour ma p...: elle se dresse, se tient debout, ensuite elle retombe et s'endort. Rapporte cela au général. Ce sera ma réponse.»
70
CONTES SECRETS
XXXI
LA SEMAILLE DE P.,.
l y avait
une fois deux moujiks, qui labouraient la terre et qui étaient allés semer du seigle. Vient à passer un vieillard; il s'approche de l'un des moujiks et lui dit: «Bonjour, mon petit moujik! — — Bonjour, mon petit vieux! — Que sèmes- tu? — Du seigle, vieux grand-père 1
— Que Dieu te vienne en aide ! ton seigle sera haut et plein de grains !» Le vieillard s'approche de l'autre moujik : «Bonjour, mon petit mou- jik! — Bonjour, mon petit vieux I — Que sèmes-tu? — Qu'as-tu besoin de le savoir?
Je sème des p____— Bien, il te poussera
des p .... !» Le vieillard s'en va ; les mou- jiks sèment le seigle, hersent et retournent chez eux. Quand vient le printemps, que les pluies, tombent, dans le champ du pre- mier moujik, le seigle pousse épais et haut; dans le champ du second, poussent des p ... à tête rouge, en telle quantité qu'elles oc- cupent toute la dessiatine*; on ne peut
* La dessiatine = ibecure,
09a.
TRADUITS DU RUSSE 71
poser le pied nulle part: partout des p .... Les moujiks viennent voir comment leur seigle a poussé. L'âme de l'un se réjouit en regardant son champ, le cœur de l'autre se serre: «Que vais-je faire, se dit-il, de ces satanées machines?» Le temps passe, la moisson arrive, les moujiks se rendent à leur champ; l'un se met à moissonner le seigle; l'autre regarde: sur son champ ont poussé des p . •. • d'une demi-archine*: elles se dressent avec leurs têtes rouges, comme des têtes de pavots. Le moujik regarde, re- garde, hoche la tête et retourne chez lui; il rassemble des couteaux, les aiguise bien, se munit de fil et de papier, retourne à sa dessiatine et commence à couper les p ....: A mesure qu'il en coupe une paire, il l'en- veloppe dans du papier, la lie soigneuse- ment avec le fil et la place dans le télé g a. Il les coupe toutes et les porte à la ville pour les vendre: «menons-les, se dit-il. et voyons s'il ne se trouvera pas quelque niaise pour en acheter une paire!» Il les conduit le long de la rue et crie de toute la force de ses poumons: «Qui veut des p..... des p...., des p....! A vendre de superbes
L'archin* = o»,
7x1.
7*
CONTES SECRETS
p...., p...., p....l Une dame entend ces
cris; die envoie sa femme de chambre : «Va vite, et demande à ce moujik ce qu'il vend ?» La jeune fille court : «écoute, petit moujik, que vends-tu? — Des p...., madame!» Elle revient dans la chambre et n'ose pas donner réponse à sa maîtresse: «Parle donc, sotteI loi dit la dame, n'aie pas honte! Allons, que vend-il? — Voici, madame. Le vilain vend des p,...! — Quelle sotte tu fais! Cours vite, rejoins-le et demande-lui à quel prix il m'en vendra une paire?» La jeune fille retourne vers le moujik et lui dit : «Com- bien la paire? — Le dernier prix, cent roubles.» Quand la jeune fille rapporte la réponse à la dame, celle-ci tire aussitôt cent roubles de sa bourse : «Tiens, va, lui dit-elle, mais, Eus bien attention, choisis bien les plus belles, les plus longues et les plus grosses.» La jeune fille porte l'argent au moujik et lui dit: «Seulement, je t'en prie, petit mou- jik, donne m'en des meilleures. — Elles sont toutes bonnes chez moi!» La femme de chambre choisit une paire de bonnes p...., les apporte et les présente à la dame; celle- ci les examine et elles lui paraissent magni- fiques. Elle se hâte de se les mettre là où il convient, mais elles n'entrent pas : «Est-ce
TRADUITS DU RUSSE 73
que le moujik t'a dit comment il faut les commander pour qu'elles travaillent? de- mande-t-elle à la jeune fille. — Il ne m'a rien dit. madame. — Eh, sotte 1
retourne de k suite et demande-le-lui.» La jeune fille court de nouveau près du moujik: «écoute, petit moujik, dis-moi comment il faut commander à ta marchandise pour qu'elle travaille?» Mais le moujik lui répond : «Si tu me donnes encore cent roubles, je te le dirai!» La femme de chambre revient à la hâte près de sa maîtresse: «Ah, voilai il ne veut pas le dire pour rien, madame; il demande en- core cent roubles* — Deux cents roubles pour une mécanique semblable, ce n'est pas cherl» Le moujik prend cette seconde centaine de roubles et dit: «Quand ta mal- tresse en aura envie, elle n'aura qu'à dire: No, not» La dame se couche de suite sur le lit, relève sa jupe et commande : no, no! Les deux p.... s'attachent à elle et com- mencent à la chauffer de telle sorte qu'elle n'en est plus satisfaite et qu'elle ne peut les retirer* Comment sortir de ce mauvais pas ? Elle dépêche sa femme de chambre: «Va, rejoins ce fils de chienne, et demande-lui ce qu'il faut dire pour qu'elles me quittent. La jeune fille court à toutes jambes : «Écoute,
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CONTES SECRETS
petit moujik, que faut-il dire pour que les p •... se détachent de ma maîtresse : elles Pont tout à fait martyrisée! Le moujik lui répond: «Si tu me donnes encore cent roubles, je te le dirai!» La jeune fille court à la maison, sa maîtresse gît sur le lit à demi-morte. «Prends dans ma commode, ' lui dit-elle, les derniers cent roubles et porte- les vite à ce vilain, car je me meurs !» Le mou- jik prend cette troisième centaine et répond: »Qu'elle dise seulement: tirrou; elles se retireront aussitôt.» La femme de chambre revient en courant et voit que sa maîtresse a déjà perdu connaissance et que sa langue est pendante ; elle crie elle-même aux p.... : tirrou! Toutes deux sortent immédiate- ment. La dame est soulagée, elle se lève du lit, prend et cache les p...., et elle vit dans la béatitude: chaque fois qu'il lui en prend envie, elle a recours à leur ministère, elle commande, et aussitôt les p.... se mettent à la travailler, jusqu'à ce qu'elle crie: tirrou!*
* Variants: Le moujik apprend à la dame à
dire: no —■ tirroul no — tirroul Elle dit: no, la p... entre dans la fente; elle dit: tirrou, la p... en sort, etc. etc.
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Un jour il arrive à la dame d'aller en visite dans un autre village, et elle oublie de prendre ces p .... avec elle. Elle reste chez ses hôtes jusqu'au soir et s'ennuie: elle s'apprête à rentrer à la maison. Ils insistent pour qu'elle passe la nuit chez eux. «C'est tout à fait impossible, dit la dame, j'ai oublié chez moi une mécanique secrète, sans laquelle je ne puis m'endormir ! — Si vous voulez, répondent les maîtres de la maison, nous l'enverrons chercher par un exprès sûr, qui vous l'apportera intacte.» La dame accepte. Sur-le-champ ils ordonnent à un laquais de seller un bon cheval, d'aller chez la dame et de rapporter l'objet. «Adresse-toi, lui dit la dame, à ma femme de chambre: elle sait où j'ai caché la ma- chine.» Le laquais arrive, la femme de chambre lui apporte deux p...., toutes deux enveloppées dans du papier et les lui donne. Le laquais les met dans sa poche de derrière monte à cheval et retourne sur ses pas. Sur son chemin se présente une montagne à gravir; le cheval était paresseux, et dès que le laquais commence à le talonner en disant : no, no, voilà que les p.... sautent toutes deux hors de la poche et lui chauffent le cul. Le laquais est tout épouvanté. Quel
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CONTÉS SECRETS
prodige est-ce donc et qui est-ce qui les pousse, les maudites ? Il est sur le point de pleurer et ne sait que devenir! Mais le cheval se met à descendre rapidement la montagne, le laquais lui crie: tirrou! Les p.... se retirent aussitôt. Il les ra- masse, les enveloppe dans le papier, les apporte et les donne à la dame. «Eh bien, quoi! cela s'est-il passé heureusement? demande la dame. — Que le diable les em- porte, dit le laquais; si je n'avais pas ren- contré une montagne sur mon chemin, elles m'auraient f.... jusque dans la cour !» *
* Variante: La dame avait ordonné au
laquais d'apporter son secret dans un petit coffre, et de n'y pas regarder, de ne pas céder à la curiosité de savoir ce que c'était que cette machine. Le laquais n'y tient pas et regarde, chemin faisant ; il examine et dit en hochant la tête: nou, nou, noul» Aussitôt les deux p.... lui entrent dans le cul et le tourmentent longtemps. Mais heureusement vient à passer un moujik avec un bon cheval et ce moujik crie à sa bête : tirroul Les p.... alors se retirent d'elles-mêmes.
TRADUITS DU RUSSE
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XXXII
L'ANNEAU ENCHANTÉ
Airs certain empire, dans certain
EJSgroyaume,
il y avait une fois trois frères paysans, qui se querellèrent entre eux et partagèrent leur bien: ils ne firent pas les parts égales, et le sort accorda beaucoup, aux aînés, très-peu au plus jeune. Tous trois étaient garçons. Ils sortent ensemble dans la cour et se disent Tun à l'autre: il est temps de nous marier! «C'est bon pour vous, dit le plus jeune frère, vous êtes riches, et les riches trouvent à se marier ; mais que pourrais-je faire, moi ? Je suis pauvre, je n'ai pas une bûche; pour toute fortune, je n'ai qu'une p... sur les genoux !» Précisément à ce moment-là passait une fille de marchand, elle entend cette conversation et se dit en elle-même: «Ah, que ne puis-je avoir ce jeune homme pour mari ! il a une p.. • qui descend jusqu'aux genoux!» Les deux frères aînés se marient, le cadet reste célibataire. La fille de marchand, rentrée à la maison, n'a autre chose dans la tête que de se ma- rier avec lui; plusieurs riches marchands
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recherchent sa main, mais elle les refuse. . «Je n'en épouserai pas, dit-elle, un autre que ce jeune homme.» Son père et sa mère cherchent à Ten détourner. «A quoi penses- tu, sotte! reviens à la raison! pourquoi épouser un moujik pauvre!» Elle répond: «Ne vous occupez pas de cela! ce n'est pas vous qui vivrez avec lui!» La fille de mar- chand s'entend avec la marieuse et l'envoie dire au jeune garçon de venir sans faute la demander en mariage. La marieuse va le trouver et lui dit : «Écoute, mon petit pigeon ! pourquoi bayes-tu aux corneilles ? va deman- der en mariage la fille du marchand. Elle t'attend depuis longtemps déjà et t'épousera avec joie.» Le jeune homme s'apprête de suite, il met un nouveau sarrau, prend son chapeau neuf et s'en va tout droit chez le marchand lui demander sa fille en mariage. Quand la fille de marchand le voit, quand elle reconnaît que c'est bien celui-là même dont la p... descend sur les genoux, elle ne perd point de temps, elle commence à demander à son père et à sa mère leur bénédiction paternelle et maternelle pour une union indissoluble. Elle se couche avec son mari pour la nuit de noces et voit qu'il n'a qu'une petite p..., plus petite que le
TRADUITS DU RUSSE
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doigt «Oh, gredin ! s'écrie • t - elle. Tu te vantais d'avoir la p... sur les genoux, qu'en as-tu fait ? — Ah, chère femme ! tu sais que j'étais un célibataire très-pauvre; quand je me disposai à jouer au mariage, je n'avais ni argent, ni rien pour m'en procurer, et j'ai mis ma p . en gage. — Et pour combien l'as-tu mise en gage ? — Pour peu de chose, pour cinquante roubles. — C'est boni de- main j'irai trouver ma mère, je lui deman- derai l'argent et tu iras sans faute retirer ta p...; si tu ne la rachètes pas, ne rentre pas à la maison!» Elle attend jusqu'au matin, court aussitôt trouver sa mère et lui dit: «Accorde-moi une grâce, petite mère! donne-moi cinquante roubles, j'en ai absolu- ment besoin! — Mais dis-moi pourquoi tu en as besoin? —■ Voici, petite mère: mon mari avait une p.. • qui lui descendait jus- qu'aux genoux. Quand nous avons voulu nous marier, il ne savait où trouver de l'ar- gent, le pauvre homme, et il a mis sa p... en gage pour cinquante roubles. Maintenant mon mari n' a qu' une petite p . • •, plus petite que le doigt, il faut donc absolument racheter son ancienne p...» La mère, com- prenant ce besoin, tire cinquante roubles de sa bourse et les donne à sa fille. Celle-ci
8o
CONTES SECRETS
revient à la maison, donne l'argent à son mari et lui dit : «Allons, cours maintenant au plus vite racheter ton ancienne p..,, afin que les étrangers ne s'en servent pas!» Le jeune homme prend l'argent et s'en va le regard à terre; il marche et réfléchit. Où donner de la tête maintenant? où trouver à ma femme une p... pareille ? Allons à la bonne aventure. Il va, il vient, il marche vite, il marche lentement, et enfin rencontre une vieille femme» «Bonjour, bonne femme !
— Bonjour,
bon homme! où vas-tu de ce pas? ~ Ah, bonne femme! si tu savais, si tu connaissais mon chagrin, si je pouvais te dire où je vais ! — Raconte-moi ton cha- grin, mon petit pigeon, peut-être pourrai-je te venir en aide- — J'ai honte de le dire!
— Ne
crains rien, n'aie pas honte, parle har- diment! — Eh bien, voici, bonne femme! Je m'étais vanté d'avoir la p •.. sur les genoux, une fille de marchand, qui avait en- tendu cela, m'a épousé, mais quand elle a couché avec moi la nuit des noces et qu'elle a vu que je n'avais qu'une petite p..., plus petite que le doigt, elle s'est récriée et m'a demandé ce que j'avais fait de ma grande p... Je lui ait dit que je l'avais mise en gage pour cinquante roubles, elle m'a donné
TRADUITS DU RUSSE Si
l'argent et m'a dit de la racheter sans faute, ou sinon, de ne pas reparaître à la maison. Je ne sais que faire pour contenter ma petite pigeonne h» La vieille lui répond: «Donne- moi ton argent, et je trouverai un remède à ton chagrin.» Il tire de suite les cinquante roubles de sa poche et les lui donne; la vieille lui remet un anneau. «Tiens, lui dit- elle, prends cet anneau, mets-le seulement jusqu'à l'ongle.» Le jeune homme prend l'anneau, et il ne l'a pas sitôt mis jusqu'à l'ongle, que sa p... s'allonge d'une coudée. «Eh bien, quoi ? demande la vieille, ta p ... va-t-elle jusqu'aux genoux? — Oui, bonne femme! elle descend même plus bas que les genoux. — Maintenant, mon petit pigeon, passe l'anneau au doigt tout entier.» Il passe l'anneau au doigt tout entier : sa p ... s'allonge de sept verstes*. «Eh, bonne femme! où vais-je la logef. Il m'arrivera malheur avec elle. — Remonte l'anneau à l'ongle, elle n'aura plus qu'une coudée. Te voilà renseigné. Fais attention, ne mets jamais l'anneau que jusqu'à l'ongle.» Il remercie la vieille femme et reprend le chemin de
* La venu =;
1066
ro*t*••, 781. KçunràSia. i.
t
82 CONTES
SECRETS
la maison; il marche et se réjouit de ne pas reparaître devant sa femme les mains vides. Il marche, il marche, et il lui prend envie de manger. Il se retire un peu à l'écart, s'assied non loin de la route au pied d'une bardane, tire de sa besace des biscuits, les trempe dans l'eau et les mange. Il lui prend envie de se reposer: il se couche, le ventre en l'air et joue avec l'anneau: il le met à l'ongle, sa p... se dresse à la hauteur d'une coudée ; il /le passe dans le doigt tout entier, la p... monte à la hauteur de sept verstes; il ôte l'anneau, et sa p... devient petite comme autrefois. Il examine, il examine l'anneau, et il s'endort ainsi: il oublie-de cacher l'anneau, qui reste sur sa poitrine. Vient à passer en calèche un seigneur avec sa femme; il voit non loin de la route un moujik endormi, et sur sa poitrine brille un anneau, comme de la braise ardente au soleil. Le seigneur arrête ses chevaux et • dit à son laquais : «Approche-toi de ce mou- jik, prends l'anneau et apporte-le-moi.» Aussitôt le laquais court vers le moujik et rapporte l'anneau au seigneur. Ils continuent leur route. Le seigneur admire l'anneau: «Regarde donc, ma chère amie, dit-il à sa femme, quel magnifique anneau ! voyons,
ê
TRADUITS DU RUSSE 83
que je le passe à mon doigt.» Et il le passe au doigt tout entier. Sa p... s'allonge, elle renverse le cocher de son siège, atteint une jument droit sous la queue, pousse la jument et fait partir la calèche en avant. La dame voit qu'un malheur-va arriver, elle s'effraie grandement et crie de toute sa force au laquais: «Cours au plus vite vers le moujik et ramène le icil» Le laquais se précipite vers le moujik, l'éveille et lui dit: «Viens vite, mon petit moujik, vers mon maître!» Le moujik cherche son anneau. «Malédic- tion! tu m'as pris mon anneau? — Ne le cherche pas, dit le laquais; viens vers mon maître, il a ton anneau, qui nous cause un grand embarras.» Le moujik court vers la calèche. Le seigneur lui dit: «Pardonne- moi! viens à mon aide dans mon chagrin! — Que me donneras-tu, seigneur? — Voilà cent roubles! — Donne m'en deux cents et je te délivrerai!» Le seigneur tire deux cents roubles de sa poche, le moujik prend l'argent et retire l'anneau du doigt du seigneur, la p... disparaît comme par en- chantement et il ne reste au seigneur que sa petit p... d'auparavant.* Le seigneur
* Variants: Le moujik est las de
marcher, il s'étend
6*
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part et le moujik s'en va à la maison avec l'anneau. Sa femme est à la fenêtre et le voit venir; elle court à sa rencontre: «L'as- tu rachetée, lui demande-t-elle ? — Je F ai rachetée. — Montre! — Viens dans la chambre, je ne peux pas te la montrer de- hors!» Ils entrent dans la chambre. La femme ne cesse de répéter : «Montre, montre !» Il met l'anneau à son ongle, sa p... s'al- longe d'une coudée; il la tire de son cale- çon et dit: «Regarde, femme!» La femme
à côté de la route, s'endort et oublie
d'ôter l'anneau de son doigt. L'anneau coule de l'ongle au bas du doigt, la p ... s'allonge de sept verstes, elle est étendue en travers du chemin comme un billot de châne. Tout à coup un jeune seigneur arrive en troïka* au galop de trois bons chevaux, il heurte la p .., crac I l'essieu se casse en deux morceaux. Quel est donc ce prodige? Ils arrivent le long de la p... jusqu'au moujik, le seigneur l'éveille : «Pourquoi, lui dit-il, as-tu une p... si grande ?» Le moujik raconte l'histoire. «Vends-moi l'anneau ? — Volontiers. — Combien en veux-tu ? — Cent roubles.» Le seigneur paie et poursuit sa route ; il passe l'anneau au doigt tout entier et ne sait plus que faire de sa p»..; il n'est pas content de l'anneau. Il retourne près du moujik: «Remets ma p... dans son premier état !» Le moujik lui demande pour cela encore cent roubles et retire l'anneau de la main du seigneur.
* Équipage à trois chevaux.
TRADUITS DU RUSSE 85
lui saute au cou: «Mon cher petit mari! voilà un instrument qui sera mieux chez nous que chez les étrangers. Allons vite dîner, puis nous nous coucherons et l'essaierons!» Elle met de suite sur là table toutes sortes de mets et de boissons, elle le fait boire et manger. Ils dînent et vont se coucher. Quand, avec cette p..., il eut enfilé sa femme, celle-ci, pendant trois jours entiers, regarde sous sa jupe : il lui semble toujours que la p... lui pousse entre les jambes. Elle se rend en visite chez sa mère; pendant ce temps, son mari va dans le jardin et se couche sous un pommier. «Eh bien, demande la mère à la fille, avez-vous racheté la p... ? — Nous l'avons rachetée, petite mère !» La marchande ne songe plus qu'à une chose: se dérober, en profitant de ce que sa fille est chez elle, courir chez son gendre et essayer sa grande p... Pendant que la fille cause, la belle- mère arrive chez le gendre, et court au jardin: le gendre dort, l'anneau est à l'ongle, la p... se dresse à la hauteur d'une coudée. «Je vais monter sur sa p..., se dit la belle- mère;» elle monte, en effet, sur la p... et s'y balance. Mais par malheur l'anneau glisse jusqu'au bas du doigt du gendre en- dormi, et la p... enlève la belle-mère- à
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CONTES SECRETS
sept verstes de hauteur. La fille s'aperçoit que sa mère est sortie, elle devine pourquoi et se hâte de retourner chez elle: personne dans l'izba; elle va au jardin, et que voit- elle ? son mari dort, sa p... s'élève à une grande hauteur, et tout en haut est la belle- mère, à peine visible, et qui, lorsque le vent souffle, tourne sur la p... comme sur un pieu. Que faire ? comment ôter sa petite mère de dessus la p... Une foule énorme est accourue; on discute, on donne son avis. Les uns disent: il n'y a rien autre chose à faire que de prendre une hache et de couper la p..., les autres s'écrient : non, c'est un mauvais moyen! Pourquoi perdre deux âmes ? aussitôt que la p... sera coupée, la femme tombera et se tuera. Il vaut mieux prier Dieu, peut-être par quelque miracle la vieille se dégagera-1-elle. Pendant ce temps, le gendre s'éveille, il voit que son anneau est descendu au bas du doigt, que sa p... s'élève vers le ciel à la hau- teur de sept verstes et le cloue lui-même solidement sur la terre, de telle sorte qu'il ne pourrait pas se tourner sur l'autre flanc. Il retire tout doucement l'anneau de son doigt, sa p... descend à la hauteur d'une coudée, et le gendre voit que sa belle-mère
TRADUITS DU RUSSE
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est suspendue au dessus: «Comment te trouves-tu là, petite mère? — Pardonne, mon petit gendre, je ne le ferai plus!»*
(Autre version.)
Il était une fois un tailleur, qui avait un anneau enchanté; quand il le mettait à son doigt, sa p... s'allongeait. Il lui arrive un jour de travailler chez une dame, et il était si plaisant et si badin que, lorsqu'il se couchait, il ne couvrait jamais sa p... La dame s'aperçoit qu'il a une très-grande p ..., il lui vient grande envie de faire l'essai de cet outil et elle mande le tailleur près d'elle.**
* Variante : Le gendre était couché
dans l'izba ; sa p ... se dressait d'une coudée ; la belle-mére va dans le foin, monte sur la p ... et s'y balance ; l'anneau glisse en bas du doigt, la p ... monte de plus en plus haut, elle perce le plafond, perce le toit et s'élève avec la belle-mère par-dessus les cheminées.
** Variante: Il y avait une fois un
pauvre, qui avait une p ... de cuivre. Il était entré chez un mar- chand comme ouvrier. Un jour qu'il se lavait, la fille du marchand voit qu'il a une grande p ... et l'épouse. Jean
avait un anneau enchanté..... (Suit
l'histoire de la
belle-mère.)
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CONTES SECRETS
«écoute, lui dit-elle, il faut que tu consentes à pécher avec moi, une fois seulement!» — Pourquoi pas, chère dame 1
à une condition toutefois: à la condition que tu ne péteras pas ! Si tu pètes, tu me donneras trois cents roubles. — Bien, dit la dame !» Ils se couchent; la dame s'efforce, autant que faire se peut, de ne pas péter sous le tailleur: elle a or- donné à sa jeune femme de chambre de pré- parer un gros oignon, de lui en boucher le- cul et de le tenir fortement des deux mains. Celle-ci enfonce l'oignon dans le cul de la dame et le retient solidement; mais quand le tailleur lui monte dessus, il la presse tellement, que l'oignon vole là où l'on f... ta mère et va frapper la femme de chambre, qui en est presque tuée ! La dame perd les trois cents roubles. Le tailleur prend l'ar- gent et s'en va; il marche, il marche, en long, en large, et se couche dans un champ pour se reposer; il met l'anneau à son doigt: sa p ... s'étend de la longueur d'une verste; il reste couché, il reste couché et s'endort Sept loups, venus on ne sait d'où, mordent à la p... et s'en rassasient. Le tailleur s'éveille, comme si des mouches lui avaient piqué la p... Il ôte l'anneau de sa main, le cache dans sa poche et poursuit sa route*
TRADUITS DU RUSSE 89
Il marche, il marche, et vient coucher chez un moujik. Ce moujik avait une femme jeune, qui aimait beaucoup les grandes p.... Le tailleur se couche dans la cour et laisse sa p... à découvert. La femme du moujik le voit: comment va-t-elle s'y prendre? Elle s'approche, relève sa jupe et met la p... d'autrui dans son c. • Le tailleur s'en aper- çoit; l'affaire va bien: il met tout douce- ment l'anneau à son doigt, sa p... s'al- longe de plus en plus et s' élève à la hauteur d'une verste. La femme ne songe plus à f...., elle saisit la p... à deux mains. De bonnes gens, des voisins, des connaissances voient que la femme est plan- tée au dessus de la p..., ils se mettent en prière: tous deux seront sains et saufs! Le tailleur retire tout doucement son anneau de sa main, sa p... s'abaisse et la dame en descend. «Eh, c •. insatiable ! tu ne serais plus en vie, s'ils avaient coupé la p... !»
QO CONTES
SECRETS
xxxm
LA DAME EXCITÉE
Airs certain empire, dans certain roy- aume, vivait autrefois un riche moujik;
il avait un fils du nom de Jean. «Pour- quoi n'entreprends-tu rien, fils?» lui dit le père. — «Je veux bien essayer! Donne-moi cent roubles et ta bénédiction pour un mé- tier.» Le père lui donne cent roubles. Jean Ven va à la ville. Il passe devant un châ- teau et voit la dame dans le jardin: elle était très-belle de sa personne; il s'arrête et la regarde à travers la grille. «Pour- quoi restes-tu là planté, jeune homme!» lui demande la dame. — Je te regarde, belle dame: tu es singulièrement jolie! si tu veux me montrer tes jambes jusqu'aux jarretières, je te donnerai cent roubles!» — «Pourquoi ne te les montrerais-je pas? Tiens, regarde!» dit la dame, et elle relève sa robe. Il lui donne les cent roubles et retourne à la maison. «Eh bien, fils, demande le père, quel commerce as-tu entrepris ?» — «Ce que j'ai fait des cent roubles? J'ai acheté du terrain et du bois pour construire une bou-
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tique; donne-moi encore deux cents roubles pour payer les charpentiers.» Le père lui donne les deux cents roubles; le fils re- tourne et se poste devant le même jardin. La dame le voit et lui dit: «Pourquoi es tu revenu, jeune homme?» — Laisse-moi entrer dans le jardin, belle dame, et montres- moi tes genoux: je te donnerai deux cents roubles.» Elle le laisse entrer dans le jar- din, relève ses jupes et lui montre ses genoux. Le jeune homme lui donne l'argent, la salue et retourne à la maison. «Eh bien, fils, est-ce bâti? — C'est bâti, petit père, donne- moi trois cents roubles pour acheter les marchandises.» Le père lui donne trois cents roubles ; le fils se dirige aussitôt vers le jar- din de la dame, s'arrête et regarde à travers la grille. Mais le père s'est dit: «Je vais sortir et voir un peu son commerce.» Il le suit et l'espionne. «Pourquoi es-tu revenu, jeune homme?» lui demande la dame. Le jeune gars lui répond: «Ne te fâche pas, belle dame, de ce que je vais te dire: per- mets que j'introduise ma p... entre les bords de ton c.., et je te donnerai trois cents roubles. — Volontiers!» Elle le fait entrer dans le jardin, reçoit l'argent et se couche sur l'herbe. Le jeune gars met bas
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son caleçon et fait jouer tout doucement sa p... entre les lèvres ; la dame est telle- ment excitée, qu'elle lui dit'elle-même: «En- fonce au milieu! je t'en prie, enfonce!» Mais le gars ne veut pas. «Je t'ai demandé seu- lement à la mettre entre les lèvres! — Je te rendrai tout ton argent,» lui dit la dame. «Non, vraiment! je m'en tiendrai aux lèvres. — Tu m'as donné six cents roubles, je t'en donnerai douze cents; seulement, enfonce au milieu!» Le père regarde, regarde; il perd patience et crie de derrière la grille: «Accepte, fils! cent pour cent, c'est un beau bénéfice!» La dame entend, se dégage et se sauve. Le jeune homme reste sans argent et se retourne furieux contre son père: «Qui fa prié de crier ainsi, vieux navet?»
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XXXIV
A LA MANIÈRE DES CHIENS
H Bill ans
un certain empire, il était autre- BtflJ fois un noble, et ce noble avait une fille, une beauté. Elle va un jour se pro- mener, et un laquais la suit par derrière; il se dit en lui-même: «Eh! le beau mor- ceau! Je ne désirerais, ce me semble, rien
autre chose dans ce monde: la f.....une
fois seulement, et puis mourir; cela ne me paraîtrait pas enrayant» Il songe, il songe, il perd patience et dit tout bas: «Ah, la belle jeune maîtresse ! que ne puisse te f..... ne fût-ce qu'à la manière des chiens!» La jeune maîtresse a entendu ces paroles ; quand on est rentré à la maison, elle attend la nuit et fait appeler le laquais: «Avoues-tu, mauvais sujet! s'écrie-t-elle, ce que tu as dit quand je suis allée me promener? —«■ Je vous demande pardon, maîtresse! j'ai dit cela sans réflexion.
v— Allons, puisque tu l'as voulu, fais à l'instant comme les chiens, ou je dirai tout à papa •..»
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SECRETS
XXXV
LES DEUX ÉPOUSES
œ'j
y avait une fois deux marchands, tous deux mariés et qui vivaient entre eux amicalement et affectueusement. Voilà que Tun des marchands dit à l'autre : «Écoute, frère! faisons une épreuve, voyons laquelle de nos deux femmes aime le plus son mari. — Je le veux bienl Mais comment ferons-nous cette épreuve? — Voici comment: nous nous mettrons en route pour la foire de Makariefsky, et celle des deux femmes qui pleurera le plus, sera celle qui aime le plus son mari.» Ils font donc leurs apprêts de voyage, et leurs femmes les accompagnent: Tune d'elle pleure et s'arrose de larmes, l'autre fait ses adieux en riant. Les mar- chands allaient donc à la foire; ils avaient déjà fait cinquante verstes et s'entretenaient entre eux: «Vois comme ta femme t'aime, disait l'un, comme elle a pleuré au moment de la séparation; la mienne s'est séparée de moi en riant!» L'autre répond: «Faisons ceci, frère! Nos femmes nous ont fait la re- conduite, retournons maintenant sur nos pas,
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nous verrons ainsi ce qu'elles font en notre
ab- sence. — Bien!» Ils reviennent de nuit et rentrent dans la ville à pied ; ils vont d'abord à l'izba de ce marchand dont la femme pleu- rait amèrement lors des adieux. Ils regardent par la fenêtre: elle est assise chez elle avec son amant et fait l'amour. L'amant remplit un verre d'eau - de-vie, boit et lui présente le verre: «Tiens, chérie, bois!» Elle boit et dit: «Mon ami bien aimé! maintenant je suis toute à toi — Quelle plaisanterie, toute à moi! une part quelconque appartient au petit mari !» Elle tourne le cul de son côté et dit : «Voilà pour ce fils de p....., mon cul seul!» Les marchands vont ensuite du côté de l'épouse qui n'avait pas pleuré, mais qui avait ri à leur départ. Ils arrivent sous la fenêtre et regardent: une petite lampe brûle devant les images, elle même est à genoux, prie de tout son cœur et dit: «Ac- corde à mon mari, Seigneur! qu'il revienne heureusement de son voyage!» Maintenant, dit l'un des marchands à l'autre, allons tra- fiquer. Ils vont à la foire et trafiquent très- avantageusement. Ils ont de la chance dans le commerce, comme ils n'en avaient jamais eu. Mais il est temps de rentrer chez soi* Ils font leurs apprêts de départ et songent
96 CONTES
SECRETS
XXXVI LA DAME PUDIBONDE
l était une fois une jeune dame qui avait eu beaucoup de laquais, mais tous lui avaient paru obscènes dans leurs paroles et elle les avait chassés de sa maison. Un jeune homme dit alors: «j'irai
et je m'en- gagerai chez elle !» Il va s'engager. «Écoute,
à acheter des cadeaux à leurs femmes. Celui dont la femme priait Dieu, lui achète du brocart magnifique pour sa fourrure; l'autre achète à la sienne du brocart seulement pour son cul : «Le cul seul est à moi, j'aurai donc assez d'une demi-archine d'étoffe: je ne veux pas que mon cul se refroidisse!» Ils ar- rivent et font leurs cadeaux à leurs femmes* «Pourquoi as-tu acheté ce mqrceau ?» lui dit la femme en colère. «Souviens-toi, p ... : qu'un jour tu étais assise avec ton amant et tu lui disais que ton cul seul était à moi; eh bien, j'ai couvert ma part : porte ce bro- cart sur le cul.»
TRADUITS DU RUSSE 97
mon petit pigeon, lui dit la dame, je né re- garderai pas à l'argent, mais à une condition, c'est que tu ne diras rien d'obscène!»* — «Dire une obscénité ! je ne me le permettrai jamais.» La dame se rend un jour dans ses domaines et se met à parcourir la cam- pagne. On rencontre un troupeau de porcs. Un verrat grimpe sur une truie et travaille avec tant d'ardeur, que l'écume tombe de son groin par flocons. La dame se tourne vers son laquais: «Écoute!» — «Que désire madame ?» — «Qu'est-ce que cela ?» Le laquais n'était pas un sot: «Cela, dit-il, voici ce que c'est: le porc qui est dessous est certainement une parente, une sœur ou une tante; celui qui est dessus est un frère ou un neveu; il est gravement malade, et elle le trame chez elle, dans sa maison.» — «Oui, oui, c'est précisément cela !» dit la dame, et elle se met à rire. Ils vont, ils vont. On rencontre un autre troupeau: un taureau grimpe sur une vache. «Et cela, qu'est- ce?» demande la dame. — «Cela? voici ce que c'est: cette vache est malade, elle n'est pas en état de trouver sa nourriture; elle a brouté tout ce qui était autour d'elle, et
* Variant* : d« gras. Kqvnrâôia, I.
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CONTES SECRETS
maintenant le taureau la pousse vers l'herbe fraîche.» La dame se met à rire de nou- veau: «C'est précisément cela», dit-elle. Ils vont, ils vont On rencontre une troupe de chevaux; un étalon grimpe sur une jument. «Et cela, qu'est-ce ?» — «Voici ce que c'est, madame. Voyez cette fumée au-dessus du bois; sans doute le feu est quelque part, et l'étalon a grimpé sur la jument pour voit l'incendie.» — «Oui, oui, c'est vrai!» dit la dame, et elle rit aux larmes. Ils vont, ils vont On arrive à une rivière. La dame imagine de se baigner: elle lui ordonne de s'arrêter, se déshabille et se met à l'eau. Le laquais reste sur le bord et regarde. «Si tu veux te baigner avec moi. déshabille-toi vite !» Le laquais se déshabille et entre dans la rivière. En voyant l'instrument avec lequel on fait les hommes, la dame tressaille de joie et dit à son laquais: «Regarde, qu'est- ce que j'ai là ?» et elle lui montre elle-même sa fente. — «Cela, c'est un puits,» dit le la- quais. — «Oui. c'est juste ! Et ce qui te pend là, qu'est-ce ?» — «On appelle cela un chevaL
— Et
boit-il, ce cheval? — Il boit, madame; Permettez-vous qu'il boive dans votre puits r»
— «Voyons,
fais-le boire; seulement, qu'il boive au-dessus, ne le laisse pas plonger
TRADUITS DU RUSSE
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au fond!» Le laquais fait boire son cheval au puits de la dame et commence à l'exciter. Elle est bientôt hors d'elle et lui dit : «Laisse- le aller plus avant, laisse-le aller plus avant, afin qu'il boive comme il faut!» Le cheval s'en donna tout à son aise, et c'est à peine si la dame et le laquais purent sortir de l'eau**
XXXVII
LE BON PÈRE
Bul était une fois dans un village un BH joyeux vieillard, qui avait deux filles, de belles filles. Elles ont des amies, et celles-ci ont coutume de venir et de rester
* Variante : «Que fait cet étalon ? —
Il regard* son troupeau. — C'est vrai, c'est vrai! — Si ce n'était pas vrai madame, je ne le dirais pas.» Voilà qu'un coq coche une poule. «Qu'est cela ? — Il fait mauvais temps aujourd'hui et il la garantit de la pluie. — C'est vrai,
c'est- vrai I — Si ce n'était pas vrai, je ne
le dirais pas!» Voilà qu'il la côche encore une fois. «Et cela, qu'est-ce? — C'est aujourd'hui vigile et demain fête: ils vont en visite l'un traînant l'autre. — C'est vrai, c'est vrai !....»
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chez elles pour la nuit. Le vieillard est lui- même friand de jeunes filles. Pendant la nuit, lorsqu'elles sont endormies, il se glisse pour les tâter, et celle dont il relève la jupe, a bientôt son affaire faite; la jeune fille ne dit rien, tant c'est l'habitude* H n'était donc pas étonnant qu'il les eût toutes essayées, excepté les siennes. Un soir, il était venu beaucoup de jeunes filles, elles s'étaient échauffées, elles s'étaient diverties, mais ensuite toutes étaient retournées chez elles: l'une devait battre du blé de grand matin, à une autre sa mère avait ordonné de rentrer à la maison pour la nuit, une troisième avait son père malade. Elles étaient donc toutes parties. Mais le vieillard ronflait dans la soupente, il avait dormi pen- dant le souper et n'avait pas vu partir les jeunes filles. Il s'éveille pendant la nuit, descend de la soupente et va pour les tâter sur les bancs. Il arrive ainsi qu'il täte sa fille aînée, couchée sur le banc près du poè'le: il lui relève ses jupes et l'arrange de la belle façon. Celle-ci, à moitié endormie, travaille de son côté sous lui. Le matin le vieillard se lève et dit à la ménagère: «Ah ça, vieille! elles sont parties de bien bonne heure nos hôtes de la nuit. — Quelles hôtes
TRADUITS DU RUSSE 101
de la nuit? toutes les jeunes filles sont chez elles depuis hier soir. — Tu mens ! qui donc ai-je f.... sur le banc près du poêle? — — Qui? c'est facile à voir, c'est ta fille aînée.» Le vieillard rit et s'écrie: «Ah, que je f. •. • sa mère ! — Qu' as-tu à gronder, vieux démon? — Tais-toi, vieux tison! je ris de ma fille : elle sait joliment bien f.... !» La fille cadette est assise sur le banc, oc- cupée d'envelopper sa jambe de la bande de toile; elle va mettre son lapott (chaussure de tille) ; elle lève la jambe et dit : «Ce serait honteux pour elle de ne pas savoir f.... les gens disent qu'elle est dans sa dix-neu- vième année! — Oui, c'est vrai, c'est votre métier !»
XXXVIII
LE CONTE DU POPE QUI A FAIT UN VEAU
l y avait
une fois un pope et une popesse. Ils avaient chez eux un Co- saque (c'est-à-dire un ouvrier) du nom de Vannka, lequel ne se trouvait pas très-bien de la nourriture : la popesse était très-avare.
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CONTES SECRETS
Un jour le pope alla aux foins avec le Co- saque, à dix verstes de distance. Ils arrivent et préparent deux chariots de foin. Tout à coup un troupeau de vaches se jette sur ce foin. Le pope saisit une branche sèche et leur court sus. Il chasse les vaches et revient tout en sueur vers le Cosaque. Ils terminent aussitôt à eux deux la besogne et prennent le chemin de la maison. Il faisait noir. «Vannka, dit le pope, ne ferions-nous pas mieux de coucher au village, chez Gvozd: c'est un bon moujik et sa cour est couverte.» — Bien, petit père!» répond Vannka. Ils arrivent au village et demandent à coucher au moujik* Le Cosaque entre dans l'izba, prie Dieu, s'incline devant le maître de la maison et lui dit : «Fais attention, maître de céans; quand tu feras asseoir ton monde pour le souper, dis : asseyez-vous, tous les baptisés ; si tu dis au pope : assieds-toi, père spirituel! il sera fâché contre toi et ne voudra pas s'asseoir à table; il n'aime pas qu'on l'appelle ainsi.» Le pope dételle les chevaux et entre dans l'izba. Alors le maître de la maison ordonne à sa femme de mettre la table, et quand tout est prêt, il dit: «Allons, tous les chrétiens, asseyez-vous pour souper.» Tous s'asseyent, excepté le pope.
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Celui-ci reste sur l'escabeau, pensant que le maître de la maison l'invitera particulière- ment; mais cela n'a pas lieu. On se lève de table. Le maître de la maison dit au pope: «Pourquoi ne fes-tu pas assis pour souper avec nous, père Mikhaïl?» Le pope répond: «Je n'avais pas envie de manger.» On se couche. Le patron conduit le pope et son Cosaque dans la vacherie, parce qu'il y fait plus chaud que dans l'izba. Le pope se couche sur le poêle et le Cosaque dans la soupente. Vannka s'endort sur-le-champ, mais le pope songe aux moyens de trouver quelque chose à manger. Il n'y avait rien dans la vacherie, si ce n'est un pétrin avec de la farine délayée. Le pope éveille le Cosaque. «Que te faut-il, petit père? — Cosaque, je voudrais manger. — Eh bien, pourquoi ne manges-tu pas ? Dans le pétrin, c'est la même farine que sur la table,» dit Vannka, qui descend de la soupente, penche le pétrin et dit au pope: «Voilà ton affaire!» Le pope se met à lapper dans le pétrin, que Vannka pousse comme par inadvertance, arrosant ainsi le pope avec la bouillie. Ce- lui-ci, après avoir lappé à satiété, se recouche et s'endort promptement. Pendant ce temps, une vache fait le veau dans la cour et se
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CONTES SECRETS
met à mugir. La ménagère entend, arrive dans la cour, prend le veau, l'apporte dans la vacherie et le loge sur le poêle près du pope; puis elle s'en va. Le pope s'éveille pendant la nuit et sent qu'on le lèche avec la langue, il met la main sur le veau et éveille le Cosaque. «Que lui faut-il encore? dit Vannka?» «Vannka! crie le pope, il y a un petit veau sur le poêle avec moi, je ne sais d'où il est venu? — Voilà encore une invention! c'est toi qui as fait le veau et tu' dis: Je ne sais d'où il est venu. — Mais comment cela aurait-il pu avoir lieu? de- mande le pope. — Voici comment: tu dois fen souvenir, petit père; quand nous ra- massions le foin, n'as-tu pas assez couru après les vaches? Eh bien, maintenant tu viens de faire un veau. — Vannka ! comment faire pour que la popesse ne le sache pas? — Donne-moi trois cents roubles, j'arran- gerai tout, personne ne le saura!» Le pope consent. «Écoute bien, dit le Cosaque au pope, va-t-en maintenant tranquillement à la maison, mais ôte tes bottes et mets mes 1 i p o v k i (chaussures d'écorce de tilleul). A peine le pope est-il parti, que le Cosaque se rend vers les maîtres de la maison. «Eh! ânes que vous êtes ! vous ne savez donc pas
TRADUITS DU RUSSE IO5
que votre veau a mangé le pope ; il n'a laissé que les bottes! accourez, allez voir.» Le moujik enrayé promet trois cents roubles au Cosaque afin qu'il arrange l'affaire de telle sorte que personne n'en sache rien. Vannka promet de tout arranger, prend l'argent, monte à cheval et galope après le pope. Il l'atteint et lui dit: «Petit père, le maître de la maison veut conduire le jeune veau à la popesse et lui dire que c'est toi qui l'as fait!» Le pope est encore plus enrayé et promet une centaine de roubles à Vannka: «Seulement, dit-il, arrange tout sans bruit. — Va-t-en chez toi, j'arrangerai tout!» dit le Cosaque, qui retourne vers le moujik: «La popesse sera certainement hors d'elle-même, quand elle verra que le pope ne revient pas ; il farrivera malheur!» Cette âme simple lui donne encore cent roubles: «Seulement, trompe la popesse et ne raconte l'histoire à personne! — Bon! bon!» dit le Cosaque. Il arrive à la paroisse, arrache au pope l'argent qui lui a été promis, sort de chez lui, se marie, vit à sa guise et devient riche.
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CONTES SECRETS
XXXIX LE POPE ET LE PIÈGE l y avait une fois dans un village un
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moujik, boucher de son métier. Il tuait une bête, vendait la viande et conservait les morceaux dans une grange. Seulement à cette grange il y avait une fenêtre et par cette fenêtre se glissaient chiens et chats, qui enle- vaient la viande. Le moujik met donc une trappe à la fenêtre; le chien du pope arrive et tombe dans la trappe, où il est tué. Le pope a regret de son chien; toutefois, comme il n'y a rien à faire, il en achète un autre, et se demande avec crainte: Comment échappera-t-il à la trappe? Il songe, il songe aux moyens de parer à ce malheur, puis il rit en pensant au moujik et prend une détermination: il vient à la grange, abaisse sa culotte, monte sur la fenêtre et ch • » dans la trappe. Mais la trappe, en se
détendant, pince le pope par les c.......
Celui-ci crie de toutes ses forces. Le mou- jik accourt: «Ah, je f. •• ta mère! Quel
(Ecrit dans le gouvernement de Vologda.)
TRADUITS DU RUSSE 107
démon t'a poussé là? Il y allait tout droit, la sotte engeancel» La foule arrive, on dé- prend le pope comme on peut, mais il s'était tant démené qu'il en mourut.
XL
LE POPE, LA POPESSE, LA FILLE DU POPE
ET L'OUVRIER
n pope se
dispose à embaucher un ouvrier; la popesse lui fait ses recom-
mandations: «Fais attention, pope, n'engage pas un diseur de saletés; nous avons une fille nubile ! — Bien, la mère, je n'engagerai pas un diseur de saletés.» Le pope part, suit son petit bonhomme de chemin; tout à coup il se croise avec un jeune gars, qui va à pied, tout bellement. «Bonjour, petit père! — Bonjour, l'ami! Où vas-tu, sous la conduite de Dieu ? — Je voudrais m'engager comme travailleur. — Et moi, l'ami, je vais chercher un ouvrier; engage-toi chez moi. — Volontiers, petit père! — Seulement à une condition, c'est que tu ne diras pas de
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CONTES SECRETS
sales grossièretés.* — Depuis que je suis au monde, je n'ai jamais entendu, petit père, des grossièretés de ce genre. — Alors, as* sieds-toi près de moi, c'est un homme comme toi qu'il me faut. Le pope voyageait avec sa jument Voilà qu'il lui relève la queue et montre à l'ouvrier avec son knout, le c. de la bête: «Cela, l'ami, qu'est-ce?.— C'est le c, petit père! — Ah, l'ami! je n'ai pas besoin de pareils diseurs d'obscé- nités ; va où tu voudras !» ** Le jeune garçon voit qu'il a manqué son coup. Il n'y a rien à faire: il descend du téléga et songe comment il pourra ruser et duper le pope. Il se jette de coté, dépasse le pope, court en avant, retourne sa fourrure et vient de nouveau à sa rencontre: «Bonjour, petit père! — Bonjour, l'ami! Où vas-tu, sous la conduite de Dieu? — Je vais, petit père, m'engager comme ouvrier. — Et moi, l'ami, je cherche un ouvrier; viens vivre chez moi.
* Variants: Des grossièreté»
obscènes. ** Variants : Le jeune garçon répond tout bonne, ment : au-dessus c'est le cul et plus bas c'est le c.. 1 — Allons, ami, descends du téléga, et va-t-en pour ne pas commettre de péché avec ta p ... ; je ne pourrais pas vous laisser la popesse te toi dans la même izba: elle déteste les diseurs d'obscénités.
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Seulement à une condition: c'est que tu né diras pas de sales grossièretés. Celui de nous qui dira des saletés, paiera cent roubles à rautrer veux-tu? — Je veux bien, petit père; je ne puis moi-même souffrir les diseurs de saletés. — Allons, bon! assieds-toi à côté de moi, Pami.» Le jeune garçon s'assied et ils partent ensemble pour le village. Après quelques tours de roue, le pope relève la queue de la jument et montre le c. avec son knout: «Cela, ami, qu'est-ce? — C'est une prison, petit père! — Ah, mdn ami, c'est un ouvrier comme toi que je cherchais.» Le pope arrive à la maison, il entre dans l'izba avec l'ouvrier, arrache la jupe de la popesse, montre à l'ouvrier le c.. avec son doigt: «Et cela, qu'est-ce, l'ami! — Je ne sais pas, petit père: de ma vie je n'ai vu quelque chose d'aussi enrayant ! — N'aie pas peur, l'ami ! c'est aussi une prison.» Ensuite il appelle sa fille, lui relève la jupe et montre le c .. à l'ouvrier : «Et cela, qu'est-ce ? — Une prison, petit père! — Non, l'ami, c'est le cachot»* Ils soupent et se couchent
* Variante : Le pope arrive à l'isba arec
l'ouvrier. La popesse est assise sur le banc ; elle lève sa jupe, écarte les jambes et dit à l'ouvrier : «Vois ce que j'ai
no
CONTES SECRETS
L'ouvrier monte sur le poêle, il ramasse les chaussettes du pope, les met à sa p..., les tient des deux mains et crie de tous ses poumons: «Petit père! j'ai pris un voleur! souffle vite le feu.» Le pope saute à bas du lit, court dans l'izba comme un possédé, «Ne le lâche pas, tiens-le bien! crie-t-il à l'ouvrier. — Ne crains rien, il ne s'échappera pas! «Le pope souffle le feu, s'approche du poêle et voit l'ouvrier qui tient sa p... à deux mains et les chaussettes ajustées sur la p... «Le voilà, petit père; vois-tu, il a volé toutes tes chaussettes; il faut le punir, le brigand! — Est-ce que tu as perdu la tête? demande le pope. — Non, petit père, je n'aime pas montrer de l'indulgence pour les voleurs; lève-toi, la mère! donne qu'on
là ?» L'ouvrier, comme s'il eût été effrayé,
fait semblant de se sauver de l'izba. Elle le saisit: «De quoi as-tu peur, imbécile, il n'y a vraiment rien là d'enrayant. Alors la fille du pope relève aussi sa jupe et demande à l'ouvrier: «Et moi, qu'est-ce que j'ai là? «L'ouvrier tremble de frayeur et regarde du côté de la cour. «Allons, dit la popesse, nous ne t'effraierons pas plus longtemps, mon petit pigeon ; mais souviens-toi de ce que je vais te dire: entre mes jambes est la prison et entre les jambes de ma fille le cachot : Celui qui se rend coupable de vol ou de tout autre méfait, nous le logeons là • de- dans !>
TRADUITS DU RUSSE
m
le mette en prison, le bandit!» La popesse se lève, et l'ouvrier lui dit: «Mets-toi vite à quatre pattes!» Il n'y avait rien à faire: la popesse se met à quatre pattes, l'ouvrier commence à la bourrer. Le pope voit que cela va mal et dit: «Que fais-tu l'ami? tu la f... ! — Ah, petit père, nous étions con- venus de ne pas dire d'obscénités; tu me dois cent roubles !» Le pope vide sa bourse; l'ouvrier, ayant fini de f.... la popesse, prend sa p... à deux mains et s'écrie : «Cela ne suffit pas, canaille, de f avoir mis en prison, je te mettrai encore au cachot Allons, ma pigeonne, dit-il à la fille du pope, ouvre le cachot!» Il la met aussi à quatre pattes et commence à la bourrer à sa manière. La popesse s'élance vers le pope: «Que regardes- tu, petit père, il f... notre fille! — Tais-toi, lui dit le pope; j'ai payé cent roubles pour toi, veux-tu que j'en paye autant pour elle? Non, qu'il fasse ce qu'il voudra, je ne dirai rien.» L'ouvrier travailla on ne peut mieux la fille du pope. Alors le pope le chassa de sa maison.*
* Variants:
L'ouvrier ruse: il vole une petite -cuiller d'argent et la lie à sa p... avec un lien de tille. La popesse cherche l'objet volé, lait tomber la culotte
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CONTES SECRETS
XLI
LE COCHON
DE
LAIT
L
était une fois dans un village un
Bail P°Pe>
une tête à farine, qui avait une fille si belle que c'était plaisir de la regar- der. Ce pope embauche un ouvrier, garçon robuste et hardi, qui passe chez lui un, deux, trois mois. A cette époque, un enfant ar- rive au monde chez un riche moujik dans une campagne voisine. Le moujik invite le pope à venir baptiser l'enfant: «Nous vous le demandons en grâce, petit père, faites-
de l'ouvrier, voit la cuiller, se met à rire
et s'écrie : «C'est le diable qui t'a conseillé ! Je t'avais bien dit cependant que pour vol on met en prison. — Et moi, petite mère, je ne suis pas indulgent pour les voleurs ; pour une faute pareille, il faut le mettre au cachot, le misérable !» Le pope et la popesse voient où il veut en venir et lui disent : «Pour la première fois, on peut lui pardonner. — Vous pardonnez, dit l'ouvrier, mais moi je ne pardonne pas. J'aurais bien vite une mauvaise réputation. Au cachot, l'animal!» Le pope et la popesse cherchent à le persuader, le prient, se prosternent devant lui, le supplient de ne pas mettre le voleur dans le cachot de la jeune fille et d'accepter cent roubles pour cette con- cession. Là-dessus finit le conte.
TRADUITS DU RUSSE IIJ
flous le plaisir d'amener avec vous la petite mère, sans faute!» La race d'église est friande du bien des autres et toujours ré- jouie d'un régal offert par autrui. Le pope attelle donc la jument et part pour le bap- tême avec la popesse; l'ouvrier reste à la maison avec la fille du pope. L'ouvrier avait envie de manger, et il se trouvait en réserve, dans le four de Ja popesse, deux cochons de lait rôtis. «Écoute ce que j'ai à te proposer, dit-il à la fille du pope; mangeons ces cochons de lait, pendant que le pope et la popesse ne sont pas à la mai- son!» C'est accepté! Il attrape de suite un cochon de lait et ils le mangent à eux deux. «Quant à l'autre, dit-il à la fille du pope, laisse-moi le cacher sous ta jupe, ahn qu'on ne le trouve pas, et plus tard nous le man- gerons ensemble. Et quand le pope et la popesse demanderont ce que sont devenus les cochons, nous répondrons l'un comme lfautre que le chat les a mangés! — Mab comment le cacheras-tu sous ma jupe? — C'est mon affaire, cela. Je sais comment —* Bien! cache 1»
Jl lui ordonne de se mettre à quatre pattes, lui relève sa jupe et lui cache son instrument dans le c..
Kçvnràâia. I. 8
ii4
CONTES SECRETS
«Ahl comme tu caches bien! dit la
fille du pope; mais comment le retirerai-jede là? — Ce n'est pas difficile; tu l'attireras avec de l'avoine et il sortira de luirmême.» L'ouvrier la sert si consciencieusement, que d'une seule fois elle devient enceinte. Sa taille s'élargît, et quand il lui arrive de courir un instant dans la cour, le petit enfant re- mue dans son ventre: mais elle se dit alors: c'est le cochon de lait; elle court sur le perron, lève la jambe, répand elle-même de l'avoine et l'appelle: tchouk, tchouk, tchouk! Peut-être sortira-t-ill Le pope la voit un jour faire ce manège et dit à la popesse: Évidemment cette fille est enceinte, interro- geons-la et sachons avec qui elle a succombé à l'esprit malin?» Ils appellent leur fille: «Annouchka, viens ici ! Qu'est-ce qui r*arrive? comment se fait-il que tu sois enceinte?» EJlle les regarde l'un après l'autre et se tait «Que me demandent-ils là?» pense-t-elle. «Allons, parle donc, comment se fait-il que tu sois enceinte?» La fille se tait «Mais parle donc, sotte! D'où vient que tu as le ventre gonflé? — Ahl petite mère! j'ai un cochon de lait dans le ventre, c'est l'ouvrier qui l'y a fourré!» Le pope alors se frappa
TRADUITS DU RUSSE «5
le front, il courut vers l'ouvrier, mais la piste de celui-ci était depuis longtemps re- froidie.
* Variante:
Ce pope avait une grande truie. Un jour que le pope et la popesse étaient sortis, elle mit bas onze petits cochons. La fille du pope dit: «Ah, notre truie vient de mettre bas ! comme je voudrais avoir des petits cochons!» L'ouvrier lui répond: «Eh bien ? prenons-en un, nous le tuerons et nous le ferons rôtir. — Mon père le saura! — Le diable s'en mêlerait donc ! Qu'est-ce que le pope entend
à cela ? Les truies ne font pas toujours le même nombre de petits cochons: tantôt elles en font 6, tantôt elles en font xo et plus!* Ils prennent donc un petit cochon, le tuent, l'apprêtent, le mettent dans la lèchefrite et le placent dans le four, mais ils remplissent toute l'izba de fumée. Le petit cochon commence à
peine
à
rôtir, ils regardent dehors: voilà que le diable ramèie le pope! Que faire? où fourrer le petit cochon ? «Baisse la tête sur la fenêtre, dit l'ouvrier à
la fille du pope, et regarde si ton
père est encore loin ; pendant ce temps, je cacherai le petit cochon.» Elle se baisse sur la fenêtre, l'ouvrier jette le petit cochon sous la natte, lui - même il abaisse sa culotte et relève la robe de la jeune fille. «Que fais-tu ? — Je vais cacher ici le cochon de lait, personne ne le trouvera.» Et il le lui fourre si bien, qu'elle gémit. «Ah, comme tu me fais mal ! ne vas-tu pas jusqu'au sang ? — Un peu de
patience, et je finirai bien par le cacher.» Le pope arrive: «Quelle odeur de charbon dans cette izba? Il y avait sans doute des fumerons dans le poêle, dit l'ouvrier ; voyez, votre fille est
à
demi
8*
n6
CONTES SECRETS
5fLII
LE PÈRE SPIRITUEL
e grand carême est arrivé : un moujik doit aller se confesser au pope. Il -
enveloppe dans un sac une bûche
de bou- leau, il la lie avec une ficelle et va trouver le pope. «Allons, parle, Pami, en quoi as- tu péché ? Et que tiens-tu donc là ? — Cela, petit pèrç, c'est un saumon blanc, je te l'ap- porte comme hommage. — C'est une bonne chose ! Il est gelé sans doute ? — Il est gelé il est toujours resté dans le cellier. — Bon, il se dégèlera! — Je suis venu, petit père, me confesser: un jour, me tenant debout pendant la messe, j'ai vessé. — Le beau
asphyxiée, elle a changé de
visage 1» Depuis ce temps, la fille du pope est enceinte, un petit enfant remue dans son ventre, elle dit à l'ouvrier : «Tu sais ? ce cochon de lait que tu m'as caché autrefois dans le corps, il vit dans mon ventre ! — Est ce bien vrai i Je le jure par Dieu I
Et comme il remue ! — On peut l'attirer dehors avec du pâté I» La fille du pope prend un morceau de pâté, va dans la grange, s'approche du téléga, lève la jambe gauche sur la roue et crie: tchouk, tchouk, tchouk I ...
TRADUITS DU RUSSE WJ
péché ? moi-même à l'autel, un
jour, j'ai pété. Ce n'est rien, l'ami! va, que Dieu soit avec toi!» Le pope se met à délier le sac: il y trouve la bûche de bouleau: «Ah, vesseur maudit! Où donc est ce saumon blanc ? — Désires-tu une p..., grand pé- teur?
XLIII
LE POPE ET LE MOUJIK
axs certain empire, dans certain royaume, et, pour dire vrai, dans celui
que nous habitons, il était une
fois un moujik, qui avait une jeune femme. L'homme partit pour s'embaucher comme ouvrier, et la femme, enceinte, resta à la maison. Depuis longtemps elle plaisait au pope, qui voulait, ne fût-ce que pour s'intruire, ch... dans la poche du moujik. Il attendait: la femme vient le trouver pour la confession. «Bon- jour, Maria! dit le pope. Où est ton homme maintenant? — Il est parti pour travailler au dehors, petit père! — Ah, le scélérat! comment a-t-il pu ^abandonner? Il t'a com-
Il8 CONTES
SECRETS
mencé un enfant, mais il ne Fa
pas achevé. Maintenant tu mettras au monde quelque monstre, sans bras ou sans jambes et tu auras une mauvaise renommée dans tout le district!» La femme était très simple. «Que faut-il que je fasse, mon petit père? Ne peut-on remédier à ce malheur? — On peut y re- médier: je le ferai pour toi, mais pour toi seulement; quant à ton mari, pour rien au monde je ne consentirais à lui venir en aide. — Trouve un remède, petit père! supplie la femme tout en larmes. — Eh bien, qu'il en soit ainsi! j'achèverai ton enfant! viens ce soir chez moi dans la grange. J'irai donner la nourriture au bétail et je réparerai la faute. — Merci, petit père!» La femme vient le soir trouver le pope dans la grange. «Allons, couche-toi, ma pigeonne, sur la paille.» La femme se couche, écarte les jambes ; le pope la pelote six fois et lui dit : «Retourne chez toi sous la conduite de Dieu, maintenant tout est pour la mieux.» La femme fait la révérence au pope et le re- mercie. Voici que le moujik revient au pays; la femme est assise et fait la moue ; elle est très irritée. «Pourquoi détournes-tu le mu- seau? demande le moujik. Prends garde que je ne te le frotte! — Va donc! tu ne
TRADUITS DU RUSSE IIO
sais que salir. Tu t'en vas de la
maison et tu me laisses un enfant inachevé. Heureuse- ment que le pope a eu pitié de moi; il Ta fini; sans cela je t'aurais mis au monde un monstre.» Le moujik voit que le pope lui a ch.. dans la poche: attends, pense-t-il, je te roulerai à mon tour. L'époque arrive, la femme accouche d'un petit garçon; le moujik va chercher le pope pour le baptême. Le pope vient, baptise l'enfant, s'assied à table et boit un petit verre d'eau-de-vie. «Quelle délicieuse eau-de-vie 1
dit-il au maître de la maison. Envoie donc quelqu'un cher- cher la popesse, afin qu'elle en boive. — J'irai moi-même, petit père! — Va, l'ami!» Le moujik va et invite la popesse. «Merci de ne m'avoir pas oubliée ! je vais m'habiller à l'instant,» dit la popesse. Elle se met à s'apprêter, à s'habiller, elle pose sur le banc ses boucles d'oreille en or et commence à se laver. Au moment où elle mouille ses yeux, le moujik prend et cache les boucles d'oreille. Après s'être lavée, la popesse cherche ses. boucles d'oreille ; elles ne sont nulle part. «Ne serait-ce pas toi, petit mou- jik, qui les aurait prises? demande-t-elle au paysan. — Que dis-tu là, petite mère! J'ai bien vu où elles se sont perdues, mais j'ai
wo CONTES
SECRETS
honte de le dire. — Cela ne fak
rien, d»î — Tu t'es assise sur ce banc, petite mère! et ton c.. les a avalées ! — N'y aurait-il pas moyen de les tirer de là? — Cela est pos- sible; j'essaierai pour te faire plaisir!» Il hn relève sa jupe, l'enfile et commence à ht pétrir; il fait l'affaire une fois, deux fois, retire sa p... et pend au bout une boucle 4'oreille.
«Voilà ce que je viens de retirer, petite mère!» Il monte sur4a popesse en- core deux fois et retire l'autre boucle d'o- reille. «Tu es fatigué, pauvre garçon! mais donne-toi encore un peu de peine: il y
a trois ans un petit chaudron
en cuivre s'est trouvé perdu chez nous, cherche donc s'il ne serait pas là aussi!» Le moujik la tra- vaille encore deux fois. «Non, petite mère, on ne peut l'avoir! Le chaudron est là, mais il est tourné sens dessus dessous : il n'y a pas moyen de le saisir.» Cette affaire achevée, la popesse arrive au baptême cher le moujik et dit: «Eh bien, petit père, nous nous sommes fait attendre? — En effet — (s'adressant au moujik) C'est toi qu'il faudrait envoyer chercher la mort! — Ne dis rien, petit père I j'avais perdu mes boucles d'oreille; je les avais posées sur le banc, puis je m'y étais assise moi-même et mon
c.. les avait
TRADUITS DU RUSSE 121
avalées: grâces soient rendues au
moujik i c'est lui qui me les a repêchées !» Le pope entend et fait la moue; il est assis immo* bile comme une chouette. Voilà, ma bru, comme on se venge!*
(Autre version.)
Il y avait une fois un moujik
avec sa femme. Il eut besoin d'aller à Moscou. Que foire? sa femme est enceinte, mais il a besoin de partir. «Écoute, dit-il à sa femme; je vais me rendre à Moscou; pendant mon absence, vis modestement et dans l'absti- nence.» Il dit et part. On était au grand carême. La femme fait ses dévotions et va près du pope pour se confesser. Elle était bien de sa personne. La voilà en confession et le pope lui dit: «Pourquoi ton ventre est- il gonflé? — J'ai péché, petit père, j'étais
* Variante : La popesse part pour le baptême
avec lé moujik, elle descend en plein champ er pisse au véàt: «He 'rajuste son
affaire et veut se j laver les'Mains dans la marre, elle ôte sorç anneau qt le pose à fcsfr^, le moujik le prend et le cache. Le reste comme au conte précédent : le moujik pêche l'anneau dans le c. . de la popesse et le met au bout de sa p .. •
122 CONTES
SECRETS
avec mon homme, je suis devenue
enceinte et maintenant il est parti pour Moscou. — Comment, pour Moscou? — Oui, petit père 1 — Et restera-t-il longtemps? — Près d'une année. — Ah, le scélérat! il fa commencé un enfant et il ne Fa pas fini; c'est là un péché mortel. Il n'y a qu'une chose à faire: je suis ton père spirituel et mon devoir est d'achever l'enfant, mais pour ma peine ap- porte-moi trois pièces de toile! — Fais-moi cette grâce divine, supplie la femme, délivre- nous du péché mortel, finis l'enfant, et quand il reviendra de Moscou, le bandit, je lui arracherai les yeux. — Allons, je suis heureux de te rendre service, et ce serait un péché de te laisser porter un enfant jusqu'à son arrivée.» Et la chose fut accomplie.
Mais le pope est marié et il a
deux filles; il craint que la popesse ne vienne à ap- prendre ses fredaines. Bon! Le moujik ar- rive de Moscou et sa femme a accouché depuis longtemps. Il est à peine entré dans l'izba, que la femme s'élance contre, lui : «Ah, fils de chienne, brigand! tu m'avais or- donné, de vivre dans l'abstinence, et tu m'avais' commencé toi-même, avant de par- tir, un enfant que tu n'avais pas fini! Heu- reusement que le petit père le pope l'a
TRADUITS DU RUSSE 12$
achevé, sans cela que serais-je
devenue?» Le moujik comprend que son affaire n'est pas brillante et il pense en lui - même : «At- tends, je te bernerai comme un lourdaud à longs cheveux.» Un jour, pendant Tété, le prêtre était en train de dire la messe; sa maison était tout près de l'église.. Le mou- jik s'était apprêté pour aller dans la cam- pagne, à son champ, mais il avait besoin d'une herse; le pope en avait trois. Le moujik vient trouver le pope à l'église et lui demande une herse. Le pope, toujours heureux «de lui être agréable, pour qu'il ne dénonce pas ses fredaines à la popesse, se garde bien de lui refuser cela et lui dit: «Prends les trois. — Sans ton ordre, petit père, on ne voudra pas me les donner; crie par la fenêtre à la popesse qu'elle me les laisse prendre toutes les trois. — Bien, l'ami, val» Le moujik va trouver la popesse et lui dit: «Petite mère ! le petit père vous ordonne de me laisser prendre toutes les trois .... — Est-ce que tu es fou, l'ami ? — Demande-le- lui toi-même ; il vient de me le dire à l'ins- tant» La popesse crie au pope: «Pope, tu ordonnes de les donner au moujik? — Oui,, oui, donnez-lui toutes les trois.» Il n'y a rien à faire : elles se donnent au mou-
CONTES SECRETS
jik Time après l'autre; il
commence par la popesse, et il finit par la plus jeune 'des filles, puis il s'en retourne chez lui. Le pope est à peine de retour, au sortir de la messe, que la popesse se met à l'injurier: «Ah, démon! ah, butor! as-tu perdu la tête? Souiller toutes tes filles ) n'était-ce pas assez de moi seule, sans nous donner toutes les trois?» Le pope saisit sa barbe et court chez le moujik: «Je te traînerai .devant le tribunal, tu as déshonoré mes filles! — Ne t'emporte pas, petit père! dit le moujik, tu aimes à finir les enfants des autres et tu demandes encore des pièces de toile pour ta peine; maintenant nous sommes quittes.» Le pope se réconcilia avec le moujik et ils vécurent grands amis.
(Autre version.)
Ce conte a une variante : on
donne l'aven- ture comme ayant eu lieu entre un neveu et son oncle, qui avait imaginé d'achever un enfant.**
Ivann songe au!moyen
de rendre à l'oncle Kouzma (Côme) l'affront qu'il en a reçu. A ce moment, Kouzma n'était pas à
la
traduits du russe
»5
maison, les femmes seules y
étaient restées. Vannka prend une corde, il attache une vache par la corne et la promène à
travers le village. Sa tante l'aperçoit de la fenêtre et dit: «Évidemment Vannka est tout
à fait ruiné; il promène sa dernière vache pour la vendre* Belle-fille, va donc et demande- lui où il conduit sa vache?» La bru court et lui dit: «Où conduis-tu ta vache? — Je me suis fâché avec ma femme, j'emmène la
vache; je la donnerai à qui se laissera f.....1
— Laisse-toi faire, belle-fille,
dit la tante, pour que la vache n'aille pas aux étrangers !» La bru consent. «Conduis la vache dans la cour!» crie-t-elle à Vannka; il conduit la vache dans la cour et l'attache à une colonne; il * couche la bru sur la paille, lui fait son affaire comme il convient et veut lui coudre le c. • : il tire du fil et une aiguille. La bru s'effraie et.se sauve dans l'izba. «Eh bien, où
est la vache?» demande la belle-mère. La belle- fille se tient à peine de pleurer : «Vas-y toi- même t il m'a fait et refait l'affaire, et il voulait encore me coudre le c.. : il est trop large! disait-il* — Allons, va, toi, Matriochka! dit la tante à sa fille, une vierge; tu ne perdras pas ton honneur (pucelage) pour rien, tu auras une vache!» Matriochka se rend
126
CONTES SECRETS
près de Vannka; il rétend sur la
paille, la travaille, puis tire son couteau. «Ah, vieille diablesse! dit Vannka, est-ce pour se moquer de moi qu'elle me l'a envoyée? ma p... est toute déchirée jusqu'au sang. Elle a beau être ma cousine germaine, je lui élargirai le c..!» Matriochka est prise de frayeur et se sauve dans l'izba. «Vas-y toi-même, vieille sorcière! dit-elle à sa mère en pleurant; il m'a fait horriblement mal et il voulait en- core me l'élargir avec un couteau.» La vieille dit: «Faudra-t-il donc que j'aille, moi, faire l'amour à mon âge!» Elle va près de Vannka: celui-ci la couche sur la paille et se met à rire: «Chez moi aussi, dit-il, il y a beaucoup de neige dans la cave à glace.» Il tire un briquet et veut mettre le feu à la paille. La vieille se sauve en appelant Dieu à son secours et Vannka retourne chez lui emmenant sa vache; il rencontre son oncle. Ils se croisent: «Bonjour, petit oncle! — Bonjour ! — Merci de ce qu'en mon absence tu as tenu ma maison en ordre! Mais pour- quoi n'as-tu plus de cheveux sur la tête ? — Que faire? C'est Dieu qui l'a voulu. — Si tu veux, je t'en ferai pousser, des cheveux; il me suffira de chuchoter quelques mots , dans ton bonnet, et ce sera fait!» Il prend
traduits du russe
127
le bonnet, va derrière un
buisson, ch.. dans lé couvre-chef, étend de l'herbe dessus et le met sur la tête de Poncle: «Fais atten- tion, oncle, porte-le pendant trois jours, ne l'ôte pas!»
h t avait une fois un pope et une
BEI popesse; ils avaient deux filles. Le pope engage un ouvrier. Au printemps, il va faire un pèlerinage et auparavant donne ses ordres à l'ouvrier: «Vois-tu, Parai, il faut qu'à mon retour tout le potager ait été bêché et les planches dressées. — J'en- tends, petit père !» L'ouvrier bêche tant mal que bien le potager au pieu, et s'amuse pendant tout ce temps. Le pope revient, va au potager avec la popesse et .voit que rien n'a été fait. «Eh 1
l'ami, est-ce possible que tu ne saches pas comment on bêche un potager? — Assurément, je ne le sais pas! si je le savais, je l'aurais fait. — Eh bien, va dans la chambre, demande à mes filles
XLIV
LE POPE ET L'OUVRIER
CONTES SECRETS
qu'elles te donnent une pelle en
fer, et je te montrerai comment on bêche.» L'ouvrier court à la chambre vers les filles: «Petites maîtresses, le petit pere ordonne que vous me donniez toutes deux ... — Quoi? — Vous
le savez bien vous-mêmes: à f.....!» Les
filles du pope l'injurient. «Il
n'y a rien à injurier! le petit père a ordonné que vous me donniez cela tout de suite : il faut bêcher les plates - bandes. Si vous ne me croyez pas, demandez-le-lui vous-mêmes.» Une des sœurs court à l'instant sur le perron et crie ; «Petit père! vous avez ordonné de donner cela à l'ouvrier ? — Donnez-lui vite cela,
pour- quoi le retenez-vous? — Allons, ma sœur! dit' la jeune fille en revenant, il n'y a rien à faire; il faut le lui donner: le petit père l'ordonne. Alors elles se couchent toutes les deux et l'ouvrier les expédie lestement Ensuite il prend une pelle sous l'auvent et court près du petit père dans le potager. Le pope lui montre comment il faut bêcher les plates-bandes, et lui-même revient dans k chambre avec la popesse : mais que voit- il? ses filles tout en pleurs.» Pourquoi pleu- rez-vous? — Comment ne pleurerions-nous pas, petit père ! tu as ordonné toi-même à Fauvrier de se moquer de nous. — Comment
TRADUITS DU RUSSE i2q.
de se moquer ? — Tu as ordonné
que nous lui donnions cela ? — Eh bien, quoi ! j'ai or- donné de lui donner une pelle. — Quelle pelle? il nous a déshonorées toutes les deux, il a pris notre virginité.» Quand le pope entend cela, il entre dans une grand colère, il saisit un pieu et court droit au potager. L'ouvrier voit que le pope vient sur lui avec un pieu. Mauvaise affaire! il jette sa pelle et se sauve à toutes jambes. Le pope se lance après lui, mais l'ouvrier est plus agile, il disparaît aux yeux du pope. Celui-ci cherche son ouvrier. Il va, et rencontre un moujik. «Bonjour, l'ami l
— Bonjour, petit père ! — N'as-tu pas rencontré mon ouvrier ? —- Je ne sais; un garçon a passé courant rapidement. — C'est lui-même! viens avec moi, petit moujik, aide-moi à le chercher, je te paierai pour cela.» Ils vont ensemble ; quelques pas plus loin ils rencontrent un tsigane: «Bonjour, tsigane! dit le pope. — Bonjour, petit père! — N'aurais-tu pas ren- contré un garçon, tout à l'heure? — Oui, petit père, il y en a un qui vient de passer en courant devant moi.— C'est lui-même! aide-nous à le chercher, je te paierai pour cela: — Volontiers, petit père!» Ils vont à eux trois. Mais l'ouvrier
a couru au village,
Kçvtî
Trifft'f.
i. 9
130 CONTES
SECRETS
il a mis d'autres vêtements et il
vient lui- même à la rencontre du pope. Le pope ne le reconnaît pas et l'interroge: «Dis-moi, l'ami! n'as - tu pas vu un moujik sur ton chemin ? — J'en ai vu un, il courait dans le village. — Allons, ami, aide-nous à le cher- cher. — Volontiers, petit père !» Us vont tous les quatre chercher l'ouvrier du pope, ils entrent dans le village, ils marchent, ils marchent jusqu'au soir: rien. 11 fait noir: où passer la nuit? Ils arrivent à une izba dans laquelle vivait une veuve, et demandent à passer la nuit. La veuve répond : «Bonnes gens!, il y aura cette nuit un déluge chez moi! je vous en préviens, vous serez noyés.» Pourtant elle ne les repousse pas, elle ne peut pas les repousser et elle les laisse entrer pour la nuit. Mais son amant avait promis de venir la voir cette nuit-là. Ils entrent donc dans l'izba et se couchent Le pope pense qu'en effet il pourrait bien y avoir un déluge; il prend une grande auge, la place sur un rayon et se couche dans cette auge: s'il y a un déluge, pense-t-il en lui-même, je surnagerai dans l'auge. Le tsigane se couche sur le foyer, la tête dans la cendre; le moujik se couche sur le banc (derrière la table, et l'ouvrier 4u pope sur
traduits du russe 131
l'escabeau, devant la fenêtre
elle-même. Ils sont à peine couchés, qu'ils dorment tous d'un profond sommeil; seul, l'ouvrier du pope ne dort pas; il entend l'amant de la maîtresse de la maison venir sous la fenêtre et frapper: «Ouvre, chère amie.» L'ouvrier se lève, ouvre et dit tout bas: «Ah, cher ami I tu viens dans un mauvais moment Des étrangers sont chez moi pour y passer la nuit; reviens la nuit prochaine. — Allons, chérie! dit l'amoureux, penche-toi à la fenêtre, que nous puissions nous embrasser!» L'ouvrier tourne son derrière du côté de la fenêtre et avance son cul, l'amoureux l'em- brasse avec délices. «Allons, adieu, chérie! porte-toi bien! je reviendrai la nuit prochaine. — Reviens, mon amour! je t'attendrai, et comme adieu, mon chéri, donne-moi ta p..., que je la tienne quelques instants dans mes mains, cela me distraira un peu.» Il tire sa p... de son caleçon et la présente à la fenêtre : «Tiens, ma chérie, amuse-toi !» L'ou- vrier prend la p... dans la main, la caresse, la caresse, tire son couteau de sa poche et ha coupe du même coup la p... et les
c.......
L'amoureux pousse un grand cri
et se sauve chez kd. L'ouvrier
ferme la fenêtre, s'assied sur le banc et feit du bruit
9*
132
avec sa bouche, comme s'il
mangeait. Le moujik l'entend, s'éveille et lui dit: «Que manges-tu, camarade? — J'ai trouvé sur la table un morceau de saucisson, mais je ne peux pas en venir à bout: il est cru! — Cela ne fait rien qu'il soit cru, camarade; donne-m'en donc un morceau pour essayer. — Eh, l'ami, je n'en ai pas beaucoup! mais tiens, voilà le bout, mange!» et il lui donne la p... coupée. Le moujik se met à mâcher le saucisson avec grand appétit; il mâche, il mâche, mais il ne peut l'avaler et dit: «Qu'en faire, camarade? impossible de le manger: il est si dur! —- Mets-le dans le poêle, fais-le rôtir, et alors tu le mangeras.» Le moujik se lève, va vers le poè'le et fourre le saucisson droit entre les dents du tsigane ; il le tient, le tient longtemps là et essaie: «Non, dit-il, le saucisson n'est pas attendri, le feu n'y a rien fait. — Cesse donc de te dé- mener avec ce morceau ; la maîtresse de la maison entendra et elle grondera. Tu as tout éparpillé le feu dans le poè'le; voyons, arrose-le d'eau, ahn que la ménagère ne s'aperçoive de rien. — Mais où prendre de l'eau ? — Pisse dessus ! Mieux vaut éteindre le feu, que de sortir dans la cour.» Le moujik avait une grande envie de pisser et
133
il pisse droit sur la figure du
tsigane. Quand le tsigane sent que Peau, venant on ne sait d'où, lui tombe directement dans la bouche, il se dit: le déluge est arrivé, et il se met à crier de toute la force de ses poumons: «Eh! petit père, le déluge, le déluge!» Le pope entend la voix du tsigane, et, à moitié endormi, il veut se lancer avec l'auge directe- ment dans l'eau, mais il tombe lourdement sur le sol et se brise toutes les côtes. «Ah, mon Dieu! crie-f-il, quand un enfant tombe, le Seigneur place un coussin sous lui, mais quand c'est un vieillard qui tombe, le diable place sous lui une herse. Me voilà tout brisé! Je ne retrouverai certainement pas mon brigand d'ouvrier.» L'ouvrier lui dit: «Ne le cherche plus, crois-moi! va-t-enchez toi, que Dieu t'accompagne! cela vaudra mieux pour ta santé!»
(Autre version.)
Un pope avait engagé un ouvrier.
Un jour, de grand matin, le pppe dit à l'ouvrier : «Nous allons déjeuner et nous irons battre le blé sur Paire.» Ils s'asseyent pour dé- jeuner; ils mangent je ne sais quoi, puis la
»34
popesse apporte trois œufs, deux
pour le pope, un pour l'ouvrier. Ils vont battre sur l'aire; ils prennent leurs fléaus et com- mencent le travail: le pope frappe deux coups de fléau, et l'ouvrier un coup; le pope deux coups, et l'ouvrier un coup. Le pope voit que l'ouvrier lui laisse le travail, il se met en colère et lui dit: «Est-ce que tu te moques de moi, l'ami! hein? Je bats comme il convient de battre, et toi, tu ne suis pas. Je donne -deux coups de fléau, pendant que tu n'en donnes qu'un. — Écoute, petit père, lui dit l'ouvrier, quand nous avons déjeune, tu as mangé deux œufs, et moi un; voilà pourquoi j'ai moins de forces que toi! — Pourquoi, l'ami, ne m'as-tu pas dit cela plus tôt? j'aurais ordonné à la petite mère de te donner un autre œuf. Retourne à l'izba et dis à la petite mère qu'elle te donne encore un œuf, mange-le et reviens.» L'ouvrier jette son fléau, court à l'izba et dit à la po- pesse : «Petite mère, le pope a ordonné que tu me donnes ... — Que je te donne quoi ?
— Tu le devines bien: évidemment
à f.....I
Seulement donne vite, le petit
père m'a or- donné de me hâter. — Voyons, maudit, as- tu perdu la tête? Tu dis des choses! — Eh bien, demande toi-même au pope si je
TRADUITS DU RUSSE
135
men&» La popesse sort dans la
cour et crie* «Écoute, petit père! Tu ordonnes de le donner à l'ouvrier? — Tu ne Je lui as pas encore donné! lui crie le pope; donne- le-lui au plus vite et renvoie-le ; qu'il vienne battre le blé.» La popesse rentre dans l'izba. «Allons, tu as raison! dit-elle à l'ouvrier, et elle se couche sur le banc derrière la table. L'ouvrier lui monte dessus, l'expédie vive- ment, se hâte de sortir et afin que le pope ne le surprenne pas, il sort dans la cour et s'éloigne du pope à toutes jambes. Le pope bat le blé, bat le blé et se dit: qu'est- ce que cela veut dire? pourquoi l'ouvrier n'est-il pas encore revenu ? j'irai le chercher. U revient à l'izba et demande à la popesse: «Où est l'ouvrier ? — Quand il a eu fini sa besogne, il est sorti. — Quoi, quoi! de- mande le pope, qu'est-ce qu'il a fait avec toi? — Ce que tu lui as ordonné, il l'a fait:
il m'a f.....» Le pope arrache
ses longs
cheveux et injurie la popesse :
«Ah, maudite
p.....!» Il attelle aussitôt le
cheval et part
à la poursuite de l'ouvrier.
Celui-ci le voit venir, il prend de la boue, s'en barbouille et vient lui-même à la rencontre du pope: «Bonjour, petit père! — Bonjour, l'ami! — Où vas-tu? — Je cherche mon ouvrier. —
136 contes
secrets
Prends-moi avec toi. — Qui es-tu
? — <jriaz- noff (le boueux). — Volontiers, monte.» Us vont à eux deux; ils rencontrent un tsigane, qui est aussi invité à monter avec eux* Üs vont à eux trois et la nuit les atteint. Ils arrivent à une petite rivière, sur le bord de laquelle ils voient une petite izba; dans cette izba vivait une veuve, et son amoureux était venu passer la nuit avec elle. Hs lui deman- dent à entrer pour la nuit dans son izba; eue refuse de les recevoir:
«Impossible! dit-elle. Cette nuit mon izba sera remplie d'eau et tous ceux qui y dormiront seront noyés! — Cela ne fait rien ; nous nous en tirerons alors comme nous pourrons.» Il n'y avait rien à faire, elle les laisse passer la nuit chez elle. Le pope se couche dans la soupente: «Ici, pense-t-il, je suis élevé; peut-être l'eau ne montera - t-eile pas jusqu'à moi!» Le tsigane pend une auge au plafond, se couche dedans et prend son couteau. «Quand l'eau viendra, pense-t-il, je couperai la corde et je surnagerai dans
Tauge«» La maîtresse de la maison se couche sur le poêle, mais l'ouvrier comprend l'affaire de la maîtresse du logis et se couche devant la fenêtre. «Que l'eau vienne! on ne meurt qu'une fois!» Voilà que pendant la nuit il entend qu'on
traduits du russe 137
frappe contre la fenêtre. «Qui
est là? — C'est moi, dit l'amoureux. — Eh bien, as- tu apporté quelque chose? — J'ai apporté une demi-bouteille d'eau-de-vie et du sau- cisson. — Voyons, donne!» L'amoureux donne. L'ouvrier prend et dit: «Je ne puis absolument pas te recevoir maintenant, parce que j'ai des locataires pour la nuit. Mais je voudrais, pour m'amuser, tenir ta p... dans mes mains; cela me consolera tou- jours un peu !» Le galant tire sa p... de sa culotte, l'ouvrier la saisit solidement d'une main, de l'autre il cherche: n'y aura-t-il pas là un bâton pour l'en régaler ! Par bonheur sa main tombe sur un couteau. Il le châtre avec ce couteau, et l'autre reste comme abruti, sans p... ; il voit que c'est une mauvaise affaire et se sauve chez lui. L'ouvrier saisit aussitôt la demi-bouteille d'eau-de-vie, boit et mange du saucisson. Mais les popes ont l'oreille fine pour ces choses-là: le pope s'éveille et crie: «Griaznoff! que manges-tu? — Du saucisson. — Donne m'en!» Il lui donne la p... coupée. Le pope nraâche, mâche, et la lui rend: «C'est trop dur, dit- il. — Cela n'est pas encore assez cuit!» En- suite ils s'endorment tous. L'ouvrier imagine encore de se moquer d'eux: il monte dans
138
CONTES SECRETS
la soupente et pisse droit dans
la bouche du pope. Celui-ci crie: «l'eau, l'eau!» et se jette en bas la tête la première. Le tsigane voit que le pope s'est précipité en bas, il coupe aussitôt la corde avec son couteau, plonge avec l'auge et se brise sur le soL ils se sauvent clopin-clopant! L'ouvrier est en- core en tête-à-tête avec la maîtresse du loges**
* Variante : Un bottier sait son chemin, on
tailleur le rejoint et loi dit: «Bonjour, qne la paix soit sur ta route 1 — Bonjour 1
— Ne pourrait-on pas se joindre à toi comme compagnon ? — Bien I Allons.» Ils vont en- semble. Ils rencontrent un Allemand: «Bonjour, que la paix soit avec vous, frères I Voules-vous de moi comme compagnon ? — Comment serions-nous tes compagnons : nous sommes Russes et tu es Allemand I — Permettes- moi de voyager avec vous, camarades ! — Allons, viens J» (Le reste de l'histoire est
le même : ils s'arrêtent pour passer la nuit chez une veuve : le bottier se couche devant la fenêtre, bien que la veuve ne voulût pas lui laisser prendre cette place, le tailleur sur le poêle et l'Allemand dans une auge suspendue au plafond. Ar- rive le galant : «Donne, ma chérie, qu'au moins je t'em- brasse !» Le bottier lui tend son cul. Il l'embrasse et dit: «Comme elle a le museau large I
Donne que je t'embrasse encore.» Le bottier avance de nouveau son cul, mais le galant a trouvé un maillet et il l'en frappe sur le cul : «Ah ! je f... sa mère I
il m'a joliment em- brassé!» Le bottier pisse juste dans la bouche de l'Allemand ; celui-ci tombe à terre, «Il est rusé, l'Alle- mand, dit le bottier, mais nous l'avons mis dedans.»
TRADUITS DU RUSSE
139
XLV
LA FAMILLE DU POPE ET L'OUVRIER
ans certain empire, dans notre royaume,
mSLÊi il était une fois un pope et une po- pesse ; ils avaient avec eux trois filles et un ouvrier. Cet ouvrier se dit un jour: com- ment faire pour avoir les filles du pope. Le leur demander sans détour, il n'ose pas; il attend un jour de fête, prend un chaudron/va dans la grange, verse de Peau dans le chaudron, allume le feu et fait bouillir Peau. Le pope revient de la messe et se met à dîner avec sa femme et ses filles: «Où est l'ouvrier, demande-t-il? — Dans la grange, dit la popesse, il fait je ne sais quoi depuis le matin. — Impies, com- ment avez-vous pu l'envoyer travailler un jour de fête comme aujourd'hui? — Nous ne Pavons pas envoyé ; il y est allé lui-même. — Va le chercher, dit le pope à la fille aînée; qu'il vienne dîner!» La fille du pope court à la grange, s'approche et lui dit: «Que fais-tu bouillir, ouvrier? — Des con- fitures! — Donne que j'en goûte! — Donne que je te f.... !» La fille du pope retrousse
I40 CONTES
SECRETS
sa jupe, l'ouvrier la f...; quand
il a fini, il lui donne à goûter les confitures. Elle goûte : «C'est de l'eau,» dit-elle, et elle s'en va. Elle arrive dans l'izba : «Eh bien, l'ouvrier vient- il? — Il fait je ne sais quoi! — Sotte! J'avais ordonné qu'il mît tout de côté et qu'il vînt dîner. Va, toi, dit le pope à la sœur puînée; fais-le venir ici!» La sœur puînée court: «Que fais-tu bouillir, ouvrier! lui demande-t-elle? — Des confitures! — Donne que je les goûte! — Donne que je te
f____un coup !» Il la travaille
et lui donne
ensuite à goûter: «C'est de l'eau
pure,» dit- elle, et elle se sauve. «Où est l'ouvrier ? de- mande le pope. — Il ne viendra pas. Il est tout occupé de je ne sais quoi!» Le pope envoie la cadette. Elle arrive dans la grange et demande à son tour : «Que fais-tu bouillir, ouvrier? — Des confitures! — Donne que j'en goûte! — Donne que je te f.... un
petit coup!» La jeune fille se
laisse f.....
un petit coup, goûte l'eau et
revient dans l'izba. Le pope se met en colère et dit: «Vous êtes toutes des sottes! Va, toi, po- pesse! appelle-le! qu'il vienne tout de suite!» La popesse arrive dans la grange: «Que fais-tu bouillir, ouvrier? — Des confitures! — Donne que je les goûte, laisse-moi les
TRADUITS DU RUSSE 141
goûter un peu ! — Donne que je te
f____!
La popesse fait des façons, mais
il ne laisse pas ainsi gratuitement goûter les confitures, et comme la popesse a une grande envie de
savoir ce qui bout, elle se
laisse f....., puis
elle goûte l'eau. «Eh bien,
petite mère ! sont-elles bonnes, mes confitures?» Ils ver- sent ensemble l'eau et vont dîner. «Pour- quoi, imbécile, t'es-tu fait prier si longtemps ? C'est un péché de travailler aujourd'hui! lui dit le pope.» Pendant le dîner, on ap- porte un pâté, le pope le partage et en donne une part à chacun. La popesse donne sa part à l'ouvrier: «Voilà ma part, ouvrier, pour ce que tu m'as fait tantôt!» Les filles, après avoir regardé leur mère, donnent aussi leurs parts à l'ouvrier: «Voilà, ouvrier, pour ce que tu nous as fait tantôt.» Le pope re- garde, regarde, et lui aussi: «Voilà ma part, ouvrier, pour ce que tu m'as fait tantôt. * — Est-ce que, par hasard, l'ouvrier t'aurait
f____? demande la popesse. —
Est-ce que,
par hasard, il vous a f......,
vous?» La po- pesse et ses filles s'écrient d'une seule voix: «Comment donc! Certainement, il nous a f......î» Le pope se fâcha et chassa l'ouvrier.
* Vaxiantb : tpoar tes confiture*».
14»
XLVI
LE PEIGNE
ffPfc vieux achète une pelisse de mouton m31
à sa vieille et il la f...
toute la nuit au pied de la clôture; le matin le temps est humide; la vieille, le dos voûté, va pleurant, mais le vieux la suit et monte sur sa femme. La vieille dit à son vieux: «Ne me déchire pas ainsi, Gavrila (Gabriel) !» Mais le vieux a l'oreille dure, il n'entend pas ce qu'elle dit, il lui pousse sa p... et la f... jusqu'à la faire ch... L'œil n'est jamais fatigué de voir, le cul de vesser, le nez de prendre du tabac, le c... ne se lasse jamais d'un bon
f...... Cela a beau lui cuire, le
gredin
n'est jamais content! Ceci est un
prélude, un avant-conte.
Il y avait une fois un pope. Ce
pope avait une fille, une vierge ingénue. L'été vient, le pope loue des ouvriers pour faucher le foin, et il les loue à la condition suivante: Si sa fille pisse par-dessus la meule défont que l'ouvrier aura fauchée, celui-ci ne sera pas payé de son travail. Beaucoup d'ouvriers s'engagent chez lui, mais tous travaillent
traduits du russe
143
gratuitement pour le pope : la
jeune popesse, quelle que soit la meule, pisse par-dessus. Un ouvrier hardi accepte la condition : si la fille du pope pisse par-dessus la meule de foin qu'il aura fauchée, il ne touchera rien pour son travail. L'ouvrier fauche donc le foin; quand il l'a fauché, il le met en tas, se couche au pied de la meule, tire sa p... de son caleçon et se met à la caresser. La fille du pope s'approche de l'ouvrier pour examiner la meule, elle jette un regard sur lui et lui dit : «Que fais-tu donc, petit moujik ! — Je frotte mon peigne» — Que peignes-tu avec- ce peigne? *— Viens, je te peignerai! couche-toi sur le foin.» La fille du pope se couche sur le foin, il commence à
la peigner et l'évente comme il convient* La
* Variants:
Dans un village, sur la terre vis-à-vis le ciel, il y avait Une fois un pope, Strach, qui avait des trous à
sa souquenille ; il n'avait pas plus
de malice qu'il ne faut, et sa famille se composait de trois per- sonnes : lui, sa fille Catherine et un ouvrier. Un jouir que la fille du pope chauffait le four et que l'ouvrier ae tenait devant le feu, sa p... se dresse et soulève sa chemise. La fille du pope voit cela: «Quelle écorce pousse donc là sous ta chemise ? lui demande-t-elle. — Ah, petite maltresse ! ce n'est pas de l'écorce, c'est un peigne. — Quel peigne ? Ne pourrais-tu pas me peigner
i44
jeune fille se relève et dit:
«Quel délicieux peigne)» Ensuite elle essaie de pisser par- dessus la meule: mais non, cela ne va pas; elle ne fait que pisser sur elle-même, comme si cela coulait d'un tamis! Elle va trouver son père et lui dit: «La meule est très- grande, je n'ai pu pisser par-dessus ! — Ah ! ma fille ! c'est bien certainement un très bon ouvrier! je l'engagerai pour Tannée.» Dès que l'ouvrier rentre pour recevoir son paie- ment, le pope lui dit: «Engage-toi, Pami, pour l'année! — Je veux bien, petit père!» il s'engage chez le pope. Et la fille du pope est si contente de lui ! Elle vient* le trouver la nuit et lui dit: «Peigne-moi! — Non, jé ne te peignerai pas gratuitement; apporte cent roubles, achète le peigne!» La fille du pope lui apporte cent roubles et il la peigne chaque nuit. A quelque temps de là, l'ou- vrier se querelle avec le pope et lui dit: «Règle mon compte, petit père!» On lui
une fois avec ce peigne-là ? —
Ah, comme tu as l'oeil envieux, petite maîtresse t Tout ce que tu vois, tu le demandes.» Et l'ouvrier commence à peigner la fille du pope, et, depuis cette époque, il la peigna jusqu'au mo- ment où son ventre, lui monta jusque sous le nez ; alors l'ouvrier fit son compte avec le pope et se sauva de chez
lui. i
' 1
TRADUITS DU RUSSE 145
règle son compte et il s'en va.
La fille du pope était absente à ce moment là, elle rentre à la maison: «Où est l'ouvrier? — Il a demandé son compte et il est parti de suite pour le village, dit le pope. — Ah, petit père! qu'as-tu fait? il a emporté mon peigne.» Elle s'élance à sa poursuite et le rejoint près d'une petite rivière; l'ouvrier a retroussé son caleçon et il la passe à gué. «Rends-moi mon peigne!» lui crie la fille du pope. L'ouvrier prend une pierre et la jette dans l'eau: «Ramasse-le!» dit-il. Il passe de l'autre côté et s'en va. La fille du pope retrousse sa jupe, entre dans l'eau et cherche le peigne. Elle fouille le fond: pas <le peigne ! Vient à passer un seigneur, qui lui crie: «Que cherches-tu, ma pigeonne? — Mon peigne ! Je l'ai acheté à un ouvrier pour cent roubles ; en s'en allant, il l'a em- porté ; je l'ai poursuivi, et il a jeté le peigne dans l'eau.» Le seigneur descend de son britchka, ôte sa culotte et entre dans l'eau pour chercher le peigne. Ils cherchent, ils cherchent à eux deux. Tout à coup la fille du pope s'aperçoit qu'une p... pend entre les jambes du seigneur; elle la saisit des deux mains, la serre et crie : «Ah, seigneur ! voilà qui est honteux de ta part ; c'est mon
KçvnTafiia.
i. 10
146 CONTES
SECRETS
* Variants:
La fille du pope cherche le peigne dans la rivière. Arrive un pope, qui fouille avec «lie au fond de l'eau ; il a relevé sa souquenille, et son cale- çon, il l'a déjà laissé sur la berge; la jeune fille aperçoit sa p... et crie» «Petit père! rends.moi mon peigne!» Le pope se jette de ci, de là, mais elle répète contï- ateltement : «Rends-moi mon peigne !•
peigne, rends-le-moi!* — Que
fais-tu, éhon- tée? Laisse-moi ! dit le seigneur. — Non, c'est toi qui n'as pas de honte! tu veux prendre le bien d'autruL Rends-moi mon peigne!» et elle le traîne par la p... vers son père. Le pope regarde par la fenêtre: sa fille traîne un seigneur par la p... et ne cesse de répéter: «Rends-moi mon peigne, coquin!» et le seigneur lui crie d'un ton plaintif: «Petit père! délivre-moi d'une mort im- méritée ! Je ne t'oublierai de ma vie.» Que faire ? Le pope tire de son caleçon sa p... de pope, il la montre à sa fille par la fenêtre et lui crie: «Ma fille, eh! ma fille! le voilà ton peigne! — Vraiment, c'est le mien! dit la fille, voyez comme il a le bout rouge! je croyais que le seigneur Pavait pris!» Elle lâche aussitôt ce dernier et accourt dans l'izba. Le seigneur tire ses chausses, et montre les talons. La jeune fille était entrée en courant dans l'izba. «Où est mon peigne,
TRADUITS DU RUSSE 147
petit père? — Ah, quelle fille!
dit le pope en grondant; vois donc, petite mère, je crois qu'elle n'a plus son honneur (pucelage)! — Assez, petit père! dit la popesse, examine toi-même, cela vaudra mieux.» Le pope met bas son caleçon et donne le peigne à sa fille: quand on en est à l'action, le pope hennit et crîe: «Non, non, la fille n'a pas
perdu son honneur .....» La
popesse lui
dit: «Petit père! pousse-lui
l'honneur plus avant. — Ne crains rien, petite mère! elle ne le laissera pas tomber, je l'ai poussé loin !» La fille est encore jeune et elle ne sait pas lever les jambes en les ramassant. «Replie encore plus, ma fille, replie encore plus!» crie la popesse. Mais le pope: «Ah, petite mère! elle est tellement ramassée que ce n'est plus qu'une boule!» Ainsi passa au peigne la fille du pope. Depuis ce temps, le pope les peigne toutes les deux, il les régale de sa petite poupée, depuis ce temps il passe sa vie à f.....la fille et la mère.
10*
148
CONTES SECRETS
;
XLVII
POUSSE LA CHALEUR
l était une fois un moujik qui avait trois fils : les deux premiers intelligents, le troisième, benêt. Il leur dit un jour: «Mes chers enfants ! avec quoi me nourrirez- vous dans ma vieillesse?» Les deux frères aînés répondirent: avec le produit du tra- vail ; le sot répondit sottement : «Avec quoi pourait-on mieux te/nourrir qu'avec la p... ?» Le jour suivant, l'aîné prend sa faulx et va faucher le foin ; il suit la route et fait la rencontre du pope. «Où vas-tu? demande le pope. —- Je cherche du travail, du foin à faucher. — Viens chez moi, seulement à une condition: je te donnerai cent roubles, si ma fille ne pisse pas par-dessus ce que tu auras fauché en un jour; si elle pisse par-dessus, je ne te paierai pas un kopek.* — Comment pourrait-elle pisser par-dessus ?» pense le gars, et il accepte la condition. Le pope le conduit au pré : «Fauche là, lui dit- il !» Le garçon commence aussitôt à faucher,
* Comparer avec le n<». XLVI.
TRADUITS DU RUSSE 149
et le soir il en a fauché un tel
monceau, que c'est effrayant à voir. Mais la fille du pope vient et pisse par-dessus. L'ouvrier rentre à la maison, sans beaucoup de sel à mettre sur son pain. La même chose arrive au puîné des trois frères. Vient le tour du benêt. «Laissez-moi aller, dit-il, je cher- cherai à travailler avec ma p...» Il prend sa faulx et sort; il rencontre le même pope, et celui-ci lui offre du travail à la même condition. Le benêt se met à faucher; il fauche une ligne, laisse tomber son caleçon et se met à quatre pattes. La fille aînée du pope arrive en ce moment et lui dit: «Ouvrier, pourquoi ne fauches-tu pas? — Je t'en prie, laisse-moi pousser de la chaleur dans mon cul, pour qu'il ne gèle pas pen- dant l'hiver. — Pousse-moi aussi de la cha- leur, je t'en prie: quand nous allons en visite pendant l'hiver, nous nous refroidissons toujours. — Mets-toi à quatre pattes ; on ne pousse pas de la chaleur autrement!» Elle se met à quatre pattes et le benêt caresse son chasse-mouche, le lui enfonce dans le c... et lui pousse de la chaleur: il lui en pousse si longtemps qu'elle en sue à grosses gouttes. Quand c'est fait, il lui dit: «Allons, tu en as assez, cela suffira pour un hiver!»
ISO CONTES
SECRETS
Elle court à la maison et dit à
ses deux sœurs: «Ah, chères petites sœurs! comme l'ouvrier m'a délicieusement poussé de la chaleur dans le cul, les gouttes de sueur nous en tombaient, à lui et à moi!» Celles- ci s'empressent d'y aller à leur tour : le benêt leur pousse à elles aussi de la chaleur pour l'hiver. Quant au foin, il n'en fauche qu'une très petite quantité, en tout trois lignes. Le pope arrive avec sa fille aînée et fait le hâbleur: «Ouvrier, ce que tu as de mieux à faire, c'est de t'en aller au plus tôt chez toi; ma fille n'aura pas de peine à pisser par-dessus cela ! — Nous verrons !» Le pope ordonne à sa fille de pisser; elle relève sa jupe comme pour pisser en haut, mais elle pisse droit dans ses bas. «Tu vois! dit le benêt; tu n'es qu'un hâbleur.» Le pope, mécontent, envoie chercher ses deux plus jeunes filles: «Si celles-ci ne pissent pas par-dessus, dit-il, je te donne cent roubles pour chacune! — Bon!» Mais et la puînée et la plus jeune des filles du pope ne peuvent que pisser sur elles-mêmes. Le benêt tire du pope trois cents roubles, revient vers son père et dit: «Voilà le travail de la p... ! Voyez que d'argent!»
TRADUITS DU RUSSE
*5»
XLVIII
LES OBSÈQUES DU CHIEN (OU DU BOUC) WKJL
était une fois un moujik qui avait
BB un chien. Le moujik se fâche contre son chien, le prend, le conduit au bois et Pattache à un chêne. Le chien se met à fouiller la terre avec ses pattes; il creuse"au pied du chêne de telle sorte, que le vent renverse l'arbre. Le jour suivant, le moujik vient au bois et pense à aller voir ce que fait son chien; il se rend à la place où il l'a attaché et regarde : le chêne est renversé et sous le chêne se trouve un grand chaudron plein d'or. Le moujik est tout joyeux; il court chez lui, attelle son cheval et revient au bois. Il ramasse tout l'argent et met le chien dans la voiture. De retour à la mai- son, il dit aux femmes: «Faites attention, ayez toutes sortes d'égards pour le chien! Si vous ne vous occupez pas de lui, si vous ne le nourrissez pas comme il faut, je vous arrangerai à ma façon !» Les femmes nour- rissent le chien à la viande de boucherie, elles lui font un lit douillet, elle le dorlotent de toutes les façons. Le maître de la mai-
152
CONTES SECRETS
son n'a plus confiance en
personne qu'en son chien, il ne va nulle part qu'il ne pende les clefs au cou de son chien. Le chien vit, tombe malade, puis crève. Le moujik imagine d'enterrer le chien avec toutes les cérémonies: il prend cinq mille roubles et va chez le pope. «Petit père, il est mort chez moi un chien qui t'a légué par testa- ment cinq mille roubles, à condition que tu l'enterreras avec les cérémonies chrétiennes. — C'est bien, l'ami ! on peut l'enterrer, seule- ment, il ne faut pas le porter dans l'église. Tiens tout prêt, demain j'irai pour l'enlève- ment du corps.» Le moujik prépare tout, il fait faire un cercueil et y place le chien; le lendemain matin le pope arrive avec le diacre et les sous-diacres (le chantre et le sacristain) en chasubles, ils chantent ce qu'il faut chanter, conduisent le chien au cime- tière et l'ensevelissent dans une fosse. En- suite le pope en vient au partage avec les autres gens d'église; il offense les sous- diacres: il leur donne peu; ceux-ci portent plainte au prélat sur son compte: entre autres choses, il a enterré un chien avec les cérémonies chrétiennes. Le prélat mande le pope devant son tribunal : «Comment as- tu osé, lui dit-il, faire les obsèques d'un
TRADUITS DU RUSSE
l53
chien impur?» Ensuite il le met
aux arrêts. Mais le moujik prend dix mille roubles et vient chez le prélat délivrer le pope. «Que veux-tu?» demande le prélat. —- «Voici, ré- pond le moujik: un chien est mort chez moi, il a laissé par testament à Votre Emi- nence dix mille roubles, et au pope cinq mille! — Oui, mon ami, j'ai entendu parler de cela, et j'ai mis le pope aux arrêts, parce que, l'impie, quand le chien a passé devant l'église, il n'a pas dit pour lui la messe de Requiem.» Le prélat prend les dix mille roubles légués par le chien, il renvoie le pope et le gratifie convenablement; quant aux sous-diacres, il les fit soldats.
(Autre version.)
Il était une fois un vieux et une
vieille; il n'avaient pas un seul enfant, ils n'avaient qu'un bouc: c'était tout leur avoir. Le vieillard ne connaissait aucun métier, il ne savait que tresser des lapti (chaussures de tille) et vivait de ce travail. Le bouc est habitué au vieillard; quand celui-ci par hasard sort de la maison, le bouc court après lui. Un jour le vieillard va au bois
«54
CONTES SECRETS
chercher des écorces, le bouc
accourt der- rière lui Ils arrivent dans la forêt, le vieillard s'occupe d'arracher des écorces, le bouc court de côté et d'autre pour arracher l'herbe; il arrache* il arrache, et tout à coup il enfonce des pieds de devant dans la terre fraîchement remuée; il se met à creuser et déterre un chaudron rempli d'or. Le vieillard remarque que le bouc creuse la terre, il vient vers lui et aperçoit l'or; il est ravi au-delà de toute expression, jette ses écorces, ramasse l'or et revient à la maison. Il raconte tout à la vieille. «Vieux! dit la vieille, Dieu nous a donné ce trésor dans notre vieillesse, parce que nous avons travaillé de si longues années ensemble dans la misère. Nous allons vivre maintenant dans le contentement. — Non, vieille! ré- pond le vieux ; cet argent, ce n'est pas nous qui avons eu la chance de le trouver, mais le bouc; maintenant il faut le choyer et le soigner plus que nous-mêmes!» Depuis ce temps, ils commencent à choyer et à soigner le bouc plus qu'eux-mêmes ; ils le dorlotent et, pour leur part, se rétablissent on ne peut mieux. Le vieillard a oublié la manière de tresser les lapti; ils vivent cher eux, se portent parfaitement et ne connaissent aucun
TRADUITS DU RUSSE 155
chagrin. Au bout de quelque
temps, le bouc tombe malade et meurt. Le vieux consulte la vieille sur ce qu'il faut faire: «Si nous jetons le bouc aux chiens, ce sera un péché devant Dieu et devant les hommes, car tout notre bonheur nous est venu par lui. Je ferai mieux d'aller chez le pope et de le prier d'enterrer le bouc avec les céré- monies chrétiennes, comme on enterre les autres défunts.» Le vieillard s'apprête, arrive chez le pope et s'incline: «Bonjour, petit père! — Bonjour, l'ami, que nous diras-tu?
— Voici,
petit père! je suis venu vers Ta Grâce pour t'adresser une prière. Il est ar- rivé un grand malheur chez moi : mon bouc est mort. Je suis venu t'inviter à en faire l'enterrement.» Quand le pope entend ces paroles, il entre dans une grande colère, il saisit le vieillard par la barbe et le traîne dans l'izba. «Ah, maudit! qu'as-tu imaginé là? faire l'enterrement d'un bouc infect!
— Mais
ce bouc, petit père, était un vrai croyant; il t'a laissé par testament -deux cents roubles. — Écoute, vieux navet! dit le pope, ce n'est pas parce que tu m'invites à faire l'enterrement d'un bouc que je te frappe, mais parce que tu ne m'as pas averti plus tôt de sa fin: il est peut-être mort de-
156 CONTES
SECRETS
puis longtemps!» Le pope prend
les deux cents roubles du moujik et lui dit: «Allons, va vite chez le père diacre, dis lui de se préparer; nous irons tout de suite faire l'en- terrement du bouc!» Le vieillard arrive chez le père diacre et lui dit: «Prends la peine, père diacre, de venir chez moi pour la levée d'un corps. — Qui donc est mort chez toi? — Tu connaissais mon bouc? il est mort!» Le diacre commence à le giffler sur une oreille et sur l'autre. «Ne me frappe pas, père diacre! dit le vieillard. Ce bouc était un vrai croyant; au moment de mou- rir, il t'a légué cent roubles pour l'enterre- ment. — Eh 1
quelle vieille bête tu es ! dit le diacre, pourquoi ne m'as-tu pas parlé plus tôt de sa mort orthodoxe? Va vite chez le sacristain et envoie-le sonner les cloches pour l'âme du bouc» Le vieux court chez le sacristain et lui dit: «Va vite sonner les cloches pour l'âme du bouc!» Le sacristain se fâche à son tour, et commence à tirer la barbe du vieux «Laisse-moi, je t'en prie, s'écrie le vieillard; ce bouc était un vrai croyant, il t'a légué cinquante roubles pour l'enterrement. — Pourquoi as-tu tant tardé à t*expliquer? Tu devais me le dire plus tôt: depuis longtemps on aurait sonné les
TRADUITS DU RUSSE 157
cloches!» Le sacristain se
précipite aussi- tôt dans le clocher et se met à sonner toutes les cloches. Le pope er le diacre, arrivent chez le vieillard et font toutes les cérémonies de l'enterrement, ils placent le bouc dans le cercueil, le transportent au cimetière et le mettent en fosse. Mais les paroissiens parlent entre eux de cette affaire; le bruit vient aux oreilles du prélat que le pope a enterré un bouc avec les cérémonies chrétiennes. Le prélat cite à son tribunal le vieillard et le pope: «Comment avez-vous osé faire l'enterrement d'un bouc? Ah, impies ! — Mais ce bouc, répond le vieillard, n'était pas, tant s'en faut, comme les autres boucs: avant de mourir, il a légué par tes- tament mille roubles à Votre Éminence. — Eh, sot vieillard! je ne vous reproche pas d'avoir fait l'enterrement du bouc, mais de ne lui avoir pas donné l'extrême - onction
avant sa mort !____» Il prit les
mille roubles
et renvoya chez eux le viellard
et le pope.
158
CONTES SECRETS
XLIX
LE JUGEMENT SUR LES VACHES Il t avait autrefois dans un
village
BS1111 pope et un moujik; le pope avait sept vaches, le moujik n'en avait qu'une, encore était-elle boiteuse. Mais les yeux de pope sont envieux; celui-ci songeait aux moyens de s'emparer par ruse de la dernière vache du moujik: «J'en aurais huit alors!» Arrive un jour de fête. Les gens se rendent à l'église, le moujik s'y rend aussi. Le pope descend de l'autel, prend un livre, l'ouvre et Ut au milieu de l'église* «Écoutez, habi- tants du village! Celui qui donnera une vache à son père spirituel, celui-là, Dieu le récompensera dans sa grande bonté: cette vache lui en ramènera sept» Le moujik entend ces paroles et se dit: «A quoi sert une seule vache? Elle ne donne même pas assez de lait pour une famille. Je ferai ce que dit la Sainte Écriture, je conduirai ma vache au pope. Peut-être Dieu aura-t-il de la compassion pour nous !» A peine la messe est-elle finie, que le moujik rentre chez lui. attache une corde à la corne de sa vache
TRADUITS DU RUSSE
159
et la conduit dans la cour du
presbytère. Il va trouver le pope: «Bonjour, petit père! — Bonjour, mon ami! que nous diras-tu de bon? — J'étais tout à l'heure à l'éçlise, H est dit, ai-je entendu, dans la Sainte Ecri- ture, qu'à celui qui donne une vache à son père spirituel, cette vache en ramène sept autres. J'ai donc amené ma vache à Votre Grâce et je vous la donne. — C'est bien à toi, mon ami, de t*étre rappelé la parole divine. Tu en seras récompensé au septuple. Conduis ta vache à l'étable et mets-la à côté des miennes.» Le moujik conduit sa vache à l'étable du pope et s'en retourne. Sa femme le gronde. «Pourquoi, imbécile, as- tu donné notre vache au pope? Tu veux donc que nous mourions de faim, comme des chiens ? — Eh ! que tu es bête ! dit le moujik. Tu n'as donc pas entendu ce que le pope a lu dans l'église ? Patience ! Notre vache nous en ramènera sept avec elle, alors nous boirons du lait à gogo.» Pendant tout l'hiver, le moujik reste sans vache. On arrive au printemps. Les gens envoient leurs vaches aux champs, le pope y envoie aussi les siennes. Le soir, le berger ramène le troupeau au village. Toutes les vaches gagnent leurs, cours respectives; mais la
i6o
CONTES SECRETS
vache que le moujik a donnée au
pope, par une vieille réminiscence, arrive au galop dans la cour de son ancien maître ; les sept vaches du pope sont tellement habituées à elle, qu'elles l'accompagnent et arrivent à sa suite dans la cour du moujik. Le moujik les aperçoit par la fenêtre et dit à sa femme : «Vois donc, notre vache nous en a bien ra- mené sept autres avec elle. Ce qu'a lu le pope est vrai; la parole divine se réalise toujours! Et toi, me gronderas-tu encore? Nous aurons maintenant et du lait et de la viande.» * Il sort aussitôt, pousse toutes les vaches dans l'étable et la ferme solidement. Le pope s'aperçoit qu'il va être nuit et que ses vaches ne sont pas revenues; il va les chercher dans le village. Il arrive vers le moujik et lui dit: «Pourquoi, l'ami, as-tu poussé les vaches d'autrui dans ton étable?**
* Variante : Le pope loue le moujik pour
nettoyer l'enclos où étaient les vaches; le moujik le nettoie, mais il ouvre les portes à dessein et les vaches sortent de la cour ; il n'était pas béte, le moujik : il chasse chez lui toutes les vaches du pope.
** Variante:
Le pope vient chez le moujik, mais la porte est fermée. Il regarde à travers le treillis, le moujik rafraîchit les vaches du pope et leur prépare de la nourriture salée.
TRADUITS DU RUSSE
— Que Dieu te conduise! je n'ai
pas de vaches d'autrui, j'ai les miennes, celles que Dieu m'a données : ma vache a ramené avec elle le septuple, comme tu l'as lu toi-même, petit père, tu t'en souviens, un jour de fête, à l'église. — Tu mens, fils de chienne! ce sont .mes vaches ! — Non, elles sont à moi !» Ils se querellent, se querellent Le pope dit au moujik: «Voyons, que le diable t'em- porte! reprends ta vache et rends-moi les miennes !» Il ne veut pas, cette p ... de chien. Il n'y a rien à faire. Le pope plaide avec le moujik. L'affaire arrive devant le prélat. Le pope lui donne de l'argent, le moujik lui donne une pièce de toile: le pré- lat ne sait comment décider entre eux. «Il est difficile, leur dit-il, de prononcer entre vous. Mais voici ce que j'ai imaginé. Allez- vous-en tous deux, et demain matin, celui qui arrivera le premier chez moi aura les vaches !» Le pope retourne à la maison et dit à la mère popesse:«Fais bien attention, éveille- moi demain de grand matin !» Mais le mou- jik n'est pas bête, il agit de ruse, ne retourne pas à la maison et se cache sous le lit du prélat : «Je passerai ici toute la nuit, perae- t-il, je ne dormirai pas et je me lèverai demain avant le jour; de cette façon le pope
KçxmràSta.
I. II
IÔ2
CONTES SECRETS
ne reverra pas ses vaches.» Le
moujik est donc couché sous le lit; il entend qu'on frappe à la porte. Le prélat saute du lit, ouvre la porte et demande: «Qui est là?» — C'est moi, la mère supérieure, petit père. — Bon! couche-toi dans le lit, mère supérieure.» Elle se couche dans le lit, le prélat lui täte les tétons et lui dit : «Qu'est- ce que tu as là ? — Ce sont les montagnes de Sion, saint prélat, et au-dessous les vallées.» Le prélat glisse la main sur le nombril. «Et cela, qu'est-ce? — C'est le nombril de la terre.» Le prélat glisse sa main encore plus bas, il täte le c de la mère supérieure: «Et cela? — Cela, c'est l'enfer pour le coup, petit père. — Et moi, j'ai un pécheur,* la mère; il faut le mettre en enfer.» Il monte sur la mère supérieure, lui fourre son pécheur dans l'enfer et prend le mors aux dents ; quand il* a bien travaillé, il reconduit la mère. Pendant ce temps, le moujik sort à la dérobée et retourne chez lui. Le lende- main, le pope se lève au petit jour, ne prend pas même le temps de se laver et court au plus vite chez le prélat. Le moujik, lui, dort tranquillement Quand il s'éveille, le
* Variante:
Judas.
TRADUITS DU RUSSE
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soleil est levé depuis longtemps;
il déjeune et s'en va sans se presser. Il arrive chez le prélat; le pope attend depuis le grand matin: «Eh bien, quoi! l'ami, tu étais sans doute occupé avec ta femme.» lui dit le pope en souriant. «Allons ! s'écrie le prélat, tu es arrivé le dernier..— Non, Ton Éminence! le pope est arrivé après moi. Rappelle-toi bien: j'étais déjà là au moment où tu mon- tais sur les montagnes de Sion et où tu fourrais un pécheur en enfer!» Le prélat lève les deux bras à la fois: «Elles sont à toi, les vaches, moujik, elles sont à toi! Tu as parfaitement raison. C'est toi qui es venu le plus matin.» Ainsi le pope resta mains vides, et le moujik vécut dans l'abondance.*
* Variants:
Dans certain manuscrit, le conte se .prolonge ainsi: Le pope revient à la maison. Chez lui travaille un ouvrier à cent roubles par an. Sept ans se passent, et il n'est pas payé pour une seule année. Il insiste auprès du pope pour avoir son compte, et le pope lui dit: «Tu as vécu pendant sept ans chez moi, mais tu n'as pas fait une seule fois tes dévotions ; confesse* toi d'abord, et ensuite nous compterons.» L'ouvrier fait ses dévotions et vient en confession vers le pope. «Avoue, l'ami ; n'as-tu pas fait sortir de l'endos la mar- chandise (c'est-a-dire le bétail) de quelqu'un: c'est un
ii*
164
CONTES SECRETS
L
LE POPE AVIDE
HFDl
était une fois un pope, qui
avait un Bfll grand revenu ; mais il était si
avare que, pendant le grand carême, il ne prenait pas moins d'un grivennik(io copeks = 40
cen- times) pour la confession. Si quelqu'un n'apportait pas le grivennik, il refusait de le confesser et se mettait à lui faire honte : «Eh, bête à cornes! Pendant toute l'année, tu n'as pas pu épargner un grivennik, afin de le donner à ton père spirituel pour la confession. Cependant il prie Dieu pour
grand péché I
— Non, petit père, je ne suis pas cou- pable en cela, mais voici ce dont je m'accuserai devant toi en confession: pendant
se.pt ans
j'ai f.... ta belle- fille ! — Il ne s'agit pas de cela, l'ami, n'as-tu pas, chez quelqu'un, fait sortir les vaches de l'enclos? — Non, petit père, je ne suis pas coupable en cela ; mais voici de quoi je m'accuse devant toi : je f... ta popesse ! — Assez, l'ami; tu dis des bagatelles! je te demande si tu n'as pas laissé partir mes vaches ? — Non, petit père, je ne sais rien de ce péché ; mais il ne faut rien cacher, ma p... se dresse aussi pour toi! — Sois maudit, damné!» Après cela, le pope règle le compte de son ouvrier, et reste et sans vaches et sans ouvrier.
TRADUITS DU RUSSE 165
vous, maudits!» Un soldat vient
un jour se confesser près de ce pope et lui met sur la petite table un piatak (cinq copeks = 20 centimes) en cuivre. Le
pope entre dans une véritable rage. «Voyons, maudit! lui dit-il, comment as-tu pu imaginer d'apporter un piatak, une monnaie de cuivre, à ton père spirituel? Te moques-tu de lui? — Pardon, petit père ! où veux-tu que je prenne cet argent? je donne ce que j'ai. — Tu
en as bien, de l'argent, pour le porter aux p......, aux cabarets ! mais à ton père spiri- tuel tu lui apportes seulement tes péchés! Vole plutôt quelque chose pour un cas sem- blable, vends-le, et apporte au prêtre une offrande convenable; tu te confesseras à lui en même temps de ce vol, et il te remettra tous tes péchés à la fois!» Et le pope chasse ce soldat sans le confesser: «Ne re- viens pas auprès de moi sans apporter un grivennik.» Le soldat s'en va et pense; «Que faire avec le pope ?» Il regarde autour de lui: près du chœur se dresse le bâton pastoral et à ce bâton pend un bonnet de castor. «Voyons, se dit le soldat, essayons d'enlever ce bonnet.» Il prend le bonnet, sort tout doucement de l'église et se rend droit au cabaret. Il le vend là pour vingt-
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COMTES SECRETS
cinq roubles, cache l'argent dans
sa poche, et met de côté un grivennik pour le pope. Il retourne à l'église et s'approche de nou- veau du pope. «Eh bien, apportes-tu le grivennik? demande le pope. — Je l'ap- porte, petit père ! — Et où l'as-tu pris, l'ami! — J'ai péché, mon petit père! j'ai volé un bonnet, puis je l'ai vendu pour avoir le grivennik.» Le pope prend le gri- vennik et dit au soldat: «Allons, Dieu te pardonne et moi je te remets tes péchés et je t'absous.» Le soldat s'en va, et le pope, ayant fini de confesser ses paroissiens, dit les vêpres, puis, après les vêpres, il se dis- pose à retourner chez lui. Il va dans le chœur pour prendre son bonnet, mais le bonnet n'y est plus, et il est obligé de s'en aller tête nue. Aussitôt arrivé, il envoie chercher le soldat. Le soldat lui demande: «Que désirez-vous, petit père! — Voyons, dis la vérité, l'ami, tu as volé mon bonnet ? — Je ne sais pas, petit père, si c'est votre bonnet que j'ai volé, c'est un bonnet comme les popes seuls en portent, personne n'en porte de pareils. — Et où l'as-tu pris? — , Il était suspendu au bâton pastoral de notre église, dans le chœur même. — Ah, fils de chienne! ah, brigand! comment as-tu osé
TRADUITS DU RUSSE
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voler le bonnet de ton père
spirituel? — Vous-même, petit père, vous m'avez absous de ce péché et me l'avez pardonné.»
LI
RIRE ET CHAGRIN
DBBHANS certam empire, dans
certain B2sl royaume, il y avait une fois un pope
; il vivait sur le bord d'une rivière et y possé- dait (un bac). Arrive à la rivière un batelier, qui lui crie de l'autre rive : «Eh, petit père, passe-moi! — Me paieras-tu le passage, l'ami? — Je te paierais volontiers, mais je n'ai pas d'argent ! — Si tu n'as pas d'argent, je ne te passerai pas! — Si tu me passes, petit père, je te montrerai en paiement le rire et le chagrin.» Le pope réfléchit, il voudrait bien connaître le rire et le chagrin; pourquoi, se dit-il, le batelier m'a-t-il parlé de cela tout de suite ? Il monte dans sa barque, traverse sur l'autre rive, prend le batelier et le passe de son côté.*
* Variants : Il y avait une fois un pope ; près
de
i68
comtes secrets
«Maintenant, petit père, retourne
ta barque sens dessus dessous!» dit le batelier. Le pope retourne sa barque sens dessus dessous et se dit: «Que va-t-il arriver?» Lebatelier tire de son caleçon une rude p... et en frappe un tel coup sur le fond de la barque, qu'elle se partage en deux. Le pope avait ri en voyant une p... si raide, mais ensuite, quand il pense à sa barque brisée, cela lui fait tant de peine qu'il en pleure de chagrin. «Eh bien, es-tu content de moi, petit père? demande le batelier. — Je ne plaisante pas
sa maison passait une rivière et
de l'autre côté il y avait une église. C'était un jour de fête; les cloches sonnaient pour la messe, le pope monte dans sa barque et passe sur l'autre rive.. Il est à peine sorti de sa barque, qu'il rencontre un paysan: «Petit père, passe- moi de l'autre côté. — Ah, l'ami ! je te passerais volon- tiers, mais la messe est sonnée depuis longtemps, tu me retarderais. — Ne crains rien, ils ne commenceront pas la messe sans toi, et si tu me passes, je te montre- rai rire et chagrin. Le pope passe le moujik. «Eh, bien quoi ! petit père, tu es très-désireux de voir rire et chagrin? — Oui, l'ami, très-désireux ! (Le moujik brise la barque avec sa p ...) Comment le pope main- tenant ira-t-il à l'église sans barque ? «Eh, quel fils de chienne tu es, moujik, quel chagrin tu me causes !• Le pope reste debout, reste debout devant sa barque, puis il s'en va. «Pourquoi reviens-tu si tôt ?> lui demande la popesse. Le pope lui dit pourquoi ...
TRADUITS DU RUSSE 169
avec toi! passe ton chemin!» Le
batelier prend congé du pope et continue sa route, le pope retourne chez lui. A peine a-t-il passé le seuil de l'izba, qu'il se rappelle la p... du batelier et il se met à rire, mais il pense à sa barque et il pleure. «Que t'est-il arrivé, petit père? demande la po- pesse. — Ah, quel chagrin, petite mère, si tu savais!» et il lui raconte tout ce qui lui est arrivé. Quand la popesse entend son petit père parler du batelier, elle s'emporte immédiatement contre lui: «Ah, vieux dé- mon! pourquoi l'as-tu chassé? pourquoi ne l'as-tu pas amené à la maison ? ce n'est pas un batelier, c'est mon propre frère ! Ce sont à coup sûr mes parents qui l'ont envoyé faire connaissance avec toi, et toi, au lieu
de deviner cela..... Attelle vite
le cheval,
et cours après lui; il errera
sans doute le malheureux et retournera chez lui sans nous avoir vus. Quel plaisir j'aurais à le voir, le cher pigeon, et à lui demander des nou- velles de mes parents!» Le pope attelle le cheval et part à la recherche du moujik; il le rejoint et lui dit: «Écoute, bon homme! pourquoi ne me l'as-tu pas dit: tu es sans doute le frère de ma popesse. Quand je lui ai raconté ta vaillance, elle t'a reconnu
170
contes secrets
à l'instant même et m'a ordonné de te
ra- mener près d'elle.» Le batelier comprend de suite ce qu'il en est: «Oui, dit-il, c'est vrai; je suis le propre frère de ta popesse; mais je ne t'avais jamais vu auparavant, petit père, et voilà pourquoi je n'ai pas su te reconnaître.» Le pope lui prend la main et l'entraîne vers le téléga: «Assieds-toi, l'ami, assieds-toi! nous nous en retournons chez nous. Grâce à Dieu! nous vivons, la petite mère et moi, dans le contentement et la prospérité, il y a de quoi te régaler.» Il emmène le batelier; la popesse court aussi- tôt à sa rencontre, se jette à son cou et l'embrasse: «Ah, frère bien-aimé, comme il y a longtemps que je ne t'ai vu! comment vont tous nos gens? — Comme autrefois, petite sœur. Ils m'ont envoyé chercher de tes nouvelles. — Nous, cher frère, Dieu jus- qu'ici a supporté nos péchés, nous allons tout doucement» La popesse le fait asseoir à table, place devant lui divers hors-d'œuvre, une omelette et de l'eau-de-vie. Elle le régale: «Mange, cher petit frère.» Ils se mettent tous les trois à manger, à boire et à se divertir jusqu'au soir. Quand la nuit est venue, la popesse fait apporter un lit et dit au pope : «Mon frère et moi nous coucherons
traduits du russe 17I
ici et nous parierons de nos
parents, de ceux qui vivent et de ceux qui sont morts; toi, petit père, tu coucheras seul, dans la chambre aux provisions ou dans la soupente.» Ils se couchent. Le batelier grimpe sur la popesse et la pétrit tellement avec sa p..., qu'elle n'y tient plus et qu'elle remplit l'izba de ses gémissements. Le pope entend et crie: «Qu'y a-t-il donc? — Ah, petit père, si tu savais quel est mon chagrin ? mon père est mort! — Allons, que le royaume des cieux lui appartienne!» dit le pope, et il se signe. De nouveau la popesse ne peut y tenir et gémit plus fort encore que la pre- mière fois. De nouveau le pope lui crie: «De quoi pleures-tu? — Eh, petit père, ma mère est morte! — Que le royaume des cieux lui appartienne! qu'elle repose avec les saints!» Toute la nuit se passe de la sorte pour eux. * Au matin, le batelier s'ap-
* Variante:
Le moujik se régale. «Allons main- tenant dans ma chambre, lui dit la popesse ; nous par- lerons de nos parents : tu me diras, petit frère, comment ils vont, tu me parleras de ta vie, et moi je te parlerai de la mienne.» Ils entrent ensemble. Le pope se doute de ce qu'il en est ; il s'approche de la porte et regarde par une fente : le moujik roule déjà la petite mère sur le lit, et il la travaille de telle sorte que le lit en branle.
172
CONTES SECRETS
prête à partir, la popesse le régale, pour les adieux, de vin, de pâtés, et s'empresse autour de lui: «Frère bien-aimé! quand tu reviendras dans cette contrée, ne manque pas de descendre chez nous!» Et de son côté le pope lui dit: «Ne nous oublie pas; nous serons toujours contents de te voir.» Le batelier prend congé d'eux. La popesse veut accompagner son frère, et le pope la suit. Ils marchent et causent: on arrive en pleine campagne. La popesse dit au pope: «Retourne, petit père, à la maison; pour- quoi venir plus loin? maintenant je recon- duirai bien seule mon frère.» Le pope s'en retourne. Quand il a fait une trentaine de pas, il s'arrête et regarde, pour voir s'ils sont déjà loin. Mais le batelier, sur la col- line, a déjà renversé la petite mère, il monte dessus, il la chauffe pour le coup du départ, et, afin de juieux tromper le pope, il met son chapeau sur la jambe droite de la po- pesse et lui ordonne de lever cette jambe en l'air. Il la f..., et la popesse, pendant
Le pope voit cette vilaine
affaire, mais il n'ose entrer dans la chambre: je les dérangerais, pense-t-il, et le moujik me tuerait avec sa p ... Évidemment, il en serait ainsi.
traduits du russe 173
l'affaire, remue la jambe et le
chapeau. Le pope est arrêté et regarde: «Voyez, dit-il en lui-même, quel bon parent 1 II est déjà loin, mais il me salue toujours et me fait signe de son chapeau. Il prend aussi le sien et se met à saluer. «Adieu, beau-frère, adieu !» Le batelier achève de fouler la po- pesse, et il l'a satisfaite £ tel point, que pendant trois jours elle regarde sous sa jupe; elle rejoint le pope, et, de joie, elle chante une chanson. «Voilà bien des années que je vis avec elle, dit le pope, mais jus- qu'ici je ne l'ai jamais entendue chanter! — Petit père, dit la popesse, j'ai reconduit mon frère bien-aimé, me sera-t-il donné de le revoir une seconde fois! — Dieu n'est pas sans miséricorde! Peut-être reviendra-t-il!
lu
LA GRAISSE. MERVEILLEUSE
ans un certain empire, dans un cer- tain royaume, il y avait une fois un moujik, un jeune garçon; il n'avait pas été heureux dans son train de culture : toutes
»74
contes secrets
ses vaches et tous ses chevaux
avaient péri, il ne lui restait qu'une seule jument H a soin de cette jument comme de la prunelle de ses yeux; il ne mange pas, il ne dort pas, il ne fait que la choyer : aussi la jument a pris de Fembonpoint. Un jour qu'il pan- sait sa bête, il se met à la caresser et à lui dire: «Ah, ma. petite pigeonne! ma petite mère! il n'y a rien de plus charmant que toi!» Ces paroles sont entendues par la fille du voisin, une robuste vierge, et quand les filles du village se rassemblent dans la rue, elle leur dit: «Ah, petites sœurs! j'étais dans notre potager, et notre voisin Grigorii pansait sa jument, et quand il a eu fini, il Fa grimpée et il l'embrassait en lui disant: «Ah, ma petite pigeonne, ma petite mère! il n'y a rien de plus charmant que toi sur la terre.» Les jeunes filles se mettent à se moquer du garçon; partout où elles le ren- contrent, elles lui crient: «Ah, ma petite mère, ma petite pigeonne !» Le jeune gars ne sait plus que faire, il n'ose plus se mon- trer. Il se chagrine. Sa vieille tante le voit en cet état: «Pourquoi, Gricha, n'es-tu pas gai? Qu'est-ce qui te trotte par la tête?» Il lui raconte toute son affaire. «Ce n'est rien, Gricha, lui dit la vieille. J'arrangerai
TRADUITS DU RUSSE 175
l'affaire ; viens chez moi
demain. Sois tran- quille, elles cesseront de se moquer de toi!» Cette vieille était une femme-médecin, d'une grande réputation dans tout le village, et c'est dans son izba que les jeunes filles se réunissaient pour les veillées. Le même soir, elle voit cette jeune fille qui avait raconté comment Grigorii avait grimpé sous la queue de sa jument, et elle lui dit: «Viens chez moi, jeune fille, demain matin; j'ai à parler avec toi. —- Bien, grand'-mère!» Le jour suivant, le garçon se lève, s'habille et se rend chez la vieille. «Fais attention, Gricha, de tenir ton arme toute prête! Maintenant cache-toi derrière le poè'le, et restes-y tran-. quille jusqu'à ce que je f appelle.» Il est à peine caché derrière le poè'le, que la jeune fille arrive. «Bonjour, grand'-mère î — Bon- jour, pigeonne! Voici, jeune fille, ce que je veux te dire: il se passe certainement à l'in- térieur de ton corps quelque chose de mau- vais, tu es très malade, ma chérie.......
— Eh, grand'-mère, je me croyais
tout à fait bien portante! — Non, ma pigeonne, il se passe dans ton corps une chose à laquelle je ne peux penser sans en être effrayée! Cela ne te fait pas mal maintenant, mais quand cela arrivera au cœur, à ce moment-
176
CONTES SECRETS
là, il ne sera plus possible de
te guérir: tu mourras. Donne que je te palpe le ventre. — Palpe, grand'-mère !» lui dit la jeune fille, qui est sur le point de pleurer de frayeur. La vieille lui palpe le ventre et dit: «Tu vois, je disais vrai! Dès que je t'ai vue hier soir, j'ai tout de suite deviné qu'il ne se passait rien de bon dans ton corps. Ma pigeonne,
tu as la jaunisse sous le cœur
..... —
Guéris-moi, je t'en prie,
grand'-mère ! — Puisque tu es malade, il faut te guérir; , seulement, pourras-tu supporter le remède: cela te fera mal ! — Fais ce que tu voudras, coupe avec un couteau, mais guéris-moi! — Allons, mets-toi là, avance ta tête par la fenêtre et remarque bien de quel côté, à droite ou à gauche, il passera le plus de monde? Et ne regarde pas en arrière, car tout mon remède serait perdu ; dans ce cas, tu n'aurais pas deux semaines à vivre!» La jeune fille passe sa tête par la fenêtre et re- garde des deux côtés; la vieille lui enlève sa jupe et lui dit: «Baisse-toi encore plus sur la fenêtre, et ne regarde pas en arrière : je vais te graisser tout de suite avec le tam- pon d'étoupes et le goudron de bouleau!» Alors la vieille appelle tout doucement le jeune garçon : «Allons, travaille !» Le jeune
TRADUITS DU RUSSE 177
homme enfonce son tampon de tout
un quart (d'archine) * jusqu'au fond de la jeune fille, et quand il y est, celle-ci tortille son cul et s'écrie elle-même: «Grand'-mère, ma pigeonne, graisse, graisse encore plus avec ton tampon d'étoupes et ton gou- dron de bouleau!» Le gars achève le fou- lage et retourne derrière le poè'le. «Allons, ma fille! dit la vieille, maintenant tu seras une telle beauté, que cela fera plaisir à voir !» La jeune fille remercie la vieille: «Merci, grand'-mère! Quel excellent remède tu as là! C'est vraiment délicieux! — Il n'y a rien de mauvais chez moi ; ce remède-là est très utile aux femmes et aux filles. Et de quel côté a-t-il passé le plus de monde ? — A droite, grand'-mère ! — Ah, quelle chance tu as! Allons, retourne à la maison et que Dieu t'accompagne!» La jeune fille sort, et le jeune homme s'en va. Il dîne et conduit sa jument boire à la rivière. La jeune fille le voit, accourt et lui crie: «Ah, ma petite mère, ma pigeonne!» Il se retourne, et, la singeant: «Ah! grand'-mère, ma pigeonne! graisse, graisse encore plus avec ton tam- pon d'étoupes et ton goudron de bouleau!»
* L'archine =
om, 71
x.
K^vnréSia.
i. 12
I78 contes
secrets
La jeune fille alors mordit sa
langue et vécut en bonne amitié avec le garçon.
(Autre version.)
Il était une fois un jeune homme
qui avait l'habitude de passer devant une maison de marchand. En passant, il tousse et s'écrie : «J'ai mangé de l'oie et j'ai des chatouille- ments I» La fille du marchand lui dit: «Mon petit père a beaucoup d'argent, et cependant nous ne mangeons pas des oies tous les jours. — Cela ne dépend pas de la richesse, mais de la chance!» répond le jeune homme et il s'en va chez lui. La fille du marchand appelle une vieille mendiante et lui dit : «Suis ce jeune homme et sache ce qu'il mange pour son dîner. Je te récompenserai de ta peine.» Le jeune homme arrive à la mai- son, derrière lui vient la mendiante: elle prie qu'on lui permette de se reposer dans l'izba ; on la laisse entrer. Le jeune homme vivait dans une grande pauvreté. «Petite mère, dit-il, n'y a-t-il rien à manger? — Il y a de la soupe aux choux (fermentes) d'hier et du gruau d'avant-hier. — Donne-moi le gruau.» Sa mère lui donne le gruau. «Et
traduits du russe 179
du beurre, dit-il, il n'y en a
pas? — Veux- tu de la chandelle ? Tiens, voilà un bout de chandelle?» Il met le bout de chandelle dans son gruau et se met à bâfrer. La mendiante raconte tout cela à la fille du marchand. Le jeune homme vient encore à passer devant la maison du marchand, il tousse de nouveau et dit: «J'ai mangé de l'oie et j'ai des chatouillements!» Mais la fille du marchand crie de sa fenêtre: «Tu as mangé du gruau avec un bout de chan- delle! — Ah, je f..v. ta mère! d'où sait-elle cela? C'est sans doute la mendiante qui le lui a raconté.» Il cherche la mendiante et lui dit: «N'y aurait-il pas moyen de me re- lever de cette affaire? Quand j'aurai de l'argent, je te paierai ! — Bien, dit la vieille.» Elle va aussitôt trouver la fille du marchand: «Comment cela va-t-il, jeune demoiselle ? — Je ne suis pas très bien portante, grand'- mère : j'ai toujours mal au ventre. Ne pour- rait-on pas me guérir de cette maladie? — On le peut; ordonne de chauffer un bain et je te graisserai le ventre.» On chauffe la salle de bain, la vieille y cache le jeune homme, puis elle y conduit la fille du mar- chand; elle la met toute nue et lui dit: «Maintenant, demoiselle, il faut te bander
12*
i8o
contes
SECRETS
les yeux, afin que tu ne te
trouves pas mail» Elle lui bande les yeux avec un mouchoir, elle la place sur le banc et dit: «Je vais d'abord te graisser avec de la graisse légère !» et elle lui passe la main deux fois sur le ventre. «Maintenant cela sera plus difficile !» Elle fait signe au jeune homme, qui grimpe sur la jeune fille; il lui fourre son instru- ment de telle sorte, qu'elle remplit tout le bain de ses cris. «Aie un peu de patience, demoiselle; cela fait toujours mal en com- mençant; mais quand cela sera en train, cela marchera comme avec du beurre et ton ventre sera guéri!» Le jeune homme com- mence à travailler la fille du marchand, à la bourrer vivement; cela lui semble bon et elle dit: «Graisse, grand'-mère, graisse! excellente est ta graisse !» Le jeune homme finit son affaire et se cache, la vieille débande les yeux de la fille du marchand. Celle-ci regarde : à ses pieds il y a du sang. «Qu'est- ce que cela, grand'-mère ? — C'est du mau- vais sang, qui est sorti de ton corps; cela t'a-1-il soulagée? — Cela m'a soulagée, grand'-mère! Ah, quelle excellente graisse tu as, plus douce que le miel. N'y en a-t-il plus? — Est-ce que tu en voudrais encore? — J'en voudrais bien encore, grand'-mère!
TRADUITS JJU RUSSE l8l
le ventre recommence à me faire
mal.» La vieille lui bande les yeux, la couche sur le banc et le jeune homme la travaille une seconde fois à sa manière. «Graisse, grand'- mère, graisse! excellente est ta graisse!» dit la fille du marchand. Quand le jeune homme a fini, il se cache; la fille du marchand se relève et dit: «Apporte-moi, grand'-mère, de cette graisse: voilà cent roubles pour ta médecine !» Voici comment se termine l'affaire. Le jeune homme passe devant la maison du marchand et dit de nouveau: «J'ai mangé de Poie et j'ai des chatouille- ments.» La fille du marchand lui crie par la fenêtre: «Tu as mangé de la chandelle avec le gruau!» Mais le jeune homme lui répond: «Graisse, grand'-mère, graisse, ex- cellente est ta graisse!» Le ventre de la fille du marchand gonfle; sa mère s'en aperçoit et lui dit : «Qu'est-ce que cela signi- fie, ma fille, tu n'es allée nulle part hors de la maison, et ton ventre s'élève plus haut que ton nez! — Ah, petite mère! cela pro- vient sans doute de ceci : quand je suis allée au bain avec la grand'-mère, elle m'a graissé le ventre avec de la graisse, mais de la graisse si excellente ! plus douce que le miel!» La mère devine, elle fait venir la mendiante
l8l contes
secrets
et lui dit: «Grand'-mère, tu as
graissé ma fille dans le bain avec ta graisse? — Oui, maîtresse. — Graisse-moi aussi! — Je le veux bien, je te graisserai.» Elle court de suite vers le jeune homme : «Habille-toi, viens, la marchande demande qu'on la graisse!» Ils vont au bain. La vieille bande les yeux de la marchande et la couche sur le petit banc. Le jeune homme lui grimpe dessus et la chauffe. La marchande arrache alors vivement le mouchoir qui est sur ses yeux, voit le jeune homme, l'embrasse pour sa peine et dit : «Jeune homme, il y a vingt ans que je vis avec mon mari, mais je ne con- naissais pas de semblables délices. Voilà cent roubles pour toi; sois le mari de ma fille!» Le jeune homme se maria avec la fille du marchand, et il donna un festin au monde entier. J'y étais, et j'ai bu du vin miellé; il a coulé sur mes moustaches et il n'en est pas tombé une seule goutte dans ma bouche.
(Autre-version,)
Il était une fois un soldat qui
aimait boire. Il avait un asthme et il vient chez la femme- médecin. La femme - médecin était -déjà
i83
vieille, mais encore forte. Quand
elle voit le soldat, cela lui démange entre les cuisses. «Qu'y a-t-il, militaire? — Voici: guéris-moi de l'asthme. — Débarrasse-toi de tes habits et assieds-toi!» Le soldat s'assied et la femme place devant lui une bouteille d'eau- de-vie. «Bois, militaire, pour ta santé !» Le soldat ne se fait pas prier ; il s'en verse tant, qu'il voit rouge; il roule en bas et s'endort. La vieille palpe le soldat, elle arrive au nombril et plus bas encore ; mais comme elle gémit! «Ah, étourdie que je suis! Qu'ai-je fait? sa p... ne se relèvera pas, elle est tout à fait recourbée ...» Elle place le soldat sur le lit, et se couche elle-même à côté. Elle est couchée et elle le täte, pour voir si la p... ne se relève pas? Mais le soldat ronfle à poings fermés. Elle le palpe une dernière fois à la racine, mais cette racine est tournée vers l'épine dorsale; et elle s'endort. Le soldat s'éveille avant l'aube, il voit la vieille femme près de lui et se dit : «Si je l'attaquais de flanc!» et il s'approche comme il con- vient. La vieille était rusée; elle lui dit à moitié endormie: «Que fais-tu, militaire? n'as-tu pas honte ?» mais elle se tourne elle- même encore mieux du côté de la p... «Quoi donc, grand'-mère! est-ce que cela
184
est mauvais pour un malade ? je
me retirerai alors. — Que dis-tu-là, militaire! ne pour- rais-tu la fourrer plus avant, tu en éprou- verais du soulagement!» Le soldat la tra- vaille et se retire en disant: «Si cela ne soulage pas, cela rassasie!» Par malheur pour le soldat dans la soupente couchait une jeune fille, la nièce de la vieille; elle avait tout vu et raconte tout aux autres jeunes filles; elles harcèlent le soldat: «Il a secoué la vieille ! il a secoué la vieille !» Le soldat patiente, patiente, et va se plaindre à la vieille femme. «Ah, mon bienfaiteur! dit la vieille, pourquoi as-tu tant tardé à me dire cela ? J'aurais bien empêché ces vilaines filles de se moquer de toi. Ah, c'est ainsi qu'elles agissent! Est-ce que par hasard la fente d'une vieille n'en vaut pas une autre? C'est bien à elles, les maigres fillettes, de se moquer des autres! Écoute, une jeune fille vient près de moi se faire soigner d'une hernie, trouve-toi demain soir chez moi, militaire, je te cacherai sur le lit, je ferai mettre la jeune fille à quatre pattes, et je te la donnerai à retaper sur toute sa peau!» Le lendemain, le soldat arrive à l'heure dite, comme si l'ordre eût été écrit, et se couche sur le lit Au bout d'une demi-heure, une
TRADUITS DU RUSSE 185
jeune fille entre. .Quand le
soldat la voit, son nerf se tend et se dresse, absolument comme une baïonnette. La vieille examine la jeune fille et lui dit: «Qu'est-ce qui t'ar- rive, ma chérie! les puces ont fait un nid entre tes cuisses, et il n'y a plus possibilité de les enlever autrement qu'avec la main; sinon tu mourrais ! — Ah, grand'-mère ! pour l'amour de Dieu, guéris-moi! — Eh bien, il n'y a rien à faire; je ne voulais pas y porter la main, mais c'est nécessaire. Tiens, voilà un mouchoir, bande-toi les yeux, dés- habille-toi toute nue, et mets-toi à quatre pattes.» La jeune fille fait tout cela. Alors le soldat avance contre la cible, prend sa p... à deux mains et se met à la lui plan- ter dans le c.. La jeune fille crie : «Cela me fait mal, grand'-mère, cela me fait mal! — Aie du courage, ma chérie! ces maudites puces se sont tellement multipliées, qu'il y en a dans tous les replis!» Le soldat lui fourre son quart (d'archine) tout entier, la jeune fille pousse des cris plaintifs: «Oï, grand'-mère, je meurs; cela me fait mal, bonne grand'-mère, cela me fait mal! — Attends, mon enfant, j'essaierai avec le gou- dron de bouleau ; cela ira peut-être mieux.» Le soldat plante sa. p... jusqu'au bout, la
186
jeune fille mord sa langue, et il
la graisse d'importance. Cela commence à aller. «Main- tenant, grand'-mère, voilà que cela va bien I Vraiment, c'est bon! Ne pourrais-tu pas graisser, encore avec le goudron de bouleau? C'est avec ce goudron que cela va ronde- ment! J'en prendrai à mon père un seau tout entier et je te l'apporterai.» Le soldat sent que la jeune fille est chauffée jusqu'au rouge, il pousse sa trompe et les grelots en même temps; il lui procure tant de soulage- ment, qu'il rend le c.. large comme un bon- net. «Eh bien, cela va-t-il mieux ? demande la vieille ; il me semble que toutes les puces sont étouffées! — Comment donc, grand'- mère! maintenant cela va très bien!» Le soldat se cache ; la jeune fille se relève, s'ha- bille et s'en va. L,e jour suivant, cette jeune fille au large c.. rencontre le soldat et se met à le harceler. «Il a secoué la vieille! il a secoué la vieille!» Mais le soldat lui dit: «Avec le goudron de bouleau, c'est bien mieux !»
i87
LUI
LE CHALUMEAU MERVEILLEUX
ans certain empire, dans certain royaume il y avait une fois un seigneur, et il
y avait aussi un moujik, tellement
pauvre, que je ne saurais le dire. Le seigneur rap- pelle et lui dit: «Écoute, petit moujik! tu ne paies pas ta dette, et Ton ne peut rien tirer de toi; viens chez moi et tu y passeras trois ans pour t'acquitter.» Le moujik passe chez lui une première, une seconde, une troisième année. Le maître voit que le temps du moujik va bientôt finir et il pense à part soi: Quel prétexte de faute pourrais- je inventer pour faire rester le moujik chez moi encore trois ans. <-Le seigneur le fait venir et lui dit: «Écoute, petit moujik! voilà dix lièvres, mène-les paître dans les champs, et fais bien attention de les ramener tous, autrement je te garderai chez moi encore trois ans.» Le moujik n'a pas sitôt conduit les lièvres dans les champs, qu'ils s'enfuient tous de divers côtés. Que faire ? pense-t-il ; maintenant je suis perdu! Il s'assied et pleure. Sorti on ne sait d'où, apparaît un
IfcV
i88
CONTES SECRETS
vieillard, qui lui dit: «Pourquoi
pleures-tu, petit moujtk? — Comment ne pleureraîs-je pas, vieillard ; mon maître m'a donné à faire paître des lièvres et ils se sont tous enfuis; maintenant mon malheur est inévitable.» Le vieillard lui donne un chalumeau et lui dit: «Voilà un chalumeau; quand tu en joueras, ils accourront tous près de toi !» Le moujik remercie, prend le chalumeau, et à peine en a-t-il joué, que tous, les lièvres accourent aussitôt auprès de lui. Il les ramène à la maison; le maître compte les lièvres et s'écrie: «Tous les dix! Eh bien, que ferons nous? dit le seigneur à sa femme. Quelle faute mettre sur le dos du moujik ? — Voici ce que nous ferons, cher ami; demain, quand il conduira les lièvres aux champs, je me déguiserai sous d'autres vêtements, j'irai le trouver et je lui achèterai un lièvre. — Bien!» Le lendemain matin le moujik mène les lièvres aux champs ; à peine est-il arrivé au bois, que tous aussitôt se dis- persent dans différentes directions; mais le moujik s'assied sur l'herbe et se met à tresser des lapti (chaussures de tille). Tout à coup la dame vient à passer en voiture ; elle s'ar- rête, vient près de lui et lui dit: «Que fais- tu là, petit moujik! — Je fais paître du
TRADUITS DU RUSSE 189
bétail. — Quel bétail?» Le moujik
prend son chalumeau et joue: tous les lièvres ac- courent auprès de lui: «Ah, petit moujik! dit la dame, vends-moi un de ces lièvres. — Impossible ! ce sont les lièvres du seigneur, et le seigneur est très sévère pour moi! il me dévorerait sans pitié!» La dame le presse: «Je t'en prie, vends m'en un!» Le moujik voit qu'elle a grande envie d'avoir un lièvre et lui dit: «A cela, bonne dame, je poserai une condition. — Quelle con- dition? — Je donnerai un lièvre à celle qui
se laissera f..... — Demande
plutôt de
l'argent, petit moujik! — Non, je
ne veux pas autre chose!» La dame (que faire?)
se laisse f.....par le moujik. Il
la travaille
et lui donne un lièvre:
«Seulement, dame, tiens-le délicatement, ou tu l'étranglerais.» Elle prend le lièvre, monte dans sa voiture et part. Mais quand le moujik joue de son chalumeau, ce lièvre entend, s'échappe des mains de la dame et revient vers le moujik. La dame arrive à la maison. «Eh bien, quoi l as-tu acheté le lièvre ? — Je l'ai
acheté, je l'ai acheté, mais quand le moujik a joué de son chalumeau, le lièvre s'est échappé de mes mains et s'est sauvé.» Le jour sui- vant, la dame retourne vers le moujik. Elle
i9<> contes
secrets
s'approche et lui demande de
nouveau : «Que fais-tu, petit moujik? — Je tresse des lapti et je fais paître le bétail de mon maître. — Où est-il ton bétail?» Le moujik joue du chalumeau et aussitôt tous les lièvres ac- courent auprès de lui. La dame marchande un lièvre. «A cela je mets une condition.
— Laquelle? — Laisse-toi f.....»
La dame
se laisse f..... une seconde fois
et pour
cela reçoit un lièvre; mais quand
le moujik joue du chalumeau, le lièvre s'échappe et se sauve d'elle. Le troisième jour, le maître se déguise et va lui-même. «Que fais-tu, petit moujik? — Je fais paître le bétail. — Et où est ton bétail?» Le moujik joue du chalumeau et les lièvres accourent vers lui. «Vends-moi un de ces lièvres! — Je n'en vends point pour de l'argent; j'y mets une condition. — Quelle condition? — Je don- nerai un lièvre à celui qui voudra f.....la
jument.» Le seigneur grimpe la
jument et commet le péché avec elle. Le moujik lui donne un lièvre et lui dit: «Tiens-le déli- catement, seigneur; autrement tu l'étrangle- rais.» Le seigneur prend le lièvre et s'en va chez lui; mais le moujik joue du chalu- meau; le lièvre entend et se sauve pour venir
TRADUITS DU RUSSE igi
vers le moujik. Le seigneur voit
qu'il n'y a rien à faire et laisse le moujik vivre en liberté.
LIV
le berger*
l y avait une fois dans un village un berger, un jeune garçon; les jeunes filles et les jeunes gens du village étaient familiers avec lui et ils plaisantaient en- semble de toutes les façons. Il avait excité l'envie de beaucoup de jeunes filles, qui avaient voulu lui plaire; mais cela n'avait pas réussi à chacune d'elles. Voilà que ces jeunes filles imaginent sur son compte une accusation calomnieuse, ou peut-être bien fondée: elles l'ont surpris en train de saillir une jument, et elles se divertissent aux dé- pens du jeune gars. Dounia (Eudoxie) est, de toutes, la plus acharnée contre lui. Un matin, elle conduit ses bêtes, et elle crie au berger: «Fais attention, Ivann, n'approche
* Comprir:* avec le no LU.
contes secrets
pas de ma jument!» Et elle ne lui
permet pas de passer du côté de sa jument. Le ber- ger cache tout cela dans sa moustache. Mais dans le village vivait une vieille femme très affable et chez laquelle les jeunes filles s'as- semblaient pour les vieillées. Le berger va trouver cette vieille et se jette tout droit à ses genoux: «Grand'-mère, fais qu'on prie éternellement Dieu pour toi, et que moi, je ne t'oublie jamais!» Il lui raconte son cha- grin et lui donne un demi-rouble. «C'est bien, mon cher enfant, reviens à la tombée de la nuit.» Le soir, le berger ramène son troupeau des champs; il pleuvait un peu; les femmes faisaient rentrer leurs bêtes au passage. Dounia aussi avait couru dans le village chercher sa vache. La vieille la voit de sa fenêtre et lui crie: «Dounia, Dounia! viens ici !» La jeune fille accourt. La vieille commence à la gronder; le berger s'était caché chez elle derrière le poêle : «Écoute,. Douniacha, tu t'en repentiras, et il sera trop tard !» Dounia est enrayée et ne sait quelle faute elle peut avoir commise. «Comme vous êtes sottes et imprudentes! lui dit la vieille, vous courez étourdiment et vous sautez par-dessus le fossé à tout risque ! est- ce qu'il est convenable d'agir ainsi? Vois
TRADUITS DU RUSSE 193
maintenant ce que tu as fait:
sotte que tu es, tu as gâté ton honneur (ton pucelage)! Qui maintenant te prendra pour femme? — Ah, grand'-mère ! ne peut-on pas y remé- dier, le réparer ? — Le réparer ! — Réponds- moi franchement, grand'-mère ! — Viens ici, fais ce que je te dirai, et souffre courageuse- ment, quelque mal que cela te fasse. — Bien, grand'-mère ! — Regarde par la fenêtre, écar- quille largement les jambes, et sous aucun prétexte ne regarde en arrière, ou toute l'affaire manquerait, et il ne serait plus pos- sible ensuite de le réparer.» Elle lui retrousse son sarafane* et fait signe au berger. Ivann rampe tout doucement, abaisse son caleçon et se met a réparer l'honneur (le pucelage) de Doukina : «Eh bien ? Est-ce bon ? demande la vieille. — C'est bon, grand-mère! ah, comme c'est bon! Répare-le encore, grand'- mère! je ne f oublierai jamais.» Le bergef termine son affaire et se cache derrière le poèleu «Maintenant, dit la vieille, retourne à la maison, ma petite sotte, et prie Dieu pour la grand'-mère.» Le jour suivant,. Dounia conduit ses bêtes et se met de nou- veau à harceler le berger au sujet de la ju-
* Vêtement des femmes russes. Kçvnrtxdia.
I. 13
194
CONTES SECRETS
ment; celui-ci lui répond: «Ne
veux-tu pas que je répare ton honneur (pucelage)? — Ah ! c'est bon I Ivann, dit la jeune fille avec reproche. —• Je ne sais pas si c'était bon pour toi, mais c'était bon pour moi!» répond le berger.
le soldat, le MOUJIK et sa femme
es soldats séjournaient dans un vil-
BSsI
tage» et les
femmes étaient très fami- lières avec eux; cela, bien entendu, ne se passait pas sans péché: l'homme va à son travail, la femme boit, mange et dort avec le soldat! Un moujik avait une femme très paillarde; bien des fois il l'avait surprise» et avec des moujiks et avec des soldats, et tou- jours elle avait protesté de son innocence. Un jour le moujik la surprend avec un jeune
garçon dans la grange : «Eh bien,
p.....,
que diras-tu cette fois?» Elle
était couchée sous le garçon: «Pardonne-moi, mon cher ami!» Mais quand elle s'est relevée et qu'eue s'est sauvée dans l'izba,
elle se jette aussitôt dans les bras de sa belle-mère et se met à
LV
TRADUITS DU RUSSE 19$
pleurer. Le moujik arrive et dit:
«Eh bien, petite mère ! pour le coup je n'ai pas écouté les étrangers, j'ai moi-même surpris ma femme avec un jeune garçon dans la grange.» Mais la femme s'écrie baignée de larmes: «Tu vois, petite mère, de quelle calomnie
j'ai à souffrir ! — Ah, maudite
p....., je vie»
à l'instant de te retirer de
dessous Am* driouchka! — Tu mens,
infâme! Eh bien, dis de quel côté j'avais la tête ?» Le moujik réfléchit et s'écrie: «Le diable sait de quel côté tu avais la tête ! — Tu vois, petite mère, comme il ment pour me faire tort!» La mère se fâche contre son fils et le gronde. «C'est bien, dit le moujik; je te reprendrai, ma pigeonne, avant peu.» Quelque temps se passe; la femme se lie avec un soldat et ils vont ensemble dans la grange. Le soldat la couche sur une botte de paille et la f... Le moujik épie, il entre dans la grange et attrape le soldat sur sa femme: «Ah, militaire! c'est mal, cela. — Que le diable vous démêle! répond le soldat; elle dit: c'est bien! et toi: c'est mal! On ne peut être agréable à tous deux! — Militaire, j'irai réclamer contre toi! — Va, réclame; moi, j'ai déjà obtenu.»
13*
196
CONTES SECRETS
LVI
LE SOLDAT DORT, MAIS SA P.,. TRA- VAILLE
IBl était
une fois un moujik, qui avait
Bflune jeune ménagère. Voilà que des soldats arrivent dans le village, et l'un d'eux est logé chez ce moujik. Le soir, ils se couchent tous à la fois: la ménagère au milieu, le moujik et le soldat aux bords. Le moujik cause avec sa femme, mais le soldat met le temps à profit et bourre la ménagère par derrière. Le moujik éprouve aussi une envie, il grimpe sur sa femme et veut la tâter, lui prendre le c.. avec la main, mais il saisit la p... du soldat. «Que fais-tu, militaire?» Le soldat ronfle, comme s'il était profondément endormi. «Voyez donc ce militaire! dit le moujik, il dort, mais il dirige sa p ... dans le c.. — Pardonne, patron, je ne sais pas moi-même comment elle se trouve là.»
traduits du russe
(Autre version.)
Le soldat avait réfléchi
longtemps sur
le moyen de f..... la femme du
paysan.
Voici ce qu'il imagine. Il dit à
ce paysan: «Patron! il y a beaucoup de diables chez toi, ils ne me laissent pas dormir! Et toi, comment as-tu dormi ? — Moi, gloire à Dieu ! j'ai bien dormi. — Alors, ce soir je cou- cherai avec toi!» La femme dit: «Laisse-le coucher avec nous!» Le paysan y consent: il se couche lui-même sur le bord du lit et place la ménagère au milieu, le devant tourné vers lui; le soldat se couche contre le mur et enfile la femme par derrière. Le moujik allonge tout doucement le bras et attrape le soldat par la p... «Ah, monsieur le militaire, il dort lui-même, mais il envoie sa p ... dans le c.. d'autrui ! 7-
Pourquoi, fils des diables ! me saisis-tu par la p... ? s'écrie le soldat: je ne le permettrais pas à ta femme, à plus forte raison à toi! — Et pourquoi, monsieur le militaire, envoies-tu ta p... dans le c.. d'autrui ? — Est-ce qu'elle s'y était fourrée ? —- Voyez donc ! c'est à peine si j'ai pu l'en retirer de force ! —- Quelle enragée polissonne! Attends, je lui caresserai
i98
les flancs, elle n'ira plus rôder
dans les fentes d'autrui.»
LVII
le soldat et la paysanne (de petite-
russie)
ÏEFfltf paysan,
sa femme et son fils vont à rft*Sl| la ville avec des bœufs ;
sur la route, un cuirassier a attaché sa jument à un arbre et la f... «Que fais-tu, moscovite?* — C'est un cheval de l'Etat qui s'est démis l'épaule, et je le guéris dé cette façon!» La paysanne pense: «Il doit avoir une longue p..., il f... une jument !» Elle se lève et s'assied sur le rebord dutéléga; une roue enfonce dans le fossé, la paysanne tombe du téléga et crie : «Cours vite vers le soldat, je me suis démis l'épaule !» Le paysan court, rattrape le soldat: «Moscovite! sois bon père, viens à notre aide, je t'en prie, ma
* Variante:
Le paysan s'approche: «Que Dieu te -vienne en aide, bon homme! que
fais-tu?»
TRADUITS DU RUSSE 199
femme s'est démis l'épaule. — Que
faire ? Il faut faider dans ton malheur!» Le soldat re- tourne sur ses pas; la paysanne est étendue sur la terre et gémit : «Aïe, petit père, je me suis démis l'épaule. — As-tu, demande le sol- dat au paysan, une toile pour couvrir le téléga ? —■ J'en ai une. — Bon! donne-la-moi!» Il couvre le téléga et y
place la paysanne. «Et maintenant, as-tu du pain-sel? — J'en ai.» Le soldat prend un petit morceau de pain et le couvre de sel. «Maintenant, paysan, va et tiens solidement les bœufs, ahn qu'ils ne bougent pas de place.» Le paysan les saisit par les cornes et les tient solidement; le soldat monte dans le téléga et- se met à f.....la paysanne. Le fils voit que le sol- dat est étendu sur sa mère : «Petit père, hé> petit père! le moscovite f... ma mère. — Il te paraît, mon fils, qu'il la f... ! Mais cela n'est pas! Le pain-sel le lui défend!» Le soldat termine sa besogne et descend du téléga; la paysanne lui dit: «Allons, merci, moscovite, voilà un rouble pour toi.» Le paysan tire sa bourse et lui donne deux roubles: «Merci, moscovite, de ce que tu as guéri ma femme.»
200
CONTES SECRETS
Lvm
le soldat et le paysan (de petite-
russie)
njBff soldat était logé chez un paysan et yBH| avait fait connaissance avec sa
femme. Le paysan s'en aperçoit et cesse d'aller à son travail; il ne quitte plus la maison. Le soldat parvient à imaginer quelque chose. Il se déguise sous un costume étranger, arrive le soir à la chaumière et frappe à la fenêtre. La paysanne demande: «Qui est là?» Le soldat répond: «Le Vieux. — Quel vieux? — Celui qui f... les paysans. Le maître du logis est-il à la maison? — Que lui veux-tu ? — Il nous est arrivé l'ordre de
f.....tous les paysans ! Ouvre la
porte tout
de suite!» Le paysan a peur, il
ne sait où se sauver, il saisit une peau, se roule dedans et se fourre sous le banc. La paysanne ouvre la porte au soldat. Celui-ci entre dans la chaumière et crie : «Où est le maître du logis ? — Il n'est pas à la maison.» Le soldat le cherche derrière le poêle, dans la sou- pente, dans tous les angles, et enfin tombe sur le paysan caché sous le banc. «Et cela,
TRADUITS DU RUSSE 201
qu'est-ce?» La paysanne répond:
«C'est un veau.» Le paysan entend et beugle comme le veau. «Allons, puisque le maître du logis n'y est pas, couche-toi toi-même! — Ah, mon Dieu! ne pourrais-tu remettre à
une autre fois, et attendre jusqu'à ce que le maître de la maison soit revenu? — Cela t'est facile à dire: remettre à une autre fois? mais il faut que je fasse le tour de toutes les izbas, et si je ne les parcours pas toutes, je recevrai trois cents coups de bâton sur le dos. Couche-toi vite; je n'ai pas à discuter avec toi.» La paysanne se couche, et le soldat la bourre à sa manière^ il la pétrit tellement, qu'elle pète sous la pression. Le soldat a fini de la fouler ; il sort de la chau- mière. Le paysan se lève de dessous le banc et dit: «Ah, merci, ma femme, de la peine que tu as eue à ma place. * Tu as deux trous: par l'un suinte le liquide, par l'autre sort l'odeur. Tu n'as pas pu y tenir et tu as pété; mais moi, il me semble que j'aurais ch.. ! Ah, ma femme ! tu es avisée, et moi encore plus; tu as dit que j'étais un veau, et moi fai beuglé comme un veau!»
que tu m'as épargnée.
202 CONTES
SECRETS
LIX
LE SOLDAT DÉSERTEUR
FBHk
soldat déserteur se glisse
pendant £§3||la
nuit dans la grange d'un moujik et se couche dans le foin. Il venait à peine de s'endormir qu'il entend venir quelqu'un. Le soldat a peur et grimpe jusqu'au toit. Arrive une jeune fille et derrière elle un jeune garçon ; ils apportent avec eux du vin et différentes victuailles; ils les posent dans un coin, se déshabillent et se mettent à s'em- brasser, à se caresser. Le jeune garçon roule
la fille sur le foin et commence
à la f.....;
tout en gigotant dessous, la
jeune fille dit: «Ah, cher ami! si Dieu voulait que je fisse un petit, qui est-ce-qui le soignerait, qui est- ce qui le surveillerait?» Le garçon répond: «Celui qui est au-dessus de nous.» Quand iL entend ces paroles, le soldat n'y tient plus et s'écrie: «Ah, gredins! vous forniquez, et c'est moi qui dois en subir les conséquences !» Le garçon se relève aussitôt et se sauve, la jeune fille aussi joue des jambes; le soldat se laisse glisser à terre, ramasse leurs habits, le vin, les victuailles, et continue sa route.
TRADUITS DU RUSSE a<>3
LX
LE SOLDAT ET LE POPE
n soldat voulait f..... la popesse.
Comment foire? Il met son grand uniforme, prend son fusil et arrive dans la cour du pope. «Allons, petit père! il est
arrivé un oukase qui ordonne de
f.....tous
les popes; présente ton derrière!
— Ah, militaire! ne pourrais-je pas me racheter? — Voilà encore une invention! Pour que je paie à ta place ! Abaisse ton caleçon au plus vite, et mets-toi à quatre pattes. -— Sois compatissant, militaire! ne pourrais-tu pas f..... la popesse à ma place? — Ah, per- mets, cela n'est pas absolument impossible, seulement si on venait à le savoir, malheur à moi! Mais toi, petit père, que me don- neras-tu pour cela? Je n'accepterai pas moins de cent roubles. — Soit! militaire, seule- ment épargne-moi ce chagrin. — Allons, va te coucher dans le téléga et couche la po- pesse sur toi, je monterai dessus et ce sera
comme si je te f......I» Le pope
se couche
dans le téléga, la popesse se
couche sur lui; le soldat lui relève sa jupe et lui pétrit
204
CONTES SECRETS
la peau du haut en bas. Le pope
est couché ; il est couché et il est tourmenté ; sa p... s'étend, elle passe par une fente à travers le fond du téléga; elle fait saillie et elle est si rouge I La fille du pope regarde, regarde, et dit: «Eh, quelle rude p... il a, le mili- taire! elle a passé à travers ma mère, à tra- vers mon père, et le bout branle encore !» *
ii y avait noce chez un riche moujik:
Q£|il
mariait son fils et donnait chez lui un grand festin. On bénit le fiancé et la fiancée et on les mène au lit; le lendemain matin, on les lève, on les complimente sur leur union légitime, puis on étend sur eux un drap blanc, et on commence à les couvrir du crible (à leur faire des cadeaux) ; chacun leur donne autant d'argent qu'il peut. Tous avaient couvert du crible, à l'exception d'un
* Écrit dans le gouvernement de
Moscou.
LXI
LE SOLDAT CRIBLE
TRADUITS DU RUSSE 205
soldat. Un vieillard le voit
couché, malade d'ivresse, et lui dit : «Voyons, militaire, lève- toi et crible les jeunes gens!» Le soldat se lève: «Puisqu'il faut cribler, criblons,» dit-il ; il s'avance sans caleçon, tel qu'il s'est levé, prend le crible, soulève le drap et crible la jeune femme par derrière. «Militaire! s'écrie le beau-père, ce n'est pas ainsi qu'on crible ! — Cela ne fait rien, petit père, dit la jeune mariée, laisse-le cribler de cette manière.» Le militaire achève de la bourrer et retourne sur le banc. Le beau-père est de mauvaise humeur et dit aux jeunes filles: «Chantez au soldat une chanson mordante.» Les jeunes filles chantent: «Eh! soldat! tu t'es traîné de par le monde, et tu n'as pas appris à cribler! — Eh, sottes! je crible comme je sais!
io6
CONTES SECRETS
LXII
LA BELLE-MÈRE ET LE GENDRE NIAIS
! était une fois un moujik et sa femme,
Bfl qui avaient une fille. Un prétendant se présente; il se fiance avec la jeune fille et l'épouse. Il arrive à ce gendre de se trouver chez sa belle-mère pour les fêtes de Noël La belle-mère le place à table et le régale; elle met devant lui différents plats et s'adresse elle-même à son gendre: «Dis- moi, mon fils, quelle bête avez-vous abattue chez vous aujourd'hui pour la fête? —- Ah, voici: mon petit père, ces jours passés, at- trape une chienne dans le hangar, et il la frappe de telle sorte qu'elle pisse et ch.. ; c'est à peine si elle peut s'échapper et se sauver; mon père la poursuit, l'atteint près de la clôture au moment où elle passait à tra- vers une ouverture et la frappe encore une fois dans le c.. 1»
Eh bien, je me suis pro- curé là un gendre spirituel! pense la belle- mère. Quels jolis petits mots il a dans la bouche! Je me garderai bien de lui jamais rien demander.
TRADUITS DU RUSSE 307
LXIII
la femme bavarde
Hml
y
avait une fois un moujik qui vou- |B01ait essayer si, à l'occasion, il était possible, oui ou non, de confier un secret à une femme. Un jour il a envie de satisfaire un besoin : il sort dans la cour et ch.. ; il revient dans l'izba, s'assied sur le banc, penche la tête et soupire profondément, comme s'il avait fait quelque chose de mal! Sa femme lui dit: «Qu'as tu? es-tu malade? Tu étais si gai tout à l'heure, et maintenant tu fronces le sourcil! —- Eh, tais-toi, femme! dit le moujik, je ne sais pas moi-même si c'est bon ou mauvais, ce qui m'est arrivé
h La femme insiste :
«Dis-moi, dis-moi ce qui t'est arrivé ? — Il n'y a qu'un instant, femme, je suis sorti pour un besoin; je m'étais à peine accroupi et j'avais à peine pété, que de mon cul il s'est envolé une. pie ! et je me demande : qu'est-ce que cela peut bien signi- fier?» Dès que la femme a entendu parler de pie, elle court chez sa commère sous le premier prétexte venu et lui raconte l'affaire : «Écoute, commère, ce qui est arrivé hier à
208
CONTES SECRETS
mon homme: il sort pour un
besoin; à peine a-t-il pété, que deux pies s'envolent de son cul. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? — Je ne sais pas, petite mère !» Elles conjecturent et se séparent. La commère court aussitôt vers une autre commère et lui dit: «Sais-tu, petite commère Arina, ce qui est arrivé à Ivann ? Sa femme est venue vers moi et m'a raconté qu'il était allé satisfaire un besoin, et qu'au premier pet, trois pies s'étaient envolées de son cul!» La commère Arina court chez ses voisines et raconte qu'Ivann est sorti pour un besoin, et que quatre pies se sont envolées de son cul. Plus on avance, plus le nombre des pies devient grand ; quand la nouvelle a fait le tour des femmes du village, il se trouve qu'il s'est envolé douze pies dù cul du mou- jik; et il en résulte pour lui une si grande renommée, qu'il ne peut plus se montrer nulle part 1 en quelque lieu qu'il apparaisse, chacun lui crie: «Eh bien, quoi, camarade! il s'est envolé douze pies de ton cul? Ra- conte-moi cela, je t'en prie!»
TRADUITS DU RUSSE
209
LXIV
LE POPE HENNÎT COMME UN ÉTALON
ans certain village, il y avait
autrefois
feH4| un pope, ~ grand amateur de
jeunes femmes. Quand, par hasard, il voyait de sa fenêtre une jeune femme passer devant sa cour, aussitôt il avançait la tête et hen- nissait comme un étalon. Dans ce village vivait un moujik, qui avait une femme très bien de sa personne. Chaque jour, en allant à l'eau, elle passe devant la cour du pope, et le pope ne l'a pas plus tôt aperçue, qu'aussitôt il avance la tête hors de la fenêtre et hennit! La femme revient à la maison et dit à son homme : «Mon petit moujik, dis- moi, je t'en prie, pourquoi ceci: quand je passe, allant à l'eau, devant la cour du pope, le pope hennit comme un étalon, de manière à remplir toute la rue ! — Ah, la sotte femme ! Il veut faire l'amour avec toi! Écoute: quand tu iras à l'eau et que le pope hennira comme un étalon: iho-ho! hennit toi-même d'une voix douce: ihi-hi! Il accourra aussi- tôt et te proposera de passer la nuit avec toi; attire-le: nous l'arrangerons, ce pope;
K^vn radia.
I. 14
aïO CONTES
SECRETS
il ne hennira plus comme
l'étalon!» La femme prend son seau et va à l'eau. Le pope l'aperçoit de sa fenêtre et hennit à se faire entendre dans toute la rue: iho-ho! iho-ho! et la femme lui répond en hen- nissant: ihi-hi! ihi-hi! Le pope bondit, met sa soutanelle, sort de l'izba et court vers la femme : «Eh bien, Mariouchka ! peut- on faire cela ? ... — Très bien, petit père ! Mon homme s'apprête à aller à la ville pour la foire, seulement, il ne peut trouver nulle part des chevaux. — Que ne le disais-tu plus tôt? Envoie-le chez moi, je lui donnerai une paire de chevaux et le chariot: qu'il aille donc !» La femme revient chez elle et dit à son mari: «Voilà l'affaire, prends les chevaux du pope.» Le moujik s'apprête aussitôt et va droit chez le pope; celui-ci l'attendait depuis longtemps. «Faites-moi cette grâce, petit père, prêtez-moi votre paire de chevaux pour aller à la foire. — Très bien, l'ami, très bien.» Le moujik attelle les chevaux du pope au chariot, il vient à la maison et dit à sa femme : «Allons, mé- nagère! je sortirai du village et je m'arrêterai un peu, puis je reviendrai sur mes pas. Le pope accourra pour faire l'amour avec toi; quand je reviendrai et que je frapperai à la
traduits du russe 211
porte, il aura peur et te
demandera: Où faut-il me cacher? Cache-le dans cette malle, qui contient du noir de fumée; entends-tu?
— Parfait
!» Le moujik monte dans le cha- riot et traverse le village ; le pope le voit et accourt aussitôt vers la femme: «Bonjour, Mariouchka! — Bonjour, petit père! Main- tenant nous voilà libres. Amusons - nous ! assieds-toi à table et buvons de l'eau-de-Vie.» Le pope boit un petit verre et ne peut pas attendre plus longtemps: il ôte sa soutane, ses bottes, son caleçon, et s'apprête à mon- ter sur le lit; tout à coup on frappe à la porte. Le pope est effrayé et demande: «Qu'est-ce, Mariouchka! on frappe? — Ah, petit père! c'est sans doute mon homme qui revient à la maison; il aura oublié quelque chose ! — Où pourrais-je me cacher ?
— Voilà
dans l'angle une malle vide, fourre- toi dedans!» Le pope se fourre dans la malle et tombe droit dans la suie; il s'y étend et faillit étouffer; la femme rabat vivement le couvercle sur lui et ferme la malle à la clef. Le moujik entre dans l'izba. Sa femme lui demande: «Pourquoi es-tu revenu? — J'ai oublié de prendre la malle à la suie; je trouverai peut-être à la vendre à la foire ! Aide-moi à la porter sur le chariot.»
14*
212
Ils soulèvent à eux deux la
malle, avec le pope, et la traînent hors de Pizba. «Pourquoi est-elle si lourde ? dit le maître de la maison ; elle est tout à fait vide, ce me semble, et cependant elle est pesante!» Et il la traîne, il la traîne, il la cogne à dessein tantôt contre le mur, tantôt contre la porte. Le pope roule dans la malle et pense : «Je suis tombé dans un beau traquenard !» Ils hissent la malle sur le chariot, le moujik s'assied dessus et part pour la ville avec les chevaux du pope; il arrive sur la route, agite son knout et fouette les chevaux ; ceux-ci partent à fond de train! Il est rencontré par un seigneur, qui dit à son laquais: «Va, arrête ce moujik et demande-lui où il va si vite?» Le laquais court et crie: «Eh, petit moujik, arrête! arrête!» Le moujik s'arrête. «Mon maître m'ordonne de te demander pourquoi tu vas si vite? — Je donne la chasse aux diables, voilà pourquoi je vais vite. — Quoi donc, petit moujik, en as-tu déjà pris un? — J'en ai pris un et j'en poursuivais un second, mais tu m'as retardé! maintenant je ne pourrai plus l'atteindre.» Le laquais raconte l'affaire à son maître: le moujik a pris un diable ! Le maître vient aussitôt vers le moujik: «Montre-moi ton diable, mon
traduits du russe
213
ami; de ma vie je n'en ai vu! —
Donne-moi cent roubles, seigneur, et je te le montrerai.
— Bien!»
dit le seigneur. Le moujik reçoit les cent roubles du seigneur, ouvre la malle et lui en montre le contenu: dans la malle est assis le pope, tout meurtri et barbouillé de suie, avec ses cheveux ébouriffés! «Ah, comme il est effrayant! s'écrie le seigneur. Voilà donc ce que c'est qu'un diable! de grands cheveux, un visage noir, des yeux hors de tête!» Ensuite le moujik enferme son diable et galope de nouveau vers la ville. Il arrive sur une place où se tenait une foire et s'arrête. «Que vends-tu, moujik?» lui demande-t-on. — Un diable, répond-il.
— Et
combien en veux-tu ? — Mille roubles.
— Et
le dernier prix? — Pas un copek de moins! c'est le dernier mot: mille roubles.» Alors il se rassemble autour du moujik une foule si compacte, qu'une pomme n'y serait tombée nulle part! Arrivent deux riches marchands, qui s'informent de ce qu'il y a dans le chariot. «Moujik, vends-nous ton diable! — Je veux bien. — Combien nous le feras-tu ? — Mille roubles, et cela pour le diable seulement, sans la malle. Cette malle m'est nécessaire, afin que, si je prends un diable, je sache où le mettre.» Les mar-
2l4 contes
secrets
chands se cotisent et lui donnent
mille roubles. «Veuillez en prendre livraison I» dit le mou- jik; il ouvre la malle: le pope bondit et court! il se jette droit contre la foule; la foule se sauve de lui dans toutes les direc- tions, de telle sorte que le pope s'échappe. «Quel diable! disent les marchands entre eux. Quand on tombe sur un diable pareil, tout est perdu!» Le moujik revient à la maison et rend les chevaux au pope. «Merci, petit père, de ton chariot I J'ai fait de bonnes affaires: j'ai gagné mille roubles.» Les jours suivants, sa femme passe, en allant à l'eau, devant la cour du pope; elle voit le pope et hennit: Thi-hi-hi! «Va, je f... ta mère! ton mari m'en a donné du h i h i !» Depuis ce temps-là le pope cessa de hennir comme les étalons.
(Autre version.)
Dans certain empire, dans certain
royaume, il y avait une fois un pope; il s'était amou- raché de la femme d'un moujik. Quand elle passe avec son seau, allant à la rivière, il se met à hennir comme ,un
étalon. Elle passe un jour allant à Peau, le pope la voit
TRADUITS DU RUSSE 215
et hennit; elle hennit aussi. Le
pope ac- court: «Eh bien, quoi, ma mignonne, y a- t-il moyen de faire connaissance avec toi? — Sans doute, petit père! seulement il faut arranger cette affaire!» Elle rentre à la maison et dit à son mari: «Le pope veut avoir, affaire à moi, il demande à cou- cher avec moi. — Eh bien, quoi? laisse-le venir; je quitterai la maison pour aller la- bourer dans les champs, puis je reviendrai et je le raserai; peut-être pourrons - nous Pécosser un peu!» Le moujik part pour les champs et passe à dessein devant la cour du pope. «Où vas-tu, Pamî ? — Je vais labourer, petit père! Bénissez-moi pour le voyage, pour la route! — Cest une bonne chose, dit le pope : que Dieu te bénisse !» La femme vient toute de suite à Peau, elle rencontre le pope et lui dit: «Eh bien, mon mari est allé labourer! viens ce soir, petit père; je te préparerai à manger, apporte de Peau-de- vie.» Le pope ne peut attendre le soir; il s'habille à la hâte, il prend dans sa poche de l'argent et une bouteille d'eau-de-vie et accourt vers la femme. Il arrive. «Bonjour, mignonne! — Bonjour, petit père!» Le pope tire sa_bouteille, la place sur la table; ils mangent et boivent comme il convient. Alors
2l6
le pope commence à jouer avec la
femme, il lui täte les tétons et Pen traîne vers le lit! Tout à coup on frappe à la fenêtre : «Ouvre, femme; pourquoi t'es-tu enfermée? est-ce que tu caches des amoureux? — Attends, mon petit homme, je t'ouvre à l'instant.» Le pope est enrayé. «Où me cacher? où me sauver?» Mais la femme lui dit: «Désha- bille - toi vite, petit père, mets ces habits de mendiant et assieds-toi là près du poêle. Si mon mari demande qui tu es, je lui dirai : un pauvre est venu demander à coucher et je l'ai reçu.» Le pope ôte lestement sa sou- tane, endosse les vêtements déguenillés et s'assied près du poêle. Le moujik entre dans Pizba. «Qu'y a-t-il ? mon petit homme, tu rentres de bonne heure, lui dit la femme ; tu étais parti pour trois jours ? -- J'ai oublié le baril à l'eau. Mais qui est cet homme que je trouve chez nous ? — C'est un étran- ger; il a demandé à passer la nuit, et je le lui ai permis. — Allons, ménagère, donne- moi à souper, je coucherai ici et demain matin je partirai pour le labourage.» Il s'assied à table et se met à bâfrer. «Tu boi- rais peut-être volontiers de l'eau-de- vie ? lui dit la femme. — 11 y en a donc? — Il y en a. Je suis allée aujourd'hui chez ma
217
mère et elle m'en a donné une
bouteille en- tière.» Le moujik boit et dit au pope: «Assieds - toi, compatriote, et soupe avec nous!» Le pope ne bouge pas et se tait. «Eh, femme ! il a couru le monde, il a laissé croître toute sa barbe et il a honte main- tenant de se montrer devant les gens. Vois comme il est craintif! Donne-moi les ciseaux, que je lui coupe sa barbe !» La femme donne les ciseaux. Le moujik coupe la barbe du pope jusqu'à la peau. Ensuite il s'assied, il s'assied et .réfléchit : «Eh, ménagère ! dit-il, va chez la popesse et prie-la de nous faire l'amitié de venir manger et boire avec nous : c'est une bonne femme ! on peut la régaler.» La femme court inviter la popesse: celle-ci est très contente ; elle saute de joie, s'habille et vient chez le moujik. «Pourquoi t'a-t-il fallu tant de temps, petite mère ! dit le mou- jik. — Quel homme I ne sais-tu pas combien sont longs les apprêts d'une femme de pope ; il faut se laver, s'habiller: un bon moujik ferait dix verstes pendant ce temps-là! — «Allons, assieds-toi, petite mère! mange et bois avec nous ce que Dieu nous a envoyé ; c'est jour de fête aujourd'hui chez moi : ma vache a fait le veau !» et il lui verse de l'eau- de-vie, un verre d'abord, puis un second,
2l8
CONTES SECRETS
'puis un troisième. «Bois, petite
mère, à la santé de notre veau!» us boivent toute l'eau-de-vie. «Femme, dit le moujik à sa ménagère, va au cabaret, rapporte encore une demi - bouteille, je fais bombance au- jourd'hui.» La femme court au cabaret; le moujik voit que la popesse est ivre et lui
propose de la f..... La popesse
s'excuse, -
s'excuse; mais plus elle
s'excuse, plus le
moujik insiste: «Laisse-toi
f....., petite
mère! De ma, vie je n'ai essayé
avec une popesse! — Où nous coucherions-nous? dit la popesse, voilà un mendiant qui est assis là! — Cela ne fait rien, qu'il regarde!» dit le moujik. Il place la popesse sur le lit et se met à la carder (Variante: à la teindre au bois de sandale). Le pope est assis, il regarde et soupire profondément Le moujik termine à peine son affaire avec la popesse, que sa femme arrive avec l'eau-de-vie. Ils boivent de nouveau. La popesse prend congé et retourne chez elle, le moujik se couche avec sa femme. Le pope s'étend sur le banc comme pour dormir, mais 41 attend l'occa- sion de s'esquiver. Le moujik ronfle à des- sein. Le pope se lève tout doucement et joue des jambes. Il arrive en courant à la maison, peut à peine cogner, jette ses gue-
219
nilles et se couche avec la
popesse. Voilà que la popesse veut le saisir par la barbe: il n'y a plus de barbe. «Qui donc, petit père, t'a ainsi pelé ? — Ce même diable qui t'a écorcée, toi!» La popesse se mordit la langue.
LXV
LA FEMME RUSÉE*
hDl
y avait une fois un bourgeois
qui avait une jolie femme. Us avaient vécu et mangé tout leur bien. La femme dit à l'homme: «Il faut nous arranger de manière à gagner notre vie. — Et comment nous arranger? — J'ai trouvé le moyen, seule- ment ne me gronde pas! — Allons, agis, si tu as trouvé le moyen. — Tu te cacheras» dit la femme, et tu épieras. J'attirerai et je ramènerai des hôtes ; tu cogneras à la porte : alors nous ferons notre affaire. — Allons, bien !» Elle prend une caisse, elle y répand de la suie et la place dans la soupente;
* Comparez avec le no LXIV.
220 CONTES
SECRETS
l'homme va se cacher; la femme se
farde de blanc, de rouge, s'attife, sort dans la rue et s'assied près de la fenêtre, ainsi parée!*
** Variante:
Ce conte commence aussi de cette façon: Un pauvre moujik, Vannka le gueux, a imaginé de se marier avec la fille d'un riche marchand. Il de- mande au père de la jeune fille une mesure pour mesurer de l'argent et le trompe de cette manière. Celui-ci se dit: certainement ce moujik-là est riche, et il lui donne sa fille ; mais le moujik dépense et dissipe tout. Alors sa femme a recours à la ruse. Elle attend le dimanche et va à la messe. Un propriétaire la voit et s'approche d'elle, il se met à blâmer l'ivrognerie de son mari et lui dit: «Eh, Maria Draitrovna ! ne pourrait-on passer une nuit avec toi ? — Certainement, dit-elle, seulement quand mon mari ne sera pas à la maison.» Au sortir de la messe, elle voit le pope qui lui court après et qui
lui dit: «Maria Dmitrovna, ne
pourrait-on pas te f.....
un petit coup ? — Certainement.
Viens quand mon mari ne sera pas à la maison. (A la place du propriétaire on met parfois le vaïvode.) Maria Dmitrovna rentre chez elle et raconte tout à son mari. Il va lui-même aussitôt dans le village, passe devant la maison du propriétaire et crie : «Vannka le gueux va dans le cabaret des Tsars riboter toute la nuit ! — Viens chez moi, lui crie le propriétaire, je t'offrirai quelque chose. — Est-ce que je n'ai pas de l'argent?» Il se dirige aussitôt vers la cour du pope, passe devant et crie: «Vannka le gueux va dans le cabaret des Tsars riboter toute la nuit!» Après avoir entendu ces paroles, le propriétaire s'habille aussitôt et va trouver la femme de Vannka. Elle le fait asseoir à table et le régale, quand tout à coup Vannka le gueux
221
Après un court moment d'attente,
le pope vient à passer à cheval; il s'approche et lui dit : «Eh, jeune poulette, tu t'es bien parée ; c'est donc fête chez toi ? — Quelle fête ! c'est de chagrin que je me suis parée: je suis maintenant seule à la maison. — Et ton mari, où est-il ? — Il est parti pour travailler.
— Voyons,
chère petite colombe, ne pour- rait-on pas te consoler dans ton chagrin? Permets que je te rende visite, tu ne seras plus seule, et la nuit ne sera pas si longue ï
— Je
t'en prie, petit père! — Où faut-il mettre mon cheval? — Conduis-le dans la
revient à la maison. «Ah, Maria
Dmitrovna, où me fourrer? — Cache-toi dans la malle.» Le propriétaire se cache dans la malle, le mari rentre et gronde sa femme: .«Pourquoi n'es-tu pas couchée depuis long- temps ?» Il fait du bruit, il fait du bruit et sort. A peine est-il sorti, que le pope arrive en visite. Et la même scène se passe avec le pope ; il se jette dans la malle et s'assied droit sur le propriétaire. Celui-ci le saisit par la barbe: «C'est toi, petit père! — C'est moi, l'ami !» Vannka le gueux attelle un cheval, place la malle sur un chariot, la conduit à la rivière et la jette dans l'eau. Le pope et le propriétaire ont grand' peine à en sortir. Vannka ramasse leurs habits, avec tout l'argent qui était dans les poches, il vit tranquillement avec sa femme, se procure les bonnes choses et évite les mauvaises.
222 contes
secrets
cour, j'ordonnerai à l'ouvrier
d'en prendre soin. Ds entrent tous deux dans l'izba. «Mais, chère pigeonne, il faut d'abord boire; voilà un rouble, envoie chercher de Peau-de-vie. L'ouvrier leur apporte une bouteille entière d'eau-de-vie : ils boivent et mangent «Allons, il est temps maintenant de se mettre au lit,»
dit le pope, couchons-nous et
f...... un
peu ! — Ecoute, petit père !
quand on pèche, il faut pécher : déshabille-toi tout nu, ce sera plus amusant!» Le pope se déshabille tout nu, et il est à peine couché dans le lit, que le mari frappe violemment à la porte. «Ah! malheur à moi! mon mari est revenu! monte, petit père, dans la soupente, et cache-toi dans la caisse.» Le pope,, tout nu comme il était, se précipite dans la caisse et se couche dans la suie. Le mari entre dans l'izba et gronde. «Je f... ta mère"! Pour- quoi as-tu tant tardé à ouvrir?» Il se met à table, boit un verre d'eau-de-vie et mange; ensuite il sort de l'izba et se cache de nou- veau; sa femme se hâte d'aller dans la rue et s'assied sous la fenêtre. Le diacre vient à passer. La même chose a lieu avec lui. Quand le mari frappe à la porte, le diacre, déshabillé tout nu, se jette dans la caisse à la suie et tombe droit sur le pope : «Qui est
TRADUITS DU RUSSE
223
là? — C'est moi, dit le pope à
voix basse. Et toi, l'ami, qui es-tu? — Moi, petit père, je suis le diacre ! — Et comment es-tu ar- rivé ici? — Et toi, petit père, comment? — Tais-toi, que le maître du logis n'entende pas, ou il arriverait malheur !» La maîtresse de la maison attire ensuite de la même ma- nière le petit-diacre (le chantre). Il se jette aussi dans la caisse à la suie, täte avec ses mains le pope et le diacre : «Qui est là ? — C'est nous, moi et le père diacre, dit le pope; et toi, si je ne me trompe, tu es le petit-diacre (le chantre)? — C'est bien moi, petit père!» Enfin, la maîtresse de la mai- son sort encore dans la rue et attire le sonneur (sacristain). Le sonneur était à peine déshabillé, qu'il se fait du bruit, et des coups résonnent contre la porte. Il se précipite dans la caisse: «Qui est là? — C'est moi, l'ami, avec le père diacre et le petit-diacre ; et toi, ce me semble, tu es le sonneur? — C'est bien moi, petit père ! — Allons, l'ami, main- tenant, tout le clergé (les gens d'église) de la paroisse est rassemblé.» Le mari entre et dit à sa femme: «N'avons-nous pas de la suie à vendre. On' m'en demande, on veut l'acheter. — Bien, vends-la, dit la femme; il y en a une caisse toute pleine dans la
224 CONTES
SECRETS
soupente.» Il prend la caisse,
aidé de l'ouvrier, ils la hissent sur le téléga et la conduisent sur la grande route. Arrive un seigneur en équipage: «Détourne-toi», crie-t-il de tous ses poumons. «Impossible. J'ai des diables dans mon chariot. — Montre, dit le seigneur, -t- Donne cinq cents roubles. — Pourquoi si cher? — Si j'ouvre la caisse, nous n'aurons que le temps de les voir: ils se sauveront à l'instant!» Le seigneur lui donne cinq cents roubles; dès qu'il ouvre la caisse, tout le clergé de la paroisse saute dehors et se sauve à toutes jambes, de vrais diables, bien enduits et noirs!»
* Variante : Le pope arrive et à peine a-t-il
bu un petit verre, que le mari frappe à la porte de l'izba. Où se fourrer ? «Assieds-toi là, dit la femme, tourne la meule à moudre ; il fait sombre maintenant, il ne te reconnaîtra pas, et je lui dirai : C'est la tante qui moud.» Le pope se met à moudre. Vannka entre dans l'izba et aussitôt il crie à l'oreille du pope: «Mouds, tante! mouds,
p.....!» Il marche, il marche
dans l'izba ; de nouveau
il crie à l'oreille du pope:
«Mouds, tante, mouds,
p.....! ensuite il dit à sa femme
: «Souffle le feu !» La
femme souffle le feu. Vannka
regarde et s'écrie: «Ah, diable poilu, qu'es-tu venu faire ici ?» Le pope ne peut l'échapper, il avoue : «J'étais venu vers ta femme ! — Donne cinq cents roubles de rançon !» Le pope dit :■
TRADUITS DU RUSSE
(Autre version.)
Il était une fois un moujik, qui
avait une femme jeune et belle. Le pope, le diacre et le petit-diacre (le chantre) en étaient amoureux. «Voyons, Mariouchka, dit le pope, ne pourrait-on faire cela ?... — Venez, petit père, ce soir, à la tombée
de, la nuit.» Le diacre lui fait la même demande: «Venez, père diacre, quand il fera tout à fait nuit.» Elle dit au petit-diacre de venir autour de minuit. Le moujik s'entend avec sa femme; il sort de la maison et prend des sacs, comme s'il voulait aller à la ville, au bazar. Le pope arrive près de la femme, mais à peine est-il déshabillé, qu'on frappe à la porte: le moujik est revenu. Le pope se cache au fond d'une caisse. Ensuite arrive le diacre; la même chose se passe et il se couche sur le pope; sur celui-ci se couche le petit- diacre, au-dessus des deux autres. Le moujik crie: «Femme, donne mon fusil! Je veux tirer.
Je les donnerai, seulement
laisse-moi aller, que je fasse pénitence ! — De plus, chasse un diable de ma maison.» Le pope prend sa croix et chante la prière ; Vannka ouvre la caisse ; le propriétaire en sort tout enduit et se sauve. Vannka l'attrape et lui fait donner aussi une rançon 4e 500
roubles, et ensuite il vécut dans
l'abondance.
fcçvn radia. i. l5
226 contes
secrets
Marque le but avec de la craie,
là, sur cette caisse !» La femme marque le but. Le pope lui chuchote : «Marque plus haut,» et le petit- diacre: .«Marque plus bas.» Le moujik les effraie, les effraie, et ordonne à sa femme de les mettre en liberté: il se place sur le seuil avec un gourdin et leur sert une ré- galade. Le diacre et le petit-diacre sortent, mais le pope se cache dans le foin sous la vache. Le moujik le remarque et dit à sa femme : «Femme ! va trouver la popesse, dis- lui de venir acheter la vache; depuis long- temps elle la marchande, aujourd'hui je la lui donnerai à bon marché.» Dès que la popesse entend qu'il s'agit de la vache, elle saute de suite à bas du ht, s'habille et ac- court: «Eh bien, Ivann, tu veux me vendre ta vache ? — Je te la vendrai, petite mère !
— Combien
en veux-tu? — Tu m'en don- neras quarante roubles; mais si tu veux te laisser limer, je te la donnerai pour rien!
— Eh
bien, lime, l'ami!» Le moujik étend la popesse sur le foin, la travaille et lui dit: «La vache, petite mère, je te l'enverrai de- main, avec le veau.» La popesse sort, et le moujik crie à sa femme: «Donne-moi à souper! — Que veux-tu ? — Donne-moi du lait. — Il n'y a pas de lait, le veau à sucé
traduits du russe 227
tout le lait de la vache.» Le
moujik prend un gourdin et tanne le pope ; celui-ci beugle comme le veau; il beugle, beugle, et voit bientôt que cela' est au-dessus de ses forces, il bondit et se sauve chez lui. «D'où viens- tu? demande la popesse; voyez cet oiseau de nuitl tu viens de te traîner chez les
p......I» Mais le pope lui dit :
«Tais-toi,
je f... ta mère! où est donc la
vache que tu as achetée?»
(Autre version.)
Il était une fois un forgeron,
qui avait une femme d'une merveilleuse beauté. Ils vivaient pauvrement. Un jour le forgeron dit à sa femme: «Écoute, ménagère! Que pourrions-nous bien faire pour nous procurer de l'argent ? Si tu attirais chez toi des amou- reux ? Les riches te convoiteraient. Va faire un tour dans la ville! peut-être ramèneras- tu quelque imbécile! Mais tiens-toi bien sur tes gardes. Si quelqu'un te fait des pro- positions, prends l'argent et dis-lui de venir pendant la nuit dans la forge, par la cheminée. Je serai là et je les arrangerai comme il convient !» La forgeronne se pare
15*
contes
secrets
avec soin et va dans la vijle.
Elle rencontre un pope de sa connaissance : «Bonjour, petite dame ! Eh bien, ton mari est-il à la maison ?
— Non,
petit père! un seigneur a eu besoin de lui pour tout un mois de travail et main- tenant je suis seule. — Eh, ma mie, c'est très bien que tu sois seule. Ne pourrais-je pas aller coucher une nuit avec toi? — Pourquoi pas? petit père, je le veux bien, seulement, donne-moi vingt roubles. — Très bien, ma mie! tiens, voilà l'argent. Ce soir, après les vêpres, j'irai tout droit chez toi.
— Viens,
petit père, mais pas dans l'izba; je passerai la nuit dans la forge, pour gar- der les outils de mon mari; tu te laisseras glisser tout doucement par la cheminée. — Bien, ma mie !» Elle reçoit les vingt roubles du pope et va plus loin. Elle rencontre le staroste (marguillier) de l'église: «Eh, bon- jour, forgeronne! — Bonjour, bon homme!
— Eh
bien, ton mari est-il à la maison ? — Non, il est allé travailler pour un mois en- tier chez un seigneur, maintenant je vis seule chez moi. — Ne pourrait-on, ma chérie, passer une petite nuit seulement? — Pour- quoi pas? je suis libre aujourd'hui. Donne- moi vingt roubles et viens ce soir un peu tard ; je passerai la nuit dans la forge ; quand
traduits du russe 229
tu viendras, ne frappe pas à la
porte, afin qu'on n'entende pas de bruit, mais glisse- toi tout doucement dans la cheminée. — Parfait!»' Elle reçoit les vingt roubles du staroste et va plus loin. Elle rencontre un tsigane. «Ah, bonjour, petite mère ! — Bon- jour, tsigane? — Eh bien, ma chérie, ton vieux est-il à la maison ? — Non, il est allé pour un mois entier travailler chez un seigneur, et maintenant je vis toute seule. — Ah, ma petite chérie, je pourrais donc passer une petite nuit avec toi! — Pour- quoi pas ? Viens, tsigane ! seulement donne- moi vingt roubles.» Le tsigane tire l'argent de sa poche: «Voilà, voilà, ma chérie. Ce soir j'accourrai chez toi. — Viens, tsigane, tout droit à la forge et descends par la cheminée, je t'attendrai là. — Bien, ma pi- geonne!» La forgeronne revient à la mai- son et dit: «Eh bien, forgeron, trois amou- reux viendront me voir cette nuit; ils m'ont donné chacun vingt roubles. — Allons, mé- nagère, gloire à Dieu ! je me charge de ces gens-là.» Ils attendent le soir. Le forgeron s'apprête et va dans la forge; il allume le
4 feu au fourneau, il y met des tenailles et il attend les amoureux. Dès qu'il a terminé les vêpres, le pope prend sa soutane et court
contes secrets
de l'église à la forge. Le
staroste lui court après: «Où allez-vous, petit père? — Ah, tais-toi, l'ami! j'ai péché devant Dieu, je vais coucher chez la forgeronne, j'ai donné l'ar- gent d'avance. — Ah, petit père ! moi aussi je vais là! — Cela ne fait rien, l'ami! allons ensemble, ce sera plus gai» Ils approchent de la forge; le tsigane les rejoint. «Hé! où allez-vous, pères spirituels? — Tais-toi, tsi- gane, nous allons coucher avec une femme, là, dans cette forge. — Ah, ah, petits pères, et moi aussi j'y vais. — Eh bien, allons en- semble.» Ils arrivent les trois à la fois. «Allons, maintenant à qui de descendre le premier par la cheminée?» Le pope dit: «C'est à moi, l'ami! je suis plus vieux que vous. — Bien, descends, petit père !» Le pope ôte sa soutane, se débarrasse de ses bottes et de son caleçon. Le staroste et le tsigane le prennent, lui passent des cordes sous les bras et se mettent en devoir de le descendre dans la cheminée. Le pope leur dit: «Dès que j'aurai fait mon affaire, je crierai: fik! vous me répondrez: chmik! et vous me tirerez en haut.» Ils avaient à peine com- mencé à descendre le pope par la cheminée, que le forgeron chauffe les tenailles, et avec ces tenailles saisit le petit père par les
231
c....... Le pope crie de toutes
ses forces:
fik! ils lui répondent: chmikl et
le tirent en haut: «Quoi donc, petit père, tu as fait ton affaire aussi vite que cela? demande le tsigane. — Ah, l'ami ! comme son c.. est chaud! à peine le touche-t'on qu'il vous brûle comme de la vapeur. Je n'ai jamais rien vu de pareil. — Allons, maintenant, c'est à moi de descendre, dit le staroste. — — Descends!» Le staroste se déshabille, le pope et le tsigane le lient sous les bras et le font glisser le long de la cheminée. Le forgeron prend ses tenailles et pince cet
amoureux par les c....... Le
staroste se
met à crier: fik! ils lui
répondent chmik! et le tirent en haut. «Allons, tsigane, dit le staroste, on ne regrette pas ses vingt roubles, cela vaut l'argent; descends à ton tour. — Moi, petits pères, je ne travaille pas à votre façon; je ne me relèverai pas avant de l'avoir patinée trois fois. Écoutez bien, petits pères; ne me retirez pas avant que je n'aie dit trois fois: fik! — Boni» Ils laissent glisser le tsigane. Le forgeron entend qu'un troisième amoureux descend dans la che- minée, il prend dans son fourneau des te- nailles brûlantes et pince le tsigane droit aux c....... Le tsigane crie de toute sa
232 contes
secrets
force: fik! ils ne le tirent pasl
Le tsigane crie une seconde fois: fikï ils ne le tirent pas ! Le tsigane crie une troisième fois : fik! Dieu de miséricorde! on ne f... pas ici, on vous cuit tout vivant! fik! Le pope et le staroste. répondent: chmik! et hissent le tsigane, dont les c....... pendent en lam- beaux! Celui-ci s'emporte contre le petit père: «Pourquoi donc, chien, barbe de bouc! ne nous as-tu pas dit que là-bas on nous régalait de cette façon ? Que le diable t'em- porte! au moins tes œufs seuls auraient été rôtis! Ah, petits pères, c'est moi qui suis le plus maltraité! — Allons, l'ami, ce n'est rien. Puisque cette vilaine femme nous a trompés, allons maintenant chez elle dans l'izba et nous lui travaillerons la peau comme il convient!» Ils s'habillent tant mal que bien et vont chez la forgeronne. Ils entrent dans l'izba et la trouvent seule: «Quel tour nous as-tu joué, gredine? — Ah, chers amis! je suis moi-même bien contrariée que les diables aient ramené mon mari à la mai- son. Il est revenu je ne sais ni pourquoi ni comment, et dès le soir il est allé tra- vailler à la forge. Asseyez-vous, mes petits pigeons; je vais m'attifer un peu; la nuit est longue, elle nous appartiendra en entier,
TRADUITS DU
russe 233
et maintenant mon mari restera
dans sa forge jusqu'au jour.» Les visiteurs s'asseyent. Tout à coup le forgeron revient à la maison ; il feint d'être ivre, frappe à la porte et injurie sa femme: «Ouvre, p____.; !» Dès qu'ils en- tendent le bruit et les cris, les visiteurs bon- dissent: «Où nous fourrer maintenant?» La forgeronne leur dit: «Ne craignez rien, mes petits pigeons, je vous cacherai; il est ivre, il ne tardera pas à s'endormir. Toi, petit père, ôte vite tous tes habits, mets-toi tout nu dans l'angle de devant. Je dirai à mon mari que j'ai acheté un saint.*» Le pope ôte de suite sa soutane, son caleçon, ses bottes et sa chemise, se place debout dans l'angle de devant, comme un saint, et épar- pille ses cheveux et sa barbe. «Et moi, où vais-je me fourrer?» demande le staroste. — Et moi, crie le tsigane. — Vous, mes petits pigeons, déshabillez - vous aussi tout nus ; toi, dit-elle au staroste, je te lierai avec une corde à la perche et je dirai à mon mari que j'ai acheté une grande cruche; toi, tsigane, fourre-toi dans ce petit cuvier plein de marc : ü ne te verra pas.» Ils se déshabillent
* Figures de saints que Ton fait pour les
fêtes de Noël.
*
234 contes
secrets
tout nus; la forgeronne attache
le staroste avec une corde à la perche et le tsigane se plonge dans le marc. La forgeronne ouvre alors la porte à son mari. Il entre, gronde et crie: «Femme, donne-moi à souper!» Il regarde autour de lui: dans Parigle se tient debout le pope. «Quel diable se tient là de- bout dans la chambre? — Que Dieu soit avec toi ! De quel diable parles-tu ? C'est un saint. — Et combien as-tu payé pour ce grand saint-là ? — Nous verrons cela demain, va te coucher.» Le forgeron allume une chandelle, s'approche du pope, ie prend par la p... et dit à la ménagère : «Et ce mor- ceau-là, qu'est-ce? — Ce morceau-là, c'est pour placer la chandelle. — Alors, je vais la placer tout de suite!» Il prend la chan- delle et la colle sur la p... La chandelle ne tient pas et tombe à terre. «Il faut rou- gir au feu ce chandelier et alors la chandelle tiendra mieux!» Il brûle avec sa chandelle le bout de la p... du pope. Le pope pète, saute par-dessus la table et s'échappe ainsi
tout nu de l'izba. «Ah, p.....,
s'écrie le
forgeron, ce n'est pas un saint,
mais un diable que tu as acheté ; tu vois comme il se sauve, tu as bien perdu ton argent !» Ensuite il va vers la perche: «Qu'est-ce qui pend là? —
traduits du russe 235
C'est une grande cruche pour
l'eau, que j'ai achetée. — Quelle diable de cruche, c'est un vrai tonneau! est-elle solide? — J'ai frappé dessus avec le poing: elle résonne bien ! — Essayons-la avec une bûche ; voyons si elle ne se brisera pas?» 11 prend une bûche et, de toutes ses forces, se met à cogner sur les côtes du staroste. Le staroste se balance au bout de la corde. Tout à coup la corde casse, le staroste tombe sur le sol la tête la première, rebondit et se sauve dehors. «Vois ce que tu as acheté !» dit le forgeron. «Et maintenant donne, que je boive du kvass.» Il va vers le petit cu- vier et voit le tsigane assis jusqu'au cou dans le marc ; son museau seul se montre au de- hors. Le forgeron se signe : «Pourquoi ai-je vécu jusqu'à ce jour avec toi? Tu gardes sans doute ce marc depuis l'époque où tu t'es mariée avec moi : vois, les diables s'y sont déjà établis!» Il prend le couvercle, couvre le cuvier ainsi que le tsigane et fixe solide- ment ce couvercle avec des clous. Le tsigane reste là sans manger un jour entier, puis un second. Le troisième jour, le forgeron at- telle son téléga, y place le cuvier et part pour l'étang. Il arrive et s'arrête ; il ôte ses bottes, retrousse sa culotte, entre dans l'eau
236 contes
secrets
et marche son knout à la main sur
le bord de Tétang, comme s'il péchait. Au bout de quelques instants, vient à passer un seigneur: «Bonjour, petit moujik! — Ah, seigneur! pourquoi m'as-tu salué; tu as troublé ma pêche. — Quelle pêche? — J'allais prendre à l'instant même un diable à l'hameçon, mais dès qu'il a entendu ta voix, il n'a pas mordu et s'est sauvé. — Quel mensonge me fais- tu là? — Comment, un mensonge! j'en ai déjà pris un et je l'ai mis dans mon cuvier ; c'est toi qui as effrayé le second. — Montre- moi celui que tu as pris? — Je ne te le montrerai pas, seigneur. — Voilà cinquante roubles. — Mes maîtres m'en donneront cent. — Allons, voilà cent roubles !» Le for- geron prend les cent roubles du seigneur et découvre le cuvier : le tsigane saute aussi- tôt dehors et joue des jambes. «En effet, c'est le diable! dit le seigneur, et il crache; voilà bien des années déjà que je suis au monde, et c'est la première fois que je vois le diable!» Le forgeron revient chez lui et dit à sa femme : «Voilà, ménagère ! j'ai vendu le tsigane pour cent roubles; maintenant il faut encore vendre la soutane du pope et l'affaire sera parfaite!» Il endosse la sou- tane, prend le bâton pastoral et va de grand
traduits du russe 237
* Variante:
Le forgeron est remplacé par un peintre (de saints). Près de la femme du peintre vient un tsi- gane. Le mari rentre à
la maison. Où le tsigane va- t-il se fourrer ? «Déshabille-toi tout nu, lui dit la femme rusée, je te placerai dans le magasin où Ton met les tableaux. Le mari rentre et dit à sa femme : «Les ouvriers ont-ils beaucoup peint ? — Viens toi-même dans le magasin et vois.» Le peintre va dans le magasin avec sa femme. Le tsigane se tient contre le mur, les bras étendus, comme le Christ en croix. Le peintre jette les yeux sur lui et dit: «Quel saint m'ont-ils fait là ? saint Joanice ? mais la p ... est trop grande ! saint Athanase ? mais la p... est attachée autrement que chez nous! saint Onésime? mais la p... pend en bas!» Il prend Une chandelle et se met à brûler la p... du tsigane. Celui-ci bondit et se sauve chez lui. Le jour
matin dans la cour du pope. Le
pope voit le forgeron et se dit: «Ce sera mauvaise affaire, si mes paroissiens le reconnaissent.» Il dit au forgeron : «Accorde-moi cette grâce, l'ami! ne fais pas rire les gens! — Que me donneras-tu? veux-tu te racheter pour cent roubles ? — Je ne t'en donnerai pas cent, mais cent cinquante !» Le forgeron rend au pope sa soutane et son bâton, et reçoit de lui cent cinquante roubles. Il retourne près de sa femme et vit avec elle un peu plus con- venablement.*
238 contes
secrets
LXVI LA JUIVE
■ rap jeune garçon part pour chercher de lyOll l'ouvrage; il voit sur sa route un
ca- baret, il entre pour y passer la nuit. Ce cabaret était tenu par un Juif; ce Juif avait une femme. La nuit vient; ils se couchent sur le sol. La Juive trouve qu'il fait chaud ; à moitié endormie, elle se débarrasse et jette tout ce qu'elle a sur elle: elle est étendue le c.. découvert. Le désir vient au moujik; il ne réfléchit pas longtemps, il se glisse sur elle et se met à la bourrer. La Juive pense qu'elle est secouée par son mari et crie: «bouvillonl bouvillon!» Le garçon lui dit: «Que diable as-tu à crier: bouvillon? Le Juif se réveillera!» La Juive le saisit par la tête et täte: il n'y a point de cheveux en boudins! «Ah vé! bouvillon! — A la
suivant, le peintre aperçoit le
tsigane dans la rue, au milieu de la foule, il s'approche et dit : «Ah, mes amis ! si vous saviez ce qui est arrivé chez moi hier ! les saints couraient ....» Le tsigane ne peut se contenir et dit: «Je ch.. sur ton pèrel Quand tu leur brûles la p ..., comment ne S'enfuiraient-ils
pas 1»
traduits du russe 23o,
bonne heure, tout doucement comme
cela !» dit le garçon, qui achève sa besogne et se retire.
LXVII
le soldat et le diable
lB"OllN soldat sen
va en congé définitif et IkLSlil se dirige vers son pays natal. Ce soldat aime à chasser le chagrin : tout l'ar- gent qu' il peut avoir, il le dépense de différents côtés. Il continue sa route: «Al- lons, dit-il, je noierai le chagrin dans Peau- de-vie ! je vendrai mon dernier hâvre-sac et je me réjouirai le cœur.» Très bien! il se défait du hâvre-sac et absorbe une demi- bouteille d'eau-de-vie. 11 continue sa route, tombe lourdement d'ivresse sur la terre et reste à quatre pattes; il lui est impossible de se relever ! Le diable s'approche de lui : «Que fais-tu, militaire? — Tu vois bien: je f...! — Et ta p..., sort-elle dehors? — Cela ne va pas très bien ! — Et qui f... - tu? —. Je f..trai qui tu voudras.» Le diable voit que le soldat est un garçon avisé; il
240 contes
secrets
LXVÏH
nicolas doupliannskoï
L
était une fois un vieillard, qui avait une jeune femme. Un jeune gars,
Terekha Gladkoï, avait coutume de
venir en visite auprès d'elle. Le vieillard s'en aperçoit et dit à sa femme: «MénagèreI je suis allé au bois, j'ai trouvé Nicolas Dou- pliannskoï: tout ce qu'on lui demande, il l'accorde !» Lui - même, de grand matin, il court au bois, avise un vieux pin et se cache dans le creux de l'arbre. La femme fait cuire des - pâtés, des pains ronds, des crêpes au beurre, et va au bois, prier Nico- las Doupliannskoï. Elle arrive près du pin, voit un vieillard et se dit : «Voilà sans doute le petit père Nicolas Doupliannskoï! Adres- sons-lui notre prière: «Petit père Nicolas,
lui en faut de pareils, et il le
prend à son service. Le soldat maintenant est riche, chaque jour il boit de l'eau-de-vie, il fume du gros tabac et mange rarement après avoir bu.
241
rends aveugle mon vieux !» Le
vieillard ré- pond: «Retourne à la maison, femme; ton vieux sera aveugle ; mais laisse-là ton panier avec les pâtés. La femme place près du pin le panier aux pâtés et retourne à la maison. Le vieillard sort aussitôt du creux de l'arbre, mange les pâtés, les pains ronds et les crêpes, coupe un gourdin et revient chez lui. Il marche en tâtonnant, comme s'il était aveugle. «Qu'as-tu, vieux, lui demande sa femme, que tu marches si doucement? est-ce que tu n'y vois pas ? — Ah, ma petite femme, il m'est arrivé malheur: je n'y vois plus du tout.» Sa femme le prend par la main, le conduit dans l'izba et le couche sur le poêle. Le soir de ce même jour, son cher ami, Térékha Gladkoï, vient la voir. «Maintenant, ne crains plus rien, lui dit la femme; viens me voir quand tu voudras. Je suis allée aujourd'hui au bois, j'ai prié Nicolas Doupliannskoï, afin qu'il rende aveugle mon vieux: celui-ci vient de rentrer à la maison, et il a tout à fait perdu la vue !» La femme fait cuire des crêpes, les pose sur la table, et Térékha se met à bâfrer à pleines joues. «Prends, garde, Térékha! lui dit la ménagère, ne t'étouffe pas avec ces crêpes, je vais te chercher du beurre ! A peine est-
KçuTTTaSia.
i. l6
242 CONTES
SECRETS
elle sortie de l'izba pour aller
chercher du beurre, que le vieux prend son arbalète, l'ap- prête et tire sur Térékha Gladkoï; il le frappe à mort. Alors il saute à bas du poè'le, roule une crêpe en boule et la pousse dans la bouche de Térékha, comme s'il s'était étouffé lui-même ; cela fait, il remonte sur le poè'le. Sa femme revient avec le beurre; que voit- elle? Térékha assis et mort «Je te l'avais bien dit: ne mange pas sans beurre, ou tu t'étoufferas : il ne m'a pas écouté, et le voilà mort maintenant.» Elle le prend, le traîne sous le pont et revient se coucher seule. Elle n'aime pas dormir seule, et elle crie au vieux de venir près d'elle ; mais le vieux répond: «Je suis bien ici!» Le vieillard est couché, il est couché et il crie, comme s'il rêvait: «Femme, lève-toi, Térékha est étendu mort sous notre pont ! — Que dis-tu, vieux; tu as cru voir cela en songe.» Le vieillard descend du poè'le, il retire Térékha Gladkoï et le traîne chez un moujik riche: il a vu chez celui-ci un seau de miel ; il place Téré- kha près du seau et lui met en main une spatule, comme s'il puisait le miel. Le mou- jik voit quelqu'un puiser son miel, il accourt et frappe Térékha sur la tête; celui-ci roule sur la terre comme s'il était mort Le
TRADUITS DU RUSSE " 243
vieillard sort d'un angle et
saisit le moujik au collet : «Pourquoi as-tu tué ce jeune gar- çon? — Je te donnerai cent roubles, n'en parle à personne! dit le moujik. — Donne- m'en cinq cents, ou je te mène devant le tribunal.» Le moujik donne les cinq cents roubles. Le vieillard prend le mort et le traîne au cimetière: il va tirer de l'écurie ' du pope un étalon, sur lequel il place Té- rékha, il lui met les guides clans les mains et lâche le cheval dans le cimetière. Le pope accourt, il injurie Térékha et veut le saisir; l'étalon se sauve du pope et se dirige droit vers l'écurie : mais il heurte Térékha contre la solive; celui-ci tombe et roule à terre. Le vieillard sort d'un angle et saisit le pope par la barbe: «Pourquoi as-tu tué ce jeune homme? allons devant le tribunal!» Il n'y avait rien à foire, le pope lui donne trois cents roubles : «Seulement lâche-moi et n'en dis rien à personne.» Ensuite le vieillard enterre Térékha.
(Autre version.)
Il y avait une fois un pope et
une po- pesse; la popesse s'était procuré un amant. L'ouvrier avait remarqué cela et cherchait
16*
244 CONTES
SECRETS
de toute manière à y mettre
obstacle. «De quelle façon m'en défaire ?» pense la popesse, et elle va demander conseil à une vieille sorcière, avec laquelle l'ouvrier s'était depuis longtemps entendu. Elle arrive et dit : «Bonne grand'-mère 1 viens à mon aide, comment me défaire de l'ouvrier et du pope ? — Va, lui dit la vieille, dans le bois; là Nicolas - Doupliannskoï t'apparaîtra ; adresse-lui ta prière, il te viendra en aide.» La popesse court au bois chercher Nicolas Douplianns- koï. L'ouvrier s'est complètement barbouillé et a saupoudré sa barbe de farine, il monte sur un sapin et gémit. La popesse regarde et voit sur le sapin un vieillard tout blanc. Elle s'approche de l'arbre et se met à prier: «Petit père Nicolas Doupliannskoï! comment me défaire de l'ouvrier et du pope? — O femme, femme, répond Nicolas Douplianns- koï, s'en défaire tout à fait serait un péché, mais on peut les rendre aveugles. Demain fais cuire en quantité des crêpes, imbibe-les bien de beurre; ils en mangeront et de- viendront aveugles; de plus, fais-leur cuire des œufs: ils les mangeront et deviendront sourds.» La popesse retourne chez elle* et s'occupe des crêpes. Le jour suivant, elle fait cuire les crêpes et prépare des œufs.
TRADUITS DU RUSSE
Le pope et l'ouvrier se
disposaient à aller aux champs: «Déjeunez auparavant!» leur dit-elle, et elle les régale de crêpes et d'œufs, et elle leur verse du beurre dessus, elle n'épargne rien : «Mangez, mes amis; mettez-y plus de beurre, trempez-les dans le beurre, ils auront plus de goût!» et elle montre au pope et à l'ouvrier comment il faut faire. Ils mangent et disent: «Comme il fait noir!» et ils marchent tout droit contre le mur. «Qu'avez-vous, mes amis? — Dieu nous a punis, nous sommes tout à fait aveugles.» La popesse les conduit sur le poêle, elle appelle elle-même son amoureux et com- mence à se divertir, à boire et à s'amuser avec lui. «Maintenant, donne que je te f...., dit l'hôte à la popesse ; seulement, par der- rière, comme le bouc f... la chèvre.» La popesse retrousse sa queue et se met à quatre pattes; son hôte la grimpe. Alors le pope et l'ouvrier descendent du poêle, les frappent à tour de bras et les rossent de la belle façon !
24^ CONTES
SECRETS
LXIX
LES DEUX FRÈRES FIANCÉS
l était une fois un moujik, qui avait deux fils, des garçons déjà grands.
Le vieux se consultait un jour
avec la vieille : «Lequel de nos deux fils faut-il fiancer: Gritsko (Grégoire) ou Lavr (Laurent)? — Fiançons l'aîné, dit la vieille.» Ils se décident donc pour Lavr et le fiancent à une jeune fille d'un autre village, le jour même du mardi gras. Ils attendent la semaine sainte, se régalent de viande au premier repas gras, puis Lavr et son frère Gritsko se disposent à partir pour aller voir la fiancée; ils se sont apprêtés, ils ont attelé une paire de chevaux et ils s'asseyent dans le chariot: Lavr, en sa qualité de fiancé, à la place du maître, et Gritsko à celle du cocher ; ils vont en visite. Ils sont à peine hors du village, que Lavr veut déjà ch ..., il s'est tellement bourré dans les premiers repas gras
1 «Frère Gritsko! dit-il, arrête les chevaux. — Pour- quoi ? — J'ai envie de ch... — Quel im- bécile tu es ! est-ce que tu vas ch... sur notre terre? patiente un peu; nous nous
TRADUITS DU RUSSE 247
arrêterons sur les champs des
voisins, là, tu pourras vider ton ventre en entier, si bon te semble!» Que faire? Lavr se raidit et prend patience. Il en éprouve une grande chaleur et la sueur perle sur son front. On est arrivé au champ des voisins. «Allons, frère, dit Lavr, fais-moi ce plaisir, arrête les chevaux, je n'y tiens plus, j'ai besoin de ch... à en mourir ! — Quel imbécile tu es ! répond Gritsko; on ne fera jamais rien de toi. Pourquoi ne l'as-tu pas dit quand nous avons passé à travers nos terres: là tu aurais pu t'arrêter et ch... hardiment, autant que tu aurais voulu. Mais maintenant, tu le sais toi - même . comment ch... sur la terre d'autruil De plus, l'heure ne convient pas, quelque mauvais diable nous verra, on nous cognera tous les deux et on nous prendra nos chevaux. Patiente un peu. Dès que nous arriverons dans la cour de ton beau- père, tu sauteras du chariot, tu courras tout droit aux lieux d'aisance et tu ch..ras bravement ; moi, pendant ce temps-là, je dé- tellerai les chevaux.» Lavr s'assied dans le chariot, fait la grimace et se retient. Ils arrivent dans le village et se dirigent vers la cour du beau-père; sur la porte même, la belle-mère vient à la rencontre de son.
24^ CONTES
SECRETS
futur gendre: «Bonjour, mon fils,
mon petit pigeon! nous t'attendons depuis longtemps!» Mais le fiancé, sans dire un seul mot, saute- du chariot et veut courir tout droit au lieux d'aisance. La belle-mère pense que son gendre se gêne, elle le prend par la main et lui dit: «Quoi donc! cher fils, tu te gênes? Que le Seigneur soit avec toi! ne sois pas honteux! nous n'avons chez nous aucun étranger, je t'en supplie, entre dans l'izba.» Elle l'entraîne des l'izba et l'assied à table à la place d'honneur. Lavr ne peut plus se retenir, il ch.. sous lui et remplit sa culotte, il reste assis sur le banc et craint de bouger de place. La belle-mère est empressée: elle sert des mets à ses hôtes, elle prend une bouteille de vin, en verse et présente le premier verre au fiancé. A peine le fiancé s'est-il levé avec le verre et se tient-il debout
sur ses jambes, que la m____coule
en bas
sur ses cuisses et dans les tiges
de ses bottes; la puanteur se répand dans toute l'izba. Qu'est-ce donc? Comme on sent mauvais 1 La belle-mère se lève et regarde dans tous les coins : les petits enfants n'auraient-ils pas fait des vilenies quelque part? non, on ne voit rien; elle revient vers ses hôtes: «Ah, mes chers enfants! notre cour n'est pas très
TRADUITS DU RUSSE
24$
propre, peut-être Tun de vous a
mis le pied dans la m.... Levez-vous, je regarderai si Tun de vous n'a pas sali ses bottes.» La vieille examine Gritsko: elle ne trouve rien; elle vient vers Lavr: «Voyons, petit gendre, quand tu es entré dans la cour, tu as couru du côté des lieux d'aisance, n'aurais-tu pas
mis le pied dans la m----» Elle
le täte, et
à peine l'a-t-elle touché entre
les genoux, qu'elle retire sa main toute salie. Elle in- jurie le gendre. «Voyons, as-tu perdu la tête, dis? Que diable as-tu là imaginé! Tu n'es certainement pas venu nous voir, tu es venu te moquer de nous, mauvais cœur? Il n'a encore ni bu, ni mangé, et il a déjà ch.. sous la table ? Va-t'en au diable, tu seras son gendre, mais pas le nôtre!» La vieille appelle aussitôt sa fille et lui dit: «Vois-tu, ma chère enfant ! je ne te donnerai pas ma bénédiction pour épouser ce vilain merd..., prends son frère, voilà un bon fiancé pour toi !» Lavr est alors mis de côté, et Gritsko est amené au premier plan: on boit, on mange, on se rafraîchit jusqu'au soir. La nuit arrive, il est temps d'aller se coucher. La vieille dit à ses hôtes : «Allons, que Dieu soit avec vous! allez vous cou- cher dans la nouvelle izba, et toi, ma fille,
250
CONTES SECRETS
portes-y le lit de plumes et
apprête-le pour ton fiancé; mais ne prépare rien pour ce
m......, qu'il couche sur le banc
nu!» Ils
vont donc se coucher: Gritsko sur
le ht de plumes, et Lavr, tout ratatiné, sur le banc nu. Celui-ci ne dort pas : il pense au moyen de se venger de la mauvaise farce de son frère. Dès qu'il entend que Gritsko est pro- fondément endormi, il se lèye du banc, prend la table et la traîne tout doucement devant la porte; puis il se recouche sur le banc. Au milieu de la nuit, Gritsko s'éveille, se lève de son lit de plumes et se dirige droit vers la porte pour satisfaire un besoin, mais il se heurte contre la table. «Qu'est-ce donc? Où est la porte?» se dit il; il retourne en arrière, il tâtonne; mais il a beau cher- cher, il ne trouve que les murs. «Qu'est donc devenue cette porte?» Et il avait be- soin de ch... à en mourir. Que faire? Il s'accroupit sur la table et ch.. un tel tas, qu'on n'aurait pu l'emporter sur une pelle. Après avoir ch.., il se dit : «Mauvaise af- faire ! il faut que la m----disparaisse avant
le jour!» Il regarde tout autour
et voit une grande crevasse dans le mur; il veut y
lancer la m____, mais il la lance
contre le
mur, et elle lui revient droit
sur le museau.
251
Gritsko s'essuie avec ses mains;
il en prend encore une poignée et la lance une seconde fois, mais elle lui retombe encore sur la figure. Il a barbouillé le mur et s'est bar- bouillé lui-même. Il faut se laver : il cherche de l'eau; il cherche, il cherche, et trouve dans le poêle une marmite avec de la cou- leur rouge, dans laquelle on a teint les œufs le jour de Pâques; il la tire dehors et se lave les mains et la tête. «Allons ! c'est bien, maintenant!» Grisko se couche, et dès qu'il dort, son frère prend tout doucement la table et la remet à son ancienne place. Il fait tout à fait jour ; la fiancée vient éveiller son fiancé: «Lève-toi, cher ami, dit-elle, le déjeuner est prêt!» Mais quand elle jette les yeux sur lui, elle s'aperçoit que le visage de son fiancé ressemble à celui du diable: elle est épouvantée et se sauve. Elle court vers sa mère et fond en larmes. «Pour- quoi pleures-tu? lui demande la mère. — Comment ne pleurerais-je pas ? Je suis per- due! Va voir toi-même ce qu'il y a chez nous, dans la nouvelle izba! — Qu'y a-t-il donc? ton fiancé et son frère. — De quel fiancé parles-tu? C'est le diable, ce n'est pas un fiancé!» Ils vont tous les trois: le
% père, la mère et la fille dans l'izba où a
252 CONTES
SECRETS
couché le fiancé. A peine
sont-ils entrés, que le fiancé les aperçoit et sourit de con- tentement: les dehts seules sont blanches, tout le visage est bleu foncé: c'est un vrai démon! Ils se sauvent Le vieux ferme l'izba solidement et va trouver le pope : «Viens, petit père, bénir notre nouvelle izba et en chasser l'esprit impur; le maudit y est entré? — Comment, l'ami, les démons sont entrés chez toi; mais, moi-même, je crains les diables. — N'aie pas peur, petit père, j'ai une jument: s'il arrive quelque chose, tu monteras dessus et tu te sauveras; de cette façon, le diable ailé lui-même ne t'attrape- rait pas ! — Eh bien, l'ami, soit ! j'irai chasser l'esprit impur; seulement, la jument m'ap- partiendra ! — Elle t'appartiendra, petit père, elle f appartiendra!» dit le moujik, qui lui fait encore des révérences. Le pope se rend à l'izba, il emmène avec lui le petit-diacre et le sacristain,, endosse la chasuble, prend dans ses mains l'encensoir allumé, y met de l'encens, puis ils tournent autour de l'izba et chantent: Dieu saint! «Ah, se dit Gritsko, voici le pope avec sa croix; je me tiendrai à la porte, et aussitôt qu'il entrera dans l'izba, je lui demanderai sa bénédiction?» Il reste à la porte et attend. Le pope fait trois
TRADUITS DU RUSSE 253
fois le tour de l'izba, s'avance
vers la porte et l'ouvre, mais à peine a-t-il fait un pas sur le seuil, que Gritsko étend vers lui sa main bleu foncé. Le pope se rejette en arrière et s'élance sur la jument ; il l'excite à coups d'encensoir dans les flancs, en guise de knout. La jument galoppe à fond de train, mais cependant le pope ne cesse de lui chauffer les côtes, et comme, en gesticulant, il lui arrive de la brûler sous la queue, la jument s'emporte encore davantage, elle rue par derrière, par devant, bronche et tombe à terre; le pope fait la culbute par-dessus le cheval, se brise la tête et se tue. Et les fiancés benêts s'en retournent chez eux sans fiancée.
LXX
LA FIANCÉE SANS TETE
l y avait une fois un moujik avec sa femme. Il conduit sa vache au marché et la vend à un paysan d'un autre village: ils boivent le pot-de-vin et deviennent'cou- sins. «Allons, cousin, soyons amis pour
254 CONTES
SECRETS
toujours! — Comment donc, cousin,
com- ment donc!» Depuis cette époque, chaque fois qu'ils se rencontrent, ils se proclament l'un l'autre cousins et se régalent d'eau-de- vie. Il leur arrive un jour de se rencontrer dans une gargotte. «Eh, bonjour, cousin!
— Comment
cela va-t-il, cousin? comment va la petite vache? — Gloire à Dieu! elle va bien. — Allons, gloire à Dieu! tout est pour le mieux. Mais dis-moi, cousin, com- ment pourrions-nous nous apparenter l'un à l'autre. — Eh bien, quoi? tu as un fils en âge d'être fiancé, moi, j'ai une fille, marions- les tout de suite! — Alors, c'est convenu?
— C'est
convenu.» Ils causent et se séparent De retour à la maison, le moujik qui a vendu la vache dit à son fils: «Allons, mon fils, fais-moi la révérence: je t'ai trouvé une fiancée, je veux te marier. — Où as-tu trouvé cela, petit père ? — Te rappelles-tu ce cousin à qui, un jour, j'ai vendu ma vache? — Je sais, petit père. — Eh bien, ce cousin a une fille, une beauté ! — Est-ce que tu Tas vue ?
— Je
ne l'ai pas vue, mais ce cousin me l'a dit. — Si tu ne l'as pas vue, tu ne dois pas en
> faire l'éloge. Tu connais toi-même le dicton: quand l'acheteur n'est pas là, on le déchire à coups de knout. Laisse-moi faire:
*55
j'irai dans ce village,
j'examinerai comme il faut et je verrai ce que c'est que cette jeune fille? —Bon! que Dieu t'accompagne!» Le jeune homme met son plus mauvais vête- ment, jette une bride sur son épaule, prend un knout à la main et part pour aller trou- ver le cousin. Il arrive sur le soir et frappe . à la fenêtre de l'izba: «Bonjour, patron! — Bonjour, bon homme, répond le moujik; que désires-tu ? — Reçois-moi chez toi pen- dant cette nuit noire. — Et d'où es-tu? — Je suis de bien loin, de cent verstes; je cherche les chevaux de mon maître. J'étais couché avec les chevaux; ils m'en ont en- levé deux. Voici le troisième jour que je cherche, mais je n'ai rien trouvé ... — Je t'en prie, couche chez nous !» Le garçon entre dans l'izba, ôte la bride de son épaule et la pend à un clou, puis il s'assied sur le banc et regarde sa fiancée. Le vieillard demande à son hôte : «Et que dit-on de bon dans votre pays? — De bon, grand-père, rien; mais beaucoup de mauvais. — Et quoi donc? — Ah, voilà: chaque nuit les loups mangent les gens; depuis deux semaines, il se passe rarement une nuit, sans que les loups ne mangent de cinq à dix personnes.» • Us causent et se couchent: le vieux et la vieille
256 CONTES
SECRETS
dans la chambre, la fille sous
l'auvent, dans un lit de sangle, et l'hôte, aussi sous l'auvent, mais dans du foin étendu en haut sur des
. planches. Le jeune garçon se
couche, seule- ment il écoute avec attention: quelque amou- reux ne viendrait-il pas vers la jeune fille? Une heure se passe, puis deux; tout à coup quelqu'un frappe à la porte et dit: «Ouvre- moi, chère amie!» La jeune fille se lève tout doucement, ouvre la porte et fait entrer son amoureux; celui-ci se déshabille et se couche. Ils parlent entre eux et s'entendent si bien que le garçon monte sur la jeune fille et la pétrit à pleine spatule; il la rase une fois, et la rase une seconde fois. «Écoute, mon amour, lui dit-elle, j'ai entendu dire aux femmes que si on lie les jambes avec une corde et qu'on les relève fortement en les rattachant au cou, le c. ressort tout à
fait, et qu'il fait bon
f.....ainsi: H n'est
pas besoin de gigoter. Essayons,
mon chéri!» L'amoureux ne réfléchit pas longtemps, il prend sa ceinture, il la lui enroule autour des jambes, il les relève fortement jusqu'au cou, et se met en fonctions. Alors l'hôte saute en bas et crie de toute sa force: «A la garde! au secours, patron! ta fille est
' perdue: les loups lui ont mangé
la tête.»
TRADUITS DU RUSSE 257
L'amoureux s'élance vers la
porte, mais l'hôte le saisit au collet : «Non, l'ami, arrête ! attends un peu!» Le vieux et la vieille ont entendu l'hôte crier que les loups ont mangé la tête de leur enfant, ils accourent de leur chambre vers le lit de leur fille; le vieillard la täte avec ses mains et sent dans l'obscu- rité le cul et le c.., il est atterré: évidem- ment, pense-t-il, c'est le torse7, il n'y a plus de tête ; il crie à la vieille : «Donne vite de la lumière! notre fille maintenant ne vit plus dans ce monde.» Il a saisi et presse forte- ment le c. . et le cul, et il pleure sur sa fille. La vieille femme apporte de la lumière. Elle regarde: sa fille est liée. «Seigneur Dieu ! qu'est-ce que cela veut dire ? — Le voilà, grand-père, le loup,» dit l'hôte, qui tient l'amoureux au collet. «Eh, fils de chienne ! s'écrie la vieille, tu ne pouvais pas la f..... simplement !» ♦ Ils se mettent .à cogner sur l'amoureux, ils le rossent d'impor- tance et délient la fille. «Fais-moi cette grâce, cher ami, dit le vieillard à l'hôte, ne raconte à personne notre chagrin; voilà vingt-cinq roubles pour celai — Je ne le dirai pas, grande père; que Dieu soit avec vousl en quoi cela me regarde-t-il?» L,e lendemain matin, le vieillard régale l'hôte
KfvnTââia.
I. 17
258 CONTES
SECRETS
et raccompagne jusque derrière le
village. Le garçon s'en retourne chez lui ; il marche, et rencontre toute une société de mendiants à besace. «Écoutez, mendiants, leur dit-il; allez dans ce village: tout à l'extrémité de- meure un moujik riche; il fait aujourd'hui la commémoration de sa fille, dont les loups ont mangé la tête. Ce moujik est bon, il vous accueillera, il vous donnera à manger, à boire, et, de plus, il garnira encore vos besaces!» Les mendiants se dirigent tout droit vers le lieu indiqué, ils arrivent dans la cour, se rangent en ligne et attendent le dîner. Le maître de la maison les voit: «Tiens, combien en voilà!» Il prend une grande corbeille de pain, le coupe et en donne à chacun un morceau ; mais les pauvres ne bougent pas et ne sortent pas de la cour. «Qu'attendez-vous? demande le moujik; ne vous a-t-on pas fait l'aumône? — Mais, ae nous donneras-tu pas à dtner, grand-père; né fera-t-on pas la commémoration de ta fille? — De quelle fille? — De celle que les loups ont mangée. —- Qui, diable, vous a dit cela ? ma fille est chez moi en parfaite santé 1 — C'est un jeune garçon qui
nous a envoyés près de toi. — Allons, allons, décampe*!» s'écrie le moujik. Les mendiants sortent de
TRADUITS DU RUSSE
*59
la cour et je maître de la maison
dit: «Eh bien, vieille, mon argent est perdu ! c'est inutilement que je Tai donné à ce fils de chienne : il avait promis de n'en parler à per- sonne, et à peine a-t-il passé la porte, que la cour est pleine de mendiants qu'il y a pous- * ses 1 Vois, il a répandu le bruit de
l'aventure dans tous les villages 1 Si le cousin vient à l'apprendre, notre affaire tournera mal.» Pen- dant ce temps le garçon marche, marche, et arrive à la maison: «Eh bien, cher fils, as-tu vu ta fiancée? lui demandent son père et sa mère. — Ah, petit père ! ne m'en parlez pas, il eût bien mieux valu pour moi ne pas la voir. — Qu'y a-t-il donc ? — Ma fiancée, que le royaume des cieux lui appartienne ! a eu la tête mangée par les loups, le buste seul est resté; demain on l'enterrera! — Quel malheur est tombé sur eux! 11
faut aller, ma vieille, et lui faire nos adieux avant l'enterrement. Ces gens-là ont été très bons avec nous! Mpn fils, attelle-nous les chevaux: la vieille et moi nous irons chez le cousin ...» Le fils attelle les chevaux, ils s'asseyent et partent. Ils arrivent dans la cour; le cousin les voit et se précipite à leur ren- contre : «Bonjour, cousin ! Dieu est-il miséri- cordieux pour toi? Faites-nous l'amitié de
17*
26o
contes secrets
venir dans l'izba, chers hôtes!»
Les vieux répondent d'une voix attristée: «Merci, cousin, nous ne sommes pas venus comme hôtes, mais pour faire nos adieux à ta fille. Le sort ne nous a pas permis de nous ap- parenter avec toi. — Pourquoi donc, cousin ? — Parce qu'il est arrivé un malheur dans ta maison: les loups ont dévoré la tête de ta fille? — Quand? qui vous a dit cela? — Mon fils; il a couché la nuit dernière chez toi, et il a tout vu de ses propres yeux. — En voilà une bonne ! c'était donc ton fils ? Il n'y a pas de remède à cela : ma fille est vivante, ' mais l'affaire ne peut plus aller.» Ils s'ex- pliquent et se rendent leurs paroles. Depuis cette époque, ils ne s'appelèrent plus cousins.
(Autre version.)
Un soldat a demandé un congé; il
marche* il marche, et, dans son voyage, il lui arrive de passer, la nuit chez un pope. Ce pope avait une fille, et, chemin faisant, le soldat avait déjà appris que la fille recevait un amoureux. Ils se mettent à souper. Le pope rai dit: «Militaire! où sers-tu? — A Péters-
2ÔI
bourg, petit père! — Et vois-tu
souvent le tsar? — Très souvent — Et tu n'as rien appris de nouveau là-bas? — Pour du nou- veau, il y en a, mais je ne puis pas le dire. -t-
Dis, l'ami ! — Tu le sauras quand l'ou- kase paraîtra. — Je t'en prie, l'ami, dis-le ?» Le pope s'approche du soldat aussi près que le fond d'une baignoire est près du cul. «Eh bien, petit père! il y aura une nouvelle tenue pour les femmes à propos de la f..terie: les jambes et la tête devront être prises dans un collier: c'est ainsi que l'on f.. .ra. Il y a maintenant une si grande sévérité
pour tout! on ne pourra pas même
f.....
sans avoir la tenue! — Que faire?
c'est sa volonté (du tsar)!» dit le pope; sa fille est assise et écoute. Ils vont se coucher: la fille sur le poè'le, le soldat dans la soupente. «Donne-moi une bûche, petit père, dit le soldat au pope. — Et pour quoi faire, ca- valier ? — Des loups viennent chez vous pen- dant la nuit!» Le pope se met à rire^lui donne une bûche et dit à la popesse: «On nous raconte qu'il n'y a pas d'imbéciles à Pétersbourg, et voilà le soldat qui dit une extravagance; comme si les loups pouvaient entrer dans l'izba!» Au milieu de la nuit, l'amoureux vient sur le poè'le près de la
2Ö2
CONTES SECRETS
fille du pope et veut lui monter
dessus. Elle refuse: «Trouve, lui dit-elle, un collier; c'est maintenant la nouvelle tenue prescrite par le tsar; un soldat Ta dit aujourd'hui au petit père! — Mais où veux-tu que je prenne un collier? — Il y en a un de pendu à un clou sous l'auvent.» L'amoureux y courte rap- porte le collier, passe dedans les jambes de la fille du pope, les lui dresse en haut, aussi relevées que possible, et lui passe encore la- tête dans le susdit collier. Il ne lui restait plus qu'à la bourrer, mais le soldat saute de la soupente, et en même temps qu'il le frappe sur le cul avec sa bûche, il crie de toute sa force: «Petit père, les loups!» L'amoureux s'échappe sans terminer son affaire ; le pope et la popesse se précipitent vers le poêle pour voir si les loups n'ont pas mangé leur fille. Le pope lui met la main sur le c, la popesse sur le cul, et tous deux s'écrient en même temps : «Ah, pauvre fille ! les loups font mangé la tête.» Mais le soldat rallume le feu et s'approche du poêle: le pope et la popesse voient alors que leur fille est vivante et qu'elle est prise dans un collier. Le soldat regarde et s'écrie : «Comment osez- vous agir ainsi sans attendre l'oukase de l'em- pereur? — N'en parle pas, militaire, dit le
TRADUITS DU RUSSE 263
pope; voilà cent roubles pour
toi.» Le soldat prend les cent roubles et dit: «Allons, petit père, cela passera comme cela; je lui par- donne, à cause de sa naïveté; mais si vous
cette manière, je ne vous en
tiendrais pas quittes pour mille roubles.
LXXI
les ruses des femmes
Jetttb^taittk ! je voudrais te demander
UB quelque chose ... — Eh bien, parle, que veux-tu? — Je pense que tu peux bien le deviner, ce que je veux.» " La tante Ta deviné tout de suite: «Je ferais volontiers quelque chose pour f être agréable, Ivanouch- ka, mais tu ne connais pas nos ruses de femmes. — Eh bien! petite tante, voyons si je m'y laisserai prendre. — Allons, soit! viens cette nuit sous notre fenêtre.» Le jeune garçon se réjouit, il attend la nuit et vient dans la cour de l'oncle, mais tout au travers de la cour on a jeté des brindilles. Il arrive
vous avisiez, toi et la popesse,
de f
de
264 contes
se;crets
sous la fenêtre, et les
brindilles craquent sous ses pieds. «Vois donc, vieux! dit la tante, quelqu'un marche autour de l'izba: ne serait-ce pas un voleur?» L'oncle ouvre la fenêtre et crie: «Qui est-ce qui rôde là pendant la nuit? — C'est moi, oncle, répond le neveu. — Quel diable fa amené ici? — — Voici, mon oncle! nous avons une dis- pute: mon père prétend que ton izba est bâtie sur neuf poutres, je soutiens, moi, qu'elle en a dix, et je suis venu compter. — Est-ce qu'il a perdu l'esprit, le vieux démon, dit l'oncle: il a construit l'izba avec moi, sur dix poutres! — C'est cela, oncle, c'est cela; je vais retourner et je lui cracherai dans les yeux, à mon pèrel» Le jour sui- vant, le jeune homme dit à sa tante! «Ah, petite tante! avec toi on ne fait pas son af- faire, on est attrapé soi-même! — Tu es curieux! quand tu parles avec ton oncle, comment puis-je aller vers toi? Voyons, sais-tu où est notre étable, où l'on fait rentrer les brebis? viens-y cette nuit, j'irai près de toi sans faute.» Le jeune garçon obéit, il vient pendant la nuit dans l'étable de l'oncle, se serre dans un coin et attend sa tante. Mais la tante dit à son mari : «Va donc voir, maître! il y a quelque chose d'extraordinaire
TRADUITS DU RUSSE 265
dans notre cour; ne serait-ce pas
une bête fauve? Nos brebis donnent des signes de frayeur : un loup ne se serait-il pas introduit près d'elles ?» Le vieillard sort dans la cour et crie : «Qui est là dans retable
?» Le neveu accourt dehors : «C'est moi, oncle ! — Pour- quoi le diable t'amène-t-il
ici à pareille heure? — Cher petit oncle, mon père ne veut pas me laisser la paix, nous avons été sur le point de nous battre. — Pourquoi donc ? — Voici pourquoi : il prétend que tu as neuf brebis et un bélier; mais moi, je soutiens que tu n'as maintenant que neuf brebis, et que tu as tué le bélier. — C'est toi qui as raison: j'ai tué le bélier pour le baptême. Lui-même, le vieux démon, il était chez moi le jour du baptême et il a mangé du bélier. Quoiqu'il soit mon propre frère, demain, aussitôt que je le verrai, je lui cracherai dans les yeux. — Et moi donc? quoiqu'il soit mon propre père, j'irai et je lui arracherai la barbe; il ne dort pas lui- même et il ne laisse pas dormir les autres! Adieu, oncle! — Adieu, que Dieu soit avec toi!» Et la tante se pâme de rire. Le troi- sième jour, le neveu rencontre sa tante et lui dit: «Ah, petite tante, petite tante! com- ment n'as-tu pas honte? vraiment, c'est à
2Ô6 CONTES
SECRETS
mourir arec toi! — Ah, Vania, Vania! quel sot tu es ! Quand ton oncle parle avec toi, comment puis-je aller te trouver ? Voilà deux fois que tu te fais rouler, fais en sorte que cela ne f arrive pas une troisième fois. Viens cette nuit chez nous dans l'izba ; tu sais où nous couchons, tu tâteras et tu pousseras ta pointe; mon cul sera tourné de ton côté.» La tante est à peine couchée avec son mari qu'elle lui dit: «Écoute ce que je vais te dire: je n'y tiens plus; voilà six ans que je couche sur le bord du lit, tu y coucheras, toi, à l'avenir, et moi, du côté du mur. — Cela m'est bien égal!» dit le vieux, et il se couche sur le bord. La tante se tourne, se retourne et s'écrie: «Ah, maître, comme il fait chaud dans cette izba! vois donc, le poêle est sans doute fermé ;» ce disant, eUe lui met la main sur le cul. «Et tu as laissé ton caleçon ? Ah, cou.... pourrie! demande donc à Loukiann ou à Karp, s'ils couchent en caleçon avec leurs femmes?» Il suit le conseil, ôte son caleçon et s'assoupit, le cul tourné en dehors. Les coqs avaient à peine chanté pour la première fois, que le neveu franchit le seuil de la porte cochère et gagne de suite l'auvent; il applique l'oreille à la porte de l'izba: tout est tranquille; il ouvre
TRADUITS DU RUSSE 267
doucement la porte, entre et täte
autour du lit; sa main rencontre le cul de l'oncle, et il se réjouit de cette face nue; il tire sa p... et renfoncé dans le cul de l'oncle; au mo^ ment où elle pénètre, celui-ci pousse un grand cri et le saisit par la p... La tante s'écrie: «Qu'as-tu, qu'as-tu, vieux? — Lève- "toi vite! crie l'oncle à sa femme, allume le copeau de pin : je tiens un voleur. La tante saute à bas du lit, court comme si elle vou- lait souffler le feu, mais elle prend de l'eau et la verse sur les derniers charbons ardents. «Pourquoi es-tu si lente? — Il n'y a plus de feu! — Cours chez le voisin! — Comment aller chez le voisin? Il fait nuit, les loups rôdent. — Ah, je f... ta mère! Voyons, tiens le voleur; je courrai moi-même cher- cher du feu. Mais fais attention qu'il ne s'échappe pas!* Pendant tout le temps que l'oncle cherche sa lanterne, qu'il ouvre la porte, qu'il va chez le voisin, qu'il l'éveille, qu'il lui raconte ce qui lui est arrivé, qu'il se procure de la lumière, la tante reste avec le neveu dans l'izba. «Allons, lui dit-elle, maintenant fais avec moi ce que tu voudras !» II la place sur le lit et la travaille deux fois. La tante reconduit le jeune homme et se demande : «Que dire à mon mari ? Comment
3Ô8 contes
secrets
avouer que j'ai lâché le voleur?»
Heureuse- ment pour elle, la vache avait vêlé il n'y avait pas très longtemps et le veau était attaché au lit La femme rusée prend le veau par la langue et le tient ferme. Son mari revient avec de la lumière et s'écrie: «Femme, que tiens-tu? — Je tiens ce que tu m'as donné à tenir.» Le moujik est tellement irrité, qu'il saisit un couteau et coupe la tête du veau. «Que fais-tu? tu as perdu l'esprit ou tu deviens enragé,» lui crie sa femme. Il ôte son caleçon et lui montre son cul : «Regarde comme il m'a léché ! S'il m'avait léché une fois encore, je crois que je ne serais plus en vie.»
La tante rencontre le neveu et
lui dit: «Voyons, Vania, veux-tu m'acheter des sou- liers (des bottes) rouges? — Pourquoi pas? demain j'irai à la ville et j'en achèterai — Achète, Vania, je t'en récompenserai.» Mais Vannka n'était pas un sot : il se rend au po- " tager, choisit une tête de chou, la coupe, l'enveloppe dans un mouchoir et la porte à ■ sa tante. «Eh bien, lvanouchka, tu les as \. achetés? — Je les ai achetés. - Donne,que je les essaie. — Travaille auparavant.» Il la conduit dans la grange, il lui met sous la tête 4e mouchoir qui enveloppe le chou
TRADUITS DU RUSSE 269
et se met à pétrir sa tante; il
la pétrit et la tête de chou crie, crie. «Crie ou ne crie pas, dit la tante, tu iras aux pieds.» Et le garçon: «Tu seras mangé dans le pâté!»
LXXII
LES NOMS ÉTRANGES
l t avait une fois un moujik avec sa femme; il va labourer son champ et
au premier sillon qu'il creuse,
il déterre un chaudron plein d'argent. Le moujik, tout réjoui, saisit le chaudron; mais au moment où il va le cacher, un soldat s'approche, voit l'argent et lui dit: «Écoute, moujik ! cet argent est à moi. Si tu me le donnes, au- tant de sillons tu creuseras aujourd'hui, au- tant de chaudrons pleins d'argent tu trou- veras!» Le moujik réfléchit, réfléchit, et donne sa trouvaille au soldat. Il se remet à labourer, il creuse un sillon, pas d'argent ; îl creuse un second sillon, toujours rien. «Évidemment je n'enfonce pas assez le soc,» pense le moujik, et il enfonce le soc plus
4
VJO CONTES
SECRETS
profondément: c'est à peine si le
cheval peut tirer la charrue; mais toujours pas d'ar* gent! La ménagère vient lui apporter à dîner et lut dit des injures : «Quel maître tu es! Tu ne crains donc pas Dieu; vois comme ton cheval est en sueur! Pourquoi creuses- tu si profond? —* Ecoute, femme! dit le moujik, j'étais à peine arrivé dans le champ, et je creusais le premier sillon, lorsque j'ai -déterré un chaudron plein d'argent; à ce moment l'esprit impur a amené près de moi un soldat: Si tu me donnes cet argent, dit- il, autant tu creuseras de sillons pendant la journée, autant tu trouveras de chaudrons pleins d'argent. Je lui ai donné ma trouvaille, puis je me suis mis à labourer; mais voyant que je ne trouvais rien, je me suis dit: Evi- demment le soc ne descend pas assez bas, et j'ai creusé plus profond. J'ai labouré, labouré, labouré tout le jour et je n'ai rien trouvé J — Quel imbécile tu es ! La chance t'arme et tu ne sais pas la garder! De quel côté est parti le soldat? — Il a suivi tout droit ce chemin. — J'irai et je le rejoindrai!» Et la ménagère part avec son fils, un petit garçon, pour rejoindre le soldat Ils vont, ils vont, et ils voient un soldat qui marche devant eux et qui porte un chaudron dans
TRADUITS Dû RUSSE 271
ses mains. Elle le rejoint.
«Bonjour, mili- taire! Où Dieu te mène-t*il? — Je vais en congé, ma pigeonne! — Et dans quel vil- lage ? — Dans ce village-là. — Eh bien, c'est aussi là que j'ai affaire; faisons route en- semble. — Allons!» Ils vont de compagnie et conversent: «Comment t'appelle-t-on, ma pigeonne ? — Ah, militaire, à moi et à mon fils on nous a donné des noms que j'ai honte de prononcer. — Pourquoi avoir honte? il est honteux de voler, mais il n'y a pas de mal de parler; on peut toujours parler. — Eh bien, on m'appelle: Je ch,., et mon fils : J'ai ch.. * — Qu'y a-t-il là? cela ne fait rien!» Ils arrivent à l'auberge et se couchent. A peine le soldat est-il endormi, que la femme lui enlève le chaudron, éveille son fils, sort de l'auberge et s'en retourne avec lui Le soldat s'éveille, täte, ne trouve plus l'argent et appelle : «Je ch.., Je ch.. !» Le maître du logis l'entend et lui dit: «Mi- litaire, va ch... dans les lieux d'aisance.» Le soldat, voyant que la femme ne répond pas, appelle le petit garçon: «J'ai ch.., J'ai ch..!» Le maître du logis l'injurie:
* il y a là une plaisanterie du
type de celle d'Ulysse "ches Polyphême, prenant le nom de Otitis.
272 dONTES
SECRETS
«En voilà un soldat! qui ch..
dans la mai- son!» Il prend le soldat et le pousse de- hors. *
Lxxni
LE POPE ET LE TSIGANE
ans certain empire, dans certain royaume, il y avait une fois un tsigane,
dont le père était vieux. Le
vieillard est bien malade, il est couché dans son lit; le fils le soigne, le soigne, puis l'abandonne. Quoi que demande son père, à boire ou autre chose, le tsigane feint de ne pas en- tendre; il n'a qu'une pensée: si son père 'pouvait mourir bientôt! ... «Eh, cher fils, cher fils! dit le père, tu ne te conduis pas bien avec moi, tu ne m'honores pas comme ton père, et cependant c'est moi qui t'ai en-
* On conte en France une facétie
assez semblable. Un nommé Monar, qui vivait sous la Terreur, fut pris un jour d'une colique. Il était en train de se satisfaire, quand des soldats étant venus le demander, sa femme leur crie du haut de l'escalier : iMonar chie, Monar chie!» Ils furent pour ce cri séditieux décrétés d'accusation et. envoyés à la guillotine.
1
traduits du russe 273
gendre!» Mais 'le'fils lui
répond: «Je ch.. sur ton père! Tu ne m'as pas engendré, tu as réjoui ton âme. F... tâ mère dans le cul, et moi, petit père, je t'en ferai au- tant.» Le père soupire et se tait. Le mo- ment vient où le vieux meurt. On l'habille et on le place sur le banc: le défunt est étendu, sa barbe est longue ; on a brûlé de l'encens dans l'izba, tout est prêt ; le tsigane va trouver le pope : «Bonjour, petit père ! — Bonjour, tsigane! Que dis-tu de nouveau? — Mon petit père est mort, viens et enterre- le. — Vraiment, il est mort ? — Il est mort, que le repos lui soit léger! Il est étendu sur lé banc comme le Sauveur et sa barbe est étalée; fais-moi la grâce de venir dans la chaumière et d'examiner le corps du défunt. Il me semble, petit père, qu'il est sanctifié, car il a l'odeur de l'encens ! — Voyons, tsi- gane, as-tu de l'argent pour payer les funé- railles? — Pourquoi te donner de l'argent? pour cette charogne qui est étendue sur le banc, noire comme des tiges de bottes, et les dents écartées comme un chien qui a la rage? Te donner de l'argent pour lui! Si tu ne viens pas Penterref, je te le jettrai dans les jambes ; tu en feras ce que tu vou- dras; tu le dévoreras même pour ton souper,
KçvnTaâta.
i. l8
374 CONTES
SECRETS
si cela te plaît! — Allons, c'est
bon, c'est bon, dit le pope: j'irai de suite et je P en- terrerai» Le tsigane revient à la maison; derrière lui arrive le pope; on chante les prières pour le père du tsigane, on le place dans la bière, on le porte au cimetière et on l'enterre. «Est-ce possible, dit le pope au tsi- gane, que tu ne me paies rien pour l'enterre- ment de ton père>? c'est un péché de ta part! — Ah, petit père! dit le tsigane, tu sais toi- même si les tsiganes ont de l'argent. J'avais quelques kopeks, je les ai déjà dépensés pour l'office des morts; attends jusqu'aux foires, petit père, je gagnerai de l'argent et je te le donnerai ! — Allons, bien, l'ami ! on peut attendre.» La foire commence, le tsi- gane se rend à la ville pour échanger des chevaux; le pope y va pour ses affaires. Le hasard veut que le tsigane et le pope se rencontrent «Écoute, tsigane, lui dit le pope, il ne serait pas trop tôt de me donner de l'argent 1
— Quel argent? pourquoi te donner de l'argent? — Comment, pourquoi? n'ai-je pas enterré ton père? — Ah, c'est donc toi? depuis si longtemps je cherche mon père, sans pouvoir le trouver ! les pères des autres échangent, des chevaux, et moi, je n'ai pas. de père, et c'est toi, chien à barbe de bouc,
TRADUITS DU RUSSE 276
qui l'as enterré!» Il saisit le
pope par la barbe, le jette à terre, tire son knout de sa ceinture et commence à le chauffer. «C'est toi, chien à la barbe de bouc! qui es cause que mon père est mort, et pour cela je te déchirerai de mon knout.» C'est à peine si le pope peut se tirer des mains du tsigane et se sauver à toutes jambes! Depuis cette époque, il ne lui demande plus d'argent.
LXXIV
LE BON POPE
□Hl y avait une fois un pope, qui em- |BB|baucha
un ouvrier et le ramena dans sa maison: «Allons, ouvrier! fais bien ton service et je ne te renverrai pas.» L'ouvrier passe une semaine chez le pope, puis on commence à faner. «Eh bien, l'ami! dit le pope, si Dieu le permet, nous dormirons bien, nous attendrons le matin et demain nous irons faucher. — Bien, petit père!» Ils attendent le matin et se lèvent de bonne heure. Le pope dit à la popesse: «Petite
18*
276
mère, donne-nous à déjeuner, nous
allons aux champs, couper le foin.» La popesse met la table. Ils s'asseyent tous les deux et déjeunent convenablement. Le pope dit à l'ouvrier: «Si tu veux, l'ami, nous pren- drons notre premier dîner, puisque nous sommes à table, et nous faucherons ensuite jusqu'au milieu du jour sans arrêt. — Comme il vous plaira, petit père; prenons notre pre- mier dîner. — Petite mère, apporte-nous notre premier dîner,» dit le pope à sa femme. Elle leur donne le premier dîner. Ils travaillent de la cuiller pour la seconde fois et se rassasient. Le pope dit à l'ouvrier: «Puis- que nous sommes à table, l'ami, dînons et nous faucherons jusqu'au souper. — Comme il vous plaira, petit père, s'il faut dîner, dînons.» La popesse apporte le dîner sur la table: ils jouent de nouveau de la cuiller et se rassa- sient encore. «Si cela ne te fait rien, dit le pope à l'ouvrier, soupons tout d'un temps; nous coucherons aux champs et demain ma- tin nous nous mettrons de bonne heure à l'ouvrage. — Soupons, petit père.» La po- pesse leur donne le souper. Ils mangent encore et se lèvent de table. L'ouvrier prend son sarrau et s'apprête à s'en aller. «Où vas-tu, l'ami, lui demande le pope ? — Com-
TRADUITS DU RUSSE 277
LXXV
LA BATAILLE EN GAGEURES
l y avait une fois un pope, qui tenait une auberge sur la grande route. Tous les moujiks qui revenaient de travailler au dehors s'arrêtaient chez lui pour dîner et pour coucher. Un jour le pope parlait avec un jeune garçon : «Eh bien, l'ami, la besogne a-t-elle bien marché ? as-tu gagné beaucoup d'argent? — Je rapporte cinq cents roubles à la maison. — C'est une bonne affaire, l'amiI Faisons un pari, veux-tu? dont tes cinq cents roubles seront l'enjeu; si tu gagnes, tu en auras un millier tout rond. — Sur quoi donc pourrais-je faire un pari avec
ment, où je vais? vous savez bien
vous- même, petit père, qu'après souper il faut aller se coucher.» Il s'en va dans la grange et il dort jusqu'au jour suivant. Depuis ce temps, le pope cessa de régaler en une seule fois son ouvrier du déjeuner, du premier dîner, du dîner et du souper.
„ 278 CONTES
SECRETS
toi? — Voici sur quoi: tu
resteras vingt- quatre heures chez moi, tu boiras, tu man- geras tout ce qui te fera plaisir; seulement, tu ne sortiras pas pour ch... Si tu peux ré- sister, tu auras gagné le pari ; si tu ne peux pas, c'est moi qui aurai gagné 1
— Je veux bien, petit père!» Us touchent en main. Le pope place aussitôt sur la table toutes sortes de mets et de vins; le jeune homme se met à bâfrer ; il mange et il boit de telle sorte qu'il ne peut plus souffler. Le pope l'enferme dans une chambre particulière. Mais la journée n'est pas encore à sa fin, que le moujik a envie de ch... : il ne peut tenir plus longtemps: «Que faire? dit-il au pope ; ouvre, petit père, j'ai perdut» Le pope lui prend son argent et le renvoie de chez lui bien nettoyé. Ce pope prend goût à râ- teler l'argent: il dupe encore deux ou trois moujiks de la même manière. Le bruit s'en répand dans les villages et les hameaux, et un gaillard hardi se présente. Il revient du travail et retourne à la maison, mais il n'a pas un kopek dans sa bourse. «D'où viens- tu ? demande le pope. — Je viens de tra- vailler, maintenant je retourne chez moi. — — Et emportes-tu beaucoup d'argent chez toi? — Quinze cents roubles!» Le pope
TRADUITS DU RUSSE 279
est sur le point de sauter de
joie en enten- dant cela. «Faisons un pari sur cette somme, lui dit-il. Tu mangeras et tu boiras chez moi tout ce qui te fera plaisir; seulement, pendant vingt-quatre heures entières, tu ne sortiras pas pour ch... Si tu résistes, je te paierai quinze cents roubles! si tu ne ré- sistes pas, c'est toi qui me les donneras. Veux-tu? — Je veux bien, petit père!» Le moujik s'assied et se met à se régaler: le pope a assez à faire de lui apporter . les mets et de lui verser le vin, tant il y va rondement; il dévore,, il boit et se couche pour dormir; le pope l'enferme solidement. Pendant la nuit le moujik s'éveille : il éprouve une si grande envie de ch..., qu'il lui paraît que le dernier guichet va se rompre, si forte est la poussée. Il regarde autour de lui: à un clou est pendu un grand chapeau du pope ; le moujik le prend, le remplit plus qu'à moitié et le repend contre le mur; puis il se couche et dort. Les vingt-quatre heures sont passées, le moujik frappe : «Ouvre, petit père!» Le pope ouvre, regarde partout, ne voit nulle part la m.... Le moujik s'em- presse alors de dire au pope: «Donne l'ar- gent.» Le pope fronce le sourcil, mais il n'y a rien à faire, il lui compte l'argent et
28o
CONTES SECRETS
lui dit: «Comment
t'appelle-it-on, maudit moujik? Jamais je ne t'oublierai. — On m'appelle Kakof (Quel), petit père!» répond le moujik, qui prend l'argent et s'en va- Le pope reste seul et réfléchit: l'argent perdu lui serre le cœur. «Pour passer mon chagrin, j'irai voir mes chevauxI» dit-il; il prend son chapeau, pendu au mur, et l'en- fonce sur sa tête ; la m.... lui coule le long des cheveux, sur le cou et sur les épaules. Le pope est encore plus enragé, il se précipite dans la cour, saute sur un cheval et-s'élance sur la grande route. Il rencontre des charre- tiers et leur dit : «Mes amis, n'avez-vous pas vu Kakof (Quel) ? -r JKakof (Quel) es-tu toi- même? petit père! Il n'y a rien à dire, tu es beaul Qui est-ce qui fa si magnifique- ment enluminé ?» Là-dessus Je pope s'en retourna.
traduits du russe
28l
LXXVI
JE SUIS KÄKOF (QUEL)*
aus certain empire, dans certain
glZdj royaume, il y avait une
fois un moujik si fripon! que Dieu nous en préserve! Il vole cent roubles et se sauve de son village; il marche, il marche, et demande à toucher à^tm pope. «Var-fen^dit lcpope, il*rif a "pas de place chez nous pour te coucher!» Le moujik s'approche d'un banc, se déshabille et se couche. Il lui vient à l*idée de comp- ter son argent Le pope ,vott que le moujik compte de .l'argent-(les popes* dut le flair subtil pour cela!) et il se; dit: «Voyez donc, il a d'air d'un déguenillé, et cependant quelle masse d'argent il possède! je le ferai boire jusqu'à ce qu'il sbit ivre et je hii'prendrai cet argent!» Le >pope, sans plus tarder, s'approche du moujik et 'lui dit: «Viens, l'ami, souper avec nous!» 'Le moujik est liés content: «Merci, petit père!» Ils as- seyent pour souper; le pope fait servir de l'eau-de*vie et toi ^en verse"; il te* pousse
* Voyez
no
LXXV.
382
CONTES SECRETS
tellement, qu'il ne le laisse pas
respirer! Le moujik boit jusqu'à l'ivresse et roule sur le sol; le pope lui enlève aussitôt l'argent de sa poche, le cache, et couche le moujik sur le banc. Le lendemain matin le moujik s'é- veille, il regarde : sa poche est vide; U com- prend bien ce qu'il en est, mais comment faire ? S'il réclame au pope, on lui dira ; d'où te vient cet argent, et toi-même d'où viens-tu ? il s'at- tirera des malheurs. Le moupk. s'en va* donc; il-rôde de ci de là pendant un mois, pen- dant deux mois, pendant trois mois* puis il se dit: «Le pope m'a sans doute oublié, je m'habillerai de telle sorte qu'il ne me re- connaîtra pas et f irai cher lui régler notre vieux compte.» Il arrive à l'izba du pepe; celui-ci n'y était pas à ce moment; la po- pesse y était assise seule. «Petite mère, permets que je passe la journée chez toi! — Je t'en prie, entre!» Il entre dans l'izba et 's'assied sur le banc. «Comment t'appelle- t-on, l'ami, et d'où viens-rtu ? — On m'ap- pelle Kakof (Quel), petite mère, je viens de loin et je vais en pèlerinage.» Sur la table du pope était un livre, le moujik le prend, en tourne les feuilleta et murmure entre ses lèvres comme s'il lisait, puis il se met à pleurer. La popesse lui -dit: «Pourquoi
TRADUITS DU RUSSE 283
pleures-tu, l'ami ? — Comment ne
pas pleu- rer ? il est écrit dans la Sainte Écriture que chacun sera puni suivant ses péchés, et nous, pécheurs, nous avons- tant commis d'iniquités, que je ne sais pas, petite mère, comment Dieu peut encore supporter nos péchés! — Et tu sais lire, l'ami? — Comment donc! petite mère; sous ce rapport je n'ai pas été mal partagé de Dieu! — Et sais-tu chanter comme le petit-diacre (le chantre) ? — Je connais cela, petite mère, je connais cela; je l'ai appris dès mon jeune âge ; je connais toutes les cérémonies de l'Église. — Nous n'avons pas de petit-diacre (de chantre); le pope est allé faire un enterrement; ne pour- rais-tu pas lui aider demain à célébrer la messe ? — Parfaitement, petite mère, pour- quoi pas?» Le pope revient; la popesse lui raconte tout. Le pope est très content de cela, il régale le moujik de son mieux. Le lendemain matin, il va à l'église avec le mou- jik et commence à célébrer la messe. Mais le moujik reste debout dans le chœur et se tait. Le pope lui crie: «Pourquoi restes-tu là debout sans rien dire, pourquoi ne chan- tes-tu pas ?». Le moujik lui répond :. «Je vais m'asseoir, puisque tu me défends de rester debout!» et il s'assied sur son cul. Lejpope
a&J. contes
secrets
lui crie de nouveau: «Pourquoi f
assieds-tu, et pourquoi ne chantes-tu pas? Je me coucherai alors.» Et il s'étend sur Je sol Le pope arrive près de lui, le chasse de l'église et reste seul pour finir la messe. Le moujik revient chez le pope. La popesse lui dît: «Eh bien, la messe est-elle finie? — Elle est finie, petite mère! — Et où est le petit père ? — Il est resté à l'église pour en- terrer un défunt. Mais il m'a envoyé vers toi pour que tu me donnes sa fourrure neuve couverte de drap et son bonnet de castor: il faudra aller loin et il veut être vêtu pins chaudement! La popesse va lui chercher la fourrure et le bonnet. Le mou- jik passe derrière l'izba, ôte son bonnet, ch.. dedans, le remplit et le pose sur le banc, il endosse la fourrure du pope, se coiffe du bonnet de castor et se sauve. Le pope achève la messe et revient à la mai- son; la popesse voit qu'il porte sa vieille fourrure et lui dit : «Où est ta fourrure
Jieuve? — Quelle fourrure?» Ils
se racontent alors l'un à l'autre ce qu'a fait le moujik et voient qu'il les a trompés. Le pope dans sa colère
pcend le bonnet plein» de
m----qui était sur
le banc, le met sur sa tête et
court dans le village à la recherche du moujik; mais la
traduits du russe
m.... coule du chapeau sur sa
figure; il en est tout sah. Il entre dans une izba et de- mande à la ménagère: «As-tu vu Kakof (Quel) ? — Je. vois, petit père, quel tu es ! tu es beau!» Tous ceux à qui il s'adresse lui font la même réponse. «Quels imbéciles ! dit le pope: on leur demande une chose, il vous en répondent une autre!» Il court, il court* il parcourt tout le village, mais il ne trouve rien. «Allons, pense-t-il, ce qui tombe du chariot est perdu!» Il retourne à la maison, ôte son bonnet; mais dès
4\ue la popesse jette les yeux sur lui, elle jette les hauts cris : «Ah, petit père, tu as la tête couverte de petite vérole! — Que dis-tu là!» répond le pope; il tàte sa tête et retire sa
main toute barbouillée de m____
Ainsi finit
le conte.
LXXVII
LA FEMME DE MARCHAND ET LE COMMIS (Pareil conte se trouve dans Boccace.)
l y avait une fois un marchand, vieux barbon, qui avait épousé une jeune petite femme. Il avait beaucoup de commis.
286 CONTES
SECRETS
Le plus ancien de ces commis se
nommait PatapofE Cest un robuste et beau gaillard, qui s'occupe de gagner les bonnes grâces de la patrone, qui joue avec elle à toutes sortes de petits jeux, dételle manière qu'ils s'entendent parfaitement. Les gens le remarquent et en font part au, marchand Le marchand dit à sa femme: «Sais-tu, chère amie, ce que les gens disent : ils prétendent que tu as des relations avec mon commis Patapoff... — Que me dis-tu là? Que Dieu te bénisse i Ai-je jamais rien fait de mal? N'en crois pas les gens, crois-en tes propres yeux! — — On dit que depuis longtemps il a tes faveurs! Ne pourrait-on, d'une façon quel- conque, le mettre à l'épreuve ? — Eh bien, dit la femme, écoute; mets mes habits, va le trouver dans le jardin, tu sais où il couche, et dis-lui tout doucement en chuchotant: j'ai quitté mon mari pour venir te trouver. Tu verras alors ce qu'il est — Parfait!» dit le mari. La marchande ne perd pas de temps et prévient le commis: «Quand mon mari viendra, rosse-le de telle sorte qu'il s'en sou- vienne longtemps, le vilain!» Le marchand attend la nuit, il s'habille avec les vêtements de sa femme, des pieds à la tête, et va dans le jardin trouver le commis. «Qui est là?»
287
demande celui-ci. Le marchand
répond en chuchotant: «C'est moi, mon chéri! — Que veux-tu ? — J'ai quitté mon mari pour venir près de toi. — Ah, vilaine ! et l'on dira que
c'est moi qui te cours après ! Et
toi, p.....,
tu veux que je déshonore mon
maître!» Alors il frappe le marchand sur la tête, sur l'échiné, il lui tire les cheveux : «N'approche pas, drôlesse! ne me compromets pas: à aucun prix je ne consentirais à de pareilles vilenies!» Le marchand s'arrache comme il peut de ses mains, il court vers sa femme et lui dit : «Non, ma chérie ! maintenant, per- sonne au monde ne me fera croire que tu vis avec mon commis. Comme il m'a in- jurié, menacé, battu! C'est à peine si j'ai pu me tirer de ses mains! — Tu vois! tu ajoutes foi à tout ce qu'on te dit!» lui ré- pond la marchande, et depuis ce moment elle vécut avec le commis sans la moindre inquiétude.
TABLE.
patfea.
Préface.................. i
I. La Renarde et le Lièvre ...... 7
II. Le Moineau et la Jument...... 10
TU. L'Ours
et la vieille Femme r ia
IV. Le Loup............. 14
V. Le
Moujik, l'Ours, le Renard et le Taon 15
VI. Le Chat et la Renarde....... 16
VII. Le Pou et la Puce......... 17
VIII. Le
Chien et le Grimpereau ..... k
18
IX. Le
C et le Cul . *. . . . •* . . «o
X. Lave
le cul ,^ ... * • . 21
XI. C'est
mauvais, ce n'esf Pas mauvais . . 22
XII. Le Benêt.............. ?3
XIII. La
Tête de Brochet...... . 24
XIV. Le
Mariage du Benêt.....* . . «9
XV. La Fiancée craintive........ 37
XVI. La P... brûlante ......... 4»
XVII. Les Dictons (non
traduits)...... 43
XVIII. Vers de
vieillard.......... 43
XIX. Les Entretiens de
famille...... 45
XX. La
première Entrevue du fiancé et de la
Fiancée............ • 47
XXI. Les Moujiks et le
Seigneur..... 49
XXII. La
Mattresse de maison perspicace . . 51
TABLE
289
page».
XXIII. Non.............. 53
XXIV. Le
Mari sur les œufs....... 55
XXV. Le
Chasseur et le Sylvain..... 58
XXVI. Le
Moujik et le Diable...... 59
XXVII. Le
Moujik faisant besogne de femme . 61 XXVIII. La
Femme de l'aveugle...... 65
XXIX. Le
Tétras (Coq de bruyère) .... 67
XXX. La
Réponse du prélat ...... 68
XXXI. La
Semaille des p........•. . 70
XXXII. L'Anneau
enchanté........ 77
XXXIII. La
Dame excitée......... 90
XXXIV. A
la manière des chiens...... 93
XXXV. Les
deux Épouses........ 94
XXXVI. La
Dame pudibonde....... 96
XXXVI1. Le
bon Père........... 99
XXXVIII. Le
Conte du pope qui a fait un veau . xoz
XXXIX. Le
Pope et le Piège....... xo6
XL. Le
Pope, la Popesse, la Fille du pope
et le Domestique........ 107
XLI. Le
Cochon de lait........ xxa
XLII. Le
Père spirituel . . . . •..... xx6
XLIII. Le
Pope et le Moujik....... 1x7
XLIV. Le
Pope et l'Ouvrier....... i«7
XLV. La
Famille du pope et l'Ouvrier . . . 139
XLVI. Le
Peigne............ 142
XLVII. Pousse
de la chaleur....... 149
XLVIII. Les
Obsèques du chien ou du bouc . 153
XLIX. Le
Jugement sur les vaches .... 159
L. Le
Pope avide ......... 164
LI. Rire
et chagrin......... 167
LU. La
Graisse merveilleuse ...... 173
LUI. Le
Chalumeau merveilleux .... 187
LIV. Le
Berger..........« 191
LV. Le
Soldat, le Moujik et sa Femme • 194
LVI. Le
Soldat dort, mais sa p... travaille 196
Kqvnràêux.
i. 19
2qo
TABLE
pages.
LVII. Le
Soldat et la Paysanne (de Petite-
Russie) , . . ......... 198
LVIII. Le
Soldat et le Paysan (de Petite-
Russie)............ 200
LIX. Le Soldat déserteur....... 302
LX. Le
Soldat et le Pope ...... 203
LXL Le Soldat crible......... 204
LXII. La
Belle-Mère et le Gendre nigaud » 305
LXIII. La Femme bavarde ....... 207
LXIV. Le
Pope qui hennit comme un étalon 309
LXV. La
Femme rusée ........ 2x9
LXVI. La Juive............ 238
LXVII. Le Soldat et le
Diable...... 239
LXVIIL Nicolas
Doupliannskoï...... 340
LXIX. Les deux Frères
fiancés...... 346
LXX. La Fiancée sans tète....... 353
LXXI. Les Ruses des femmes...... 263
LXXII. Les Noms étranges ....... 269
LXXIII. Le Pope et le
Tsigane...... 272
LXX1V. Le bon Pope.......... 375
LXXV. La
Bataille en gageures ...... 277
LXXVI. Je suis Kakoff
(Quel)....... 281
LXXVII. La Femme de marchand et
le Coïnmis 285
-+--------
ANMERKUNGEN
Zü DEN
CONTES SECRETS TRADUITS DU RUSSE.
No.
I p.
9
: «elle se démène, mais ne peut ni
avan- cer ni reculer, ni sortir de là. Le louche tourne la tête, il voit que l'occasion est belle, il accourt par derrière, et f... la renarde.» — Cf. Grimm, Reinhart Fuchs S. 75, 105, 270.
Freytag, Arabum Proverbia,
2, 539 No. 433: *Non mihi p lacet vulnerare
faciem soefi.» —
Jonesus [Jones] dixit, Arabes proverbium sic explicare : Vulpes lapidem album in loco vallis angusto conspexit. Ut leonem perderet, ei dixit: «In loco vallis angusto adeps est, quo facile potiri potes.' Qui locus quum nimis an- gustus esset quam ut corpus leonis intraret, vulpes ei dixit : 'Protrude caput !' Leo vulpis consilium sequens inox firmiter loco inhaesit, ut neque redire neque pro- dire posset. Vulpes autem leonem in podice laesit, et quum leo eum, quid ageret interrogaret, respondit, se eu m liberare velle ; et leone dicente a capitis latere hoc faciendum esse, ista proverbii verba protulit, quibus significant, virum se erga alterum amicum fidum osten- dere, quum perfidus esset.»
No. VII. Le Pou et la Puce. Cf. das hier fol- gende Norwegische Märchen No. x «Die Landmaus und die Wassermaus auf der Reise.»
No.
XXVI
p.
30
1.
12
ff. «Voici ce que je te pro- pose etc.» Cf. Bartsch's German. 26,
116 No.
18. 28, 108 f. «Einmal wettete er
(der Böse) mit einem Bauern» u. s. w.
No. XXXII. L'Anneau enchanté. Cf. Norweg. Märchen No 7 : «In den Himmel auf meines Mannes Pint.»
No. XXXV. Les deux Épouses p. 95 1.
13
ff. «Elle tourne le cul de son coté et dit: 'Voilà pour ce
19*
292
fUs de putain mon cul seul T
etc.» Cf. Cent Nou- velles Nouv. No. 49
«Le Cul d'écarlate.»
No. XLII1. Le pope et le Moujik.
Zu beiden Theilen des Schwanks s. Straparola N. 6 Fav.
1
und dazu Dunlop-Liebrecht, Gesch. der Prosadichtung S.
283.
Ib. p.
123 1. 5
ff. «Un jour pendant l'été» etc. S. Norweg. Märchen no. 9:
«Die Frau, die ihre eigene Schande offenbart.»
No.
XLV
p.
142 1. 13
ff. «La popesse donne sa part à l'ouvrier» etc. Cf. Norweg. Märchen No.
9: «Die Frau, die ihre eigene
Schande offenbart».
No.
XLVI.
Le Peigne. Cf, Norweg. Märchen No. 12
«Das Mädchen, welches lange pissen
konnte.»
No.
XLVIII.
Les Obsèques du Chien. S
an das geweiht» und dazu
Oesterley (85.
Public, des Lit- terar. Ver. zu Stuttgart).
No.
XLIX.
Le Jugement sur les vaches. S. Pauli a. a O. c. 324.
'Der bawer gab dem pfaffen ein ki?, das er im hundert geb,' und dazu Oesterley.
Ib. p.
162
Z.
15
ff. «Cela c'est l'enfer pour le
coup, petit père. — Et moi, j'ai un pécheur, la mère ; il faut
No. LI1L Le Chalumeau
merveilleux. S. Grimm, Märchen No. 165
u.
3, 328
; Kuhn, Westf. Mär- chen 2, 226.
Wenzig, Westslav. Märchenschatz S.
36 ff. 59
ff. Bechstein, Märchenbuch «Der
Hasenhüther» ; Hahn, Griech. March. 2, 242
; Wolf, Deutsche Hausm. S. 134
; Asbjörnsen, . Norske, Folke-Event.
Ny. Sämling Kjöb. 1876
no.
38.
Arnason Isl. bjo(ts. Leipz.
1864. 2, 482 ff. u. A.
No. LXV. La Femme rusé. Cf. v. d.
Hagen» Gesammtab. No, 62
«Die drei Mönche von Kolmar».
Pauli, Schimpf und Ernst c,
72
le mettre en enfer.»
NORWEGISCHE MÄRCHEN UND SCHWANKE.
I
DIE LANDMAUS UND DIE WASSERMAUS AUF
DER REISE.1
ine Landmaus und eine Wassermaus waren einst auf der Reise. Den Tag
über gingen sie zusammen und
theilten mit einander Leid und Freud; des Nachts je- doch trennten sie sich; denn die Landmaus wollte im Trocknen schlafen, die Wasser- maus dagegen wollte es feucht haben. So geschah es denn, dass sie einmal spät zu einer Scheune gelangten, in welcher ein
294
NORWEGISCHE MÄRCHEN
Frauenzimmer schlief, und dieser
kroch ohne Verzug die Landmaus hinten, die Wasser- maus aber vorn in den Leib.
Als sie nun des Morgens wieder
heraus- kamen, so schüttelte sich die Landmaus und rief aus: «Potz Blitz, was war das für ein Wetter heute Nacht! der Donner krachte Schlag auf Schlag, als ob die Wände ein- stürzen sollten! Und wie es da gar erst stank! nicht anders als ob der leibhaftige Teufel mit Schwefel und Pech losgewesen wäre!» — «Glaubst du denn, ich hatte es besser, wo i c h war ? sprach die Wasser- maus und machte sich daran ihren Pelz zu waschen. Mitten in der Nacht kam ein Herr herein, der zwar erst die Mütze abzog, dann aber in einem fort 'raus und 'rein fuhr und mir zu Leibe wollte; da er mich aber nicht erreichen konnte, so wurde er so roth- sprenklich am Kopf wie ein Sommerlachs und am Ende so giftig, dass er mir gerade- zu ins Gesicht spuckte!» — «Ja den Teufel auch war das ein Herr! rief die Landmaus aus; das war bloss ein Bettler, der seinen Sack draussen gelassen hatte.»2
NORWEGISCHE MÄRCHEN
295
n
DER VORKOSTER3
s war einmal ein Schneider, der
hatte eine Bauerndirne als Liebste, und sie
hätten einander gern geheiratet ;
aber ihre Eltern wollten das nicht zugeben. Ihr An- wesen sei allerdings nur klein, sagten sie, aber ihre Tochter sei doch eine Hüfner- tochter und viel zu gut für den Schneider, der bloss von Gehöft zu Gehöft umherzöge und schneiderte; es könne daher nichts daraus werden. «Füge dich also in Geduld, sagte das Mädchen zu ihrem Geliebten; jeden- falls sei sicher, dass, wie es auch geht, und wen ich auch bekommen mag, du doch unter allen Umständen Vorkoster sein sollst.»
Nach einiger Zeit meldete sich
auch wirk- lich ein Freier, dem die Eltern das Mädchen gaben und eine stattliche Hochzeit herrich- teten, bei weicher sich auch der Schneider befand. Während aber die Kameraden des Bräutigams diesem tüchtig zutranken, und zwar dermassen, dass er am Ende seine fünf Sinne nicht mehr beisammen hatte, lag der Schneider bei der Braut in der Brautkammer
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norwegische mârchen.
und erlustierte sich mit ihr aufs
beste. Endlich jedoch vermisste sie der Bräutigam und kam taumelnd in die Kammer. «Bist du hier ?» fragte er mit schwerer Zunge. — «Ja wol, antwortete sie; ich hab' mich ein Bischen aufs Bett gelegt ; ich war so müde,» und zugleich liess sie sich auf der Wand- seite vom Bette herab. Der Bräutigam kroch hierauf zu ihr (wie er dachte) und suchte auch bald nachher das Lustgärtlein, fand aber statt des Thaies einen Berg, der ihm die ganze Hand anfüllte. «Kreuzdonner- wetter! rief er aus, wie bist denn du be- schaffen ? du hast ja gerade so ein Ding wie ich; wie soll denn das nu gehen?» — Ja, sie wäre nun einmal nicht anders, sagte die Braut hinter dem Bette ; aber sie glaube wol, der Sache wäre abzuhelfen, obschon dazu Geld und Zeit gehöre. — Es möchte kosten was es wolle, meinte der Bräutigam, wenn er sie nur ordentlich in Stand bekäme. — Da sagte die Braut, sie kenne einen Schnei- der, der die Arbeit wohl übernehmen würde, aber er müsse sie drei Monat lang bei sich haben und zur Herstellung des Notwendigen 16 Bärenfelle, 16 Ellen rothes Tuch, 16 Ton- nen Salz so wie überdies 100 Thaler Ar- beitslohn erhalten ; denn er mü>se in ihrem
NORWEGISCHE MÄRCHEN
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Leibe eine ganz neue Vorrichtung
anbringen. — Es blieb nun nichts anderes übrig als auf die Forderung des Schneiders einzugehen, und als die drei Monate um waren, brachte dieser die junge Frau zurück und legte sie auf den Tisch. «Jetzt habe ich sie in Stand gesetzt, sagte er, und sie ist nun* so gut wie neu. Komm her und sieh dir sie einmal an;» dabei hob er ihr die Röcke auf und zeigte sein Werk. «Ist von den 16
Bären- fellen nicht mehr übrig geblieben als der kleine Haarstreifen da?» sprach der Ehe- mann. «Nein, versetzte der Schneider, das ist alles.» — «Und von den 16 Ellen rothen Tuchs, fuhr jener fort, ist da nicht mehr übrig als das?» — «Nein, antwortete der Schneider, es ist alles draufgegangen.» Als- dann steckte der Mann den Finger hinein und hielt ihn darauf an die Zunge. «Ja, sagte er, das Salz ist da; das ist ausge- macht.»4
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EINE GEFÄHRLICHE KLEMME5
s war einmal ein Mann um die Weih
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nachtszeit auf der Reise und
kam am heiligen Abend an ein Haus, wo er um ein Nachtlager bat. «Du lieber Himmel! sagten die Leute, die da wohnten, wir sind ja selbst in grosser Noth und müssen uns beim nächsten Nachbar einquartieren, denn in der Weihnachtsnacht kommt stets der Gottsei- beiuns leibhaftig hier ins Haus.» — Das hätte keine Noth, meinte der Reisende ; wenn man ihm nur gestatten wolle, da zu bleiben, wolle er mit dem Schwarzen schon fertig werden, und damit legte er sich zur Ruhe. Es dauerte aber nur kurze Zeit, so erbebten die Mauern und Stöpke kam angeflogen, und ohne Verzug fingen sie an mit einander Kar- ten zu spielen. Dies trieben sie so lange, wie das Weihnachtslicht brannte, wobei der Reisende einen ganzen Haufen Geld gewann, denn er hatte auf die besten Karten Kreuze gemacht, so dass der Böse sie nicht in seine Gewalt bekommen konnte. Als aber das Licht ausgebrannt war, hatte das Spiel ein
m
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Ende, da sie die Karten nicht
mehr zu unterscheiden vermochten. «Jetzt müssen wir hinaus um Holz zu hauen, sagte der Mann, dann haben wir des Morgens etwas zu Licht und Feuer.» Ja, damit war der Teufel zufrieden, und der Mann wählte einen krummen Tannenblock voll Knorren, den sie auch herbeischleppten. «Nun müssen wir dran,» sagte er und hieb mit der Axt in den Klotz, worauf er einen Keil hineintrieb ; jedoch der Block war, wie gesagt, krumm und knorrig; er klaffte wol, allein er wollte sich nicht spalten, obschon der Mann die Axt hin- und herdrehte. «Sie sagen, du bist stark, sprach endlich der Mann zum Teufel, aber, du hast nicht mehr Kraft als meine Katze ; wenn du wirklich stark bist, so spucke dir in die Fäuste und fahre damit in die Spalte, dann will ich einmal sehen, wozu du's bringst.» Ja, Stöpke that wie geheissen, fuhr mit seinen Krallen hinein und strengte sich an, so viel er konnte; aber in dem- selben Augenblick schlug der Mann den Keil heraus und StÖpke sass in der Klemme,6 worauf jener den Axthâmmer ihm gehörig auf dem Rücken umhertanzen Hess. StÖpke flehte ihn an hoch und theuer, ihn doch loszulassen, allein der Mann wollte nicht eher
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norwegische märchen
darauf eingehen, als bis der
Schwarze ver- sprach, dass er nimmermehr dorthin kommen und Unfrieden anstiften würde. Auch befand sich in der Heimath des Mannes nicht weit von seinem Hause eine Furt über einen reissenden und gefährlichen Strom, in wel- chem gar häufig Leute ertranken, und die auch er oft passiren musste ; über diese nun sollte der Teufel eine Brücke bauen, so dass man zu allen Zeiten des Jahres ohne Ge- fahr hinüberkommen könnte.
Das war allerdings hart, wie
StÖpke meinte, denn er hatte dort stets eine oder die andere Seele geholt ; allein es war nichts zu thun ; wollte er los, so musste er das Ge- forderte versprechen, und nur das bedang er sich aus, dass, wenn die Brücke fertig wäre, er die erste Seele bekäme, die darüber passirte; das sollte ein für allemal der Brückenzoll sein.
Eines Sonntags nun stand die
Brücke fix und fertig da, und StÖpke lauerte auf der- selben um den ausbedungenen Zoll zu erheben. Als jedoch der Mann von seinem Gehöft aus dies sah, sattelte er alsbald ein Pferd, und seine Frau vor sich auf den Sattel setzend, ritt er spornstreichs auf die Brücke, so dass diese laut erdröhnte. «Ei wie ? rief der Teu-
NORWEGISCHE MÄRCHEN 3OI
in Pint und eine Schuhsohle kamen
einmal mit einander ins Gespräch,
und die Schuhsohle fing an zu
klagen. «Es kann wol Niemand mit mehr Verachtung behandelt werden als ich, sagte sie. Man heftet mich den Leuten unter die Füsse, und diese treten mit mir in allen Dreck und Koth, so dass ich so nass werde wie ein Wischlappen; nicht selten auch tritt man mit mir auf Scherben oder spitze Steine; nicht minder schmiert man mich an der Seite mit Schuhwichse und Theerschmiere ein. Am härtesten aber ist es, dass ich in
IV
DER PINT UND DIE SCHUHSOHLE
fei, bist du es ? wo ist der
Brückenzoll ? wo hast du die Seele?» Der «Mann, nicht faul, hob seiner Frau die Röcke auf und wies ihm ihre Spalte. «Nein, rief Stöpke aus, in eine Klemme hast du mich hineinbekommen, vor der zweiten werde ich mich wohl zu hüten wissen.» 7
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NORWEGISCHE MÄRCHEN
Frost und Hitze heraus muss, ohne
dass mir jemals etwas Gutes zu Theil wird, es sei denn, dass hin und wieder, aber nur selten, ein armer Teufel, der sich wund gelaufen, mir einen Schluck Branntwein zukommen lässt. Du aber, liebster Freund, du hast es viel besser als ich; du sitzest in den Hosen und hast ein warmes Haus, und nehmen sie dich einmal heraus so geht es dir nicht minder gut. Du wirst von zarten Händen gestreichelt und schöne Frauen spielen mit dir.»
Als der Pint dies hörte, lachte
er laut auf und meinte, den Teufel auch hätte er es so gut, wie die Schuhsohle glaubte, viel- mehr viel schlimmer, und es schiene ein Wunder, dass er nicht schon längst auf- gerieben wäre; wenn er auch aus Stahl und Eisen gewesen wäre, so könnte er doch nicht länger das ausstehen, was er bisher ausgestanden. Er müsse zu jeder Zeit wach sein und gerade stehen und paradiren und die Mütze abziehen vor einer jeden lumpigen Bettelliese, der ihn sein Herr in den Leib schieben wolle, und das schlimmste dabei wäre, dass er ihn hin und her fahren lasse in einem Loche, welches sich dicht beim Hintern befände; auch sässe da drinnen
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NORWEGISCHE MÄRCHEN
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V
DIE HOCHZEIT AUF VELKJE8
as waren immer sonderbare Leute, die auf Velkje, einem Gehöft, welches in dem Kirchspieldorf Gravén in Hardanger geradeüber von der Kirche belegen ist. Es wohnte da einmal ein altes Ehepaar mit ihrem einzigen Kinde, einer Tochter, die so gross und stark war, wie der grÖssteMann, und weit und breit unter dem Frauenvolk ' ihres Gleichen nicht hatte; aber gleichwohl nannten die Eltern sie nie anders als «das Kind» oder «mein Kind»; auch machten sie sich immer mit ihr zu schaffen wie mit einem
Einer, der mit einer Hufzange
klemme, und ein ganz verteufelter Marksauger, der da festpacke und sauge, so dass er (der Pint) dermassen wirr im Kopfe und schwach im Magen werde, dass er alles Nasse, was er im Leibe habe, ausspeien müsse und sich dann so matt und übel befinde, dass er hin- terher wie ein nasser Lappen herabhänge.
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NORWEGISCHE MÄRCHEN
kleinen Kinde und hüteten sie wie
ihren Augapfel. Endlich musste sie sich doch auch verheirathen wie andere Hüfherstöchter;aber es war nicht leicht einen passenden Bräu- tigam zu finden, bis sich zuletzt gleichwol einer fand, der ebenso gross und dick war wie die Dirne selbst. Das Ehepaar auf Velkje war jedoch etwas dämlich und da- her auch nicht alles gehörig im Stande als die Hochzeitsgäste anlangten ; aber der Bräu- tigam war da und liess sie durch den Küchenmeister bitten nur immer einzutreten, obschon auf der Vorderseite des Tisches in der Essstube noch keine Bank stand. Um dem abzuhelfen, setzte sich der Bräutigam auf den Hochsitz, nahm seinen «Christian» heraus und legte ihn quer über die Stube, indem er die Gäste aufforderte sich desselben als Tischbank zu bedienen; es könnten ihrer zwölf darauf Platz finden. Während sie nun so unter Schwatzen und Trinken wohlgemut dasassen, kam die Braut herein, und ihr «Geräth» war so gross, dass vier Männer es in einem Backtroge vor ihr her tragen mussfen, so dass, als der Bräutigam sie damit kommen, .sah, sein «Christian» in die Höhe fuhr und die darauf sitzenden zwölf Gaste herabfielen. Einige von ihnen
norwegische märchen 305
brachen sich den Nacken an den
Dachbalken, andere schlugen sich todt gegen Tische und Bänke, und wenn auch einige heil davon kamen, so litten doch die meisten Schaden an ihrem Leibe. So verwandelte sich also das Hochzeitmal auf Velkje in ein Leichen- mahl.
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war einmal ein wohlhabendes Ehe-
lyggpaar, das ein einziges Kind,
eine Tochter, hatte, und dieselbe so sorgfältig hütete, dass sie niemals unter die Leute kam, keine Sonnabendsferien wie andere Mädchen haben durfte und über nichts in der Welt ordentlich Bescheid erhielt, so dass sie weder wusste wie die Mannsleute von Natur beschaffen sind, noch auch sonst etwas lernte als Waffeln backen ; das aber verstand sie ganz perfect. «Du must dich genau vor- sehn und das abscheuliche Mannsvolk dir vom Leibe halten, sonst wirst du eine alte Jungfer,» sagte die Mutter zu ihr, und das
KçvnTaSta. I. 20
VI
WAFFELN BACKEN9
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NORWEGISCHE MÄRCHEN
versprach denn auch das Mädchen,
denn eine alte Jungfer wollte sie durchaus nicht, werden. Endlich kam ein Freier, der den Eltern zusagte, und diesem gaben sie die Tochter. In der Hochzeitsnacht machte sich der Bräutigam daran zu thun was Rechtens war, allein die Braut wollte es durchaus nicht gestatten ; er versuchte auf jede mög- liche Weise seine Absicht auszuführen, es war aber alles vergeblich; denn die Braut kreischte und schrie nur immer fort, ihre Mutter hätte zu ihr gesagt, sie solle sich das abscheuliche Mannsvolk nicht an den Leib kommen lassen. Da stand er zuletzt auf und klagte der Schwieger, wie es ihm erginge. «Ei was, sprach diese, kehre dich nicht daran und sage bloss zu ihr, du wollest Waffeln backen.» Gesagt, gethan, er begab sich zur Braut zurück, und als diese bei einem neuen Angriffe es noch viel schlimmer machte als vorher, sagte er end- lich zu ihr : «Jetzt ist es genug ; komm nun, wir wollen zur Veränderung Waffeln backea» Ja, damit war sie zufrieden. «Ich habe einen vortrefflichen Quirl, fuhr er fort, und du hast ein hübsches kleines Pfannchen zwischen den Beinen; darin wollen wir den Brei zurecht machen und herumrühren*»
NORWEGISCHE MÄRCHEN
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Hierauf ging nun das Rühren und
Backen los, wobei die Braut zuletzt wacker mithalf, bis der Bräutigam endlich müde wurde. «Nur zu, nur zu!» sprach sie da. — «Ich kann nicht mehr,» versetzte jener. — «Und warum kannst du denn nicht mehr?» fuhr sie fort und benahm sich ganz unbändig. —- «Der Griff am Waffeleisen ist mir abge- brochen,» antwortetete der Bräutigam. — «Ha, ha, ha! lachte sie dann auf; ja das will ich wol glauben, denn ich merkte gleich, dass mir der Brei in den Hintern lief.»
IN DEN HIMMEL AUF MEINES MANNES
PINT 10
s war einmal ein Paar, das sich mit
einander verheirathete ; aber der
Mann
hatte einen so kurzen Pint, dass
die Frau durchaus nicht zufrieden war. Sie gingen darüber oft mit einander zu Rathe und schliesslich musste der Mann zu einem Fin- nenweibe reisen um Abhülfe zu erlangen.
VII
3o8 NORWEGISCHE MÄRCHEN
Diese wurde ihm denn auch
wirklich zu Theil, und er erhielt noch obendrein eine Salbe, welche Wunden jeder Art heilte und die er aufschmieren sollte, wenn etwa der Pint zu gross würde und er ihn abschneiden müsste. Auf dem Rückwege begegnete er einem Frauenzimmer und bekam Lust, an dieser einmal seinen Fiesel zu versuchen. Ja, hiess es, sie habe nichts dagegen, und so Hess er sie seinen zwölfzolligen einmal kosten. «Das hat ja wundergut gethan,» sagte sie, und meinte, es wäre ein ganz prächtiger *KerP, obwol er für sie noch immer etwas länger sein könnte. — Ja, versetzte jener, er wolle sie wol zufrieden stellen, doch müsse sie sich obendrauf setzen, denn sonst, läge sie unten, könnte sie am Ende durch und durch gebohrt werden. Sie war es zu- frieden, und als sie sich im Sattel fest ge- setzt hatte, sprach sie: «So, nun lass ihn hinein, so weit wie er reicht.» — «Wie thut es nu ?» fragte der Mann. — «O, ich sitze wie im siebenten Himmel, liebster Schatz !» ant- wortete das Frauenzimmer. — «Ei, so bleibe nur immer sitzen, wo du sitzest!» sprach jener. Endlich, als sie fertig waren, schnitt er ein Stück vom Pint ab, und da lag dieses da und schlangelte sich längshin wie grosse
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Haufen von Aalen und Würsten, und
von der ganzen Umgegend her kamen Weiber herbei und fuhren und schleppten nach Hause was sie nöthig hatten. Aber auch der Mann langte bei seiner Frau an, und man kann sich wohl denken, dass sie ihn mit grösster Ungeduld erwartete. «Wie ist es dir ergangen ? fragte sie ihn alsbald ; hast du bekommen, was wir brauchen ?» — «Ich bringe nichts Besonderes,» lautete die Ant- wort. Ja, dem mochte nun sein, wie ihm wollte, so musste sie doch einmal versuchen, und der Mann fügte etwa einen Zoll zur frü- heren Länge hinzu. Nun, das sei doch nicht so übel,» meinte sie, er reiche doch weiter als zuvor; gleichwol fragte sie, ob er nicht mehr hätte und bekam dann einen-zwölf- zolligen zu schmecken. «Der war ganz golden, meinte sie, aber wenn er noch
mehr hätte, so hätte sie wohl Lust zu versuchen, wie es thäte. — Dann müssten sie die Plätze wechseln, sagte der Mann, und so thaten sie auch. Aber als es los ging, fuhr sie so hitzig auf und nieder, dass sie mit dem Hin- tern ans Dach anschlug und ausrief: «Jetzt fahre ich in den Himmel auf meines Mannes Pint!»
310
NORWEGISCHE MÄRCHEN
s war einmal eine Bauerndirne,
die
HJgJI hatte einen schlimmen Finger, der ihr so entsetzlich weh that, dass sie meinte, es hätte noch niemals in der ganzen Welt einen so schlimmen Finger gegeben. Sie schwenkte ihn hin und her, sie blies darauf, sie hätschelte ihn und umwickelte ihn wie ein Wickelkind, aber das alles half nichts, und sie jammerte in einem fort. Da sprach die Mutter zu ihr : «Das ist doch rein zum toll werden, du Mädchen! du gehst umher und hörst nicht auf zu ächzen und zu stöhnen und wir haben beide Tag und Nacht keine Ruhe. Ich denke, es ist am Besten, du fährst in die Stadt zum Doctor und fragst den um Rath wegen deines Fingers.» Ja, das meinte das Mädchen auch, spannte an und fuhr zum Doctor. Als sie nun aber bei ihm in die Küche trat und nach ihm fragte, hiess es, er hätte Gesellschaft und sässe mit dem Propst und dem Stadtschreiber beim Kartenspiel: es könne jetzt Niemand mit ihm sprechen. Das helfe alles nichts,
VIII
DER SCHLIMME FINGER11
NORWEGISCHE MÄRCHEN
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sagte das Mädchen, wenn er auch
mit dem Bischof selbst beim Spieltisch sässe; denn sie hätte einen so schlimmen Finger, wie ihn noch nie ein Mensch gehabt, und er müsse ihr einen Rath geben, was sie an- fangen solle, eher Hesse sie ihm keine Ruhe. Da war nun eine von den Mägden, die war so dreist, dass sie hinein ging und zu dem Doctor sagte, es stehe ein junges Frauen- zimmer draussen, die gar. sehr krank sei. «Was ist los mit Ihr?» schnauzte er das Mädchen an, als er mit den Karten in der Hand in die Küche gerannt kam und schimpfte und wetterte wie ein Rohrsperling. «O, der schlimme Finger da, Herr Doctor...,» mehr brachte sie nicht heraus. «Fahr Sie . zur Hölle mit Ihrem schHmmen Finger und steck Sie ihn in die Fotzel» schrie jener. — «Schönsten Dank, Herr Doctor I» sagte das Mädchen und machte einen tiefen Knix. «Das war ein hurtiger Rath und ein hastiger Mann,» fügte sie dann bei sich selbst hinzu, als sie wieder aufstieg, worauf sie that, wie der Doctor gerathen hatte und dann davon- fuhr, so rasch wie das Pferd laufen konnte. Inzwischen zog und klemmte es den schlim- men Finger in dem warmen Orte, in dem er sich befand, und ehe sie noch ganz zu
3« NORWEGISCHE MÄRCHEN
Hause war, ging der Schwär auf,
so dass von der Zeit an der Finger besser zu wer- den anfing und endlich auch nach und nach ganz heilte.
Im darauffolgenden Sommer hatte
die Mutter nun einmal gebuttert und die Butter war so schön und gelb gerathen, dass sie aussah wie Eidotter. Da sagte sie zur Toch- ter; «Ich denke du nimmst ein Pfund von dieser prächtigen Butter und bringst sie dem Doctor, der dir einen so guten Rath für deinen Finger gegeben hat.» Gesagt, ge- than; das Mädchen fuhr mit dem Pfund Butter in die Stadt zum Doctor, und als sie mit dem Geschenk bei ihm anlangte, war es freilich nicht schwer bei ihm Zutritt zu erhalten. Er gab ihr freundlich die Hand und dankte für die Butter, indem er zugleich fragte: «Aber sage Sie mir doch, was war es denn eigentlich was Ihr fehlte; ich kann mich der Sache nicht mehr genau erinnern.» — «O, hat Er das vergessen, Herr Doctor? antwortete das Mädchen; es war der schlimme Finger, der schlimmste, der je in der Welt vorhanden gewesen ist.» — «Ja so, ja so ! ver- setzte der Doctor, als ob er anfinge, sich der Sache zu erinnern; aber es fällt mir nicht gleich bei, welchen Rath ich Ihr er-
NORWEGISCHE MÄRCHEN
313
theilt habe;» und als das Mädchen
ihm den gewünschten Bescheid gegeben, fugte er hinzu : «O, so war Sie das ? (und es war ein hübsches, dralles Frauenzimmer), ja, das war ein guter Rath, und ich danke Ihr vielmals für die Butter; aber weder Butter noch sonst was kann mir jetzt helfen ; ich habe einen viel schlimmeren Schwär als Sie damals hatte, denn er sitzt an dem elften Finger.» — «Da steh* Ihm der Himmel bei! rief das Mädchen aus; ich hab's erfahren, was ein schlimmer Finger ist. Aber kann Er denn nicht den Rath befolgen, Herr Doctor, den Er mir damals gab ?» — «Ja da- mit ist es eine ganz eigene Sache, sagte jener; ich habe kein solches Geräth wie Sie.» — «Ich kann Ihm ja meins leihen,» ver- setzte das Mädchen, und der Doctor nahm das Anerbieten auf das Bereitwilligste an. Er lieh sich ihr Geräth und benutzte es unverzüglich aufs allerbeste. «So, so, nun wird's besser am Finger, stöhnte das Mäd- chen; ich fühle dass der Schwär aufge- gangen ist»
Als sie nun wieder nach Hause
kam, er- zählte sie der Mutter von Anfang bis zu Ende wie alles gegangen war und bildete sich was darauf ein, dass sie sogar dem
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NORWEGISCHE MÄRCHEN
Doctor selbst von seinem Schwur
geholfen, den er am elften Finger hatte, was ihr wol kein anderer nachmachen könnte. «Der Himmel stehe uns bei! rief die Mutter aus und schlug die Hände über dem Kopfe zu- sammen, Kind, du hast ja deine Ehre ver- loren !» — «Was ? die Ehre verloren? antwor- tete die Tochter ; ich scheisse auf eine Ehre, die so nahe am Arsche sitzt.»
IX
DIE FRAU, DIE IHRE EIGENE SCHANDE
OFFENBART 12
Is
war einmal ein junger Bauern- bursche, der in die Welt hinauswollte, um sich sein Brot zu verdienen. So kam er denn zu einem Hüfher. dem er seine Dienste anbot und welchem er auch gefiel, so dass er ihn fragte, was für Lohn er verlange. Er verlange gar keinen Lohn, meinte der Bursche, und nur für den Fall bedinge er sich hun- dert Thaler aus, wenn die Hausfrau ihre
NORWEGISCHE MÄRCHEN
315
eigene Schande offenbare. Darauf
ging der Bauer ohne Weiteres ein; denn so viel er wüsste, hätte er ein braves Weib, sagte er; jedoch bedachte er nicht, dass ein Narr zwei und zwei deren zehn machen. Den nächsten Tag nun fuhren sie zu Walde um Holz zu hauen ; bald aber begann es den Burschen in die Füsse zu frieren, denn es war im Winter, und er hatte nur schlechte Schuhe an, wie er sagte; er wollte daher zurück- kehren und sich seine mit Pelz gefütterten Schnallstiefel anziehen, die auf dem Boden ständen. Das solle er nur thun, sprach der Bauer, er hätte nichts dagegen. Zu Hause angelangt, sagte der Bursche zu der Frau, ihr Mann hätte ihm befohlen, nach Hause zu gehen und sie sowohl wie die Tochter gehörig durchzuknüllen. «Ei was, das sind Possen!» rief die Bäuerin, während die Tochter, obwol gegenwärtig, schwieg. «Ja, kommt nur mit auf den Hügel hinaus, so sollt ihr's wol hören,» erwiderte der Knecht, und als sie hinkamen, schrie er mit lauter Stimme dem Bauern zu: «Ist es nicht wahr, dass ich beide schnallen soll?» — «Ja, gewiss sollst du beide schnallen,» rief jener zurück und war ganz bös, dass er erst gefragt wurde; worauf der Knecht sich an
3l6 NORWEGISCHE MÄRCHEN
die Arbeit machte und, als er
fertig war, die Stiefel mit sich nahm.
Als nun Bauer und Knecht nach
verrich- tetem Tagewerk heimkehrten und beim Nachtessen sassen, nahm die Bäuerin den grössten Theil ihrer Butter und legte ihn dem Knechte auf den Teller mit den Wor- ten: «Das gebe ich dir, du weisst wofür!» Bald nachher folgte die Tochter dem Bei- spiel der Mutter und sprach gleichfalls: «Das geb' ich dir, du weisst wofür!» so dass der Bauer dachte, es müsse wol so Sitte und Gebrauch sein, wenn ein neuer Knecht anziehe und desshalb legte auch er einen Klecks Butter dem Burschen auf den Teller, indem er wie die andern dazu sagte : «Das geb' ich dir, du weisst wofür.» Als die Bäuerin dies hörte, rief sie ganz ver- blüfft : «Potz Sapperment, hat er dich auch geknallt?» — «Nun sind die hundert Thaler mein!» sprach der Bursche.
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3lJ
X
DAS MÄDCHEN, DIE IHRE JUNGFERSCHAFT HÜTEN SOLLTE18
s war einmal ein Mädchen, die zu einer Hochzeit eingeladen war. Da sie nur wenig Verstand besass und ihr noch viel weniger zugetraut wurde, so sagte die Mutter zu ihr, sie solle ihre Jungferschart sorgfältig hüten, denn dies wäre für junge Mädchen bei Hochzeitslustbarkeiten kein leichtes Ding; die Mannspersonen, wenn ihnen erst das Hochzeitsbier zu Kopf ge- stiegen, hätten glatte Zungen und griffen auch ohne weiteres zu. Das Mädchen ver- sprach den Rath der Mutter genau zu be- achten und ging auf die Hochzeit, wo sie sich die ganze Zeit über so vorsichtig be- nahm, dass sie weder zu tanzen noch zu trinken wagte. Ein junger Bursche nun, der ebenfalls auf der Hochzeit war und sie kannte, auch wol Gefallen an ihr fand (denn es war ein tüchtiges Frauenzimmer), fragte sie, warum sie sich so abseits hielte und weder tanzen noch trinken wollte. «Ja, das will ich dir wol sagen, versetzte das Mäd-
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NORWEGISCHE MÄRCHEN
chen, meine Mutter hat mir
eingeschärft, ich solle meine Jungferschart sorgfältig hüten, so dass die bösen Mannspersonen sie mir nicht auf der Hochzeit fortstipitzen könnten.» — «Oh, sprach der Bursche, ist's nichts anderes als das? da brauche ich dir ja blos die Spalte zuzunähen, dann kann die Jungferschaft nicht heraus und du darfst dann tanzen und trinken und dich lustig machen so viel du willst, gerade wie die andern Mädchen.» Ja, darauf ging sie gern ein, und so stiegen sie auf den Heuboden hinauf, wo der Bursche tüchtig drauf los nähte, bis er zuletzt nicht weiter konnte und aufhörte. «Nicht doch, nicht doch, sprach dann das Mädchen, nähe nur immer zu!» — «Ja, aber ich kann nicht mehr,» antwortete der Bursche. — «Und warum kannst du nicht mehr?» fragte sie ungeduldig. — «Ich habe keinen Zwirn mehr,» erwiderte jener. — «Ei was! versetzte das Mädchen, ich fühlte ja eben noch zwei grosse Knäuel.»
NORWEGISCHE MÄRCHEN
310 XI
DER HÄMMLING
s war einmal ein Pastor, ein
solcher
mm Geizteufel, dass er seinem Hof
knecht kein besonderes Bett einräumte und dieser bei der Tochter vom Hause schlafen musste, weshalb er auch immer nur einen Hamm- ling in Dienst nahm. So suchte er denn auch wieder einmal einen solchen und fand zwar viele junge Burschen, die gern bei ihm dienen wollten, allein wenn er sie fragte, ob sie hätten, was alle Männer haben, so antworteten sie natürlich nicht mit Nein, und es wurde deshalb nichts daraus, denn er konnte sie nicht brauchen, wie er sagte. Einer jedoch, der klüger war als die übrigen, merkte endlich, dass er hätte Nein sagen sollen; er lief deshalb bei Seite, drehte seinen Kittel um, und einen anderen Weg ein- schlagend, kam er dem Pastor von Neuem entgegen. Dieser erkannte ihn auch wirklich nicht, sondern fragte ihn wiederum, ob er sich zu ihm verdingen wollte, und weiter, ob er ein Hämmling wäre. «Ja freilich, das versteht sich,» versetzte der Bursche,
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NORWEGISCHE MÄRCHEN
und alsbald war die Sache
abgemacht, wo- rauf er den Pastor stehenden Fusses nach Hause begleitete. Unterwegs fragte ihn der Pastor, wie er hiesse. «Ich muss mich fast meines Namens schämen,» antwortete der Bursche. — «Seines Namens braucht sich Niemand zu schämen,» erwiderte der Pastor. — «Das habe ich wol auch sonst schon ge- hört, sprach jener, und da der Herr Pastor es durchaus wissen will, so muss ich es ihm freilich sagen, obwol es gerade kein hübscher Name ist; ich heisse Pint.» — «Das ist aller- dings kein hübscher Name, bemerkte der Pastor; aber wir brauchen ihn ja nicht zu Jedermanns Kenntniss zu bringen, und man wird dich im Hause bloss 'den Knecht' nennen.»
Als nun der Bursche in die Küche
kam,, fragte ihn die Pastorin vor allen Dingen, wie er hiesse. «Ich muss mich meines Na- mens schämen,» antwortete jener. — «Seines Namens braucht sich Niemand zu schämen, versetzte die Pastorin, und wir müssen wissen, wie du heissest, wann wir dich zum Essen rufen sollen.» — «Freilich hübsch ist mein Name nicht, sprach der Bursche; da aber die Frau Pastorin es durchaus wissen will, so muss ich ihr wol sagen, dass ich "Meine-
KORWEGISCHE MÄRCHEN
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fût (Meine Fut) heisse. — «Du hast
aller- dings Recht, bemerkte die Pastorin; es ist gerade kein schöner Name, doch können wir dich ja für gewöhnlich 'den Knecht* nennen.»
Nachdem die Mutter fortgegangen
war, kam die Tochter vom Hause in die Küche gerannt, um sich den neuen Knecht anzu- sehen und seinen Namen zu erfahren; auch kann man sich über ihre Neugier nicht wundern, denn sie war es ja, die ihn zum Bettgenossen haben sollte. Ja nun,- der Bursche sagte zu ihr, was er zu den Andern gesagt hatte : er schäme sich seines Namens ; bis es endlich herauskam, dass er hiesse 'Vaterkriechaufdiemutter* (Vater, kriech auf die Mutter). Es dauerte nun nicht lange, so lagen Bursch und Haustochter oben auf dem Boden bei einander, und kaum hatten sie sich gelegt, so fing auch alsbald das Bett zu krachen14 an, so dass der Pastor aufhorchte ; denn er lag gerade in der Stube darunter. «Was geht denn da oben vor, Tochter ?» rief er hinauf. — «Nichts, antwor- tete sie; es ist blossVaterkriechaufdiemutter;» und der Pastor mochte fragen so viel er wollte, so bekam er immer dieselbe Ant- wort. «Dummes Zeug! sagte er endlich,
Kqvnrâiixt. I. 21
33»
NORWEGISCHE MÄRCHEN
geh du doch einmal hinauf,
Mutter, und sieh was los ist.»
«Meinefut liegt auf unserer
Tochter,» sprach die Pastorin, als sie auf den Boden hinauf- kam. — «Ja, Vaterkriechaufdiemutter kraut mir meine Fut aufs allerbeste,» sagte die Tochter. — «Kein Wunder, dass sie dich kl deinem Alter kraut,» sprach der Pastor. — «Nicht doch, nicht doch, Vater, es ist ja Meinefut wovon die Rede ist,» rief die Pasto- rin. — «Ich will doch einmal sehen, ob ich dir deinen Rand nicht stopfen kann,» brummte der Bursche vor sich hin und warf die Mutter aufs Bett, worauf er es mit ihr ebenso machte, wie er es mit der Tochter gemacht hatte. «Aber was ist denn das für ein Tummeln undStossen?» rief der Pastor. — «Meinefut kraut mich gar zu prächtig,» versetzte die Pastorin. — «Schämst du dich denn gar nicht, du altes Mensch, dass du im Beisein deines Kindes so sprichst ?» sprach der Pastor. Allein es wurde mit dem Stossen und Krachen immer ärger, so dass der Pastor endlich aus dem Bette sprang und im Schlafrock auf den Boden hinauf- eilte. Er war aber noch auf der Treppe, so sprang auch schon der Bursche zürn Fenster hinaus und weg war er.
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323
Als nun am darauffolgenden
Sonntag die Pastorin und ihre Tochter in der Kirche waren und der Predigt zuhörten, da geschah es, dass letztere den Burschen hinter dem Altar erblickte und darob mit einem Male ganz froh und fröhlich wurde. «Vaterkriech- aufdiemutter steht da hinter dem Altar,» sagte sie. — «Seht, seht, jetzt ist es nicht Zeit solche Reden zu führen,» flüsterte der Pastor und dabei winkte er mit der Hand. Sie jedoch wies auf die Stelle hin, wo der Knecht stand, so dass ihn jener zu sehen bekam und alsbald auf die Kanzel schlug, indem er rief: «'Raus mit dem Pint, ihr Männer alle !» so dass diese ganz verwundert die Augen aufsperrten und nicht wussten, was der Pastor meinte. Wiederum aber donnerte dieser mit der Faust auf die Kanzel und schrie noch lauter, bis endlich die männlichen Glieder der Gemeinde thaten, was sie glaubten, dass sie thun sollten. Da nun hierüber der Bursche hinter dem Altar eine laute Lache aufschlug, sprach die Pastorin : «Jetzt lacht Meinefut», worauf jener antwortete : «Lacht sie jetzt nicht, dann lacht sie wol nimmer!»15
21*
NORWEGISCHE MÄRCHEN
xn
DAS MÄDCHEN, WELCHES LANGE PISSEN
KONNTE
s war einmal ein Kaufmann, der
ein
grosses Grundstück gekauft hatte,
von dem aber ein guter Theil noch ganz wüst lag, und da er nun auch eine Tochter be- sass, welche wunderlang pissen konnte, so machte er mit jedem der zu ihm kam und bei ihm Arbeit haben wollte, den Accord, dass wenn er nicht im Stande wäre, so lange zu graben, wie seine Tochter zu pissen ver- mochte, so solle er ausser der Kost keine andere Bezahlung bekommen; könne er aber länger graben, so würde er dreifachen Tage- lohn erhalten. Da fanden sich nun viele, die es versuchten, aber umsonst; denn gruben sie lange, so pisste das Mädchen noch länger, und dies ging so fort, bis endlich der Kaufmann fast das ganze Grundstück für Essen und Trinken umgegraben bekam.
Endlich jedoch kam da Einer, der
pfiffiger als alle Andern war und meinte, es solle dem Mädchen nichts nützen, wie geschickt sie auch ihre Fut zu gebrauchen wüsste. Er ging daher auf den Accord ein, kaufte aber
NORWEGISCHE MÄRCHEN
325
dann einige Düten Rosinen,
gebrannte Man- deln und Zuckerwerk, worauf er am nächsten Morgen ganz frühzeitig aufs Feld hinaus- ging und die Düte Rosinen unter die Scheu- nenbrücke,16 die andere mit den Mandeln unter einen Stein, die dritte mit dem Zucker- werk unter einen Wachholderstrauch ver- steckte. Um die Frühstückszeit kam nun die Kaufmannstochter und setzte sich auf die Scheunenbrücke, wo sie mit den Arbei- tern, während sie assen, zu plaudern pflegte. Als sie aber sah, wie rüstig der erwähnte Bursche gearbeitet und wieviel er in den ersten drei Stunden gegraben hatte, er- schreck sie ganz gewaltig, aus Furcht, dass sie verlieren könnte und rief ihn in die Scheuer hinein, wo er frühstücken sollte. Er kam also und fing ohne Weiteres zu essen an, bald nachher aber schlug er sich zwischen die Beine und sprach : «Halt's Maul, du Schwätzer ! witterst du nun wieder etwas ?» — «Zu wem sprichst du denn da ?» fragte das Mädchen. — «Es ist nichts, antwortete der Bursche; ich habe hier einen Wahrsager sitzen, der nimmer die Schnautze halten kann, sondern ohne Aufhören schwatzt und sich in jeden Quark mischt.» — «Ei der Tau- send I rief das Mädchen aus, und fügte voll
326
NORWEGISCHE MÄRCHEN
Neugier hinzu : Was sagt er denn
jetzt ?» — «Was er sagt, darum muss man sich nicht kümmern, erwiderte der Bursche ; es ist doch nur tolles Zeug, wenn er auch zuweilen die Wahrheit spricht und das, was er prophe- zeit, eintrifft.» Da wollte sie nun durchaus wissen, was der Wahrsager eben gesagt hatte; denn er könnte doch vielleicht das Richtige getroffen haben, und so theilte ihr denn der Bursche lachend mit, dass unter der Scheunenbrücke eine Düte gebrannter Mandeln liegen sollte. «Da will ich bald wissen, ob's wahr ist!» rief das Mädchen aus und fand auch bald das Gesuchte. «Das ist ja ein wackerer Wahrsager, sprach sie dann zu dem Burschen, den musst du mir verkaufen.» — «Nein, antwortete dieser, für nichts in der Welt gebe ich ihn weg, denn in Freud und Leid weiss er mich zu er- götzen, besonders aber in den langen Näch- ten.» Bald nachher schlug er sich wieder zwischen die Beine, und das Mädchen wollte auch wieder wissen, was los wäre; da er- fuhr sie denn, dass unter einem gewissen Steine eine Düte Rosinen läge, welche sie stracks suchen ging und auch wirklich fand. Als sie nun geschmeckt hatte, wie süss sie waren, so wurde sie noch viel erpichter auf
NORWEGISCHE MÄRCHEN
327
den Wahrsager und bot für
denselben ein gutes Stück Geld; aber umsonst; denn der Bursche wollte ihn nicht lassen. Bald da- rauf verkündete er die dritte Prophezeiung, die gleichfalls in Erfüllung ging, da das Mädchen das Zuckerwerk an dem be- stimmten Orte fand, so dass sie nun wie halbtoll wurde und den Wahrsager durch- aus für jeden Preis verkauft oder aller- wenigstens doch geliehen haben wollte. Vom Verkaufen eines solchen Kleinods könnte nun und nimmer die Rede sein, meinte der Bursche, aber auch es förtzuleihen wäre ihm unmög- lich, er könne es durchaus nicht entbehren.
Während sie nun so dasassen und
mit einander verhandelten, sagte mit einem Male das Mädchen: «Es ist doch wirklich arg! da haben wir nun mancherlei gute und süsse Sachen gegessen, aber der arme Wahrsager hat gar nichts bekommen; ob er vielleicht - hungrig oder durstig ist ?» — «Das sollte ich fast glauben, versetzte der Bursche, denn wann er Hunger hat, so schwatzt er am meisten.» — «Was giebst du ihm denn ge- wöhnlich zu essen ?» fragte sie weiter. — «ö solehe Sachen, wie die du eben selbst ge- gessen hast, auf die ist er am meisten ver- sessen,» erwiderte jener. — «Könnten wir ihm
328 NORWEGISCHE MÄRCHEN
denn nun nicht etwas von dem
geben, was wir noch übrig haben? fuhr sie fort, denn essen muss ja jeder.» — «Ja freilich, antwor- tete der Bursche, doch isst er nicht auf die- - selbe Weise wie ich und du.» *— «Jeder soll essen und trinken wie es ihm am besten gefällt, sagte das Mädchen; kannst du mir - nicht sagen, wie er es haben will?» — «Frei- lich kann ich das sprach jener; aber es ist schwer für ein Mädchen es ihm recht zu machen; denn er isst sich nicht satt, wenn er nicht gehörig an einem Tisch essen kann, und dieser Tisch muss der Leib einer reinen Jungfrau sein.» — «Ist es weiter nichts, was er braucht, erwiederte sie, so soll er nicht hungrig bleiben, sondern sich vollständig satt essen, und zwar auf meinem eigenen Leibe.» Sie streute sich alsdann einige Ro- sinen und Zuckerwerk auf, so dass der Wahrsager unverzüglich anfing nach ihnen auf dem glatten Tisch umher zuspähen und umherzufahren, und hier tippte und da bohrte, bis er-endlich unversehends unten in die Grube purzelte. «Was ist denn das ?» fragte sie. — «O nichts besonderes antwor- tete der Bursche; es ist ihm bloss eine Ro- sine unten hineingefallen und die will er sich wieder herausholen.» — «Lass ihn nur
NORWEGISCHE MÄRCHEN
329
hineinkriechen, so tief wie er
will, er mag wol sehr hungrig sein,» sagte das Mädchen und Hess den Wahrsager suchen und weiter- essen, so lang wie er wollte und konnte, bis er satt war, worauf das Mädchen ganz froh und fröhlich wie eine Königin nach Hause kehrte.
Der Bursche grub an diesem Tage
nicht weiter, weshalb der Kaufmann, als er mit seiner Tochter des Abends aufs Feld hinaus- kam, alsbald sagte: «Oho, lieber Freund, du verlierst, und kannst das Spiel nur gleich aufgeben.» Allein der Bursche meinte, die Sache wäre keineswegs ausgemacht, und das Mädchen solle nur immer anfangen. Das that sie denn auch, aber es dauerte nicht lange, so hatte sie ihren Vorrath durch die jetzt grösser gewordene Oeffnung fort- gepisst «Oho, rief nun seinerseits der Bursche; ich habe das Spiel gewonnenI» So erhielt er denn die dreifache Bezahlung von dem Kaufmann, und da dieser wol merkte, wie die Sachen standen, gab er seiner Tochter nicht nur den Burschen, son- dern auch noch obendrein den Wahrsager. **
INHALT.
r t Seite.
I. Die
Landmaus und die Wassermaus auf der
Reise.............. 293
II. Der
Vorkoster........... 295
III. Eine
gefahrliche Klemme........ 298
IV. Der
Pint und die Schuhsohle...... 301
V. Die Hochzeit auf
Velkje......... 303
VI. Waffeln backen........... 305
VII. In den Himmel auf meines
Mannes Pint . 307
VIII. Der schlimme
Finger......... 310
IX. Die Frau, die ihre eigene
Schande offenbart 3x1 X. Das Mädchen, die ihre
Jungferschaft hüten
sollte.............. 317
XI. Der Hämmling . .'......... 319
XII. Das Mädchen, welches lange
pissen konnte 334
ANMERKUNGEN
ZU DEN
NORWEGISCHEN MÄRCHEN.
1. Ist
in Valders aufgezeichnet, findet sich aber auch in Gudbrandsdal und anderen Distpicten. Vgl. oben Contes russes No. VII.
2. Dies
Märchen hat man auch in Schlesien erzählen hören, doch trat darin statt der Landmaus ein Mistkäfer und statt der Wassermaus ein Frosch auf.
3. Aus
Nidre in Valders.
4. Auch
dies Märchen hat man in Schlesien ge- hört; der Hauptsache nach war es aber schon im
13. Jahrh. in Deutschland
bekannt; s. das von Keller in den Altdeutschen Gedichten
Nr. 4
(Tübingen 1861) herausgegebene Fragment *Der Knecht Huvor*.
5. Aus
Nidre in Valders.
6. Vgl.
Mannhardt, Wald- und Feldkulte. Berlin 1875.
I,
95
Anm.
7. Vgl.
Asbjörnsen, Norske Folkeeventyr. Ny Säm- ling. Christiania No. 96.
«Mumie Gaaseaeg» p.
181.
8. Erzählt
vom Schneider Lars Larsen zu Rone- Strand in Greven, Hardanger.
9. Aus
Andel en in Ringerige.
10. Vgl.
oben Contes russes No. XXXII.
11. Allgemein
bekannt ; hier aus Valders. Vgl.
Cent
ANMERKUNGEN
Ntwv.
Nouv. No.
95
«Le doigt du moine guéri» und dazu Leroux de Lincy; ferner Ebert's Jahrb. f. rom. u. engl. Litt, i, 317
No.
29.
12. Aehnl.
Schwanke bei Oesterley zu Pauli Schimpf u. Ernst, Kap. 646
; füge hinzu ein madagaskarisches Märchen im Archiv f. Litteraturgescb. 10, 113 und vgl. oben Contes russes No. XLIII u. XLV.
13. Auch
in Deutschland bekannt.
14. Ueber
dieses Krachen s. Bartsch's Germania XXIV, 21
ff. «Die krachende Bettstatt».
15. Obiger
Schwank ist aus Hallingsdal; übrigens findet er sich noch in vielen andern Gegenden und in verschiedenen Versionen. In dem Wochenblatt Dölen ist eine solche mit Weglassung alles Anstössigen aus Nannestad mitgetheilt, natürlich aber auch das humo- ristische Element dabei ganz verloren gegangen.
16. Eine
erhöhte Auffahrt zum Scheunenthor.
17. Aus
Tölen; eine andere Version erzählte ein Matrose am Bord der Corvette Örn auf einer Fahrt im Mittlandischen Meere im Jahre 1850
und wonach laut Accord der Gewinner dem Verlierenden drei rothe Riemen sollte aus dem Rücken schneiden dürfen. — Vgl. übrigens Contes russes
No. XLVI.
In Betreff der eben erwähnten
drei rothen Riemen s. E. Cosquin, Romania 7,
558—63 Anm. zu No.
36
der Contes lorrains ; vgl. Reinh. Köhler in der Ztschr. f. rom. Philo!. 3, 157.
TROIS CONTES PICARDS
!
LA PRINCESSE QUI PISSE PAR DESSUS LES
MEULES
§n
paysan mourut laissant trois
fils. De retour chez eux après _ l'enterrement de leur père, les trois jeunes gens se con- certèrent Le défunt n'était pas riche et il ne laissait à ses fils que sa maison et une petite pièce de terre. Après avoir bien dis- cuté, x>n convint que rainé abandonnerait la maison et le champ à ses deux frères et qu'il irait par le monde chercher fortune. S'il réusissait, il reviendrait aussitôt trouver
334 CONTES
PICARDS
ses cadets pour leur faire
partager sa bonne chance, mais s'il n'était pas de retour dans un an et un jour, le deuxième frère par- tirait à sa recherche. Ceci bien entendu, Faîne embrassa ses frères et s'éloigna. A la sortie du village, il trouva deux routes. Dans son embarras, il jeta en l'air un liard qui tomba face — c'est ainsi qu'il se décida. Il marcha longtemps sans rencontrer autre chose que des auberges et des fermes où il passait la nuit pour reprendre sa route le lendemain. Enfin, après quinze jours de marche il arriva devant un château magni- fique.
«Ce sera peut-être ici que je
trouverai la fortune,» se dit-il. «Entrons dans ce châ- teau et demandons y du service.»
Mais toutes les places étaient
prises. En s'en allant, il rencontra le propriétaire du château, qui était le roi du pays. A la de- mande du roi, le jeune homme lui raconta pourquoi il se trouvait dans la contrée.
«Je n'ai pas d'emploi à te donner
dans mon palais ; mais j'ai quelque chose de mieux à te proposer. J'ai une fille comme on n'en voit nulle part. Elle pisse par dessus les plus hautes maisons. Tous les médecins que j'ai appelés n'ont pu la guérir et c'est dorn-
CONTES PICARDS
335
mage car elle est de toute
beauté. Si tu peux l'empêcher de pisser par dessus les meules que tu élèveras, ta fortune sera feite; je te la donnerai en mariage. Sinon, tu iras rejoindre dans leur prison les imbéciles de médecins et de charlatans qui ont essayé avant toi de réussir dans ce que je leur ai proposé. Tu as bien compris. Vois si tu te sens capable d'arriver à ce résultat»
Le jeune homme réfléchit quelques
in- stants et accepta la proposition du roi. Ce dernier le ht entrer au palais et, après lui avoir donné un habit de médecin, le ht dîner avec sa femme et sa fille. La princesse était mer- veilleusement belle et le paysan ne pouvait rassasier sa vue de tant de perfections. On lui donna un appartement au château en attendant le jour de l'épreuve.
Dès le lendemain, le jeune
aventurier, choisit un vaste champ et y fit apporter cinq ou six cents voitures de foin. Puis il prit cent paysans et leur fit élever une énorme meule.
«Si la princesse réussit à pisser
par dessus ce tas de foin,» pensait-il, «j'y perds ma raison.»
Et il alla dire au roi que sa
meule était prête. Le lendemain, la princesse arriva et
3j6 CONTES
PICARDS
se mit à rire en voyant la meule.
Elle releva sa robe et pissa bien au-dessus de l'énorme tas de foin. Le jeune homme resta atterré. Sur l'ordre du roi, on le saisit et on
ren- ferma dans un souterrain
avec les médecins qui avaient tenté l'aventure avant lui.
Un an et un jour après le départ
de son frère aîné, le deuxième frère partit à son tour et prit le chemin suivi par son aîné un an auparavant. Après avoir marché quinze jours, il trouva le château dans le- quel il entra pour demander une place de domestique. Le roi le vit et lui fit la même proposition qu'au frère aîné. Il accepta. Bien reçu par la famille de la princesse, il se voyait déjà le gendre du roi et bâtissait projets sur projets pour l'avenir. Il choisit une vaste plaine et y fit apporter six mille voitures de foin. Puis il prit mille ouvriers et leur fit élever la meule.
Le jour suivant, la princesse
vint auprès de la meule, partit d'un grand éclat de rire,
releva sa robe et___pissa bien
plus haut
que la meule.
Et le deuxième frère alla
rejoindre son aîné dans le souterrain qui servait de prison dans le palais du rot.
337
Le cadet de la famille s'ennuyait
fort de ne pas voir revenir ses deux frères.
«Pour sûr, il leur est arrivé
malheur dans leur voyage,» se disait-il. «Ce serait mal à moi de ne pas partir à leur recherche et de ne pas les aider s'ils sont dans le mal- heur! Il quitta donc le village à son tour. Le hasard lui fit prendre la même route que ses frères et il arriva devant le palais du roi qui retenait prisonnier ses deux aînés. Il entra au palais, vit le roi et accepta la proposition qui lui fut faite.
Au dîner il trouva la princesse
adorable et la princesse le trouva charmant II s'en aperçut et résolut d'en tirer parti. La nuit il ne ht que rêver à la princesse et il se réveilla de grand matin. Il put réfléchir alors tout à son aise.
«Tout de même», se dit-il, «si je
par- venais à dépuceler la princesse avant l'é- preuve; elle ne pisserait peut-être* plus aussi haut Je suis sûr que tout dépend de sa virginité. Je vais essayer de ce moyen.*
Le jour venu, il se leva et alla
se pro- mener dans le parc du château.
La princesse n'avait pu dormir de
toute la nuit. La figure du jeune homme lui trottait par la tête. Elle s'était levée au
KçvTjrâSia.
i. 22
point du jour et était allée se
promener dans le parc où elle rencontra le paysan.
Ce dernier ne laissa pas échapper
l'oc- casion ; il s'avança vers la jeune fille et lui dit qu'il se mourait d'amour pour elle. La princesse se laissa facilement persuader et une heure après elle avait perdu sa vir- ginité. Elle rentra au palais; le paysan se promena jusqu'à l'heure du déjeuner et rentra comme si de rien n'était
Puis dans l'après-midi, il fit
conduire une simple voiture de foin dans un coin du parc et dit au roi qu'il était prêt pour l'épreuve.
Quand le roi accompagnant sa
fille arriva près de la petite meule du jeune homme il s'écria que l'épreuve n'était pas sérieuse et il lui conseilla de construire une meule bien plus haute. Mais le paysan affirma que le tas de foin suffisait et le roi dit à sa fille de pisser.
Qui fct étonné? Ce fut le roi et
la prin- cesse quand celle-ci ne parvint qu'à pisser dans ses basr tant le charmant endroit où le jeune homme avait travaillé avec la jeune fille d'étroit était devenu large.
Jugée si le paysan fut satisfait!
La prin- cesse, sans le laisser voir était tout aussi joyeuse. ISt le roi dut donner sa fine au
CONTES PICARDS 339
jeune homme. Les noces furent
splendides et les jeunes paysans devenus princes vé- curent depuis fort heureux.
Cvnti en 1882, en Picardie.
II
JEAN CATORNOIX*
^'était
il y a déjà longtemps. Un
soi- _dat, nommé Jean, se trouva n'avoir
qu'un sou le jour d'une fête. Ses
camarades plus riches étaient partis de ci, de là en quête d'aventures, et il était resté seul avec son unique sou devant la porte de la ca- serne.
«Que faire d'un misérable sou ?»
se disait- il. «Je vais passer une triste fête. <Jtfoi faire;, mon Dieu?»
A tout hasard^ il marcha par la
ville son sou dans la main, et il finit par rencontrer une marchande de noix.
«Combien vos noix, la bonne
femme?»
— «Dix pour un sou.»
Cad.
Jean quatorze Noix.
22*
340 CONTES
PICARDS
— C'est
trop cher. Donnez-m'en qua- torze.»
— «Ce
m'est impossible. Je n'y gagnerais rien.»
— «Alors,
au revoir.»
— «Allons,
prenez-en quatorze tout de même, mais n'en parlez pas.»
Jean choisit quatorze noix et
donna son sou à la femme. Puis il reprit sa prome- nade. Il arriva sur le boulevard et avisant un jardin ouvert, il y entra et alla se placer sous un berceau où se trouvaient une table et un bac. Il mit deux noix sur la table et s'amusa à les casser avec son membre.
A une fenêtre voisine, une
servante ar- rosait des fleurs. Elle vit le manège du soldat et courut prévenir sa maîtresse.
«Mais c'est impossible,
Catherine.»
— «Je
vous assure que c'est vrai, Ma- dame.» , '
J
La dame se mit à la fenêtre et le
soldat, prenant une noix, la dassa'avec son doigt cette fois. . t'
y
«Quand je te disais, Catherine,
que ce n'était pas vrai F»
— «Voulez-vous
que je fasse venir le soldat ?»
34i
— «Tout
de même. Va le prier de monter.»
* La servante courut chercher le
casseur de noix et l'introduisit près de la jeune femme.
«Vous cassez les noix avec votre
membre, à ce que m'a dit la servante. Est-ce vrai ?»
— «Non,
Madame, mais avec le doigt.»
— «Vous
voulez me tromper. Allons, avouez.»
— «Eh
bien, c'est vrai tout de même; mais je n'osais pas____»
— «C'est
bon; c'est boni Vous devez avoir un fameux instrument pour donner de tels coups. Je l'essayerais bien volontiers.»
— «A
votre service, Madame. Je n'ai pas le sou et si vous voulez essayer de mon casse-noix, je vous le prêterai à quarante sous du coup.»
— «Entendu,
entendu. Allons nous cou- cher.»
Le soldat et la femme se
couchèrent. Ils venaient d'achever le quatrième coup, quand on entendit: pan, pan à la porte.
«Ah Dieu! c'est mon mari, le
capitaine! Cachez-vous sous le lit.»
Le soldat prit ses vêtements et
se blottit sous le lit. Puis la femme alla ouvrir.
342 CONTES
PICARDS
«Pourquoi es-tu couchée à cette
heure? Ce lit est tout sens dessus dessous. Tu étais avec un homme. Il doit se trouver dans le lit.»
Et prenant ses pistolets, le
capitaine les déchargea dans le lit.
Puis il laissa là sa femme et
s'en alla persuadé qui il avait tué l'homme.
Dès qu'il fut parti, Jean
Catornoix quitta sa cachette et reprit la partie avec la femme. Il alla jusqu'au dixième coup et reçut un louis.
Mais à l'appel xlu soir, Jean
manqua. Quand il rentra à la caserne, son capitaine lui demanda la cause de ce retard.
«Oh! ne m'en parlez pas! J'ai
joué un joli tour à l'un de vos camarades. J'étais couché avec sa femme — qui me donne quarante sous du coup, s'il vous plaît! — lorsque le mari est rentré, je me suis caché sous le lit; le capitaine a tiré dans le lit et a cru me tuer. Puis il est parti.»
— «Reverras-tu
cette femme?»
— «Parbleu;
on ne trouve pas tous les jours des femmes qui vous donnent quarante sous du coup. J'irai demain.»
— «C'est
bien; cela m'amuse. Je te donne congé pour demain.»
343
Le lendemain, Jean Catornoix,
retourna chez la jeune femme qui l'attendait avec impatience. On se mit au lit, mais au deuxième coup, le capitaine — celui de Jean justement — cognait à la porte.
Le soldat prit ses habits et se
cacha dans l'armoire.
«Cette fois encore, il y a un
homme icil Si je Tai manqué hier; il n'en sera pas de même aujourd'hui.»
Et le capitaine tira deux coups
dans le lit et deux coups sous le lit.
«Cette fois, il est tué! je
retourne à la caserne.»
Le capitaine parti, Jean
Catornoix sortit de sa cachette, se recoucha avec la femme et ne la quitta qu'après avoir gagné son louis*
Et au retour, le capitaine, tout
étonné de le revoir vivant, lui demanda comment il avait passé sa journée.
«Oh ! de la façon la plus
charmante, mon capitaine. Je finissais à peine mon deuxième coup, quand le mari arrivant, je n'eus que le temps de me fourrer derrière l'armoire. Le capitaine tira des coups de pistolet dans le lit, sous le ht et laissa sa femme croyant m'avoir tué. Demain, cela ne m'empêchera pas de coucher encore avec sa femme si
344
CONTES PICARDS
vous me donnez la permission de
la jour- née.»
— «Je
te l'accorde avec plaisir, Jean.» Comme Jean Catornoix couché avec la
jeune femme, en était le jour
suivant à son premier coup, le capitaine arriva furieux et frappa à la porte de la chambre de sa femme. Jean se cacha dans la boîte de l'horloge.
«J'ai manqué hier ton amant»; dit
le ca- pitaine à sa femme. «Cette fois, je le tiens.»
«Et il se mit à tirer dans le
lit, sous le lit et dans l'armoire.
«Je retourne à la caserne, me
voilà dé- barrassé pour tout de bon!» s'écria joyeux le pauvre mari cocu, en s'éloignant.
Le capitaine ne pouvait en croire
ses yeux quand il vit le soldat rentrer joyeux à la caserne.
«Eh bien, Jean, le mari ne t'a
donc pas surpris avec sa femme!»
— «Oh,
que si! mon capitaine. Seule- ment je m'étais caché dans la boîte de l'hor- loge et il ne s'en est pas aperçu.»
— «Tu
es un malin compère, Jean, je veux f emmener demain à la chasse.
— «Vous
êtes bien bon, mon capitaine. J'accepterai cet honneur avec plaisir.»
Le lendemain matin, Jean n'eut
rien de
CONTES PICARDS
plus pressé que d'aller trouver
sa maîtresse et de lui recommander de se déguiser en curé et d'aller se promener dans la forêt où le capitaine devait chasser.
Le capitaine était tout joyeux
d'avoir trouvé un moyen d'empêcher Jean d'aller trouver sa femme. Au milieu de la partie de chasse, le capitaine vit un curé qui se promenait dans le bois.
«Tiens, Jean, le bel abbé!»
— «Si
beau, que sauf votre respect, je coucherais bien avec lui.»
— «Tu
plaisantes, Jean.»
— «Vous
croyez ? Tenez, vous allez voir.» Et le soldat rejoignit le prétendu curé,
l'entraîna dans un buisson malgré
ses cris et ... gagna dix francs en un rien de- temps.
Pendant ce temps» le capitaine
riait à s'en tordre les côtes: Quand Jean eut laissé aller l'abbé, il assura à son capitaine qu'il venait d'éprouver tout autant de plaisir qu'à coucher avec sa maîtresse.
«J'essayerai à la première
occasion, Jean. Voici dix francs pour ce que tu viens de m'apprendre;»
Et le jour suivant, le pauvre
cocu ren- contrant un véritable curé, se jeta sur lui et malgré ses cris, en usa comme avec sa
yfi CONTES
P1CARPS
femme. Mais il n'y trouva pas le
même plaisir, et il vit que Jean l'avait encore joué.
Notre homme avait fini par
envoyer sa femme dans un château éloigné. Le soldat prévenu par celle-ci, alla trouver son capi- taine et lui demanda une permission de huit jours pour rendre visite à ses vieux parents. Le mari vit bien que ce n'était qu'un pré- texte; il fit semblant d'y croire et accorda le congé demandé.
Jean Catornoix n'eut rien de plus
pressé que de se rendre au château. La femme le reçut avec beaucoup de plaisir, et le soir venu, on se coucha. Tout alla bien jusque vers minuit. Mais en ce moment, on frappa à la porte de la chambre à coucher et Jean n'eut que le temps de se blottir dans une malle.
La porte ne s'ouvrant pas assez
vite, le capitaine l'enfonça d'un coup d'épaule.
«Qu'y a-t-il donc, mon mari?» — «Il y a que vous étiez couchée avec ce maudit Jean. Mais je saurai bien m'en dé- barrasser, cette fois. Sortez d'ici; je vais mettre le feu au château. Qu'il se soit caché n'importe où, le feu saura bien l'atteindre.»
— «Mais, vous n'y songez pasl Je
vous assure que j'étais endormie et bien seule quand vous êtes arrivé ...»
i
CONTES PICARDS
347
— Taisez-vous,
et hâtez-vous de des- cendre.»
— «Je
vous en prie, modérez-vous I Laissez- moi au moins emporter les effets de ma fille.»
— «Je
le veux bien. Où sont-ils?»
— «Dans
cette malle. Faites-la descendre.» Le capitaine prit deux des soldats qu'il
avait amenés et leur dit de
descendre la malle et de la porter à la gare. Les soldats en la descendant se disaient.
«Cette malle est bien lourde. Ce
diable de Jean est pour sûr dedans.»
Mais ils se turent.
Bientôt le château brûla et le
lendemain, il n'en restait plus que des ruines.
Le capitaine alla à la gare
voisine avec sa femme et, après avoir expédié la malle à sa fille, élève d'un pensionnat voisin, il reprit le chemin de la ville.
Jean Cafornoix ne se trouvait pas
trop à l'aise dans la malle. Cependant, il se gar- dait bien de remuer.
On porta la caisse au pensionnat
et la jeune fille la fit monter dans sa chambre.
Le soir venu, elle s'enferma bien
et ouvrit la malle comptant y trouver des robes nouvelles ou d'autres cadeaux de sa mère. Mais elle fut fort effrayée en aperce-
348 CONTES
PICARDS
vant l'homme en chemise qui y
était couché. Jean Catornoix se hâta de la rassurer et lui dit que s'il se trouvait dans une telle posi- tion, il s'y était vu contraint pour sauver la femme du capitaine. Il fit tant qu'il obtint la permission de coucher avec la pensionnaire à laquelle il fit passer une nuit charmante. Puis avant le jour, il s'habilla avec les vête- tements du jardinier, et il quitta le pen- sionnat.
A l'appel du soir, Jean Catornoix
répon- dit: Présent. Et le capitaine crut pour de bon que quelque diable protégeait le soldat. Il le mit en prison pour trois mois jugeant sans doute que ce serait autant de pris sur l'ennemi.
Mais un beau jour, il apprit que
sa fille était enceinte et celle-ci lui avoua qu'elle avait couché comme on sait, avec Jean Ca- tornoix après l'incendie du château. Le pauvre capitaine se vit forcé de la marier avec le soldat.
A partir de ce jour, il fut
tranquille et Jean vécut heureux avec sa jeune femme et les nombreux enfants qu'il en eut.*
Conté en 1882, en Picardie.
* Comparer avec le conte de
Balzac : Le moine Amador.
CONTES PICARDS 349
III
LA BAGUE MERVEILLEUSE
[n paysan avait trois fils qu'il avait élevés de son mieux. Les mauvaises récoltes étant venues, le pauvre homme fût réduit à la plus grande misère, Un matin donc, il alla trouver ses trois fils qui travaillaient dans un champ et leur dit dans quelle mauvaise position il se trouvait.
«Il faudrait que Tun de vous se décidât à quitter la maison et à courir le monde pour essayer de rencontrer la fortune.»
— «Ce sera moi!» s'écrièrent à la fois fes trois frères.
,r,?fTTT. «TrQi$, ce serait trop; car quitresterait pour m'accompagner à ma4ernière demeure, si je mourais bientôt? Que Jean, l'aîné, prenne son bâton et une galette de blé, et qu'il s'en aille faire son tour de France. Si, à pareille heure, il n'est pas revenu dans an et un jour, JÇierre^.&on^ça^ ira à^sa recherche.»
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v — «Cçst ceJaU dit l'aîné i'
35« CONTES
PICARDS
— «C'est
cela !» ajoutèrent les deux autres frères.
Jean prit sa galette qu'il plaça
soigneuse- ment dans son bissac et partit avec la béné- diction de son vieux père.
Il ne savait trop de quel côté se
diriger, mais voyant deux hirondelles le précéder, il se dirigea du côté où elles le conduisaient. Jean marcha bien pendant huit jours, s'arrê- tant aux fermes pour y demander un mor- ceau de pain pendant le jour et une botte de paille pour la nuit, et au bout de ce temps, il eut à traverser une grande forêt.
A la sortie de la forêt, il
aperçut une charmante fontaine vers laquelle il se dirigea pour se rafraîchir. Une vieille femme et un jeune homme habillés de noir, étaient assis près de la fontaine. Sans leur parler, Jean se mit à boire et puis après, à manger un morceau de sa galette. Le jeune homme le regardait manger. 1
«Vous vous nommez Jean?»
Tout à cbup la vieille femme:
— «Tiens,
où avez-vous appris mon nomfc»
— «Que
vous importé? Donnez donc à rûdn fus un iriorceaude cette béntie galette que vous mangez maintenant.»
— «Ah!
Ah!«la vieille sorcière ï'Pensez-
CONTES PICARDS 351
tous donc que je sois venu ici
pour nourrir votre fainéant de fils? Pourquoi ne tra- vaille-t-il pasr II pourrait s'acheter de ces bonnes galettes qui lui font tant envie!»
— «C'est bien, c'est bien! 'fai voulu vous éprouver. Vous aurez bientôt à vous re- pentir de votre mauvais cœur.»
Et la vieille femme en noir
s'éloigna avec son fils.
Sans songer davantage à cette
rencontre, Jean acheva son modeste repas et reprit sa route.
A une lieue de là, il se trouva
en face d'un château si beau, si beau, que jamais le jeune paysan n'avait vu chose si mer- veilleuse.
Sur la porte d'entrée du palais,
était écrite en grandes lettres d'or cette inscription :
'Je suis jeune ; je suis riche et
je suis belle. Celui qui parviendra à me contenter sera mon mari.'
«Depuis huit jours que je cherche
la for- tune,» se dit le jeune homme, «je ir*ai rien trouvé. Mais aujourd'hui, je suis récom- pensé. Voilà ce qu'il me faut. Je suis un solide gaillard et je me fais fort de satisfaire la princesse de ce château. Entrons.»
11 fut reçu par une jeune femme
de la
352
CONTES PICARDS
plus grande beauté qui
l'introduisit dans un salon splendide. Le paysan ne savait trop que faire de sa personne au milieu des mer- veilles qui l'entouraient, mais quand vint la fin du dîner que la princesse avait fait ser- vir, il était tout familiarisé avec la jeune fille.
«Voici la nuit,» lui dit la
princesse. «Al- lons nous coucher et nous verrons si tu sauras me contenter. Si tu réussis, tu m'é- pouseras ; dans le cas contraire, mes gardes te couperont la tête.»
— «Entendu! Entendu!»
Et la princesse conduisit le
jeune homme dans une chambre à coucher plus belle en- core que les autres appartements.
D se déshabilla; la princesse en
fit au- tant et tous deux se couchèrent.
Jean se mit aussitôt à la tâche.
La prin- cesse le secondait fort bien. A la première fois succéda une deuxième, puis une troisième, puis une quatrième, puis tant et tant que ni Jean ni la jeune fille ne dormirent de la nuit " et qu'à l'aurore ils se tenaient enlacés comme la veille.
«Voici le matin,» dit le jeune
homme. «Il me semble que je me suis fort bien con-
CONTES PICARDS
353
duit de toute la nuit et que vous
avez lieu d'être satisfaite.»
— «Satisfaite!
Satisfaite! Mais vous rado- tez, je crois. Il m'en aurait bien fallu quatre comme vous pour me contenter 1 .... Gardes!» cria-t-elle.
«Coupez la tête de ce paysan.»
Des gardes entrèrent et coupèrent
la tête du pauvre Jean.
Le frère aîné était parti depuis
un an et un jour et aucunes nouvelles de lui n'étaient arrivées à la cabane du vieux paysan.
A regret, le vieillard donna sa
bénédiction à son deuxième fils et l'engagea à partir à la recherche de Jean.
«Voici une galette d'orge; je ne
puis te donner davantage. Va et retrouve ton frère.»
Pierre sortant du village, vit
deux hiron- delles, suivit leur vol et prit le chemin que son frère aîné avait pris un an auparavant.
Après huit jours de marche, il
arriva à la fontaine et y trouva la femme en noir et son fils.
«Vous vous nommez Pierre ?» lui
dit-elle.
— «Où
diable, sorcière, avez-vous su mon nom ?»
KcvnraSux. l 23
354
CONTES PICARDS
— «Que
t'importe ? Donne donc un mor- ceau de ta galette à mon fils?»
— «Croyez-vous
que je sois ici pour nourrir votre fainéant de fils. Faites-le tra- vailler et laissez-moi manger en paix ma galette !»
— «C'est
bon, c'est bon; vous vous en repentirez, jeune homme.»
La vieille s'éloigna; Pierre
continua son chemin et arriva au même château que son frère.
«Une bonne fortune!» se dit-il en
lisant l'inscription. Et il entra au château où il fut fort bien reçu.
La nuit venue, il se coucha avec
la jeune fille, et toute la nuit il la passa dans des ardeurs qui ne cessèrent qu'à l'aurore.
«Eh bien ! aî-je réussi à vous
contenter,
princesse ?»
— «Vous
vous moquez! mais pas du tout. Il m'aurait fallu trois hommes comme vous pour le moins pour me satisfaire .... Gardes, coupez la tête de ce paysan!
Les gardes vinrent et lui
tranchèrent la tête.
Un an et un jour s'étaient encore
écou-
CONTES PICARDS
355
lés. Jean et Pierre n'étaient pas
revenus. Le cadet des trois frères voulut partir à son tour. Son père essaya de le retenir, mais en vain.
Le vieillard le bénit comme il
Pavait fait pour les aînés et lui remit une galette d'orge et de cendres. La misère était si grande à la maison!
Deux hirondelles encore
indiquèrent à Thomas la route à suivre et il arriva après huit jours à la forêt et puis à la fontaine où il s'arrêta pour se rafraîchir et manger un morceau de sa mauvaise galette d'orge et de cendres.
La vieille femme en noir et son
fils étaient toujours là assis auprès de la fontaine.
«Bonjour Thomas!» dit-elle.
— «Bonjour
la bonne femme. Vous me connaissez donc?»
— «Quelque
peu. Voudrais-tu bien donner un morceau de ta galette à mon fils qui en meurt d'envie?»
— «Très
volontiers! Je regrette seule- ment qu'elle ne soit pas meilleure. Enfin, je la donne comme je l'ai.»
Et il donna à l'enfant le plus
gros mor-
23*
356
ceau de la galette. Le fils de la
vieille femme mangea la galette avec appétit.
«Thomas, tu es un bon garçon. Je
sais que tu cours après la fortune. Voici une bague qui te servira fort pour l'attrapper. A chaque fois que tu diras: Dominus vobiscum, certaine partie de ton corps s'allongera et à chaque fois que tu diras Sursum corda, cette même partie se rac- courcira. Adieu, Thomas!»
La femme et l'enfant partis,
Thomas voulut voir l'effet de la bague et s'aperçut que la vieille n'avait pas menti. Il reprit son chemin et arriva au château où il lut:
'Je suis jeune ; je suis riche et
je suis belle. Celui qui parviendra à me contenter sera mon mari.'
«Bon, Bon!» se dit Thomas; voici
ce qu'il me faut.»
Et il entra au château oû il fut
fort bien reçu comme l'avaient du reste été ses deux frères.
On passa dans la chambre à
coucher et à peine dans le ht, Thomas se mit en de- voir de satisfaire la princesse. Toute la nuit, celle-ci n'eut pas un moment de trêve. On ne cessait la lutte que pour recommencer aussitôt.
CONTES PICARDS 357
L'aurore arrivée:
«Eh bien, princesse, êtes-vous
enfin satis- faite ?»
— «Satisfaite
? mais c'est pour rire ce que vous dites? Deux comme vous n'auraient pas été de trop.»
— «Alors,
je puis continuer?»
— «Oh
oui! tant qu'il vous plaira.»
— «C'est
bien!»
Et à part lui, Thomas dit:
Dominus vobiscumet il sentit l'effet de la bague se produire. Il recommença; la princesse soupira plus fort, mais ne se prétendit pas vaincue.
A la deuxième reprise, grâce à la
bague et à la formule, on aurait entendu la jeune fille se pâmer à l'autre bout du palais. Elle répéta qu'elle n'était pas satisfaite. Cette fois, Thomas dit plusieurs Dominus vo- biscum de suite, et y alla avec tant de vigueur que le membre sortit par la bouche de la princesse.
«Cette fois êtes vous
satisfaite?»
Elle essaya un non, et n'en
pouvant plus, elle s'avoua vaincue. Thomas aussi en avait assez. Les jeunes gens se levèrent et peu après on célébrait leur mariage.
35$ CONTES
PICARDS
A quelque temps de là, Thomas se baignait dans la rivière voisine du château. Ses vêtements étaient déposés sur la berge.
Un curé vint à passer au bord de
la ri- vière. N'apercevant pas le baigneur, il eut l'idée de fouiller dans les poches des habits et il trouva la bague magique qu'il emporta. La bague était fort belle et le curé se la passa au doigt le lendemain pour dire sa messe. C'était un dimanche et l'église était pleine de monde. Tout alla bien jusqu'au premier Dominus vobiscum. Mais là, le curé se demanda ce qui se passait d'extra- ordinaire sous sa soutane. Au deuxième Dominus vobiscum ce fut pis ; puis en- core pis au troisième. On vit bientôt une sorte de boyau étrange qui descendait le long de l'autel, puis suivait la grande allée, sortait par la grande porte de l'église et s'allongeait, s'allongeait indéfiniment. Le pauvre curé était devenu rouge, puis violet, puis bleu. Les femmes s'enfuyaient; les en- fants, puis les hommes suivirent. Le saint homme quitta l'église et aidé de sa servante rentra au presbytère avec la queue d'un nouveau genre qui venait de lui pousser. On appela médecins sur médecins pour guérir le curé. Aucun ne réussit. Si par
CONTES PICARDS
359
aventure, Thomas n'avait appris
l'affaire, la queue serait restée au prêtre. Thomas se fit rendre la bague et à force de dire Sur- sum corda guérit le curé qui fut heureux comme bien vous le pensez.
Conti en 1882, en Picardie.
DEVINETTES ET FORMULETTES BRETONNES.
I
Divinet d'eno^h petra hen deuz baro na n'euz ket a chink, hen deuz muzellou na n'euz ket a zent.
— Moudenn.
Devinez ce qui a de la barbe et
pas de menton, des lèvres et pas de dents.
— Cunnus.
II
Pehini ann dra a gouenv hag a
astenn pa hen deuz naoun?
— Ar vitouzenn.
DEVINETTES ET FORMULETTES
361
Quelle chose gonfle et s'allonge
quand elle a faim?
— Le membre viril.
m
Laket ho tourn war he reor,
rodellet he vleo ha gwelet hag arm toul a blîj d'ehoc'h.
— Eun
tok.
Tâtez-lui le cul, maniez lui le
poil et voyez si l'entrée vous convient.
— Un
chapeau.
IV
Toull ma reor ha me
Oa gret ho daou er memez de.
Ha va sutel ha va ialc'h
Oa gret ho daou en de warlarc'h,
Hag emoun abaoue O c'hoari gant anezhe.
Le trou de mon cul et moi,
Tous les deux ont été faits le
même jour;
362
DEVINETTES ET FORMULETTES
Mon sifflet et ma bourse
Ont été faits, tous les deux, le
jour suivant,
Et je suis, depuis lors, A jouer avec eux.
V
Janned ar Wiz ha Iann ar
C'houezegel A zo et d'ann Oriant da ziski ar brezel. Disadorn da noz, deuz ann eil zizun d'eben, E krogas ann tan en kaezourenn va den, Braoa kaezourennik am euz gwelet biskoaz. En eur ober eun eur a oa 'n em gavet poaz ; Me oa et da glask dour e-leac'h ne oa ket, Gant eur goz ribot toull hag eur pot direoret.
Jeannette la Truie et Jean la
Vessie
Sont allés à Lorient pour
apprendre (à faire)
la guerre. Samedi soir, d'une semaine à l'autre, Le feu prit dans la partie poilue du ventre
de mon homme, Le plus beau petit morceau que j'aie jamais vu. Dans l'affaire d'une heure il s'est trouvé cuit; J'étais allée chercher de l'eau où il n'y en
avait mie,
Avec une vieille baratte percée
et un pot v défoncé.
DEVINETTES ET FORMULETTES
363
VI
Petite historiette qui se débite
en breton.
Une fillette, qui marchait sur
ses quinze ans, préparait un jour de la bouillie, quand le feu prit dans son tablier. Il arriva que, pour réteindre, elle releva ses jupes plus haut que d'habitude et aperçut sur elle quelque chose qui la remplit d'épouvante. — Mère, ma chère mère, s'écria-t-elle, venez vite ici, voilà que je tourne en bête ! Voyez donc tous ces poils qui me poussent au bas du ventre!
— Pas tant de bruit, ma fille, et
remuez votre bouillie ; toutes, tant que nous sommes, nous en avons chacune une poignée.
TABLE DES MATIÈRES
Avis du Comité de direction du
Recueil des
Kçv7irâSia............V—XII
Contes secrets traduits du russe...... i
Table.............. a88
Anmerkungen........... 291
Norwegische Märchen und Schwanke
.... 393
Table.............. 330
Anmerkungen........... 331
Trois contes picards .......... 333
La princesse qui pisse" par
dessus les
meules............. 353
Jean Catornoix.......... 339
La Bague merveilleuse....... 350
Devinettes et formulettes
bretonnes..... 361
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