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КРЇПТАДІА
VOL. X.
Tiré à 175 exemplaires numérotés à la main
№..........
KPYflTÂA1A
BECÜEIL DE DOCUMENTS POUB SEBVIB
À L'ÉTUDE
DES TBADITIONS POPULAIBES
VOL. X.
PARIS
H. WELTER, ÉDITEUR
4, BUE BEBNABD-PALIS8Y, 4
1907.
Tous droite réservés.
ХлЧ;/
MAY 11 1907
du
Contes secrets! c'est bien le titre qui con-
vient à ces gauloiseries de haut goût, dont
le récit ne se fait qu'en très petit comité, et
entre hommes, inter poctda.
Que de difficultés n'éprouve-t-on pas pour
colliger cette branche de la littérature orale
populaire !
„Bien des fois, écrit l'un de nos collabora-
teurs au présent recueil, nous avons rencontré
des conteurs rustiques dont le répertoire était
abondant, mais qui refusaient obstinément de
nous livrer la moins graveleuse même de leurs
historiettes parce qu'ils ne nous connaissaient
point: ils redoutaient de nous donner une mau-
vaise impression des mœurs à la campagne.
D'autres, qui nous connaissaient, craignaient
que les contes qui provoquent toujours les gros
éclats de rire des auditeurs ne fussent livrés à
l'impression. Les uns et les autres demeuraient
bouche close, et, pour faire cesser leur mutisme,
nous avions recours alors à un procédé qui
réussissait presque toujours: nous racontions
quelques historiettes croustilleuses; les langues
se déliaient et nos auditeurs rectifiaient notre
récit, nous fournissant ainsi une variante. Leur
silence étant rompu, ils nous narraient ensuite
d'autres contes que nous ignorions; très sou-
vent, nous devions subir le récit de balivernes
>
VI
et de fadaises qui n'avaient aucun sens. Parmi
les centaines de contes qui se débitent sur le
territoire picard, il faut en défalquer un grand
nombre qui ne signifient rien, et négliger aussi
ceux d'introduction ou d'origine trop récente/
C'est à la campagne, aux paysans illettrés,
qu'il faut aller demander ces contes de „haulte
graisse". D'ailleurs, c'est à cette source in-
tarissable qu'ont été puiser les La Fontaine et
autres conteurs libertins des dix-septième et
dix-huitième siècles. La Picardie fournissait
surtout à ces époques un grand nombre de
domestiques des deux sexes à la capitale ; c'est
de leur bouche que les auteurs licencieux
tenaient ces historiettes égrillardes qu'ils ont
ensuite mises en vers en en accentuant la
portée par l'art des sous-entendus.
Du douzième au quatorzième siècle, un grand
nombre de trouvères picards ont versifié une
quantité considérable de fabliaux dont cent
cinquante environ seulement nous ont été
transmis sous cette forme par les scribes du
moyen âge. Mais ce n'est qu'une infime partie
des contes à rire propagés par les ménestrels
et les jongleurs; c'est par la tradition orale
que le reste s'est transmis jusqu'à nous.
Ce sont ces contes qu'un groupe de tradition-
nistes, curieux des choses du passé de leur
province, ont recueillis sur tous les points de
la Picardie. Quoique abondante, notre moisson
est incomplète; il reste encore beaucoup à
vn
glaner, mais il fant se hâter, car le tradition-
nisme va chaque jour en s'affaiblissant; chaque
vieillard qui disparaît emporte avec lui quel-
ques parcelles de traditionnisme.
Б ne faut point que Гоп se méprenne sur
le but poursuivi par les auteurs de ce recueil;
ils n'ont pas obéi à un sentiment pornographi-
que comme pourraient se l'imaginer les esprits
superficiels qui, tout en faisant leurs délices
des œuvres erotiques, traitent leurs auteurs
favoris d'êtres immoraux. Nous avons voulu
simplement faire œuvre de traditionnisme et
apporter notre pierre au monument élevé par
les hommes émineuts qui ont conçu l'œuvre
gigantesque des Kryptadia. Nos collabora-
teurs se sont inspirés de l'esprit qui a présidé
à l'éclosion de cette collection.
Notre recueil, qui ne s'adresse qu'à un très
petit nombre de lettrés, est de ceux qui doivent
rester dans „l'enfer" des bibliothèques des
traditionnistes et des critiques littéraires; ces
derniers trouveront là un ensemble de docu-
ments populaires propres à les aider à élucider
l'origine d'une partie de la littérature qui
va des fables milésiennes à la littérature
médiévale.
Déjà, au moyen âge, les auteurs des fabliaux
s'étaient fait qualifier de ^ministres du diable",
ministri scilicet diabolL Mais il faut recon-
naître qu'en ces temps reculés chaque chose
était appelée par son nom, et Гоп ne voyait
УШ
aucun mal à nommer ce que Dien a fait, sui-
vant la remarque d'nn écrivain de cette époque.
C'est beaucoup plus tard que Гоп a eu recours
aux tournures de phrases, qui, sous des dehors
décents, cachent la pensée la plus licencieuse.
Les paysans de nos jours ont gardé cette
même ingénuité de langage. N'ont point des
mœurs dépravées ceux qui débitent les contes
les plus grossiers, les plus obscènes, et ceux
qui se complaisent dans l'audition de ces ré-
cits libidineux.
En insistant plus longuement sur ce point,
nous croirions faire injure au petit nombre
de lecteurs à qui s'adresse le recueil que nous
avons formé à leur intention.
Nous avons établi trois classes distinctes
dans cette sorte de corpus. La première
division, contenue tout entière dans le tome
premier, comprend les contes licencieux propre-
ment dits. Le tome second renfermera les
deuxième et troisième groupes, qui se com-
posent des contes scatologiques et des contes
dont les héros sont des personnages bibliques
ou des membres du clergé régulier et du
clergé séculier. Les propagateurs des contes
de cette dernière série étaient surtout les
moines et les curés ; c'est principalement dans
les localités qui possédaient jadis une abbaye
et dans les lieux environnants que cette branche
de la littérature orale populaire est de nos
jours encore la plus riche. L'Éditbub.
Bontés picards.
1. Précocité.
Un petit garçon de six ans avait été con-
duit à la campagne chez »es grandsparents
pour y passer la bonne saison. On lui donna
comme camarade de jeux une fillette de son
âge, qui était court-vêtue et avait les cheveux
coupés très courts; elle offrait ainsi l'aspect
d'un garçonnet. Un jour que les deux enfants
faisaient des tas de sable dans le jardin, la
petite fille, prise d'une envie de pisser, s'ac-
croupit dans l'allée et satisfit son besoin. Le
gamin la regarda, et, tout saisi, hü demanda :
— Tu n'as donc pas une cheminée comme moi?
N'ayant point obtenu de réponse, l'espiègle
alla trouver son grand-père et lui dit sur un
ton mystérieux:
— Tu sais, pépère, le petit garçon qui joue
avec moi, il a ..il a ...
— Ба quoi?
— Eh bien, il a un cul de fille.
Kçvnr* X, 1
2
CONTES PICARDS
Quelques jours plus tard, ce petit gamin
arrivait dans la cuisine au moment où sa
grand'mère tenait sur ses genoux sa petite
sœur, âgée de dix mois.
— Dis. mémère, demanda-t-il, pourquoi ma
sœur n'a-t-elle pas de cheminée pour faire pipi?
— Elle n'a pas été sage et on la lui a
coupée pour la donner au chat.
— Moi, je serai toujours sage, mémère,
parce que je ne veux pas qu'on coupe la
mienne: quand je serai grand, je ne pourrais
pas faire dolidodo aux filles.
2. Synonymes.
Un jardinier fit traduire devant le juge un
maraudeur qui lui avait dérobé des citrouilles,
et, de plus, l'avait frappé. Quand la parole fut
donnée à l'avocat du demandeur, il se leva
et dit:
— Messieurs, la cause que je défends est
aussi simple que claire. Mon client se plaint
qu'on lui a volé deux citrouilles, et, en outre,
il accuse l'auteur du larcin de lui avoir donné
un coup de pied sur les couilles....
— Maître, interrompit le juge, je vous
arrête; n'allez pas plus loin, je vous défends
CONTES PI0ABD8
З
de continuer. Le tribunal ne saurait laisser
employer de tels mots. Je vous interdis, d'ail-
leurs, de vous présenter ici avant six mois à
dater de ce jour.
Mais l'avocat, sans se troubler, demanda, sur
un ton doucereux, la permission de dire un
mot pour expliquer qu'il n'avait point eu l'in-
tention de manquer au respect qu'il professait
pour les juges et à celui qu'il devait à la robe
dont il était revêtu.
— Si monsieur le Président veut suspendre
l'arrêt qu'il vient de prononcer contre mon
modeste individu, j'essaierai d'expliquer le mot
malsonnant que je viens d'employer.
Sur un signe de tête du président, qu'il
interpréta à son avantage, l'avocat, relevant
sa manche, reprit:
— Messieurs, si mon client était un gros
négociant, un industriel ou un riche banquier,
je vous aurais dit qu'il avait été frappé dans
les bourses. Si mon client était un savant,
un docteur illustre, je vous aurais dit qu'il avait
été frappé dans les testicules. Si je plaidais
pour un noble, un marquis, un comte ou même
un simple baron, je vous aurais dit qu'il avait
été frappé dans les nobles parties. Si j'avais
pris la défense d'un prélat, d'un moine, d'un
prêtre ou de tout autre ecclésiastique, j'aurais
1*
4
contes picabds
employé ces mots: lee parties honteuses ...
Mais, messieurs, mon client, tous le savez,
n'est qu'un paysan; à la campagne, on appelle
un chat un chat, et personne ne proteste
contre des expressions du genre de celle qui
voue a fait bondir; aussi, je maintiens ce mot
Cette plaidoirie, beaucoup plus longue,
paraît avoir été une merveilleuse improvi-
sation. Aussi, tout l'auditoire, y compris les
juges, rit à gorge déployée: le président était
désarmé. L'avocat se couvrit de gloire; il
parvint ainsi à faire accorder à son client
une forte indemnité.
3. Jeu de mots.
Deux dames très cossues, richement mises,
se trouvaient à table d'hôte dans un des plus
somptueux hôtels de la ville. Au dessert, la
conversation, qui avait roulé jusque-là sur
des banalités, devint plus intime; les deux
interlocutrices arrivèrent à se faire des con-
fidences; l'une d'elles dit à l'autre:
— J'ai d'importantes propriétés à quelques
lieues d'ici qui me rapportent annuellement
de gros revenus; ils suffisent au delà de mes
dépenses. Mes terres et mes prairies sont
contes P1CABDS
5
louées à de bons fermiers, et la coupe de mes
bois se vend toujours fort bien.
Elle se complaisait à faire étalage de sa
fortune. Sa compagne l'écoutait et la féli-
citait.
— Moi, dit-elle quand l'autre se fut arrêtée,
je n'ai qu'une toute petite propriété près de
l'Aisne (Гаіпе), qui ne contient qu'une verge ;
on y plante beaucoup d'asperges, et le com-
merce de ce légume fournit amplement à mes
besoins.
Cette dame était une entretenue haut cotée
dans le monde où l'on s'amuse, qui vendait
ses faveurs à un prix très élevé.
4. Pour les dames.
Un Anglais se trouvant un jour à Amiens
fut pris de certain besoin pressant. Aperce-
vant des water-closet, il se précipita aussitôt
à l'intérieur sans se rendre compte que le
compartiment dans lequel il venait de pénétrer
était réservé aux dames, ainsi que le portait
l'inscription qui se trouvait au-dessus de la
porte. Le gardien de l'établissement courut
.aussitôt prévenir l'insulaire.
6
CONTES PICABDS
— Hé! milord, lui cria-t-il dans le dos, c'est
pour les dames. Sortez donc; les messieurs
n'entrent point ici.
L'autre, continuant sa fonction, ne répondit
pas. Le gardien appela un agent de police,
auquel il fit connaître l'infraction au règlement
dont l'Anglais se rendait coupable. Le sergent
alla aussitôt prévenir celui-ci, disant:
— Milord, c'est pour les miladies, ici.
Le pisseur, se retournant en secouant son
membre, répondit:
— Aoh ! yes, c'est bien pour les miladies ceci.
5. Une leçon de français.
Un Anglais avait traversé le détroit pour venir
en France avec le dessein de se perfectionner
dans la connaissance de notre langue. Il
aperçut un jour dans la rue un chien qui
tournait autour d'une chienne en chaleur et
qui, finalement, grimpa sur elle pour l'accouple-
ment. L'Anglais, qui n'avait rien perdu de
cette scène, arrêta un passant, auquel il
montra du doigt les deux animaux et demanda:
— Comment appelez-vous cela dans votre
langue?
— Nous disons couvrir, répondit l'homme.
contes picards
— Aoh! bien, merci.
Un instant après, l'insulaire entra dans un
magasin, et, chose assez rare chez un Anglais,
en s'adressant à la demoiselle de magasin,
jeune et jolie brunette fort appétissante, il
ôta très poliment son chapeau, qu'il garda à
la main; comme il faisait froid et que le
poêle ne brûlait pas, la jeune fille dit à plu-
sieurs reprises, en insistant la dernière fois:
— Couvrez-vous, monsieur, couvrez-vous.
L'autre, ne comprenant pas le sens de ces
mots en cette circonstance, répliqua vivement:
— Aoh! yes, quelquefoâ, médème.
Et, comme en aparté, à mi-voix, il ajouta:
— Ah! la petite cochonne, si tu voulais
bien te laisser faire, je te couvrirais volontiers.
6. Un veau trop jeune.
Un Parisien, qui se trouvait à la campagne
depuis quelques jours, fit la rencontre d'un
paysan qui conduisait une vache par la corde.
— Où allez-vous donc ainsi? lui de-
manda-t-il.
— Je vais mener ma vache à la ferme pour
la faire saillir par le taureau. Venez-vous
avec moi?
8
contes picabds
— Tiens, c'est une idée, répondit le Parisien ;
je n'ai jamais vu semblable opération.
Quand ils furent arrivés dans la cour de la
ferme, le paysan attacha sa vache à la place
réservée à cet effet. La servante du fermier
fit sortir le taureau de son étable; cet animal,
à la vue d'une vache en chaleur, se précipita
vers elle avec ardeur; il mit tant de fougue
et de brutalité pour la servir que l'opération
fut absolument manquée; toute la nature du
taureau jaillit sur la figure du Parisien, qui
s'était approché très près des deux bêtes pour
bien voir la saillie; il recula aussitôt de quel-
ques pas et dit en s'essuyant avec son mou-
choir de poche:
— J'aime bien le veau, mais celui-ci est
vraiment trop jeune.
7. Un taureau ardent.
Deux Parisiens, le mari et la femme, étaient
venus passer quelques jours à la campagne
chez un gros fermier, leur cousin. Le lende-
main de leur arrivée, au moment de se mettre
à table à midi, la fermière informa ses con-
vives qu'on l'appelait dans la cour à l'instant;
elle les pria de l'excuser, ajoutant qu'elle
contes picards
9
reviendrait dans quelques minutes. La Pari»
sienne, curieuse, voulut connaître la cause de
cette absence; elle interrogea le fermier, qui
lui répondit laconiquement:
— On vient pour Robin.
Cette réponse ne satisfit point la Parisienne ;
elle sortit dans la eour et se mit à la recherche
de la fermière, qu'elle aperçut bientôt à la
porte d'une étable conduisant le taureau &
l'aide d'une longue corde.
— Que faites-vous? M demanda-t-elle.
— On vient pour Robin.
— Qu'est-ce que cela veut dire? Expliquez*
le-moL
— Restez ici; vous allez le savoir.
La fermière se dirigea avec le taureau
vers une vache qu'avait amenée une pay-
sanne.
— Sus! sus! Robin, disait la fermière»
Sus! Robin.
Ainsi excité, l'animal se dressa sur ses deux
pattes de derrière et saillit la і vache en un
clin d'œil. A cette vue, la Parisienne comprit
dès lors que Гоп désignait le taureau sous le
nom de Robin; elle rentra en toute hâte dans
la maison et raconta avec force détails l'acte
dont elle venait d'être témoin et qu'elle
voyait pour la première fois.
10
CONTES PICABDS
A peine se fut-on mis à table que Гоп vint
prévenir la fermière de l'arrivée d'une autre
vache. La Parisienne voulut encore assister
à la saillie; l'opération terminée, elle revint
prendre sa place à table et ne cessa de mani-
fester son étonnement quant à l'ardeur et à
la promptitude avec lesquelles Bobin avait
sailli la vache; elle mettait dans le récit de
cette scène une insistance qui déplut à son
mari, d'autant qu'elle paraissait vouloir établir
une comparaison qui n'était point à l'honneur
de ce dernier. Pour mettre un terme à ce
sujet de conversation, le Parisien parla d'autre
chose; mais sa femme, préoccupée, observa le
plus complet mutisme, ce qui était contraire
à ses habitudes. Bientôt, la fille de cour vint
informer sa maîtresse que sa présence était
nécessaire pour sortir le taureau. La Pari-
sienne tendit l'oreille, et, après le départ de
la fermière, elle interrogea l'amphitryon, qui
répondit:
— On vient pour Bobin.
— Comment, encore? Pourquoi si souvent
que cela à la même heure? demanda la
Parisienne.
— C'est parce qu'à la campagne on est
occupé toute la journée dans les champs en
cette saison; ce n'est qu'aux heures des repas
comtes picards
11
que Гоп peut venir ici; il arrive même sou-
vent que Гоп soit obligé de sortir Bobin cinq
ou six fois pendant notre dîner...
— Tant de fois que cela? Est-ce possible?
dit la Parisienne en jetant un regard dé-
daigneux du côté de son mari. Ab! mais, je
veux encore aller voir cela.
Et elle courut aussitôt pour assister une
troisième fois à un spectacle dont elle ne
pouvait se lasser. A son retour, elle s'écria,
fort agitée:
— C'est incroyable; Bobin a accompli ses
fonctions avec autant d'empressement et de
vigueur que les deux premières fois.
Et, regardant son mari d'un air méprisant,
la Parisienne, faisant la moue, le cingla de
cette ironie:
— D ne se contente pas d'une pauvre fois,
lui, au moins.
Bondissant sous l'outrage, le mari répliqua:
— Ce n'est pas étonnant, il change de mon-
ture chaque fois.
7 a. Yariante.
Deux jeunes gens, un tourlourou et sa payse,
sortirent ensemble un dimanche après-midi et
prirent la direction du bois. Quand ils se
trouvèrent dans les champs, le soldat lutina
12
contes picabds
sa compagne et finit par se montrer entre-
prenant, mais sans succès: la jeune fille ne
lui laissa point dépasser les bornes permises;
il dut se contenter de quelques légères privau-
tés, qui ne firent qu'aiguiser ses désirs. Бв
longèrent une pâture dans laquelle paissaient
des bêtes à cornes. Tout à coup, le militaire
aperçut un taureau qui faisait la saillie d'une
vache; il le désigna à sa compagne, disant
sur un ton d'envie:
— Б a de la chance celui-là que la vache veut
bien de lui, puisqu'elle se prête à ce qu'il lui fait...
Nos tourtereaux continuèrent leur prome-
nade sans que la jeune fille répondît; ils
pénétrèrent dans le bois ...
Au retour, le couple amoureux longea de
nouveau la pâture. La jeune délurée aperçut
le taureau occupé aux mêmes fonctions qu'à
leur premier passage; elle le fit remarquer à
son tour à son compagnon, disant:
— En voici un qui ne se contente pas
d'une simple fois, lui, au moins ...
—- C'est que lui, répliqua le soldat, il
change de vache à chaque fois.
7 b. Yariante*
On raconte aussi qu'une fermière se plai-
gnait de son mari, qui remettait trop souvent
contes PICAED8
IB
à la semaine suivante les devoirs conjugaux
qu'il devait lui rendre. Un jour du mois de
juillet, après le repas de midi, elle alla se
coucher au frais sur un tas de gerbées dans
la grange; la chaleur était étouffante. Le
fermier rejoignit sa femme un instant après.
Etait-ce Feffet de la chaleur? Toujours est-il
que, s'étant approché de sa femme, les plus
ardente désirs de celle-ci reçurent un com-
mencement d'exécution. Mais, au milieu de
l'action, la fermière s'entendit appeler de la
cour; elle se leva vivement et à regret et
sortit de la grange, tandis que son mari pous-
sait un soupir de soulagement. C'était l'un
des voisine, qui, suivant la commune habitude,
amenait sa vache au taureau à l'heure de midi.
L'animal avait à peine terminé sa saillie,
qu'une seconde vache était introduite dans la
cour; puis, il en arriva une troisième. Le
vigoureux Robin opéra successivement deux
nouvelles saillies sans plus d'effort que la
première fois.
De retour à la cuisine, où le fermier était
revenu, sa femme ne tarit pas d'éloges sur les
qualités reproductrices du taureau; et, comme
un refrain, elle ajoutait après chaque phrase:
— La brave bête!... Que d'hommes ne le
valent point !... Trois coups à la file !...
14
CONTES PICABDS
— C'est vrai, répondit le mari agacé, mais
je te ferai remarquer qu'il a changé de vache
chaque fois.
8. Voisin et voisine.
Une femme de la campagne était devenue
veuve après quelques années de mariage; elle
demeurait seule dans sa maison et vivait du
produit de quelques lopins de terre qu'elle
possédait. Elle avait pour voisin un céliba-
taire qui faisait valoir les terres que lui
avaient laissées ses parents. Voisin et voi-
sine vivaient en fort bonne intelligence et se
rendaient mutuellement de petits services. La
femme n'aurait peut-être pas demandé mieux
que de convoler en de nouvelles noces avec
son voisin, mais celui-ci, par timidité ou pour
toute autre cause, demeurait insensible aux
avances qui lui étaient faites. Un jour, la
veuve alla le trouver pour le prier de l'accom-
pagner à une ferme isolée où elle devait
mener sa vache au taureau, parce que sa bête
était difficile à conduire. Le voisin partit de
grand cœur. Chemin faisant, l'entretien roula
sur des banalités: sur les récoltes, sur le beau
temps, sur la pluie; ils arrivèrent ainsi à la
ferme. Quand ils eurent ouvert la porte
contes picabds
15
cochère, ils aperçurent toutes les vaches du
fermier, et aussi le taureau, en liberté dans
la cour. A cette vue, la vache de la veuve,
faisant un violent écart et donnant un fort
coup de tête, s'échappa des mains de sa con-
ductrice et alla se mêler à ses congénères.
Le taureau se trouvait à l'autre extrémité de
la cour; il leva tout aussitôt la tête et aspira
Гаіг à pleins naseaux; prenant sa course, il
traversa le troupeau et alla rejoindre la nou-
velle venue, qu'il saillit à l'instant.
Tout aussitôt, la veuve paya le prix de la
saillie, reprit sa vache et retourna chez elle
suivie de son voisin. Bs cheminèrent en si-
lence pendant quelque temps; enfin, la femme,
exprimant une pensée qui paraissait l'absorber
depuis un moment, demanda à son compagnon:
— Comment le taureau a-t-il donc pu re-
connaître ma vache parmi tant d'autres?
Comment a-t-il pu savoir qu'elle était en
chaleur? C'est ce que je ne m'explique pas.
— La belle affaire! Ce n'est pas malin: il
l'a sentie, parbleu.
La femme retomba dans ses profondes ré-
flexions et ne dit plus mot. Le chemin se
faisait dans un silence complet. Quand ils
arrivèrent à l'entrée d'un petit bois qu'ils de-
vaient traverser, la femme, prétextant que sa
16
contes picards
bête était fatiguée, proposa de s'arrêter nu
moment pendant qu'elle tondrait la bonne
herbe dm bas-côté. La rusée commère s'assit
à l'ombre au pied d'un épais buisson, et in-
vita son obligeant compagnon à prendre place
à son côté; c'est ce qu'il fit «ans difficulté et
surtout sans arrière-pensée. Le chemmrétait
désert; ils étaient là comme frère et -seen*,
et, cependant, la femme était en proie à une
•certaine agitation dont la cause échappait
absolument à son pudibond voisin. Tout à
coup, elle lui dit en posant lourdement sa
main sur la cuisse de celui-ci:.
— Voue ne sentez donc rien, voisin?
— Ma foi, non; que voulez-vous que je
«ente? répondit le.nigaudin en levant la tête
et reniflant dans toutes les directions.
— Dans ce cas, je vous plains, mon pauvre
homme.
— Pourquoi cela?
Vous êtes plus bête que le taureau.
9. Un gamin pratique.
Une fermière, se trouvant seule à la mai-
son, chargea un gamin d'une douzaine d'années
d'aller conduire une de ses vaches au taureau ;
contes picabds
en même temps, еЦе loi ternit douze ;sous pour
acquitter le prix, de» la, 8аЩіе.і L'enfant fqjut&a
la ferme tenant la corde-qui (8ervait>:à ДОпег
la vache. Eps chemin, il prit rplsisir» à; faire
sonner les sous qu'il avait dans sa pec&e.
Jamais jil n&;s!était vu possesseur d'une telle
fortune, д : •
— Tiens, se dit-il tout à coup, pour ce
prix-là донР père pourrait bien faire l'affaire
puisqu'il fcaite>toujours ma mère de vache;
c'est lui: qui gagnerait l'argent»
Б prit Доцс }e. chemin de leur, maison, et,
quand Д jfutarrâà jl exj&Uqwrà/pon: рфге le
sujet qui le faisait, revenir;- rMa> Je tpërei це
lui laissa pçiftt ^тниг <1а.ЬеЦе proçofit^on
qu'il venait,lui faire;; il 1*^coassa en 4e.bour-
rant de coups de pied et dp coups- de-poing.
10. Le bout d'andouille. ',
Un charcutier avait pris deux appreutis qui
étaient fils de charcutiers y l'un était de Mar-
seille, l'autre était Gascon. Ces deux jeunes
gens ne faisaient que conter dès craques plus
fortes les unes que les autres. Le fils de leur
patron — un gros lourdaud de leur âge,
quelque peu niais et fort crédule, — était
KQvnx. X 2
18
CONTES PICARDS
souvent l'objet de leurs plaisanteries, qu'il
laissait toujours sans réponse. Un jour, ces
trois jeunes gens se trouvaient seuls dans la
boutique; il n'y avait point de clients. Le
Marseillais dit à son camarade:
— Té ! mon cher, avec un cochon d'un cent,
mon père a fait un jour deux mètres d'an-
douille.
—- Hé, mon bon, répondit le Gascon, mon
père a fait bien mieux; d'un cochon de même
poids, il a tiré quatre mètres d'andouille.
— Et toi, Picard, demandèrent-ils en chœur
au fils de la maison, peux-tu nous dire si ton
père est aussi habile?
Le jeune homme demeura muet; mais sa
mère, qui avait entendu les propos par la
porte entrebaillée, arriva à l'étal, et, montrant
du doigt son fils, elle dit aux deux apprentie :
— Mon mari a fait autre chose de plus
fort; avec un petit bout d'andouille, il a fait
le cochon de cent cinquante que vous avez
devant vous.
11. Au marché à cochons.
Un paysan se rendit un jour au bourg voi-
sin pour y faire l'emplette d'un cochon.
Arrivé sur le marché, il visita attentivement
CONTES PICAKDS
19
toutes les cages où étaient renfermés les por-
celets à vendre. U s'arrêta plus longuement
auprès de Tune d'elles; elle contenait une
nombreuse portée. Le marcband, qui, depuis
un instant, observait l'acheteur du coin de
l'œil, lui fit l'article et l'engagea vivement à
lui acheter l'un de ses cochonnets.
— Tenez, lui dit-il en frappant sur le der-
rière de l'un d'eux, voici le plus beau ; prenez-
le, vous en serez satisfait. Vous convient-il?
Le paysan l'examina minutieusement, puis,
hochant la tête, il dit:
— Je n'en veux point; il ne saurait faire
mon affaire, il est trop gros.
— Prenez cet autre, dit le marchand; il est
plus petit, je vous le vendrai moins cher.
— Non, il est vraiment trop petit; il ne
peut me convenir.
— Eh bien, alors, choisissez vous-même dans
le tas, puisqu'ils sont tous à vendre. Tenez,
en voici un qui n'est ni trop gros ni trop
petit; il vous plaira assurément; regardez-le
bien et prenez-le, vous ne le regretterez pas.
— Non, décidément, je n'en trouve pas un
dans la cage qui me plaise.
Pendant la discussion, que le marchand
allongeait à dessein, les passants s'arrêtaient
pour écouter ou dire leur mot. Quand le
2*
20
CONTES PICARDS
vendeur jugea qu'il y avait assez d'auditeurs
et que l'heure était venue de faire son effet,
il dit à haute et intelligible voix à l'acheteur :
— Puisqu'aucun des cochons qui se trouvent
ici n'est à votre convenance, je ne vois qu'un
moyen de vous donner satisfaction: je vais
aller chercher leur mère, vous la servirez
vous-même et vous pourrez ainsi lui faire les
produits que vous désirez avoir.
12. Les deux colporteurs.
Deux petits marchands, qui poussaient pé-
niblement chacun une voiture à bras, se ren-
contrèrent un jour à l'intersection de deux
routes; ils haletaient et soufflaient, et la
sueur coulait à grosses gouttes de leur front.
Us s'arrêtèrent, et, s'étant assis sur le rebord
du chemin, ils causèrent de leurs affaires. Un
sentiment de sympathie les attira l'un vers
l'autre; ils se firent des confidences récipro-
ques, et apprirent ainsi qu'ils disposaient l'un
et l'autre de petites économies. Tout à coup,
l'un d'eux dit à son compagnon:
— Si nous nous associions et que nous met-
tions notre avoir en commun, nous pourrions
acheter un âne qui traînerait une plus grande
CONTES PICARDS
21
voiture, où nous pourrions étaler beaucoup plus
de marchandises et nous aurions ainsi moins
de mal. Que dis-tu de mon idée, confrère?
— Je trouve qu'elle est excellente, et je ne
demande pas mieux que de la réaliser.
— Puisqu'il en est ainsi, reprit le premier
en topant dans la main de l'autre, c'est au-
jourd'hui la foire du bourg où nous nous
rendons tous les deux; nous en profiterons
pour y acheter un baudet et une voiture.
C'est ce qui eut lieu. Le marché fini, les deux
marchands quittèrent glorieusement le bourg l'un
à la tête de l'âne, l'autre suivant derrière la voi-
ture et agitant fréquemment un fouet. A environ
deux lieues de là, ils arrivèrent à une rivière
qu'il fallait traverser à gué ; à la vue de l'eau,
l'âne refusa d'avancer ; il se mit, au contraire,
à reculer malgré les efforts de ses deux maî-
tres ; il recula tant et si bien qu'une des rues
de la voiture, montant sur un tas de cailloux,
fit verser le véhicule; l'âne, en tombant, se
cassa une patte. L'un des deux colporteurs
courut au plus tôt chez le maréchal ferrant
du village le plus proche, lequel était, comme
tous ses confrères, une sorte de demi-vétéri-
naire. A son arrivée, le maréchal examina
attentivement la patte du baudet, qu'il palpa
ensuite; puis, secouant la tête:
22
CONTES PICABDS
— Il n'y a rien à faire, dit-il; votre âne
est perdu ; il n'est bon qu'à faire des saucisses.
Tuez-le au plus vite et vendez-le sans retard
au mieux de vos intérêts.
Sur ces mots, l'homme retourna à la forge,
où l'attendait l'un de ses clients. Dès qu'il
eut tourné le dos, un des deux associés, s'ar-
mant de son couteau, qu'il venait de repasser
sur un grès, leva le bras, qu'il se disposait à
laisser retomber sur la tête de l'animal.
— Pas si vite! Attends, cria l'autre.
Et celui-ci, empoignant à pleine main le vit
du baudet, se mit à le masturber vigoureuse-
ment; lorsqu'il jugea que le membre de l'âne
avait atteint la grosseur voulue, il com-
manda :
— Tue-le maintenant: il pèsera ainsi deux
kilos de plus.
13. Couveuse.
Un soir, après le souper, une fermière s'aper-
çut de la disparition d'une oie qui couvait et
dont les oisons devaient éclore le lendemain.
On chercha de tous les côtés, mais ce fut en
vain: la couveuse demeura introuvable. Tout
le personnel de la ferme s'entretint d'un pro-
cédé quelconque pour que la couvée ne fut
23
point perdue; le berger, qui était toujours
écouté, émit un avis.
— Je ne vois qu'un moyen, dit-il Je plus
sérieusement du monde ; c'est de faire achever
l'incubation, qui ne sera plus de longue durée,
par la servante de cour.
Celle-ci, jeune fille très naïve, consentit à
remplacer l'oie sur les œufs jusqu'au lendemain;
elle releva ses jupons et sa chemise et s'ac-
croupit sur la manne. Le lendemain matin,
après qu'il eut pansé ses moutons, le berger
alla trouver la servante dans le fournil et lui
demanda comment elle avait passé la nuit.
Après un instant de conversation, la naïve
enfant fut prise d'un besoin pressant; elle se
leva vivement et pria le berger de la rem-
placer pour quelques minutes sur les œufs.
L'autre, obligeant, ne se fit point prier; il
mit culotte basse et couva à son tour. Quand
la servante fut revenue, il lui dit pour se
gausser d'elle:
— Il me semble que je sens becqueter; si
je ne me trompe, il y a un oison d'éclos ; re-
garde donc pour t'en assurer.
— Attendez, dit la servante; ne bougez pas;
je vais voir.
Et, allongeant le bras, elle passa délicate-
ment la main sous le berger; celui-ci se
24
CONTES PICARDS
souleva légèrement et demanda ce qu'il en
était.
— Ah! quel bonheur! s'écria la servante; il
y a en effet un oison d'éclos: je sens son cou...
Et, sur cette exclamation, la peu délurée
jeune fille embrassa à pleine bouche le berger
pour le remercier de s'être si bien acquitté de
la commission dont elle l'avait chargé.
18 a. Variante.
Enne épiciére al avoi enne fumméle éde ca-
nard; al o prins douze obus, qu'ai o mis d'un
paingnier sans manche qu'a' li o donnés à
couver. Tout alloit fin bien; enne fois au
matin, al o trouvé le couveuse morte édessus
ses œus, qu'il étoite coire tout coeuds.
— Que malheur! qu'ai disoit. Enne jornèe
de pus, ches quiots canards il éroite 'tè venus
au monde. Si je convois à le plache dé me
cane? Gh'eet enne boine idée.
Ele l'épiciére al o retroussé ses cotrons et
pi al s'est accroupie dessus ches cens. Enne
heure après, un voisin il est arrivé.
— Bojour, feme. Donnez-me enne live éde
chuque.
— Bojour, voisin. Jé ne peux point vous
servir. Eme cane al est morte; éje couve à
se plache. Jé ne peux mie bouger.
CONTES PICABDS
25
— I gny o mie d'affoire; éje couverai un
molet à vo plache.
Eche-t-homme il o foit glicher se culotte et
pi і s'est accroupi en mettant se. rouillére
autour éde ches œus. Ele l'épiciére al o pésè
enne live éde chuque; après, al est venue
passer se main dessous le rouillére éde sen voi-
sin pour savoir si ches oeus il étoite coire boin
et coeuds; al o sentu che moigneu de sen voisin.
— Mon Diu! qu'ai crie, che n'est mie des
œus de canard éque j'ai foit couver; і sont
déjo éclos, éje nen tiens un par éle co, ch'est
pour seur des oies. /r, л _
r (Kryptadta, П, 137-138.)
14. Béponse grasse.
Pour son goûter, un jeune garçon d'une
douzaine d'années, fort déluré et très avancé
pour son âge, avait demandé une tartine à sa
sœur ; il reçut un simple morceau de pain sec
et... une taloche, et fut invité à déguerpir
au plus vite. La jeune fille, qui n'était point
un modèle de vertu, avait une raison impérieuse
de se débarrasser du gamin : elle attendait l'un
de ses galants.
L'enfant sortit dans la rue; il grignotait
son croûton sans grand appétit. Chemin fai-
26
CONTES PICARDS
sant, il passa près d'un groupe de jeunes gens
qui, à peu près tous, avaient des relations
avec sa sœur; Tun d'eux le voyant manger du
bout des dents lui dit:
— Comment, te voilà réduit à manger du
pain sec, mon pauvre petit?
— Hélas! c'est bien malheureux pour moi,
répondit l'enfant; ma sœur n'a rien voulu me
donner avec mon pain.
—- Elle garde la viande pour elle, vois-tu.
— C'est vrai; elle finit même par s'en dé-
goûter, puisqu'elle se torche le cul avec de la
viande plus de dix fois par jour.
14 a. Tariante.
Une femme de mœurs légères demeurait avec
sa fille, et, toutes deux, se livraient à la pro-
stitution. Il arriva une fois qu'elles demeu-
rèrent quelque temps sans exercer leur indu-
strie; les maigres ressources dont elles dispo-
saient furent vite épuisées. Un jour, un client
peu cossu se présenta: c'était la Providence
qui l'envoyait, aussi fut-il reçu à bras
ouverts. Quand l'homme se fut suffisamment
diverti avec la fille, il se retira, laissant
une modique offrande sur le coin de la table.
La mère s'en empara en faisant la grimace
et dit:
CONTES PICARDS
27
— Pourtant, nous allons pouvoir souper, au
moins.
Elle sortit pour aller acheter des provisions;
elle revint avec du pain, de la bière et deux
harengs saurs, n'ayant pu se procurer autre
chose parce qu'elle n'avait pas plus d'ar-
gent. A la vue de ce maigre repas, la fille
s'écria :
— N'est-ce point malheureux? Dire qu'il
y a une heure je me torchais le cul avec une
livre de viande, et maintenant tu me donnes
un sauret! Tu sais bien que je n'aime pas
cela.
15. Interrogatoire.
Un célibataire, qui frisait la cinquantaine,
se décida un jour à entrer en ménage; il était
possesseur d'une jolie fortune, et cette con-
sidération devait l'aider à trouver aisément
chaussure à son pied, d'autant qu'il ne cher-
chait point à faire un mariage d'argent. L'un
de ses camarades d'enfance, qui occupait une
situation industrielle fort honorable, avait deux
jeunes filles auxquelles il ne pouvait toutefois
accorder qu'une dot modeste; elles étaient
distinguées, bien élevées et toutes deux char-
mantes. L'aînée, brune admirable, âgée de
28
CONTES PICARDS
vingt-deux ans, avait fait battre plus d'un
cœur parmi l'essaim de jeunes gens qui lui
faisaient cortège. La cadette, de deux ans
moins âgée, était blonde; d'un caractère tout
différent de celui de sa sœur, elle était d'une
gaieté folle et beaucoup moins réservée.
L'épouseur se dit qu'il trouverait peut-être là
celle qui ferait le bonheur de sa vie. Il s'en
ouvrit au père, qui, sur le moment, ne put
croire à un tel coup de la fortune; il informa
aussitôt ses filles de la demande inespérée qui
venait de lui être adressée; toutes deux ré-
pondirent que le prétendant leur agréait. La
réponse qu'elles firent fut transmise sans re-
tard à l'intéressé; celui-ci se rendit chez son
futur beau-père et lui exposa que, pour faire
son choix en toute connaissance de cause, il
lui était indispensable de voir séparément
chacune de ses deux filles pendant un court
instant afin qu'il pût s'éclairer sur leur état
d'esprit, et il ajouta:
— Tes filles, mon cher ami, pourront ainsi
répondre sans contrainte à une sorte d'inter-
rogatoire auquel je voudrais les soumettre, si
tu consens à les laisser ainsi en tête-à-tête
avec moi.
— Je n'y vois aucun inconvénient, car je
te sais parfait honnête homme. Tu as raison,
CONTES PICABDS
29
et je t'approuve. Pour commencer, je vais
t'envoyer ici mon aînée.
C'est ce qui fut fait. La jeune fille entra
dans le salon en saluant gracieusement le
prétendant, mais avec un air hautain, car
elle était fière de sa beauté sculpturale.
— Mademoiselle, dit le vieux garçon, votre
père vous a fait connaître pour quelle raison
je désire avoir avec vous un entretien?
— Oui, monsieur.
— Je ne veux vous poser qu'une simple
question.
Et, sans autre préambule, le prétendant se
déboutonna; il exhiba de sa culotte certain
objet qu'il exposa aux regards de la jeune fille,
lui demandant:
— Mademoiselle, pourriez-vous me dire le
nom de ce que je tiens à la main?
Sans être émotionnée et sans rougir ni
baisser les yeux, elle répondit le plus naturelle-
ment du monde:
— Mon Dieu, monsieur, la question n'est
pas embarrassante: c'est tout simplement un
vit, comme en ont les petits garçons.
— C'est bien cela, mademoiselle; vous ne
vous trompez pas; je vous remercie de
m'avoir répondu sans hésitation; votre
franchise me plaît infiniment. Veuillez m'ex-
30
CONTES PICARDS
cuser et prier votre sœur de venir me re-
trouver ici.
Celle-ci, qui regardait peut-être par le trou
de la serrure en écoutant, pénétra dans le
salon dès que sa sœur en fut sortie; elle
entra en coup de vent, toute gaie et sémil-
lante, riant aux éclats.
— Ah! mademoiselle, s'écria le barbon,
comme votre enjouement me fait plaisir! Je
me sens redevenir jeune en votre compagnie...
Comment appelez-vous cela? lui demanda-t-il
en plaçant sous ses yeux ce qu'il venait de
montrer à sa sœur.
— Oh! monsieur, dit la jeune fille en rou-
gissant et se couvrant les yeux avec la main
tout en écartant les doigts, cela, c'est...
c'est comme un bimbelot, un joujou, ... c'est
un ... bibelot.
— Ah! ma chère enfant, votre réponse est
parfaite; c'est un jouet, en effet. Vous me
rendez bien, bien heureux.
Congédiant la rusée jeune fille, qui avait si
bien joué son jeu, le prétendant, qu'une telle
candeur avait empaumé, était désormais fixé;
il alla rejoindre son futur beau-père et lui dit:
— Ah ! mon cher ami, j'ai enfin trouvé dans
ta fille cadette la fleur d'innocence que je
cherchais; c'est un ange, en vérité, que je
CONTES PICABDS
31
posséderai si tu consens à m'accorder sa main ;
c'est de toi que dépend mon bonheur.
Le père, flatté d'une telle alliance, accorda
son consentement, et le mariage était célébré
trois semaines plus tard au milieu d'une nom-
breuse assistance d'invités. Après un repas
où rien ne manqua, les nouveaux époux
ouvrirent le bal. La jeune mariée, qui était
passionnée pour la danse, se vit bientôt aban-
donnée par son cavalier; exténué, fourbu au
bout de quelques instants de cet exercice, qui
n'était plus de son âge, il demanda grâce; sa
femme n'eut que l'embarras du choix pour lui
donner un remplaçant; c'est avec l'un de ses
cousins, lieutenant de cavalerie, le bel Achille,
comme on l'appelait dans la famille, qu'elle
paraissait éprouver la plus vive satisfaction;
de son côté, le cousin semblait être le plus
heureux des mortels en compagnie de la mariée,
qu'il dévorait des yeux.
C'est bien à regret, il faut l'avouer, que la
jeune femme quitta la salle de bal pour suivre
son mari, qui était pressé d'entrer dans la
chambre nuptiale; autant il mettait de hâte à.
se déshabiller, autant la nouvelle épousée appor-
tait de lenteur à se mettre au lit ; elle s'attar-
dait, rêveuse, sur sa chaise. Impatienté, son
mari lui dit sur un ton câlin:
32
CONTES PICABDS
— Eh bien, ma chère amie, nous allons
faire joujou avec ce bimbelot,... car c'est bien
un bimbelot, n'est-ce pas, chérie?
— Oh! oui, c'est un bimbelot, répondit-elle
en poussant un soupir et en fronçant les sour-
cils; oui, hélas! c'est bien un bimbelot, mon ami.
— Mais non, mais non, pas du tout; c'est
une pinne, ô délicieuse enfant.
— Ça une pinne? fit-elle en se levant comme
mue par un ressort et en éclatant brusquement
de rire. Vous appelez ça une pinne? Vous me
la baillez belle, vraiment... Vous me pensez
donc bien neuve?... Parlez-moi du cousin
Achille, à la bonne heure. C'est lui qui a
une pinne, et une fameuse, encore, je vous
l'assure.
16. Mot à double entente.
Il y avait un soir d'hiver grande réunion
dans un salon. Un ancien officier se tenait
debout à la cheminée, le dos tourné au feu,
se chauffant le derrière; il faisait un récit
très attachant d'un combat auquel il avait pris
une part brillante et qui lui valut les félicita-
tions chaleureuses de son général. Chacun
des auditeurs l'écoutait avec une attention
soutenue. Or, en racontant cet épisode de
contes picabds
33
vaillance, il tenait sa main droite dans la
poche de son pantalon et agitait les doigts
d'un mouvement saccadé et incessant. Une
dame, qui avait observé ce détail et qui s'en
étonnait, lui dit quand il eut terminé son
récit :
— Comment, monsieur, vous jouez ainsi avec
votre vie (vit)l
— Pardon, madame, c'est avec mes clefs,
répliqua l'officier en sortant de sa poche un
trousseau de clefs.
17. La olef.
Par un soir d'hiver, un bon laboureur étant
revenu tard des champs mit ses chevaux à
l'écurie et rentra en toute hâte dans sa mai-
son pour se chauffer à la cheminée, tant la
température était rude. Justement, sa femme
avait préparé dams l'âtre un excellent brasier
en prévision du retour de son mari, et, en
l'attendant, comme elle se trouvait seule à la
maison, elle s'était mise à l'aise et faisait
chapelle dans l'un des coins de la cheminée.
Son mari étant entré s'assit à sa place habi-
tuelle dans l'autre coin. A la lueur du foyer,
le laboureur apercevait les deux cuisses de
Kqvtcx. X. 3
84
CONTES PICARDS
sa femme, qui avait relevé ses jupons et sa
chemise pour mieux sentir les effets de la
chaleur; il lui dit:
— Б me semble, femme, qu'à cette heure
tu peux fermer boutique.
Relevant tout à fait ses vêtements et écar-
tant les jambes, la femme répondit:
— Voici la serrure; ferme-la donc, puisque
tu as la clef.
18. La elef du paradis.
Depuis de longs jours, un jeune homme
courtisait une beauté qui demeurait rebelle à
ses sollicitations ; elle avait toujours refusé de
couronner sa flamme et ne lui avait laissé
prendre que de menues privautés. Or, un
jour, elle avait failli succomber; elle aurait
certainement cédé aux sollicitations de son
poursuivant sans l'arrivée inopinée d'un im-
portun. Le jeune homme rentra chez lui de
mauvaise humeur, sacrant, pestant et en-
voyant à tous les diables le fâcheux qui lui
avait fait perdre une occasion favorable.
C'est sous l'empire de la colère qu'il se mit
au lit, mais il ne put s'endormir; il se tour-
nait, se retournait sans cesse sur sa couche
c0ntb8 picabds
35
sans pouvoir parvenir à fermer l'œil. Le jour
allait poindre quand, cédant à la fatigue, il
se sentit envahir par un sommeil de plomb.
A peine endormi, il fit un rêve enchanteur;
il aperçut son idole, dans la plus complète
nudité couchée sur un lit de repos au milieu
du paradis; elle lui faisait signe de venir la
rejoindre pour partager sa couche; un simple
vitrage la séparait du rêveur. Celui-ci venait
de s'emparer de la clef de la porte du para-
dis, qu'il serrait dans la main; il allait re-
joindre sa bien-aimée quand le chant du coq
le réveilla. Il maudit le malencontreux gal-
linacé et entra dans une rage folle en consta-
tant l'évanouissement du magique tableau
qu'il avait eu devant les yeux pendant un
instant: il tenait bien à la main la clef du
paradis, mais il n'en put jamais trouver la
serrure.
19. L'aiguille qui marque six heures.
Deux vieux camarades, qui avaient couru
le monde dans des carrières différentes, l'un
comme soldat, l'autre comme marin, re-
vinrent tous deux au village natal en même
temps.
3*
36
contes picabds
— C'est toi, mon bon Joies? Il y a
bien longtemps que nous ne nous sommes
vus. J'ai souvent pensé à toi sans
savoir ce que tu étais devenu. Eh bien,
voyons, conte-moi donc ton affaire. A quoi
en es-tu?
— Ma foi, mon cher Georges, je suis con-
tent si Гоп veut, la tête, l'estomac, l'appétit,
tout ça va encore assez bien. Mais, pour ce
qui concerne la bagatelle, le trictrac, si tu
veux, le jeu des femmes, enfin, bernique! va
te faire foutre, n... і ni, c'est fini ; ma sacrée
garse d'aiguille marque toujours six heures,
et j'ai beau faire, impossible de sortir de là.
Que dis-tu de ça, mon brave? C'est dur,
n'est-ce pas? Quand je dis c'est dur, c'est
une manière de parler; c'est le contraire que
je devrais dire. Ce n'en est pas moins fort
em... bêtant.
— Eh bien, il y a un remède à cela.
— Lequel? Dis vite.
— Un de mes amis l'a employé et il paraît
qu'il lui a réussi... Tu n'as qu'à faire le
poirier et ton aiguille marquera midi.
C0NTE8 PICARDS
37
20. Flue poli que son maître.
Une jeune femme, mariée depuis deux jours,
ne se lassait point de prendre part au jeu
auquel l'avait initiée son mari. Or, la troi-
sième nuit, après que ce dernier eut, comme
les deux nuits précédentes, livré maints as-
sauts, il s'endormit profondément; sa femme
fit de même; toutefois, comme elle avait le
sommeil plus léger, sans doute, elle se ré-
veilla deux heures plus tard au bruit que le
dormeur faisait en ronflant. Voulant le ré-
veiller comme par hasard, elle se tourna et
se retourna dans le lit, frôlant la jambe de
son mari avec son pied ou le poussant du
coude ; mais ce fut en vain, l'homme demeurait
inerte et ne soufflait mot. Comme elle s'im-
patientait de cette immobilité trop prolongée,
elle se risqua à allonger la main, qu'elle
passa de ci de là sur son compagnon sans que
celui-ci bougeât. Elle continua donc sa ma-
nœuvre, qui devint plus habile et plus in-
discrète; elle promena sa main sur la cuisse,
puis sur le ventre de son mari; elle la laissa
errer un instant dans certain bosquet et la
fit descendre ensuite un peu plus bas; elle
sentit quelque chose de mou, de fiasque et de
petites dimensions dont l'existence lui était
88
contes picards
absolument inconnue; elle le palpa tout en se
demandant ce qu'était devenu Tos avec lequel
son mari lui procurait tant de plaisir. En
agitant cet objet, en le caressant doucement,
la jeune femme ne fut pas peu surprise de le
sentir se développer et prendre des proportions
inattendues; il se redressa tout à fait et se
mit à battre le ventre du dormeur comme
s'il voulait réveiller celui-ci. En constatant
ce phénomène, puisqu'elle n'avait jamais ob-
servé cet objet que dans l'état où il se trou-
vait alors, elle dit tout haut:
— Au moins, il est plus poli que son
maître; s'il ne parle pas, il répond, celui-là.
21. Otez votre canne.
Un jeune paysan avait pris place dans une
diligence; il avait pour voisine une délurée
qui avait des yeux à déboutonner les culottes ;
or, à chaque cahot de la voiture, elle se lais-
sait retomber mollement sur le campagnard;
ce dernier, que ces manœuvres savantes
émotionnaient quelque peu, dit à voix basse
à l'oreille de sa voisine:
— Est-ce que vous avez de l'avoine dans
votre poche?
CONTES PICARDS
39
— Pourquoi donc?
— Mon bidet relève la tête.
Au relais suivant, l'intérieur était complet
quand une fillette arriva; faute de place, elle
s'assit sur les genoux du paysan; elle ne s'y
trouvait pas d'une minute ou deux qu'elle se
releva vivement, disant:
— Je vous en prie, monsieur, ôtez votre
canne.
22. Les grains de beauté.
Quelques jeunes filles se trouvant réunies
chez l'une d'elles en arrivèrent à se faire des
confidences mutuelles. La conversation vint
à rouler sur les grains de beauté. Une belle
brune avoua qu'elle portait une fraise entre
les deux seins ; une autre déclara qu'elle avait
une framboise sur sa hanche gauche; une
troisième fit voir une orange sur son bras;
une quatrième annonça qu'elle avait une
cerise en certain endroit secret; bref, pas
une d'elles n'était sans grain de beauté,
et, chose curieuse, il ne fut montré ou signalé
que des fruits. Or, l'une de ces jeunes filles
raconta le lendemain à son bon ami les con-
fidences échangées entre ses compagnes. Le
40
contes picabds
jeune homme n'eut rien de plue pressé que
de répéter à son camarade ce qui lui avait
été confié sous le sceau du secret Quelques
jours plus tard, ce dernier fit la rencontre de
l'une de ces jeunes filles; il lui dit à brûle-
pourpoint:
— Mademoiselle, vous avez, paraît-il, en
certain endroit caché du corps un grain de
beauté qui figure une cerise.
Tout interloquée et rougissante, l'inter-
pellée, ne sachant que répondre, demeura
muette.
— Que cela ne vous chagrine point, reprit
l'indiscret; si vous avez un fruit, moi j'ai un
légume à un endroit semblable.
Et, se déboutonnant, il sortit son vit,
qu'il plaça dans la main de la jeune fille;
elle le prit fort doucement, le caressa et
finit par l'agiter; le regardant attentivement,
elle dit:
— En effet, c'est un légume; il ressemble
à une asperge.
— Vous avez raison, mademoiselle, c'est
vraiment une asperge... Et, voyez, elle se
sert à la sauce blanche.
CONTES PICARDS
41
23. Four boucher un trou.
Un petit marchand à la campagne avait
souscrit un billet. La veille de l'échéance, il
ne possédait pas le premier sou pour acquitter
sa dette ; il avait compté sur des rentrées qui
ne s'étaient point réalisées. Le pauvre homme
ne savait à quel saint se vouer pour sortir
d'embarras. Il s'adressa à ses meilleure amis,
qui, tous, lui firent la même réponse négative.,
ils avaient également des paiements à effectuer
à cette date. Profondément découragé et ne
sachant où aller ni que faire, le malheureux
entra, par la force de l'habitude, dans le café
où il se rencontrait chaque jour avec des
camarades. Après la partie quotidienne, il
sortit du eafé avec les autres joueurs. Comme
il arrivait chaque jour, quand ils se trou-
vèrent dehors, ils se placèrent tous face au
pignon de la maison pour se soulager. Tout
en pissant, le marchand, fortement préoccupé
de la fâcheuse situation dans laquelle il se
trouvait, se tourna vers ses camarades, les
suppliant de l'aider à le sortir de ce mauvais
pas. L'un d'eux, jetant les regarde sur le
membre du solliciteur, que ce dernier exposait
inconsciemment à la vue de tous, lui dit avec
un air goguenard:
42
CONTES PICABDS
— Sais-tu que tu es bien monté, cama-
rade?
— Ah! laisse-moi donc tranquille avec tes
plaisanteries déplacées. Je n'ai point l'esprit
tourné vers la bagatelle en ce moment. Ce
n'est pas avec cela que je pourrai acquitter
la traite qui me sera présentée demain.
— Je ne le nie point, répondit l'autre;
mais il n'en est pas moins vrai qu'avec ce
que tu tiens à la main tu peux boucher un
fameux trou.
24. La statue raccommodée.
Un riche célibataire avait à son service une
jeune bonne, très délurée, mais fort étourdie
et peu soigneuse. Or, un jour, en faisant le
nettoyage du cabinet de son maître, elle eut
la maladresse de détacher avec le manche de
son plumeau certain objet qui pendait au-
dessous du ventre d'une statue représentant
un dieu romain dans toute sa nudité. Ra-
massant le morceau de marbre en forme de
sifflet qui avait roulé sur le plancher, la jeune
fille, prenant le pot à colle, se mit en devoir
de réparer l'accident; elle y apporta tous ses
soins et parvint à fixer solidement l'affutiau
CONTES PICABDS
43
qu'elle avait fait tomber. Le lendemain, son
maître, jetant les regards par hasard sur la
statue, ne put en croire ses yeux; il s'ap-
procha du dieu romain et remarqua le raccom-
modage très apparent dont il avait été l'objet ;
devinant aussitôt quel était l'auteur de cette
énorme bévue, il appela sa bonne:
— C'est toi, malheureuse, qui as mutilé ma
statue? lui dit-il en colère.
— Je ne l'ai point fait exprès; j'en avais
toujours eu bien soin jusqu'ici. Mais je l'ai
solidement raccommodée, vous pouvez vous
en assurer, et il faut mettre son nez dessus
pour s'apercevoir de quelque chose.
— C'est cependant ce que tu as fait de
plus mal
— Comment cela?
— Tiens, regarde. Est-ce que ce petit objet
doit se dresser en l'air? Vois donc toutes
mes autres statuettes; à toutes, il est pendant.
Il faut que tu sois bien peu intelligente, ma
pauvre fille.
— Je n'ai pas regardé tout cela, répondit
la bonne. Je vois bien que tous vos hommes
de pierre ont cela par en bas, mais quand je
couche avec votre domestique, il ne l'a pas
ainsi ; vous-même, monsieur, quand vous faites
venir dans votre lit mademoiselle Sidonie,
44
CONTES PICARDS
dites-le-moi franchement, l'avez-vous en Fair
on l'avez-vous en bas? Dame, moi j'ai pensé
à vous et j'ai cru être habile en le collant
pour qu'il soit comme le vôtre quand vous
couchez avec votre maîtresse. D'ailleurs, pour
mon compte, je ne les ai jamais vus autre-
ment que celui-ci.
26. Calèche avalée.
Une jeune campagnarde, d'un minois fort
agréable mais d'esprit simple, se rendait un
jour à la ville voisine. A peine à mi-chemin,
elle se retourna au bruit d'une voiture qu'elle
entendait derrière elle; c'était une calèche
dans laquelle se trouvait seulement un beau
jeune homme; ce dernier, à la vue de la pay-
sanne, donna l'ordre à son cocher d'arrêter;
ouvrant la portière, il dit en allongeant
la tête:
— Vous paraissez bien fatiguée, ma belle
enfant. Voulez-vous prendre place à côté
de moi?
— Vous êtes bien aimable, monsieur; j'ac-
cepte volontiers.
Et le cocher fouetta ses chevaux. Jamais
la jeune fille ne s'était trouvée si bien portée,
CONTES PICABDS
45
aussi en manifestait-elle sans cesse son ad-
miration. Son compagnon, qui était un grand
abattenr de bois, résolut de profiter de l'au-
baine qui venait de lui échoir; il se mit en
devoir de courtiser sa voisine et lui fit une
déclaration brûlante; mais ses belles paroles
ne produisirent aucun effet; il parlait une
langue inconnue à la campagnarde.
— Si mes paroles la laissent insensible, se
dit le jeune homme, passons aux actes.
Il se mit donc à caresser la pucelle, qui,
absolument ignorante au jeu d'amour, laissa
faire sans se douter où son entreprenant voi-
sin voulait en venir. Bientôt, elle le vit
exhiber certain objet de sa culotte.
— Ah! mon Dieu, s'écria-t-elle, c'est le
bout de la flèche de votre calèche!
— Je vais le remettre en place, répondit-il.
Retroussant les jupons et la chemise de la
trop naïve enfant, il la dépucela sans qu'elle
y mît d'opposition. Б renouvela cet exercice
quatre fois avant que d'arriver à la ville;
à chaque reprise, la petite paysanne trouvait
un plaisir nouveau. Quand elle rentra le soir
chez ses parents, elle était exténuée; aussi se
rendit-elle immédiatement dans sa chambre
pour se coucher. Elle eut une nuit fort
agitée. Le lendemain, elle racontait à ses
46
CONTES PICABDS
compagnes qu'elle avait fait un rêve singulier:
elle avait avalé une calèche, — maie point par
la bouche — et il lui semblait encore qu'elle
sentait la flèche entrer dans son ventre.
Neuf mois plus tard, la pauvre innocente
ressentait les premières douleurs de l'en-
fantement :
— C'est la calèche qui va sortir par l'endroit
où elle m'est entrée, dit-elle à sa mère entre
deux gémissements.
Un instant après, son enfant venait au
monde.
— Ah! jour de Dieu! s'écria-t-elle, je me
souviendrai longtemps d'avoir avalé une
calèche.
26. L'andouille.
Un villageois, appelé à la ville par ses
affaires, profita de l'occasion pour faire l'achat
d'une andouille; depuis longtemps, il désirait
se régaler de cette pièce de charcuterie.
A l'heure de son départ, il se mit en quête
de trouver l'objet de sa convoitise. En dé-
ambulant dans les rues de la ville, il aperçut
une andouille phénoménale accrochée à la
devanture d'un charcutier. Il entra, demanda
CONTES PICABDS
47
le prix, paya et prit la direction de son
village.
Le lendemain matin, l'homme, qui était
menuisier, alluma son feu et mit cuire l'an-
douille dans un chaudron. A midi, on se mit
à table pour le dîner; la femme du menuisier
servit l'andouille. L'homme voulut la couper;
il ne put y parvenir.
— Elle n'est pas cuite, dit-il; cela se con-
çoit, d'ailleurs, elle est si grosse; remets-la
sur le feu, nous la mangerons ce soir à notre
souper. En attendant, sers-nous autre chose,
femme. Tu as des œufs, fais l'omelette.
L'après-midi, le menuisier surveilla la cuis-
son de l'andouille. Quand le soir fut venu,
il avait brûlé toute la provision de copeaux
de son atelier. On se mit à table pour le
souper. Après beaucoup d'efforts, l'homme
parvint à couper l'andouille en deux morceaux.
Mais, hélas ! il s'aperçut que l'on s'était moqué
de lui; on était le 1er avril; le charcutier
avait mis la veille à son étalage cette an-
douille qui se composait tout simplement
d'un... vit de cheval dans un boyau de veau.
La femme du menuisier refusa dès lors de
se servir du chaudron.
48
contes picabds
27. Recommandation inutile.
Un vert-galant, vieux coureur de guilledou,
qui avait fait folie de son corps, se prit sur
le tard d'une belle passion pour une petite
dégourdie qui avait vu le loup. En habile
courtisane, elle sut aiguiser le désir de son
antique poursuivant. Enfin sonna l'heure du
berger. Elle fixa un rendez-vous au don Juan
déplumé; celui-ci, qui avait trop compté sur
des forces à jamais disparues, tenta d'apporter
sa mesquine offrande sur l'autel de Vénus.
Au début de l'action, la fille, qui avait déjà
„pisse des côtelettes**, fut prise de crainte;
elle dit au vieux penard:
— Surtout, prends garde à toi; ne me fais
pas un enfant, au moins.
— Ne te tourmente pas, ma fille, lui répon-
dit l'autre avec un air mortifié et piteux, il
n'y a aucun danger: la tête se trouve de
mon côté.
28. Bétrécissement.
Un capitaine ayant été mis à la retraite
revint dans son village habiter la maison
paternelle. Comme il était célibataire, il prit
contes picabds
49
à son service une bonne à tout faire, on,
comme on dit dans le pays, „une bonne hon-
nête qui couche avec le maître". Il y avait
beau temps que cette fille avait jeté'son bonnet
pardessus tous les mouline, aussi étaifrelle
experte dans Fart du jeu d'amour. Elle acquit
bien vite la certitude que. sous ce rapport,
l'heure de la retraite avait aussi sonné pour
son maître. En effet, dès la première nuit
que le capitaine fit coucher sa bonne dans son
lit, il se mit en devoir de l'enfiler, sans jamais
pouvoir y parvenir; dépité, il s'écria:
— Tu es encore pucelle, ma fille; il me
semble que ton con est bien étroit.
— Je te crois, Benoît. Monsieur ne s'aper-
çoit donc pas qu'il met sa chemise avec son vit?
20. Ce sera différent.
Deux vieux camarades se promenaient un
soir dans les rues dû village et se racontaient
les hauts faits de leur jeunesse. L'un d'eux,
qui était resté paillard malgré sa décrépi-
tude, confia à son ami qu'il venait de faire
une conquête nouvelle; depuis quelque temps,
une jeune fille de son voisinage lui faisait de
Kqvtit. X. 4
50
CONTES PICARDS
Гозії; il lui avait fixé un rendez-vous pour le
soir même.
— Hein, qu'en dis-tu? demanda-t-il en se
frottant les mains.
— Mon vieux, je ne te vois pas blanc.
Quand il neige sur la montagne, il ne fait
pas cbaud dans les pays bas. Tu connais le
proverbe: à notre âge, il faut fermer sa cu-
lotte et ouvrir sa cave. Vraiment, je ne sais
comment tu pourras t'en tirer, ou plutôt tu
t'en tireras bien, mais, pour entrer, ce sera
différent.
30. L'observance du carême.
Sur les instances de sa femme, qui était
d'une très grande piété, un général invita
l'évêque à dîner le jour de Pâques; il y avait
nombreuse compagnie. La générale, fière
d'avoir le prélat à sa droite, s'ingéniait pour
ne point laisser tarir la conversation. A un
moment, son mari l'interpella en ces termes:
— Je te félicite, mon amie, de ton brillant
appétit; tu veux sans doute te rattraper sur
le passé.
Saisissant la balle au bond, la générale se
tourna du côté de l'évêque et lui dit:
CONTES PICARDS 51
— Pendant les six semaines qui viennent
s'écouler, j'ai observé rigoureusement les pre-
scriptions de l'Église, monseigneur; j'ai même
fait beaucoup plus encore, car j'ai fait ab-
stinence complète de viande.
L'évêque la loua beaucoup et souhaita
qu'elle eût eu de nombreuses imitatrices.
Flattée de cette approbation, la générale,
appuyant l'ongle de son pouce sur les dents
de sa mâchoire supérieure, répéta à deux re-
prises:
— Non, pendant toute la durée du carême,
il ne m'est pas entré ça de viande dans
le corps.
Le général, qui avait passé sa vie dans les
camps et qui connaissait mieux le langage de
la caserne que celui de la bonne société, ne
put se retenir de dire à mi-voix:
— Nom de Dieu, est-ce que tu prends
mon vit pour une sardine?
80 a. Variante.
Sur le désir qui lui en avait été exprimé
par sa femme, un capitaine en retraite avait
invité le doyen à dîner le lundi de Pâques.
A table, la maîtresse de la maison, qui était
très pieuse et mesurée dans le choix de ses
4*
52
contes picards
expressions, contrastait singulièrement avec
son mari, qui avait son franc parler et
appelait un chat un chat. C'était en vain
que sa pauvre femme essayait de le tenir en
bride. La conversation roulait depuis un in-
stant sur les pratiques de dévotion, au grand
agacement du capitaine; à un moment, sa
femme, pour se faire valoir, dit au doyen:
— Pendant les six dernières semaines, pas
le moindre morceau de viande ne m'est entré
dans le corps.
— Sacrebleu, dit le capitaine impatienté,
tu me la bailles belle. Prends-tu donc ma
pinne pour une crevette?
31. Le doreur.
Un voyageur de commerce avait, un soir,
regagné fort tard la chambre qu'il occupait
à l'hôtel où il avait l'habitude de descendre.
Comme il devait se lever de très bonne heure
le lendemain, il ne perdit point de temps pour
se mettre au lit. A peine s'était-il endormi
qu'un couple venait occuper la chambre con-
tinue, séparée de la sienne par une mince
cloison. C'étaient deux jeunes mariés du jour
CONTES PICABDS
68
qui commençaient lenr voyage de noce. An
bruit qu'ils firent par leurs éclats de rire et
par l'exercice auquel ils se livrèrent, leur
voisin se réveilla de fort mauvaise humeur.
Sans le vouloir, il ne perdit aucune syllabe
du dialogue échangé entre les deux tour-
tereaux, et, pendant plus de deux heures que
durèrent les ébats amoureux de ceux-ci, il lui
fut impossible de fermer l'oeil. Avant chaque
assaut, il entendait sa voisine, pâmée, s'écrier:
— Oh! est-il gentil!... Si tu veux, nous
le ferons dorer? Dis, veux-tu, mon chéri?
Il le mérite bien.
Les deux jeunes mariés, lassés, finirent par
s'endormir; mais le voyageur de commerce,
que les conversations et les exercices de ses
voisins avaient surexcité, ne put retrouver le
sommeil. Furieux, il se leva à grand bruit
vers quatre heures, bien qu'il ne dût quitter
la ville que deux heures plus tard. En sor-
tant de la chambre, il alla frapper à la porte
de celle du couple amoureux; n'obtenant
point de réponse, il redoubla avec plus de
violence.
— Qu'y a-t-il? s'écrièrent deux voix à
la fois.
— C'est le doreur. N'auriez-vous pas besoin
de ses services, belle dame?
54
CONTES PICARDS
Et le voyageur s'esquiva prestement, se
félicitant de la vengeance qu'il venait de tirer
de ses voisins pour la mauvaise nuit qu'ils
lui avaient fait passer.
32. Juste représaille.
Il y avait un dimanche nombreuse réunion
de jeunes gens des deux sexes sur la lisière
d'un bois situé à proximité d'un village.
Pendant la belle saison, garçons et filles se
livraient là aux jeux et aux ébats les plus
variés. Or, ce jour-là, on décida de jouer
aux gages. L'une des jeunes filles fut chargée
de poser telle question qui lui plairait à
chacun de ceux et de celles qui prenaient
part au jeu; les interpellée devaient répondre
sans altérer la vérité; tout mensonge reconnu
donnait lieu à un gage. La questionneuse
étant arrivée en face d'un jeune homme qui
lui était peu sympathique, elle le regarda
attentivement des pieds à la tête; constatant
qu'il était absolument imberbe, et sachant
qu'il passait pour être inhabile aux jeux qui
se pratiquaient à Cythère, elle lui demanda
à brûle-pourpoint:
contes picabds
55
— Dites-moi donc franchement, je vous
prie, si vous avez déjà eu des enfants.
— Je puis vous assurer sur l'honneur que
je ne suis point père et que je ne l'ai
jamais été.
— Ce n'est pas la peine de recourir aux
grands serments; je vous crois aisément et
tout le monde ici fera de même; à voir la
paille, on se rend bien compte que l'épi ne
vaut rien.
Le jeune homme baissa la tête et ne dit
mot, tant il demeura humilié; sa confusion
augmenta encore quand il entendit autour de
lui les rires étouffés de tous les assistants.
La questionneuse passa aux autres, qu'elle
interrogea successivement. Quand elle revint
auprès de celui qu'elle avait si cruellement
piqué, elle lui posa une seconde question.
— Avant que de vous répondre, dit-il,
permettez-moi de vous interroger à mon tour,
comme le jeu m'y autorise.
— Volontiers.
— Vous me répondrez en toute sincérité?
— Je vous le promets.
— Veuillez me dire si vous avez du poil
à votre con.
— Vous me posez là une question bien in-
discrète.
56
CONTEĘ PłCĄBDfl
— Bépondez«moi, je voue prie, comme je
l'ai fait tout èk l'heure.
— Eh bien, je vous l'avoue garni détour, je
n'ai pas de poil à cet endroit.
— Je vous crois, et aucun de ще* cama-
rades qui se trouvent ici ne sera étonné de
votre réponse. Tout le monde sait que, sur
les grands chemins, qui sont fréquentés, il ne
pousse point d'herbe.
Tous les assistants partirent d'un franc
éclat de rire; ils savaient que cette jeune
fille n'était point une vertu.
38. Exigence* satisfaites.
Un beau cavalier faisait un jour sa prome*
nade matinale habituelle dans les rues de la
ville, monté sur un cheval fringant, étalon de
prix dont il se montrait fier. Tandis que le
maître lorgnait les jolis minois qui se mon-
traient aux fenêtres, sa monture hennissait
bruyamment à la vue des juments qu'elle
apercevait devant elle.
Ayant remarqué par une fenêtre entr'onverte
ице jeune beauté à sa toilette, dans un né-
gligé qui alluma ses désirs, le cavalier arrêta
CONTES PI CARD8 ' 67
son cheval pour mieux contempler le tableau
prometteur qui s'offrait à ses regards. La
rusée, qui observait le manège dans sa glace,
se précipita vivement — mais au bout d'un
instant, — à sa fenêtre, et, en la fermant
avec une maladresse voulue, elle laissa dé*
couvrir en entier deux globes fermes et re-
bondis, et prit, en regardant l'indiscret, un
air confus et engageant tout à la fois,
Rentré chez lui, le cavalier chargea son
domestique de se livrer le plus discrètement
possible à une enquête sur la jeune femme
qui lui avait paru être un morceau si appé-
tissant A son retour, le valet, qui était
souvent chargé de commissions de ce genre,
donna à entendre à son maître qu'il n'avait
qu'à se présenter, la dame en question étant
de vertu facile; il serait bien reçu par cette
marchande d'amour. Tout aussitôt, le jeune
cavalier écrivit un court billet dans lequel il
offrait à cette vendeuse de plaisir dix francs
et dix pouces si elle voulait lui accorder un
entretien de dix minutes. La femme écrivit
au-dessous;
— Doublez et ce sera affaire conclus.
Elle enferma ce billet dans une enveloppe
qu'elle remit an domestique pour qu'il le
rendit à son maître. Quand ce dernier eut
58
CONTES PICABDS
pris connaissance d'une telle réponse, il inséra
un louis dans une enveloppe où il introduisit
en outre un billet; il appela son valet, et, lui
ayant remis le pli, il lui dit:
— Tu vas prendre mon cheval dans l'écurie
et tu le conduiras à la porte de la dame de
chez qui tu reviens; tu lui remettras cette
enveloppe et tu attendras vingt minutes avant
de revenir ici.
La commission fut faite. En ouvrant l'en-
veloppe, la dame vit reluire un louis, et, sur
le billet, elle lut:
— Voici le louis demandé par vous; j'ai
doublé la première condition; quant aux deux
autres, vous trouverez en bas mon étalon,
qui doublera la seconde et que vous pourrez
garder pendant vingt minutes pour doubler la
troisième.
34. Le coq du clocher.
Un homme de la campagne s'était rendu un
jour de marché à la ville voisine. Ses affaires
terminées, il songea au retour. En regagnant
son auberge, il s'arrêta en face d'une place
où l'on construisait une église. Le clocher
venait d'être terminé et un ouvrier était
CONTES PICARDS
59
occupé à mettre en place le coq qui devait
servir de gironette an sommet de la flèche.
Deux badauds de la ville, qui se trouvaient
près du paysan, s'amusaient de le voir regarder
bouche bée; ils résolurent de se payer sa tête.
L'un d'eux l'interpella à haute voix, de ma-
nière à être entendu de toute l'assistance, qui
était nombreuse.
— Hé bien, mon brave, lui dit-il, pourriez-
vous nous dire si c'est un coq ou une poule
que l'on vient de hisser là-haut? Nous ne
distinguons pas très bien.
Le campagnard recula de quelques pas et
répondit en regardant son interlocuteur:
— Ce ne saurait être une poule.
— Ah! Et pourquoi donc, mon brave?
— En pondant, son œuf se briserait.
Tous les assistants se mirent à rire du
questionneur. Mais l'homme à la blouse reprit
aussitôt:
— C'est bien un coq, et, ce qui le prouve,
ce sont les deux couillons qui se trouvent
au-dessous de lui.
Et, en disant ces mots, il montrait du doigt
les deux loustics qui avaient voulu le tourner en
ridicule et qui se trouvaient précisément au-des-
sous du coq.__
60
CONTES PICARDS
36, Foule écrasée.
Un étranger, conduisant un cabriolet, tra-
versait un village; son cheval était lancé a
une vive allure; au tournant d'une rue, il prit
peur et fit un écart; une poule qui se trouvait
là s'effaroucha ; elle s'élança si malencontreuse-
ment dans les jambes du cheval que celui-ci
lui écrasa la tête en posant le pied à terre.
Au bruit, la femme à qui appartenait le gal-
linacé sortit de sa maison. Voyant ce qui
venait de se passer, elle interpella le voyageur,
et, tout en larmoyant, elle vanta les mérites
de son volatile.
— Ah ! une si bonne pondeuse, se lamentait-
elle, qui me coûtait si peu à nourrir! Je
n'avais que celle-là. Je soupais chaque soir
avec l'oeuf qu'elle avait pondu le matin. Que
mangerai-je maintenant qu'elle est morte?
— Je vais vous la payer, votre poule, dit
l'homme en descendant de son cabriolet et en
sortant son porte-monnaie de sa poche. Vous
en rachèterez une autre et vous mangerez
celle-ci...
— Ce ne sera plus ma bonne poule.
—*- C'est vrai Je le regrette. Combien
valait-elle?
— Je ne l'aurais pas donnée pour vingt francs.
CONTES PICAKD8
61
— Que dites-vous là? Vous rêvez assuré*
ment. Pour ce prix-là, on aurait douze poules.
— Je ne dis pas le contraire, mais il me
faut vingt francs. Vous ne savez donc pas
que tous les matins, quand je lui levais la
queue, je trouvais un œuf dessous?
— Eh bien, moi, dit l'homme, si vous leviez
la mienne à n'importe quelle heure du jour
ou de la nuit, vous trouveriez deux œufs au-
dessous.
Il remonta vivement dans son cabriolet et
allongea un vigoureux coup de fouet à son
cheval, qui partit sa galop, tandis que les
témoins de cette scène se moquaient de la
bonne femme, qui s'était montrée trop avide.
36. Les deux perdrix.
Le magister de Pernois était un grand
mystificateur, qui fut lui-même plusieurs fois
mystifié. Un jour, il rencontra le curé de ce
village qui faisait sa promenade quotidienne
dans la paroisse. Après les saints d'usage, il
invita le maître d'école à dîner; celui-ci ne
se fit point prier; il accepta tout de suite.
Le bon prêtre étant rentré au presbytère
62
CONTES PICARDS
prévint sa servante qu'il aurait un hôte à
midi qui dînerait avec lui. Madeleine monta
aussitôt sur ses grands chevaux, disant:
— Voyons, monsieur le curé, est-ce sérieux?
Que voulez-vous que je donne à votre convive?
J'ai du pain, du beurre, peut-être un oignon;
c'est tout. Vous savez bien qu'il n'y a rien
autre chose ici.
C'était vrai; le bon prêtre était si chari-
table qu'il donnait tout aux pauvres.
— Là, là, Madeleine, ne nous emportons
pas, nous nous en porterons mieux. Le bon
Dieu y pourvoira. Tenez, voilà justement
notre voisin qui revient de la chasse; peut-
être rapporte-t-il du gibier.
Précisément, le chasseur avait tué deux
perdreaux; il les remit au curé sans trop
compter qu'il les lui paierait jamais. Made-
leine, apaisée, se mit en devoir de préparer
le dîner, tandis que son maître se rendait à
l'église pour y faire ses dévotions.
Les perdrix mijotaient doucement sur le feu,
exhalant un fumet délicieux qui chatouillait
les narines de Madeleine. Au bout de quel-
que temps, elle voulut se rendre compte de
l'état de la cuisson des bestioles; elle détacha
une aile qu'elle suça; elle la trouva délicieuse.
Elle détacha l'autre aile, se proposant de
CONTES PICARDS 63
déclarer que cette perdrix avait eu les ailes
coupées par le plomb du chasseur. Sa gour-
mandise étant excitée, elle mangea une cuisse,
puis elle détacha l'autre cuisse; finalement, la
perdrix y passa tout entière. Ayant fait
réflexion qu'elle ne pouvait présenter sur la
table un si petit gibier pour deux convives,
elle mangea la seconde perdrix. Comme elle
avalait le dernier morceau, le maître d'école
arrivait au presbytère; il était midi moins un
quart, et l'on devait se mettre à table à midi.
Le magister sentait à pleines narines la bonne
odeur qui se dégageait dans la cuisine, mais
il se trouva surpris en constatant qu'il n'y
avait rien sur le feu et que rien n'était pré-
paré pour le recevoir.
— Que venez-vous faire? lui demanda la
servante du curé.
— Mais, Madeleine, ton maître ne t'a donc
pas prévenue qu'il m'a invité à dîner avec lui
aujourd'hui?
— Ah! vous avez cru cela, vous? Dans ce
cas, asseyez-vous donc; vous verrez ce qui
vous attend.
— Que veux-tu que me fasse monsieur le
curé? Il me donnera à dîner, sans doute.
— Oui, oui, un singulier dîner. Croyez
cela et buvez de l'eau... Jamais vous ne
CONTES PICARDS
reviendrez plus vous asseoir à la table de
mon maître.
Le maître d'école, que ces réticences intri-
guaient fortement, eut recours à un autre
moyen pour délier tout à fait la langue de
la servante.
— Voyons, ma chère petite Madeleine, tu
sais que nous sommes de même âge; tu te
rappelles que nous avons eu des tendresses
l'un pour l'autre; je t'ai passé plus d'une
fois la main dans... les cheveux; je t'aimais
bien, va... Dis-moi donc ce qui va se
passer.
— C'est vrai tout de même, dit la servante
quelque peu attendrie à l'évocation de ce sou-
venir de sa jeunesse; nous nous aimions bien,
à. la vérité. C'est pour cette raison que je
dois vous prévenir du péril qui vous menace.
Le voici en deux mots. Monsieur le curé est
jaloux de vous; il vous a fait venir ici parce
qu'il veut vous châtrer.
— Ce n'est pas possible ? Ton maître n'est
pas si cruel que cela. Comment, il veut m'en-
lever les deux couilles?
— Oui, oui, toutes les deux... Maintenant
que vous voilà prévenu, débarbouillez-vous
comme vous l'entendrez; pour moi, je m'en
lave les mains.
CONTES PICARDS 65
Au même moment, le curé, revenant par la
«our, se mit en devoir de repasser son couteau
sur le grès du perron, ainsi qu'il avait l'habi-
tude de le faire tous les jours avant son dîner.
— Ecoutez, dit Madeleine au maître d'école,
entendez-vous faire flic! flac! flic! flac! C'est
monsieur le curé qui repasse son couteau pour
ne pas vous faire trop souffrir.
— C'est nom de Dieu vrai! s'écria le ma-
gister enrayé.
Ouvrant aussitôt une fenêtre qui donnait
sur le jardin, il prit son élan et sauta dehors.
Au même instant, le curé pénétrait dans la
cuisine; Madeleine l'interpella violemment, et,
lui montrant du doigt le fuyard, elle s'écria:
— Les voilà les sortes de gens que vous
invitez à votre table. Tenez, c'est votre
coquin de maître d'école, qui, après avoir
voulu me foutre, se sauve avec les deux per-
drix qu'il a volées dans la casserole.
— Hé! hé! magister, cria le curé en se
mettant à la fenêtre, laissez-m'en une, au
moins, rien qu'une; vous garderez l'autre.
— Non, non, monsieur le curé, répliqua le
pédagogue en précipitant sa course, non, ni
l'une ni l'autre ; j'entends bien les garder toutes
les deux.
Kqvtcx. X,
5
66
37. Une franche réponse.
Dans un atelier de confections, où Гоп
n'occupait que des jeunes filles, il se présenta
un jour un travail fort difficile à exécuter.
C'est en vain que l'on fit appel aux ouvrières
les plus habiles; aucune d'elles ne put par-
venir à faire convenablement la besogne. Le
patron perdait patience; il appela l'une des
jeunes filles, qui lui paraissait plus active et
plus intelligente que les autres; il lui donna
ses instructions et la pria de se mettre à l'oeuvre;
elle tenta volontiers l'entreprise, mais, malgré
son bon vouloir, elle ne réussit pas mieux que
ses compagnes.
— Comment, lui dit le patron sur un ton
bourru sans réfléchir à qui il s'adressait,
vous n'avez donc pas de couilles au cul?
— Pour ça, non, je n'en ai pas en ce
moment, c'est vrai, répondit tout aussitôt
l'ouvrière ; mais j'en aurai ce soir, ... et ce
ne sera pas les tiennes.
38. Le roi et le meunier.
Un roi se passant la main dans les cheveux
en ramena un petit insecte dont il voulut
67
connaître le nom; il le montra à chacun de-
ses courtisans, qui, tous, avouèrent leur
ignorance; ils savaient bien quel était ce
parasite, mais comment faire entendre au
souverain qu'il n'était qu'un vulgaire pouilleux?
Le monarque, tenant absolument à être ren-
seigné, fit publier à son de trompe dans toute
l'étendue de son royaume qu'il accorderait la
faveur sollicitée par celui de ses sujets qui
saurait lui dire le nom d'un insecte qu'il avait
découvert dans ses cheveux.
Le premier arrivé à la cour fut un meunier,
qui était venu monté sur un âne. Le roi lui
fit voir l'insecte ; le meunier, fourrageant dans
ses cheveux, en ramena un qui lui était sem-
blable en tous points.
— Sire, c'est un pou, dit-il.
— Alors, le mien c'est aussi un pou?
— Vous l'avez dit, sire; il n'y a pas à s'y
tromper.
— C'est bien. Demande-moi une faveur, je
te l'accorderai.
— Sire, je voudrais épouser votre fille.
Le roi ne s'attendait pas à une demande de
ce genre; comme elle ne lui convenait aucune-
ment, il crut pouvoir sortir d'embarras en disant :
— Depuis longtemps, j'ai décidé de n'ac-
corder la main de ma fille qu'à celui de ses
5*
68
CONTES PICABDS
prétendants qui aura donné une grande marque
de courage. Un lion est enfermé dans ma
cave; si tu consens à passer une nuit en sa
compagnie, tu épouseras ma fille le lendemain
matin.
— J'accepte, répondit le meunier. Je vous
demanderai seulement la permission de m'ab-
senter pendant une heure pour deux ou trois
courses que je dois faire en ville.
— Je t'accorde deux heures; va et sois
revenu ici avant le soir; l'épreuve commen-
cera aussitôt.
Le meunier étant sorti du palais entra
d'abord chez un fruitier, où il acheta des noix,
parce qu'il avait entendu dire que les lions
sont très friands de ce fruit; puis, il se pro-
cura une bougie. Il revint à la cour deux
heures plus tard. Le roi le fit conduire im-
médiatement dans la cave affectée au lion ; on
l'y fit entrer, et la porte fut renfermée en
dehors à l'aide d'énormes verrous. Le roi et
ses courtisans s'attendaient bien que le trop
hardi meunier serait dévoré pour le lendemain
matin sans qu'il en restât le moindre vestige ;
ainsi, la princesse ne contracterait pas de
mésalliance.
Le meunier descendit les trois ou quatre
premières marches de l'escalier. Le lion, qui
CONTES PICARDS 69
le sentait, poussa d'énormes rugissements. Son
compagnon Ini jeta une noix et alluma sa
bougie; il jeta ensuite une seconde noix.
Ayant aperçu au fond de la cave une bûche
et une hachette, le meunier descendit l'escalier
en prenant la précaution de laisser tomber
une poignée de noix pour détourner l'attention
de son terrible compagnon. S'armant de la
hachette, il l'enfonça dans la bûche, qu'il fen-
dit à moitié; exerçant une pesée à l'aide du
manche, il élargit l'entaille qu'il venait de
faire.
— Tiens, dit-il au lion, mets ta patte dans
cette fente pendant que je vais aller chercher
des coins en fer que j'ai oubliés là-haut sur
la première marche et qui me sont nécessaires
pour fendre cette bûche, suivant les ordres
que j'en ai reçus du roi. Je te donnerai
d'autres noix en revenant te délivrer.
Sans méfiance, le lion fit ce que lui deman-
dait le meunier; à peine eut-il introduit sa
patte dans l'entaille que le rusé meunier re-
tira la hachette et la fente se resserra sur la
patte du lion, qui ne put faire aucun mouve-
ment. Le meunier rémonta quelques marches
et s'endormit profondément, tandis que son
compagnon se tenait dans une immobilité com-
plète, et pour cause. Quand les envoyés du
70
roi arrivèrent le lendemain matin, ils ne furent
pas médiocrement surpris de trouver le meu-
nier vivant; il sortit avec eux et alla de-
mander au roi l'exécution de la promesse qu'il
lui avait faite. Le mariage de la princesse
avec le meunier se fit sans retard et sans
tambour ni trompette. La cérémonie était
à peine terminée que le nouveau marié re-
tournait dans son pays avec sa femme et son
baudet. Chemin faisant, le meunier aperçut
un renard arrêté devant une vigne chargée de
grappes de raisin.
— Hé! l'homme, dit-il, ne pourrais-tu me
mettre à portée de manger quelques grains
de ce beau raisin si tentant?
— Il n'y a rien de plus facile, renard.
Avisant une perche qui se trouvait là, le
meunier enfonça l'une de ses extrémités dans
le trou du cul du renard, et, la redressant,
il enfonça l'autre bout dans la terre, plaçant
le renard en face des grappes de raisin. Et
les nouveaux mariés continuèrent leur route.
Un peu plus loin, ils firent la rencontre d'un
chien, qui dit:
— Hé! meunier, pourrais-tu m'empêcher de
courir si vite ? H m'est impossible de pouvoir
m'arrêter.
— Rien n'est plus simple, chien. Tu vas voir.
71
Ramassant deux pierres qui se trouvaient
sur le bas-côté du chemin, le meunier les
arrondit grossièrement avec son couteau et
perça un trou dans chacune d'elles; il sortit
une ficelle de sa poche, lia les deux pierres
et attacha l'autre bout de la ficelle à la queue
du chien; cela fait, les nouveaux mariés re-
prirent leur chemin.
Après le départ de la princesse, le roi se
demanda par quelle ruse son gendre avait pu
échapper à la dent du fauve; il ne trouva
rien de plus naturel que d'aller interroger le
lion. C'est ce qu'il fit. Il apprit de l'animal
tout ce qui s'était passé, et la meilleure preuve
de l'exactitude de son récit était encore visible
puisque sa patte se trouvait toujours empri-
sonnée dans l'entaille de la bûche. Le roi
l'ayant fait délivrer sans plus tarder lui dit:
— Ainsi que moi, tu voudrais bien te
venger de ce misérable, n'est-il pas vrai?
— Je ne demande pas mieux, sire.
— Je vais te faire mettre en liberté; tu
rattraperas ce gredin, que tu dévoreras dès
que \\\ l'auras rejoint: il emmène ma fille,
qu'il a placée sur son baudet. Va.
Le lion prit sa course aussitôt. En che-
min, il aperçut un renard grimpé dans une
vigne.
72
— As-tu vu passer un meunier avec sa.
femme qui est montée sur un baudet? lui
demanda le lion. Je suis à sa recherche pour
le dévorer.
— Si je l'ai vu? Certes, oui; c'est lui qui
m'a mis dans l'état où tu me vois; je souffre
mille morts et je ne puis faire le moindre
mouvement sans éprouver la plus cuisante
douleur. Descends-moi de là, je t'en supplie,
et nous nous mettrons ensemble à la poursuite
de mon bourreau.
C'est ce qui fut fait; ils s'élancèrent tous
les deux sur les pas du meunier. A quelque
distance, ils rejoignirent un chien qui ne pou-
vait guère avancer; il était retenu par deux
pierres qu'il tramait à son derrière.
— As-tu vu passer un meunier accompagnant
sa femme, qui est montée sur un âne? lui
demandèrent le lion et le renard.
— Oui; ce particulier-là ne doit même pas
se trouver loin; c'est à lui que je dois d'être
dans l'état où vous me voyez. Débarrassez-
moi de ces deux pierres et je me joindrai à
vous pour lui faire son affaire.
La ficelle ayant été croquée par le renard,
les trois animaux se mirent à la poursuite de
leur ennemi commun; ils ne tardèrent pas à
l'apercevoir dans le lointain. S'étant retourné
CONTES PICARDS 73
un instant après, le meunier reconnut ses trois
victimes, qui, sans doute, se proposaient de
lui faire un mauvais parti. Sans plus attendre,
car le temps pressait, il prit sa femme à
bras le corps, l'étendit sur le bas-côté du
chemin et la retroussa jusqu'au-dessus du
nombril en lui recommandant de ne pas
bouger; il se déboutonna ensuite, laissa re-
tomber sa culotte et releva sa chemise par-
devant jusqu'à la hauteur des aisselles; il se
coucha sur le dos à côté de sa femme. Quand
les trois animaux furent arrivés tout près de
ce groupe singulier, ils s'arrêtèrent en même
tempe et s'assirent sur le cul considérant le
tableau qui s'offrait à leurs regards. Le lion,
prenant le premier la parole, dit en regardant
le devant de la femme:
— Je n'avancerai pas plus près; j'aperçois
encore la fente dans laquelle ma patte est
restée pendant toute la nuit.
— Je reste ici également, dit le renard en
regardant au-dessous du ventre du meunier;
je vois l'extrémité du bâton que l'homme m'a
enfoncé dans le trou du cul.
— Je reste avec vous, dit le chien, parce
que je vois les deux cailloux ronds qu'il m'a
attachés à la queue.
74
Faisant volte-face, les trois animaux re-
tournèrent sur leurs pas, et le meunier put
continuer sa route sans encombre. Une fois
de plus, il s'était joué du roi, son beau-père.
39. Le balai de la jeunesse.
Une jeune apprentie couturière s'apercevait
depuis quelque temps en vêtant sa chemise
le dimanche qu'il lui poussait des poils sur le
bas du ventre. A chaque instant de la
journée, elle se retirait en un endroit solitaire
et constatait avec épouvante que le mal fai-
sait des progrès rapides. Une épaisse toison
avait fini par lui couvrir toute la partie in-
férieure du bas-ventre. La pauvre enfant,
craignant que le mal ne s'étendit à tout son
corps, tomba dans un morne abattement. Ne
pouvant garder plus longtemps sa peine se-
crète, elle s'en ouvrit un jour à sa patronne;
celle-ci essaya de la consoler, et, pour calmer
son chagrin, elle lui donna d'abondantes ex-
plications qui ne paraissaient guère satisfaire
son apprentie, parce qu'elles étaient exprimées
à mots couverts pour ne point effaroucher la
pudeur de la fillette. Finalement, la patronne
lui dit:
75
— Cet état de choses n'a nullement lieu de
t'inquiéter, mon enfant; cela s'est produit
pour chacune de nous; c'est ce qu'on appelle
le balai de la jeunesse.
— Ah! s'écria la jeune fille en battant des
mains avec joie, je comprends maintenant
pourquoi votre mari y a porté la main avant-
hier : il voulait emmancher mon balai avec un
bâton qu'il avait dans ses jambes.
40. L'agilité de la fermière.
Un jour, une fermière et son domestique se
rendirent aux champs pour en ramener une
voiture de récoltes. Le domestique prenait
les gerbes aux tas, et, à l'aide d'une fourche,
les déposait dans la voiture, où sa patronne
les mettait en place. Il ne restait plus à
opérer que le chargement d'un tas de gerbes
pour que la voiture fut complète. Or, en
dirigeant l'attelage vers le dernier tas, l'une
des roues de la voiture heurta une borne de
grès, ce qui occasionna une telle secousse,
que la fermière glissa sur le sol avec la der-
nière rangée de gerbes. Dans sa chute, elle
ne se fit heureusement aucun mal, mais ses
76
japes et sa chemise se soulevèrent si ma-
lencontreusement qu'elle exposa à la vue de
son domestique ce que toute femme qui se
respecte cache avec tant de soin. Aussi
e'empressa-t-elle de rabattre ses vêtements et
se releva-t-elle lestement pour remonter plua
vivement encore en trois bonds sur le haut
de la voiture. Là, se campant les deux poinga
sur les hanches, elle dit au domestique qui
ouvrait de grands yeux étonnés et qu'elle
croyait avoir surpris par sa souplesse et sa
promptitude :
— Eh bien, Baptiste, as-tu vu mon agilité?
— Je ne savais pas qu'en français cette
histoire s'appelait ainsi, notre dame, mais pour
l'avoir vue, oui, je l'ai bien vue.
41. Le souper.
Un ouvrier qui s'adonnait trop souvent à
la boisson fut mis un jour à la porte par son
maître. Quand il rentra chez lui et qu'il eut
fait connaître à sa femme qu'il se trouvait
sans emploi, celle-ci lui fit des reproches vio-
lents sur sa mauvaise conduite, lui disant
qu'ils allaient tomber dans la misère noire»
77
Les jours suivants, le mari chercha à se
placer ailleurs, mais, outre qu'il était ivrogne,
il commençait à prendre de l'âge et personne
ne voulait l'occuper. Chaque soir, lorsqu'il
rentrait chez lui, sa femme l'accablait d'in-
jures.
— Si tu ne travailles plus, lui disait-elle
sans cesse, comment vivrons-nous?
— Bah! lui répondait-il avec insouciance,
nous vivrons d'amour et d'eau fraîche.
— A notre âge, y penses-tu, malheureux?
Un soir, le mari rentra chez lui pour souper.
Ne voyant rien sur la table, parce que le buffet
était vide, il demanda à sa femme, qui faisait
ohapelle au foyer, avec ses jambes écartées et
ses jupons relevés jusqu'à la ceinture:
— Qu'y a-t-il à manger?
— N'as-tu pas dit que nous vivrions d'amour
et d'eau fraîche? Tiens, voici notre seille;
j'ai été l'emplir au puits ; moi, je fais chauffer
le souper.
42. Enne vève inoonsolabe.
I gny avoi enne fois enne féme qu'ai venoit
d'enterrer s'n homme. Al brayoit tant et pi
al avoit tant de chagrin que ses voisinnes
78
CONTES PICARDS
il ont 'tè obligées dé le prende par éle bros
pour éle ramener à se moison.
— Men povre homme! qu'ai disoit. Feut-ti
que jé le perde si jonne, li qu'il étoit si boin,
si aimabe, si prévisant ! Jamois o né le voyoit
au cabaret; il étoit toujours à sen travail ou
bien aveu mi... Hi ! hi ! hi ! Nan, nan, jamois
jé ne l'oublierai. Jamois, jamois, jamois ...
Quant al o été rentrée dens se moison, tout
en brayant al o remis tout en ordre dens sen
ménage ; après, al o été moison dé se voisinne
qu'ai coffoit le four pour sen pain.
— Ah! ch'est vous, Marianne? Assiez-vous;
ne brayez point tant. Che qu'est foit est foit;
os n'y povons rien.
— Ah! que je sut-ti malhéreuse! Hi! hü
hi !... Nan, je né Г1 oublierai jamois.
Hi! hi! hi!...
Tout en brayant, le povre feme al s'est assis
dessus enne galette tout cœude qu'o venoit de
déforner. Tout d'un cœup, en sentant le ca-
leur traverser ses cotrons, le vève al dit:
— Ah! mon Diu! quoi que ch'est que je di-
sois don que jamois jé ne l'oublierois?... I le
fodro bien: je sens déjo men cul qu'i s'écoffe.
(Kryptadia, П, 147-148.)
79
43. Un maxi à l'aise.
Un tailleur très sérieux, très économe,
s'était créé une fort belle clientèle dans le
grand monde. П avait une fille unique, qui,
son instruction terminée, prit place au comp-
toir; elle avait surtout pour occupation
d'inscrire les mesures que son père lui dictait ;
elle notait en outre des observations de ce
genre faites par l'auteur de ses jours: „Belle
tenue militaire. — Un peu voûté. — Pour le pan-
talon, porte à droite." — „Oh! papa, je
l'avais bien vu", s'écria un jour la naïve
enfant après une observation du genre de la
dernière.
Peu surveillée par ses parents, qui n'étaient
préoccupés que du soin de thésauriser, la jeune
fille flirta d'abord avec les employés de la
maison, et, comme elle était d'une grande
beauté et qu'elle constituait un parti fort con-
voitable, quelques clients lui firent la cour.
Est-ce en tout bien tout honneur? La suite
nous l'apprendra.
A peine cette jeune fille eut-elle atteint sa
majorité qu'un baron d'âge plutôt mûr et
n'ayant plus le sou sollicita l'honneur de
devenir le gendre de son tailleur. Sa demande
fut agréée, et, six semaines plus tard, son
80
blason était redoré avec les trois cent mille
francs que le tailleur lui avait remis en même
temps que sa fille.
Le lendemain de la noce, la mère, debout de
bonne heure, attendait avec anxiété le lever
des nouveaux époux. Quand sa fille pénétra
dans la salle à manger, elle s'approcha d'elle
et s'informa des incidente de la nuit.
— Tout s'est fort bien passé, répondit
naïvement la jeune mariée ; mon mari est très
content; il m'a dit à plusieurs reprises qu'il
est assuré désormais que, s'il tombe un jour
dans la gêne, il sera toujours très à l'aise
avec moi.
On suppose que la maman a compris.
44. Le boucher et la fillette.
Un boucher, joyeux compère s'il en fut,
farceur, rieur, buveur et le reste, entra un
jour, son bâton noueux à la main, une blouse
neuve sur le dos, chez une fermière avec la-
quelle il faisait souvent des affaires. En le
voyant arriver, la veuve, qui se trouvait dans
son fournil occupée à pétrir pour faire le
pain, dit au marchand de viande:
CONTES PICARDS
81
— Vous n'en ferez jamais d'autres; vous
arrivez toujours au moment où je n'ai point
le temps.
— Bon, bon, c'est bon; je reviendrai demain,
il fera encore jour. Ne vous faites pas de
mauvais sang, la mère. Je repasserai. Adieu.
— Quel caractère pointu a-t-il, ce maudit
boucher, dit la femme; il prend tout de suite
la mouche...
— Allons, allons, la moitié de ça suffit.
Avez-vous, oui ou non, quelque chose à me
faire voir?
— Certainement, j'ai un veau. Je ne puis
quitter mon travail pour l'instant, mais il
n'est point nécessaire que je vous accompagne.
Ma fille est dans l'étable, elle vous le mon-
trera; allez la voir et dites-lui que je vous
envoie pour qu'elle vous le montre.
Le boucher, entrant dans l'étable, vit une
jeune fille d'une quinzaine d'années, qu'il
connaissait d'ailleurs, et lui dit sur le ton
de quelqu'un qui est pressé:
— Montre-le-moi bien vite, je n'ai pas le
temps.
— Comment, vous le montrer ? Vous n'êtes
pas honteux? Personne ne l'a encore vu.
— C'est ta mère qui m'envoie. Si tu en
doutes, demande-le-lui.
Kqvw. X, 6
82
L'enfant, rougissant, s'avança à la porte
et cria:
— Est-ce vrai ce qne me vent le boucher? П me
dit que tu l'envoies pour que je le lui montre.
— Oui, sans doute; tu sais bien que je ne
peux pas quitter en ce moment. Fais-le donc
voir à cet homme; ce n'est pas fatigant,
j'espère bien.
La jeune fille, ne pouvant en croire ses
oreilles, pensa que sa mère commençait à
radoter, car, jusque-là, elle n'avait cessé de
lui faire des recommandations d'un genre tout
différent; elle ne crut pas devoir lui désobéir,
et, toute décontenancée, elle se retira dans
le fond de l'étable; s'accroupissant en face
de la porte, elle releva ses jupons et sa
chemise. Le boucher se baissa et regarda
longuement le bas du ventre de la fillette,
mais ce fut tout.
— Ce que tu viens de me montrer est très
gentil, ma belle enfant, dit le boucher, je le
reconnais volontiers; mais ce que ta mère
entend que tu me fasses voir ce n'est point cela,
c'est un veau.
44 a. Variante.
"Un voyageur traversait un jour un gros
village ; arrivé à un carrefour où aboutissaient
CONTES PICARDS 83
quatre ou cinq rues, il se trouva fort em-
barrassé. Jetant un regard autour de lui, il
aperçut une fillette de quinze à seize ans qui
tricotait près de la porte extérieure d'une
maison; il se dirigea vers elle et lui demanda:
— Mon enfant, pourriez-vous me dire quel
chemin je dois suivre pour me rendre à tel
village?
La fillette, intimidée ou ne comprenant
peut-être pas distinctement un langage qu'elle
n'entendait guère dans son pays, examina
l'homme des pieds à la tête et ne répondit pas ;
sa mère, occupée à l'intérieur de la maison, cria,
impatientée, tout en continuant son travail:
— Tu ne sais pas répondre à ce monsieur?
Lève donc ton cul de ta chaise et montre-le-
lui bien vite.
La fillette, très obéissante, se leva vive-
ment; elle alla s'accroupir au pied du pignon
de la maison, et, faisant face au voyageur,
elle releva ses jupons et sa chemise, qu'elle
laissa retomber aussitôt en rougissant jusqu'à
la racine des cheveux.
— Ce que tu viens de me faire voir là, mon
enfant, est très joli sans doute, dit l'étranger,
mais ce n'est pas mon chemin.
6*
84 CONTES PICARDS
45. Voleurs de prunes.
C'était au temps des prunes. Un dimanche,
en dansant sur la place publique, une jeune
fille proposa à son cavalier d'aller ensemble
en maraudage dans un jardin voisin de celui
de ses parents; elle lui dit qu'il s'y trouvait
des pruniers couverts de fruits en pleine ma-
turité, ajoutant que le propriétaire serait ab-
sent toute la journée du lendemain. Les deux
jeunes gens fixèrent leur rendez-vous au jour
suivant à l'heure de midi. Us furent exacts
tous les deux; le jeune homme portait une
échelle sur son épaule et la jeune fille avait
un panier au bras. Arrivé au pied du plus
gros prunier, le garçon appliqua son échelle
contre le tronc et se disposa à monter, mais
sa complice, beaucoup plus légère et plus
agile, gravit aussitôt les échelons en le priant
de demeurer au pied de l'échelle pour l'em-
pêcher de glisser. Elle se hâtait de cueillir
les plus belles prunes, et c'était merveille de
la voir passer de branche en branche avec
une adresse qui surprenait son compagnon.
Ce dernier, qui continuait d'appuyer fortement
le pied sur le premier échelon, tenait con-
stamment la tête relevée. Dans sa pré-
occupation, la maraudeuse était loin de penser
85
qu'elle exposait aux regards de son complice
ce qu'elle avait toujours pris grand soin de
lui cacher jusque-là ; elle n'avait pour l'instant
d'autre souci que de n'être point surprise;
aussi demanda-t-elle tout à coup:
— Dis-moi, tu n'aperçois pas le garde
champêtre, par hasard?
En cet instant, elle avait les jambes forte-
ment écartées parce que ses pieds reposaient
sur chacune des deux maîtresses branches du
prunier; le jeune homme, regardant attentive-
ment en l'air, mit sa main sur le front en
guise d'abat-jour et répondit au bout d'un
moment:
— Je vois bien quelque chose, mais si c'est
le garde champêtre, quelle sale gueule !...
Il en a des poils noirs autour!
46. Avez-vous vu mon veau?
Un paysan quelque peu simple d'esprit avait
laissé échapper son veau. 11 se mit à sa
recherche par monts et par vaux sans pouvoir
le découvrir. Étant arrivé à un petit bosquet
dans la prairie, l'idée lui vint de grimper
jusqu'à la cime de l'arbre le plus élevé dans
86
l'espoir d'apercevoir au loin son veau. A peine
était-il arrivé aux premières branches qu'il
entendit causer au pied de l'arbre. Il s'arrêta
et écouta, mais il ne put voir, le feuillage
lui cachant les deux interlocuteurs; il crut
reconnaître une voix masculine et une voix
féminine; il entendit l'homme pousser de fré-
quentes exclamations et s'écrier sur un ton
d'admiration :
— Oh! tout ce que je vois! Comme c'est
beau! J'aperçois au bas de la montagne un
joli bosquet bien touffu. Au milieu, je vois
une fontaine. Oh ! quel endroit délicieux pour
s'y reposer et pour se désaltérer! Je vois
aussi...
L'homme de l'arbre l'interrompant en cet
instant, cria de toutes ses forces:
— Hé ! l'ami, vous qui voyez tant de choses,
n'apercevez-vous point mon veau s'abreuver
à la fontaine?
47. Le chat.
Un soir d'hiver, une femme faisait chapelle
à un bon feu de tourbe; sa fille, âgée d'une
douzaine d'années, était assise en face d'elle
de l'autre côté de la cheminée. Tout à coup,
87
la fillette jeta un regard entre les jambes de
sa mère; à la lueur du brasier, elle aperçut
un tableau qu'elle considéra en silence pen-
dant un instant; relevant ensuite ses propres
jupons, elle regarda le bas de son ventre;
reportant la vue sur ce qu'étalait sa mère,
elle s'écria toute surprise:
— Oh! maman, qu'as-tu donc entre les
jambes? Comme c'est singulier!... Je n'ai
pas cela, moi, regarde.
La mère, interloquée, parut réfléchir un
instant; elle répondit ensuite:
— Que cela ne t'étonne point, mon enfant,
c'est tout simplement un chat; et, n'en sois
point contrariée, plus tard, tu en auras un
semblable au même endroit.
— Est-ce qu'il aura une aussi grande gueule
que le tien?
— Oui, ma fille, quand il aura mangé autant
de souris que le mien.
48. La plus âgée des deux.
Un père de famille avait trois filles à
marier, âgées, la première, de vingt-deux ans,
la cadette, de vingt ans et la dernière, de
88
dix-huit ans. L'aînée lui fut un jour de-
mandée en mariage.
— Je sais bien, répondit le père, que,
d'après la règle communément observée, la
plus âgée doit se marier la première. Mais
je ne veux point me soumettre à cette cou-
tume, qui me paraît devoir être réformée.
Revenez dans huit jours, je vous ferai con-
naître ma réponse.
Le lendemain matin, le père fit appeler
successivement ses trois filles dans son bureau
et leur posa les mêmes questions :
— Combien as-tu de bouches, ma fille?
demanda-t-il à l'aînée.
— Deux, papa; l'une en haut, l'autre en bas.
— C'est bien. Dis-moi quelle est la plus
âgée dfes deux.
— C'est celle du haut, qui a des dents et
l'autre n'en a pas encore.
Après cette réponse, elle se retira et fut
remplacée par sa sœur cadette.
— Combien as-tu de bouches, ma fille?
— J'en ai deux, papa, répondit-elle en rou-
gissant.
— Quelle est la plus âgée?
— C'est celle du bas, qui a des moustaches,
tandis que celle du haut n'en est point encore
pourvue.
89
Son père la congédia sur cette réponse et
fit venir sa troisième fille. Il éprouva quel-
que embarras à lui faire subir le même inter-
rogatoire qu'à ses sœurs, parce qu'il la con-
sidérait encore comme une enfant; il formula
donc sa première question à mots couverts,
mais, la délurée, qui avait écouté à la porte,
répondit vivement:
— Ne cherche pas plus longtemps après tes
mots, bon papa. J'ai deux bouches aussi, l'une
avec des dents et sans moustaches, l'autre
avec des moustaches et sans dents ; c'est celle
du haut qui est la plus âgée parce qu'elle ne
tette plus, tandis que celle du bas demande
sans cesse à teter; la preuve en est que mon
cousin lui a encore donné la tette deux fois
hier soir.
Le père trouva cette réponse concluante,
aussi s'empressa-t-il d'accorder la main de sa
troisième fille afin d'éviter un accroc à sa
réputation.
49. Ta as monté aussi sur Jeannot.
Il y avait un petit gamin d'une douzaine
d'années qui ne trouvait pas de plus grand
plaisir que de monter sur Jeannot, leur âne.
90
CONTES PICABDS
Dès que ses parents avaient le dos tourné, il
s'introduisait dans l'écurie, détachait le baudet,
lui passait la bride, montait sur sa croupe et le
conduisait à l'abreuvoir. Le père de l'enfant,
qui craignait toujours une imprudence suivie
d'un accident, défendait sans cesse à son fils
de sortir Jeannot de l'écurie. Mais c'était
peine perdue; le gamin, peu obéissant, n'en
faisait qu'à sa tête. Chaque jour, en rentrant
des champs, le père lui demandait s'il avait
encore monté sur le baudet; avec un parfait
aplomb, il répondait invariablement non; mais
le père, examinant les jambes de pantalon du
petit polisson, lui disait:
— Tu mens; je vois bien par les poils
noirs qui sont là que tu as encore monté sur
Jeannot.
Et aussitôt les soufflets tombaient drus
comme grêle sur le petit menteur. Un jour,
celui-ci, qui avait eu une altercation avec sa
sœur, de deux ou trois ans plus âgée que lui,
entendit cette dernière dire à son père de
retour des champs que son frère avait encore
sorti le baudet. Le père, appelant aussitôt
le gamin, lui dit:
— Tu as encore monté sur Jeannot?
— C'est ma sœur qui vous Га dit parce
qu'elle m'en veut.
91
— Je le vois bien aux poils noirs qui sont
attachés sur les jambes de ton pantalon.
L'enfant fut encore vertement corrigé; tout
pleurnichant, il alla s'asseoir dans un coin de
la cheminée; sa soeur était assise dans l'autre
coin, en face de lui; elle avait relevé ses
jupons pour mieux se chauffer. Au bout d'un
instant, le gamin leva sournoisement les yeux
vers sa sœur, à qui il ne pardonnait pas de
l'avoir dénoncé; il regarda attentivement une
chose qui le surprit; allongeant le doigt dans
la direction de ce qu'il voyait, il s'écria:
— Toi aussi tu as monté sur Jeannot; je
le vois bien, tu as des poils noirs en haut de
tes jambes. Je vais le dire à papa, fit le
gamin en se levant vivement.
50. Passe, minette.
Une vieille fille qui, depuis longtemps, avait
coiffé sainte Catherine, faisait chapelle un soir
d'hiver devant son feu ; elle se trouvait seule,
aussi en avait-elle profité pour relever ses
vêtements de façon à découvrir ses jambes et
son ventre; comme elle ne portait pas de
culotte, elle éprouvait avec une vive satis-
92
faction les effets bienfaisants du brasier. Sa
chatte, Minette, se frottait contre ses jambes
en faisant ronron et relevait sa queue, dont
l'extrémité chatouillait agréablement le bas
du ventre de sa maîtresse; celle-ci, à chaque
frottement, éprouvait une sensation délicieuse
qu'elle aurait voulu prolonger indéfiniment;
aussi encourageait-elle sa chatte en lui disant
doucement :
— Passe, Minette! Repasse, Minette!
Et la vieille fille pensait en elle-même:
— Rien n'est rien, mais peu de chose fait
grand bien. Mon petit minet, à moi, fait
aussi ronron.
51. La cachette.
Un père avec sa fille était allé à la foire
d'une ville située à cinq ou six lieues de leur
village; il portait une bourse abondamment
garnie parce qu'il espérait faire des achats
importants; sa fille s'était parée de ses plus
beaux bijoux dans l'espoir d'attirer les regards
de quelque prétendant. A mi-chemin, ils
durent traverser un bois d'assez grande
étendue; tout à coup, ils furent attaqués par
trois bandits, qui, en un tour de main, les
CONTES PICARDS
93
eurent mis dans l'impossibilité de s'échapper;
le père fut dépouillé de ses vêtements, qui
turent soigneusement fouillés; les voleurs
s'emparèrent de sa montre et de sa bourse.
Sa fille, qui n'avait rien perdu de cette scène
rapide, eut la présence d'esprit de sauver ses
bijoux; elle détacha ses pendants d'oreilles et
retira les bagues de ses doigts; elle introduisit
le tout dans certain endroit secret de son
corps; à peine les eut-elle mis en lieu sûr que
les brigands vinrent à elle; ils n'avaient rien
vu de ce qu'elle venait de faire; ils com-
mencèrent par lui enlever tous ses vêtements,
y compris sa chemise, mais ils ne trouvèrent
rien. Leur coup fait, ils s'enfoncèrent dans
l'épaisseur du bois, laissant leurs victimes
étendues sur le sol.
Des voyageurs étant venus à passer dé-
livrèrent le père et la fille de leur bâillon et
des entraves qu'ils avaient aux pieds et aux
bras. Ayant ainsi recouvré leur liberté, ils
ramassèrent leurs vêtements et s'habillèrent.
Le père se lamentait sur la perte de sa bourse.
— Ne vous désolez point, lui dit sa fille;
nous n'avons pas été entièrement dépouillés;
j'ai encore tous mes bijoux.
— Comment as-tu fait pour les soustraire
aux recherches de ces brigands?
94 CONTES PICARDS
— Tenez, fit-elle en écartant ses jambes,
je les avais cachés là.
Et elle retira un à un ses pendants d'oreilles
et ses anneaux d'or.
— Quel malheur! s'écria le père en s'arra-
chant les cheveux, que je n'aie point songé à
amener ta mère avec nous; je lui aurais fait
mettre ma montre et ma bourse dans sa ca-
chette, qui est bien plus grande que la tienne»
62. Dane quel trou?
Une femme fut prise un jour de violentes
coliques. Son mal ne se calmant point, elle
fit appeler le médecin; celui-ci arriva sans
retard; il reconnut quïl n'y avait aucune
gravité; ce n'était qu'un malaise passager; il
ordonna simplement à la femme de prendre
un lavement d'eau de son.
— Qui donc me le donnera? demanda la
malade; je ne saurais me lever.
Le médecin, avisant un enfant d'une dou-
zaine d'années qui pleurnichait dans un coin,
fort peiné d'entendre les plaintes de sa mère,
dit aussitôt:
— Votre fils est assez grand pour préparer
le lavement et pour vous l'administrer ensuite.
95
L'homme de l'art donna ses instructions au
gamin, puis, relevant les couvertures du lit
et lui montrant le cul de sa mère, qui était
couchée sur son ventre, il lui dit:
— Quand tu auras empli la seringue, tu
enfonceras la canule dans ce trou et tu feras
fonctionner le piston de la seringue.
Là-dessus, le médecin quitta la maison pour
aller visiter d'autres malades. L'enfant mit
un chaudron sur le feu et fit chauffer de l'eau
qu'il versa sur du son quand il la vit entrer
en ebullition.
Tout étant prêt pour administrer le lave-
ment, le gamin se dirigea vers le lit de sa
mère en tenant la seringue. Il releva les
couvertures, ainsi qu'il l'avait vu faire au
médecin. Mais la malade, qui se livrait à
mille contorsions produites par des douleurs
aiguës, se trouvait en ce moment couchée sur
le dos, les genoux relevés et les jambes
écartées. Son fils aperçut alors un tableau
tout différent de celui que lui avait montré
le médecin un instant auparavant.
—- Maman, demanda-t-il tout surpris, est-ce
dans le trou rond ou dans le trou ovale qu'il
faut placer la canule?
— C'est dans le trou rond, mon en-
fant.
96
— Ah! bien. Si c'eut été dans le trou
ovale, j'aurais pu verser avec la jatte ; il est
assez grand pour cela.
52 a. Variante.
Enne fois, enne féme qu'ai étoit malade al
o 'tè vir monsieur le curé, qu'i li o ordonné
de foire boullir des herbes qu'i li o données dens
cinq lites d'ieu; quant ha sero froid, i forro
prende un lavement; tous les jours, i gny éro
trois lavements à prende; au bout d'enne
semaine, éle maladie al sero guérite.
— I forro-ti quemencher ennui, monsieur
le curé?
— Bien seur; tout de suite même.
— Oui, mais, ... ch'est qu'i gny о personne
à no moison.
— Si ch'est ho, ... je n'ai rien à foire à
che-t-heure, j'irai vous aider.
Ele féme a' n'o point demandé miux; al est
revenue à leu moison aveuc monsieur le curé.
Quant ches herbes il ont 'tè cueillèes, о s'z о
foit bouillir; après, le féme al o ieu sen
premier lavement.
— Monsieur le curé, qu'ai dit, je sens qu'ha
me foit déjo du bien. Quant jou qu'i forro
requemencher?
CONTES PICABDS
97
— Dens trois heures. I feut que je sorte.
Jé revarrai quant i fbrro. Adet.
Au bout de trois heures, éche curé і n'étoit
point coire érevenu; éle malade al quemen-
choit à s'ennuyer. D'un cœup, a' se dit:
— Que je sut béte! J'ai lo me quiote; al
séro bien me donner un lavement.
Al о prins le seringue, al l'o remplie et pi
al о espliquè à se fille quement qu'i folloit
s'y prende. Ho foit, al о retroussé ses cotron,
al s'est accroupie en écartant ses gambes. Éle
quiote, en voyant deux treus, al édemande:
— Disez, man mére, élequel éque ch'est de
ches deux? Si ch'est cheti d'en bos, о n'o
mie besoin de seringue; il est si grand que
je peux verser aveuc éche sien.
(Kryptadia, П, 154-166.)
53. Cas de divorce.
Le jour de leurs noces, deux jeunes mariés
n'attendirent même pas le départ des derniers
invités pour se rendre dans la chambre nup-
tiale. Pendant la cour assidue qu'il avait
faite à sa future, le fiancé n'avait jamais été
autorisé à prendre la plus légère privante;
Kqvtix. X. 7
98
CONTES PICABDS
une surveillance active, qui ne se relâcha
jamais d'nn instant, avait été exercée autour
de la jeune fille par ses parents.
Le lendemain de sa noce, le nouveau marié
se levait de très bonne heure, ce qui parais-
sait tout à fait anormal; en ouvrant la porte
de sa chambre, il se trouva nez à nez avec
son beau-père; celui-ci, le sourire aux lèvres,
s'avança vers son gendre, la main tendue, et
lui dit:
— Comment, déjà levé?
— Certes, j'aurais préféré ne m'être pas
couché.
— Qu'y a-t-il donc pour que vous ayez
ainsi un air soucieux que je ne vous ai
jamais vu?
— D y e,...il y a... qu'il n'y a rien.
Voilà tout, répliqua le gendre sur un ton
rogue.
— Que voulez-vous dire?
— Ce que je dis.
— Mais encore? ... Je ne comprends
point.
— Vous m'avez indignement trompé.
— C'est un bien gros mot, mon gendre»
Expliquez-vous donc. Quel est votre grief?
— Vous devez savoir sans aucun doute
qu'il manque quelque chose à votre fille.
CONTES PICARDS
99
— J'ignore absolument la nature du re-
proche que vous avez à lui faire. Ne me
celez rien, je vous prie, et, si l'on peut porter
remède à* ce qui lui fait défaut, le nécessaire
sera fait, croyez-le.
—- Non, il n'y a pas de remède, et je pré-
fère quitter ma femme; laissez-moi partir. Je
ne veux pas devenir plus tard l'objet de la
risée des autres.
— Mais enfin, que reprochez-vous à ma
fille? Qu'y a-t-il?
— Je vous répète qu'il n'y a rien.
— Alors?...
— Eh bien, puisqu'il faut vous mettre les
points sur les i, je vous apprendrai, si vous
ne le savez point, que son petit endroit est
nu comme le dos de la main.
— Ce n'est que cela?
— Vous en parlez à l'aise, vous dont la
femme est pourvue au même endroit d'une
véritable barbe de sapeur, m'ont dit mon père,
mes oncles et plusieurs autres...
Le beau-père se gratta le front violem-
ment et ne répondit point.
— Pour moi, reprit le gendre, cela m'est
bien égal que ma femme n'ait rien là, je
m'en bats l'œil. Mais, lorsqu'elle fera comme
sa mère, que diront mes amis lorsqu'ils con-
7*
100
CONTES PICARDS
etateront le fait?... Ils se moqueront de
moi et ils auront raison. Un con sans poils,
cela ne se voit pas souvent; c'est un cas de
divorce.
54. L'épaisseur d'un six-liards.
Un jeune homme, grand, beau, bien fait, de
constitution robuste, épousa un jour une jeune
fille d'une rare beauté et de forte corpulence,
respirant la santé par tous les pores; aussi,
les commères s'écrièrent en les voyant passer
pour se rendre à l'église:
— Quel beau couple!
Mais, au bout de quelques mois de mariage,
le mari avait fondu comme beurre en poêle;
il n'était plus que l'ombre de lui-même. Maigre,
décharné, vieilli avant l'âge, son corps flottant
dans ses habits devenus trop amples, il avait
à peine la force de marcher et inspirait aux
passants la plus profonde pitié. Son état
empirait de jour en jour. C'est que sa femme,
de complexion amoureuse, se montrait d'une
exigence extrême sous le rapport des devoirs
conjugaux et l'obligeait à un service éreintant
à toute heure du jour et de la nuit. Hélas!
c'est avec cet engin-là que la bonne moitié
des jeunes maris inexpérimentés creusent leur
10X
fosse; on a beau leur signaler le danger, pas
un ne tient compte des avis; comme la faim,
la passion n'a pas d'oreilles.
Les parents du marié s'aperçurent enfin de la
gravité de la situation de leur fils. Us jugèrent
prudent d'intervenir; ils proposèrent à leur fils
d'aller seul passer quelque temps chez l'un de ses
oncles, curé d'un village des environs, s'il ne
voulait pas s'exposer à mourir dans les bran-
cards. Lorsque cette nouvelle fut transmise
à la jeune femme, elle jeta les hauts cris et
voulut s'opposer à l'exécution de ce projet,
ou tout au moins que son mari l'emmenât
avec lui. Une sorte de conseil de famille fut
tenu à ce sujet pour vaincre la résistance de
la jeune femme; il fut résolu que le marié
partirait seul le jour même; c'est ce qui eut
lieu. Ainsi mis au vert, il ne tarda pas à
recouvrer ses forces, et on le vit bientôt re-
prendre sa bonne mine et son embonpoint
d'antan. Dans ses promenades quotidiennes
à travers champs et à travers bois, il faisait
chaque jour la rencontre d'un vieux berger
qui passait pour être quelque peu sorcier; il
s'arrêtait presque toujours avec lui, et il finit
par lui faire ses confidences.
— Je sais ce que c'est, lui dit un jour le
pasteur de brebis: vous avez une fort jolie
102
CONTES PICARDS
femme, et, comme vous craignez qu'elle ne
vous fasse cocu, vous vous efforcez de lui
donner satisfaction. Vous jouez là un jeu
dangereux; vous courez le risque d'y laisser
vos os, sans contenter votre femme, qui se
montrera d'autant plus exigeante que vous
multiplierez les assauts. Si vous le voulez
bien, laissez-moi agir à ma guise, je vous
tirerai d'embarras.
— Que ferez-vous?
— Il me vient à l'instant une idée que je
vous prierai de ne point vous faire connaître
en ce moment, parce qu'il peut se faire que
j'échoue dans mon entreprise, ce qui nous
causerait à tous deux une véritable déception.
Reposez-vous sur moi en toute confiance et
dormez en paix; je vais m'occuper sérieuse-
ment de votre affaire.
— Allez; je vous laisse carte blanche, ré-
pondit le jeune marié.
Que fit le malin berger? Sans perdre de
temps, il se mit à recueillir tous les ossements
de moutons morts qu'il put rencontrer; il les
attacha à une corde de moyenne grosseur et
en fit une sorte de chapelet. Quelques jours
plus tard, aux approches de la nuit, il se
rendit dans le village de la jeune femme, qui
attendait fiévreusement la gnérison et le retour
CONTES PICARDS
103
de son mari. Le berger s'était enquis au
préalable des habitudes de cette femme; il
avait appris que, chaque soir, elle faisait une
longue promenade sur la route en dehors du
village; il s'arrangea de manière à la ren-
contrer. Quand il aperçut à quelque distance
une ombre qui s'avançait dans sa direction, il
se passa autour du cou le chapelet qu'il avait
confectionné et il se mit à agiter les uns
contre les autres les ossements dont il était
composé, ce qui produisait un cliquetis ma-
cabre et sinistre dans le silence nocturne de
la plaine. Lorsqu'il fut arrivé près de la
promeneuse, celle-ci s'arrêta et lui demanda:
— Que faites-vous donc là, brave homme?
Arrêtez-vous un instant.
— J'accomplis un pèlerinage et il m'est
interdit de m'arrêter.
La femme rebroussa chemin et fit route
avec le pèlerin, qu'elle pressa de questions;
c'était, d'ailleurs, ce que voulait ce dernier.
— Je suis un grand coupable, lui dit-il, et
je suis condamné à expier mon crime.
— Qu'avez-vous donc fait, grands dieux?
— J'ai fait mourir ma femme...
— Ah! miséricorde!
— Ne me condamnez pas si vite ... Ma
femme était ardente en amour, moi aussi.
104
CONTES PICABDS
A tonte heure du jour ou de la nuit, noua
nous livrions à certain exercice permis aux
personnes mariées, mais dont il ne faut point
abuser. A ce jeu, auquel nous prenions tous
les deux un plaisir extrême, notre santé ne
tarda pas à s'altérer. Je perdis mon embon-
point; je ne fus bientôt plus qu'une sorte de
squelette ambulant; il ne me restait que la
peau sur les os...
— Oh! s'écria la femme secouée par un
frisson et étranglée par un sanglot qui venait
de lui monter à la gorge.
— Qu'avez-vous, madame? interrogea le
berger.
— Je pense à mon mari... Continuez.
— Ma femme paraissait mieux supporter
les assauts amoureux; elle gardait son opu-
lente santé, mais la pauvre chère défunte
était minée par un mal que nous ne soup-
çonnions ni l'un ni l'autre. Nos exercices,
trop souvent répétés, avaient eu pour elle des
conséquences désastreuses que je n'ose vous
faire connaître.
— Si, si, je veux tout savoir, dit la femme
intéressée par ce récit. Tenez, nous sommes
arrivés en face de ma maison; entrez, vous
me raconterez tout jusque dans les plus
menus détails.
CONTES PICARDS
105
Elle ouvrit la porte et s'effaça pour laisser
entrer le berger, qui s'assit et continua»
disant :
— Je suis arrivé au termę de mon pèleri-
nage, je puis m'arrêter.
Il reprit après une pause:
— Puisque personne ne peut nous entendre,
je puis vous avouer sans détour que mon vit
avait fini par limer en quelque sorte le con
de ma pauvre femme, à tel point qu'il re-
joignit son cul; les deux trous n'en faisaient
plus qu'un. Huit jours plus tard, je perdais-
celle que j'ai tant aimée... Et, depuis, mon
confesseur m'a imposé comme pénitence de
porter chaque nuit ce chapelet d'ossements.. »
— Ah! mon Dieu! s'écria la femme en
sanglotant, nous sommes dans le même cas.
— De grâce, arrêtez-vous; il en est tempa
encore, peut-être, dit le berger.
— Mais, j'y pense, dit la femme en séchant
ses pleurs, vous qui avez passé par là, voua
pourrez me renseigner. Voyez vous-même si
mes deux . . . ouvertures vont bientôt se
rejoindre.
Ce disant, elle se retroussa jusqu'au nombril
et exposa à la vue du berger ce qu'elle n'avait,
laissé voir qu'à son mari jusqu'à ce jour.
Sortant ses lunettes de leur étui, le vieux
106
CONTES PICARDS
farceur examina et palpa le tableau qu'il
avait sous les yeux; d'un ton doctoral, il pro-
nonça cette sentence:
— Le danger n'est pas encore immédiat,
mais il faut enrayer; les deux trous ne sont
plus séparés que par l'épaisseur d'un six-liards.
— Oh! merci, s'écria la femme en faisant
retomber ses jupes.
Elle prit dès lors la résolution de se mo-
dérer sur les plaisirs vénériens. Et elle tint
parole.
Soumis par son brave oncle à un ordinaire
réconfortant qui réunissait les trois con-
ditions requises: la bonne nourriture, le vin
généreux et le repos, le jeune marié s'était
senti bientôt renaître. Il était arrivé au
presbytère à l'état de squelette, vidé comme
un lapin; après quelques semaines de son
existence de chanoine, il s'était refait de la
chair et du sang; il était redevenu joufflu et
potelé; en un mot, il se retrouvait à peu de
chose près dans l'état qui précédait son
mariage. Le voyant ainsi remplumé, son
oncle décida un jour de le renvoyer le lende-
main. Dans sa dernière promenade à travers
champs, le jeune marié fit la rencontre du
berger, qui l'avait mis au courant de ce qui
s'était passé; il lui fit ses adieux. Tout en
CONTES PICABDS
107
causant, il remarqua un bélier d'une maigreur
fantastique; la vue de l'animal efflanqué le
frappa; il demanda au berger si le cornifère
était malade.
— Non, pas du tout, répondit le pasteur,
mais il a une fameuse besogne, voyez-vous.
Il est seul pour servir trente brebis, et, dam,
ce n'est pas peu de chose.
Cette réponse rendit le jeune époux rêveur ;
il considéra le bélier d'un air de profonde
pitié et dit à mi-voix:
— Toi, mon camarade, si tu n'as pas
quelque part un oncle curé chez qui tu puisses
aller te remettre sur pied, tu es f..ichu, et
je ne donnerais pas vingt-cinq centimes de
ta peau.
66. La pelle à feu.
Au temps où la tourbe était l'unique com-
bustible en Picardie, il y avait, dans le coin
de chaque foyer une petite pelle que l'on
appelait l'amiteuse; elle servait à peu près
exclusivement aux fumeurs, qui prenaient
avec cet ustensile les charbons incandescents
pour allumer leur pipe; ce mode était préféré
à tout autre. L'hiver, on se réunissait le soir
108
dans différentes maisons ponr faire la veillée.
Un gros laboureur, qui était resté célibataire,
recevait ainsi chez lui un certain nombre
de ses amis et de ses voisins. Or, sa vieille
servante étant morte, il la remplaça par une
jeune fille qui paraissait s'effaroucher au
moindre propos quelque peu leste, et qui ré-
pondait par des gifles aux privautés que Гоп
voulait prendre avec elle. Le dimanche, elle
assistait à tous les offices, et, dans la semaine»
quand il y avait un salut, elle n'aurait jamais
manqué de se rendre à l'église. Depuis trois
mois qu'elle était au service de son nouveau
maître, elle n'avait jamais donné prise à la
critique au point de vue de sa conduite. Cela,
ne pouvait durer. Les habitués de la veillée
avaient peine à croire que cette jeune fille,
avenante comme elle l'était, bien constituée,
jouissant d'une bonne santé n'eût pas quelque
amourette; mais ils ne découvraient aucun
indice qui pût les mettre sur une piste.
— Pour finir, se disaient-ils entre eux, le
bon Dieu ne lni a pas donné son trou de
devant pour mesurer de l'avoine.
L'un d'eux eut recours à un procédé qui fut
souvent employé dans des occasions semblables.
Il avait pris ses dispositions un soir pour
arriver le premier à la veillée. Quand il entra
CONTES PICARDS 109
dans la maison, elle était vide; sans perdre
de temps, il s'empara de la pelle à feu, qu'il
alla déposer entre les draps du lit de la ser-
vante, et il revint s'asseoir devant l'âtre.
Les veilleurs arrivèrent successivement, et,
bourrant lentement leur pipe, ils cherchèrent
après î'amittuse, qu'ils ne trouvèrent pas;
force leur fut donc de s'en passer et de se
servir de la grande pelle, beaucoup moins
commode. Chaque soir, les fumeurs récla-
maient çn vain la petite pelle ronde, qui
demeurait introuvable. Le huitième soir,
quand la réunion fut au complet, l'auteur de
la farce profita d'un moment de silence pour
demander à haute voix à la servante de la
maison :
— Avez-vous retrouvé la petite pelle?
— Non, et, cependant, ce n'est point faute
d'avoir bien cherché.
— Combien avez-vous de lits montés dans
la maison?
— Il y en a deux, parbleu, celui de mon
maître et le mien. Pourquoi cette belle
question ?
— La pelle ne serait pas dans votre lit,
par hasard?
A ces mots, la domestique entra dans une
colère violente et injuria l'indiscret. Ce dernier
110
CONTES PICARDS
ne s'en émnt pas; il se leva vivement, et,
prenant la lampe, il se dirigea vers la chambre
de la jeune fille, invitant les autres veilleurs
à. l'accompagner, ce qu'ils firent ; il releva les
couvertures du lit, et, au beau milieu, apparut
Vamiteuse, qu'il rapporta triomphalement à la
grande joie des assistants, mais à la confusion
de la servante et à celle de son maître, qui
riaient jaune.
66. L'esprit dé le nuit.
I gny avoi enne fois un manguier qu'il
étoit marié aveu enne béle féme; seulemen,
comme і folloit qu'i reste souvent par nuit
dens sen meulin, і ne povoit point le con-
tenter granmen dessus Г1 artique qu'os savez
bien; aussi, le mangniére al о écouté che
précepteu. Comme éche manguier i restoi
an mesure à se moison pour conquer aveu se
féme et pi que s'z eûtes fois і couquoi à sen
meulin, éle mangniére al avoi inventé un
singne pour que che précepteu i saiche éche
qu'i n'n étoit. I gny avoit dens le cour à
coté dé che poulailler enne vieille téte d&
guevo qu'i gny avoit pu que ches os. Quant
éche mangnier il étoit dehors, éle téte éde
CONTES PICARDS
111
guevo al étoit tornèe devers éle cour; quant
il étoit dens se moison, éehe Tos — comme
al l'appeloit le mangniére, — il étoit tornè
de Tente sens. Comme ho, ches deux amou-
reux і n'étoite point déturbès et pi і povoite
passer des boines nuits. Enne fois au soir,
éche mangnier і s'est en allé en disant qu'i
passeroit se nuit à che meulin. Bien rade,
éle mangniére al о couru mette éle téte éde
guevo dé che sens qu'i folloit pour que che
précepteu i saiche qu'i povoit venir. Oui
mais, vlo-ti point qu'un moment après éche
mangnier і revient.
—. Quement qu'ha se foit, qu'a' li dit se
féme, éque tu n'est point resté à che
meulin?
— Bien, là, nan; éche vent il est queut;
je n'érois mie peu torner le nuit-chi. Os allons
aller nous conquer.
— Déjo?
— Bien, oui; tout de suite, coire.
Ele mangniére al о don 'tè obligée de s'en
aller conquer aveu s'n homme sans povoir
avoir l'aisance dé recanger le téte éde guevo.
Enne heure après, vlo che précepteu qu'i vient
buquer trois cœups à le porte pour que-
mencher; après, і tape deux cœups; après,
un cœup.
112 CONTES PICARDS
67. Le teinturier.
Un teinturier avait chez lui une soutane
de curé qu'il avait été chargé de nettoyer; il
réussit à lui redonner avec un beau noir le
brillant voulu. Son client, tardant à la faire
reprendre, la possession de ce vêtement
-suggéra au teinturier une idée assez originale.
•---»-
—- Qnèche qu'i tape comme ho? qu'i de-
mande éche mangnier. Attends, je m'en vos
li en donner.
— Tais-te té don. Ch'est l'esprit dé
le nnit.
— L'esprit dé le nuit?
— Bien, oui; і vient souvent pour essayer
de rentrer pace qu'i veut nous tuer. N'eue
point peur; éje sais enne prière qu'i li foit
foute éle camp. Écoute:
Esprit dé le nnit,
Betorne dene ten lit,
Prends ten герої,
J'ai obliè de canger PI os.
Eche précepteu il o comprins; і s'est en
allé tout de suite, tandis que che mangnier
і s'est endormi. . TT
(Kryptadta, II, 116-117.)
CONTES PICARDS
113
Voici à quel propos. D'une part, il lui avait
été rapporté par une âme charitable que sa
femme avait eu jadis des relations trop in-
times avec un individu qui se trouvait en ce
moment à toute extrémité; d'autre part, il
acquit la certitude que le curé ignorait qu'il
y eut un moribond dans le village. L'occasion
parut donc des plus favorables au teinturier
pour s'habiller en curé afin de se .rendre chez
son rival; il se rasa, revêtit la soutane qui
était à sa disposition et qui lui allait dans la
perfection; il improvisa un rabat et coiffa une
calotte noire; sa taille ne devait point le
trahir, elle était en tous points la même que
celle de son client, dont il se proposait
d'imiter les gestes et la voix douce et flûtée.
Poussant jusqu'au bout le subterfuge, il mit
sous son bras un livre du format d'un bré-
viaire, qu'il recouvrit d'un morceau d'étoffe
noire, et, ainsi accoutré, il sortit de sa mai-
son. Une obscurité profonde régnait au dehors.
Quelques minutes plus tard, il se trouvait au
chevet du malade; il se tint debout et lui
adressa la parole, essayant de le consoler, de
l'amener à la résignation et de lui adoucir
ses derniers moments. Puis, lui parlant du
bonheur éternel et des moyens de se l'assurer,
il l'engagea adroitement à se confesser,
Kqvtcx. X. 8
114
COXTES PICARDS
«'offrant à l'aider de tont son pouvoir; il lui
proposa de le questionner pour ne point le
fatiguer; les réponses oui ou non
suffiront.
Il s'y prit si habilement que le mourant, qui
ne se doutait de rien, se décida à faire une
confession générale.
Après les préliminaires, le faux curé aborda
les commandements de Dieu et questionna le
pénitent sur le premier, le deuxième, le troi-
sième commandement, suivant l'ordre rigou-
reux et aborda enfin le neuvième ; la situation
devenait brûlante, délicate, scabreuse; c'était
là plus qu'un nœud gordien à trancher; il
demanda :
— Avez-vous, mon fils, toujours observé la
fidélité conjugale?
— Non, mon père.
— Auriez-vous donc commis le péché
d'adultère?
— Oui.
— Avec plusieurs personnes de l'autre sexe?
— Non.
Le teinturier, reprenant aussitôt son ton de
voix habituel, qui était bien connu du mori-
bond, s'écria, furieux:
— Je sais maintenant ce que je voulais
savoir depuis longtemps. Oui, c'est certain,
c'est de ma femme, misérable, qu'il est ici
CONTES PICARDS
115
question, et avec laquelle tu m'as cocufiê
tout ton soûl.., Meurs, lâche, et que le
diable ait ton âme, puisque tu ne t'es point
confessé à un prêtre.
Le malade éprouva un tel saisissement qu'il
trépassa à l'instant, tandis que le cocu fuyait
à toutes jambes.
68. Chez le boucher.
Un samedi, à la campagne, il y avait
nombreuse clientèle chez le boucher ; les com-
mères qui se trouvaient là en attendant leur
tour causaient de choses et d'autres avec
celles qui étaient servies. Une bonne femme
arriva au moment où une cliente demandait
de la queue de veau ; la nouvelle venue n'avait
entendu que le mot veau; elle dit à haute
voix au boucher:
— Tenez, je vais m'asseoir sur ce banc et
vous m'en mettrez trois-quarts dans le cul.
59. Repas de noce mouvementé.
Un gros fermier mariait sa fille. Il y avait
grand nombre d'invités; tous se disposaient
8*
lie
CONTES PICARDS
à faire honneur à la table du festin. A l'entrée
de la maison se trouvait une vaste cuisine,
transformée pour cette circonstance en salle
à manger. A droite, une porte faisait corn-
muniquer cette pièce avec une chambre à
coucher éclairée par une seule fenêtre, dont
les carreaux consistaient en verres cul de
bouteille assortis comme teinte aux rideaux
du lit, qui étaient de serge verte, garnis d'un
galon jaune. Quant au lit, qui datait assuré-
ment de plusieurs siècles, il était de dimen-
sions inusitées: on pouvait y coucher à huit
personnes, quatre à la tête et quatre aux
pieds. Au-dessus, les épaisses solives du
plancher du grenier, noircies par les ans,
apparaissaient à nu; on les avait utilisées
pour établir une sorte de chassis qui recevait
la provision de fromages au foin placés sur
des lattes. Cette chambre avait été trans-
formée en vestiaire à l'usage des invités, qui
y déposèrent leurs pardessus, leurs manteaux,
leurs chapeaux, etc. Un couple d'amoureux
avaient lorgné cette pièce discrète, se pro-
mettant d'y venir soupirer au moment op-
portun.
Le repas, commencé tard, se continua fort
avant dans la soirée. Jamais mâchoires hu-
maines ne fonctionnèrent de meilleur cœur.
CONTES PICARDS 117
Lorsque Fou servit le café, toutes les cer-
velles étaient échauffées et les conversations
devinrent si bruyantes qu'on ne s'entendait
plus. Les deux amoureux profitèrent de
l'inattention générale pour s'éclipser habile-
ment; ils allèrent roucouler dans la chambre
voisine.
An bout d'un instant, on réclama le silence
dans la salle du festin pour la première chan-
son. Un calme complet s'établit comme par
enchantement Au moment où le chanteur,
qui avait toussé deux ou trois fois pour
éclaircir sa voix, allait exercer son talent,
toute l'assistance perçut un craquement formi-
dable venant de la pièce voisine; les plus
rapprochés se précipitèrent vers la porte de
la chambre qu'ils ouvrirent vivement. Quelle
ne fut point leur surprise de voir le lit
effondré, gisant à terre, et les deux amoureux
gigotant pour se dépêtrer de l'amoncellement
d'habits et de fromages au milieu desquels
ils se trouvaient comme ensevelis. Il y eut
bien des pleurs versés sur des chapeaux
désormais hors d'usage, mais on reprit aussi-
tôt le chemin de la table et la soirée
s'acheva dans l'ivresse d'un si grand jour.
La jeune fille s'était fait, dans sa chute,
un bleu sur certaine partie secrète du corps;
118
tous les invités voulurent le voir, mais ils
en furent pour leurs frais de curiosité.
60. Accusation fausse.
Un jour comparurent devant le juge une
grande et forte femme qui accusait un petit
gringalet de lui avoir fait violence. Ce dernier
ne nia point l'acte qui lui était reproché,
mais il affirma que c'était du plein consente-
ment de la plaignante. La femme jurait ses
grands dieux que l'homme avait employé la
force et qu'il l'avait violée. Les deux parties
étaient loin de s'entendre, et, dans le feu de
la discussion, elles s'invectivaient à qui mieux
mieux, se reprochant mutuellement leurs
défauts.
— Cette femme, monsieur le juge, c'est
une diligence.
— Pourquoi une diligence?
— Parce qu'y monte qui veut. D'ailleurs,
on y est logé très à l'aise.
— Tu as un si petit équipage, répliqua la
femme, piquée.
Pour couper court aux discussions, le juge
demanda à la plaignante:
COKTES PICARDS
119
— Où s'est passé le fait dont vous accusez
l'inculpé?
— Le soir, dans notre jardin.
— Il vous a renversée à terre?
— Non, pardon.
— Dites ce qu'il vous a fait.
— Ті me l'a... Je n'ose vraiment pas le dire.
— Il faut cependant que vous justifiiez la
plainte que vous portez contre lui pour le
tort qu'il a eu envers vous.
— Eh bien, monsieur, nous étions debout.
— Comment admettre que cet homme, qui
n'arrive pas à votre épaule, ait pu se rendre
ainsi coupable de l'acte que vous lui re-
prochez ?
— Vous m'excuserez, monsieur le juge,
mais comme je le voyais haleter-de ce qu'il
ne pouvait, en effet, arriver à ses fins, j'en
ai eu pitié et je me suis baissée.
Le juge était édifié. Il débouta la
plaignante et renvoya l'inculpé des fins de la
plainte.
61. Celui d'en haut y pourvoira.
Une jeune fille s'en laissait conter par leur
voisin, homme marié qui paraissait tout con-
fit en dévotion; ils se donnaient de fréquents
120
CONTES PICARDS
rendez-vous le soir dans un plant de pommiers
attenant au jardin de la maison des parents
de la jeune fille. Or, depuis un certain temps,
celle-ci était recherchée pour le bon motif par
un gars du village, qui, soit par timidité ou
pour toute autre cause, n'avait jamais osé se
déclarer. Le soir, il rôdait souvent aux abords
de la maison de sa belle. Craignant d'être
surpris dans son espionnage, il pénétra un
soir dans le plant pour n'être point reconnu
par les passants; il se dissimula contre un
gros pommier. Au bout d'un instant, il aper-
çut une ombre qui se dirigeait de son côté,
en marchant doucement et avec beaucoup de
précaution; derrière suivait une deuxième
ombre. Pour n'être point vu, le jeune homme
grimpa lestement sur l'arbre et se cacha dans
le feuillage après qu'il se fut assis commodé-
ment sur une maîtresse branche; il attendit
ainsi les événements. Il était temps, car les
deux ombres ne tardèrent pas à se rejoindre
au pied du pommier: c'était la jeune fille et
son voisin, ainsi que leur espion les re-
connut à leur voix. Ils commencèrent par
s'embrasser et par se caresser; puis, la fille
s'étant couchée sur l'herbe, son amant l'en-
fila deux fois successivement. Tout en gigo-
tant au-dessous de l'homme, elle lui dit:
CONTES PICARDS 121
— Prends bien tes précautions comme les
autres fois; surtout, ne me fais pas d'enfant.
Qui donc en aurait soin?
— Sois sans crainte, mon amie. Au sur-
plus, si cela arrivait, celui d'en haut y pour-
voirait.
A peine avait-il prononcé ces paroles que
le jeune homme s'écria:
— Vous ne manquez pas de toupet, mon
bonhomme. Vous vous donneriez le plaisir de
faire un enfant et vous voudriez que j'eusse
la peine de l'élever? A la hotte, à la hotte,
celui qui les fait les porte... Quant à moi,
je vais rechercher une autre fille que cette
sacrée putain.
01 a. Variante.
I gny avoi un curé pi sen bédeu qu'i foi-
eoite l'amour à le même fille. Tandis que
ches gens dé le fille il étoite dens ches camps,
éche bédeu ii o 'tè truver se maîtresse. Au
moment qu'il arrivoit à le moison, il o vu
monsieur le curé qu'il y rentroit. Eche bédeu
il o mile à le porte; il o entendu che curé
qu'i demandoit à le fille d'aller aveuc li dens
le grange. Bien vite, éche bédeu il o couru
se mucher dessous quéques bottes éde feurre.
Un molet après, monsieur le curé il arrivoit
122
contes picards
aveuc éle fille, qu'il o trondelèe dessus ches
hottes éde paille pour éle cœuquer. Quant il
o ieu fini, éle fille a' li o dit:
— Oui, mais, monsieur le curé, si jamois
os m'avoite foit un étant, quoi que je dé-
varois?
— Né te casse point le téte, tu le mettros
dessus che dos dé che bédeu. Tout le monde
été croiro.
Tout de suite, éche bédeu і s'est démuchè;
il o di en se rélevant:
— Vraiment, monsieur le curé, і ne man-
quer oit pu qu'ho: m'avoir foit un éfant des-
sus me panche et pi voloir éle mettre édessus
men d0S' (Kryptadia,
ii, 167-168.)
62. Le coucou.
Deux bûcherons, amis depuis l'enfance,
eurent un jour une dispute qui faillit dé-
générer en une rixe à propos d'une plai-
santerie que l'un d'eux adressa à l'autre.
Il faut dire tout d'abord que, quoique laids
tons les deux, ils avaient épousé l'un et
l'autre les plus jolies filles du village; c'étaient
deux délurées qui n'avaient pas froid aux
123
yeux et qui passaient pour deux femmes de
moyenne vertu. Or, un jour, le coucou se fit
entendre non loin de l'endroit où les bûcherons
ubattaient un arbre dans le bois; l'un d'eux
•dit sur un ton goguenard à son camarade:
— Écoute ce qu'il dit pour toi: Coucou!
coucou! coucou!
L'autre, cessant son travail, posa sa cognée
à terre, s'appuya des deux mains sur l'extré-
mité du manche et, regardant son camarade
avec son air des mauvaises lune?, lui répondit
sur un ton bourru:
— Pourquoi serait-ce plutôt pour moi que
pour toi? Voudrais-tu t'expliquer, au moins?
— Parce que, ... parce que, ... je ne sais
comment te dire cela pour que tu ne te fâches
point; ...enfin, il me semble que ta femme
semble en tenir pour le fils du fermier, à ce
que j'ai cru remarquer moi-même; ce jeune
freluquet passe souvent devant ta porte en
frappant du talon, comme pour avertir ta
femme, qui vient aussitôt regarder à la fenêtre
et qui paraît lui faire des signes.
— Et toi, penses-tu que la tienne aille si
souvent chez le maître d'école pour réciter
avec lui le chapelet du mois de Marie? Si tu
ne le savais pas, je te l'apprends, et je ne te
l'envoie pas dire. Je crois, au contraire, que
124
c'est plutôt pour toi que l'oiseau chanter
Coucou! coucou! coucou!
Et voilà les deux camarades d'enfance qui
s'invectivent à qui mieux mieux, prêts à lever
la main l'un sur l'antre et à en venir aux
coups à propos de leurs femmes sur la fidélité
desquelles ils avaient maintenant des doutes.
Le premier eut une inspiration.
— Б ne faut pas que deux vieux amis
comme nous, dit-il, se brouillent pour si peu
de chose; allons voir le juge ensemble, nous
lui expliquerons notre affaire et il nous mettra
d'accord.
Cette proposition ayant été acceptée, les
deux bûcherons se rendirent le lendemain au
bourg voisin pour exposer au juge le cas qui
les divisait.
— Avant toute chose, leur dit le magistrat,
commencez par me remettre chacun un écu
de six livres; ces deux écus me serviront de
paire de lunettes et j'y verrai plus clair.
Les deux bûcherons déposèrent chacun trois
francs sur la table du juge; celui-ci, mettant
son bonnet carré sur sa tête, dit au plus âgé
des deux adversaires:
— Que demandez-vous?
— Je voudrais savoir si c'est pour mon cama-
rade on pour moi que le coucou a chanté.
CONTES PICARDS
125
Le juge, ramassant les deux écus, qu'il mit
dans sa poche, dit au même instant:
— Ce n'est ni pour vous ni pour votre
ami, c'est pour moi. Vous pouvez vous
retirer.
Et les deux cocus retournèrent chez eux,
Tieureux et contents d'avoir appris que le coucou
avait chanté pour le juge; ils n'avaient point
compris que c'était des deux écus qu'il avait
Toulu parler.
63. Comme les chiens.
Un jeune homme, qui se destinait à l'état
■ecclésiastique, ayant cédé aux instances de ses
parents, quitta le séminaire pour revenir ha-
biter avec eux. A quelque temps de là, sa
jeune voisine sortit du couvent où elle avait
été placée pour son instruction, et les deux
jeunes gens, dont la situation de fortune
était équivalente, furent mariés ensemble.
Quinze jours plus tard, la jeune femme ren-
contra inopinément l'une de ses compagnes
-de couvent mariée depuis un mois.
— Tu es mariée aussi? fit cette der-
nière. Es-tu contente? Oui, n'est-ce pas?
Tu sais maintenant comme moi ce que c'est
126 CONTES PICARDS
qu'un mari, — notre grande préoccupation
d'autrefois...
— A te dire la vérité, je l'ignore en-
core.
— Comment, est-ce possible?
— Je n'ose pas demander à mon mari...
— Je m'en charge, interrompit l'autre; compte-
sur moi.
La jeune femme s'empressa de faire part à
son mari de ce qu'elle venait d'apprendre, et,
tous les deux, ils firent des gorges chaudes
de l'ignorance du nouveau marié.
— Je vais le voir, dit l'homme à sa femme,,
et je lui ferai la leçon.
C'est ce qui eut lieu.
— Eh bien, mon camarade, dit-il en entrant
chez le godiche, qu'il trouva seul, te voilà
également marié.
— Oui, et j'en suis bien aise.
— Tu t'acquittes avec plaisir, j'imagine, de
tes devoirs conjugaux, hein?
— Quels devoirs?
— Ceux qu'un mari doit rendre à sa femme,
parbleu.
— Je ne sais ce que tu veux dire.
— Travailles-tu pour avoir des enfants?
— On ne m'a jamais dit ce qu'il fallait
faire.
127
— Cela s'apprend tont seul, mon cher. A ton
âge, tu dois savoir cela.
— Non, je t'assure. J'ignore comment on
doit s'y prendre. Dis-le-moi.
— Tu n'as qu'à regarder les chiens dans
la rue et à faire comme eux.
Sur ces mots, le donneur de conseils quitta
le nigaud, se tenant à quatre pour ne point
éclater de rire de la tête que faisait son
camarade. Rentré chez lui, il raconta à sa
jeune femme l'entretien qu'il venait d'avoir
avec Гех-séminariste; il ajouta:
— Je ne suis point 8i\r qu'il ait compris;
aussi, je ne serais pas surpris qu'il ne com-
mît quelque balourdise phénoménale dont sa
femme te fera quelque jour la confidence.
Le surlendemain, les deux compagnes se
rencontrèrent.
— Cette fois, dit la première mariée à
l'autre, ton mari n'ignore plus la manière de
faire l'amour, j'espère.
— Ne m'en parle pas, je ne comprends rien
à sa lubie.
— Que fait-il?
— Figure-toi, ma chère, qu'à peine mon
pauvre benêt est-il couché auprès de moi qu'il
se met à flairer mon derrière et à passer sa
langue sur mon cul, puis il rejette vivement
128
CONTES PICARDS
les couvertures, se lève avec précipitation et
va pisser deux ou trois gouttes contre Гаг-
moire à glace, contre les meubles ou au pied
des chaises en levant une jambe comme le
font les chiens. U revient ensuite auprès de
moi et renouvelle ce manège en montant sur
moi jusqu'à ce que le sommeil s'empare
de lui.
— Écoute ce que je vais te dire, ma chère,
et mets-le en pratique. Quand ton mari se
livrera à cet exercice plutôt bizarre, dès qu'il
sera sur toi, écarte tes deux jambes et retiens-
le avec tes deux bras que tu lui passeras sur
le dos en le ceinturant fortement. Le reste
se fera tout seul.
64. Pluie artificielle.
Un médecin fort savant avait épousé une
femme d'une beauté remarquable, beaucoup
plus jeune que lui; il ne tarda pas à s'aper-
cevoir qu'elle était de complexion amoureuse.
Bien que le disciple d'Esculape eût la répu-
tation d'un héros à Cythère, il ne parvenait
point à satisfaire les exigences de sa femme,
qui se montrait insatiable. Comme il tenait
à ménager sa santé, il fit un jour un très
CONTES PICARDS
m
long cours de physiologie à son ardente moitié
dans le but de lui démontrer que les êtres
procréés en temps de pluie sont seuls doués
de toutes les qualités; aussi, ne remplissait-il
son devoir conjugal que lorsque le ciel déver-
sait sur la terre une pluie abondante.
Il arriva que, pendant de longues semaines,
le firmament demeura pur et sans nuages; le
médecin, craignant de donner naissance à un
être chétif et inintelligent, s'abstint de tout
plaisir matrimonial. Ce jeûne prolongé n'était
point du goût de sa femme. Dans les circon-
stances pénibles, l'esprit même le plus lourd
s'aiguise et devient inventif. Trop longtemps
victime de ce qu'elle considérait comme une
manie de son savant époux, la femme du
médecin usa d'un stratagème qui réussit
pleinement, et qu'elle renouvela ensuite avec
le même succès. Quand le désir la prenait
de se livrer aux ébats amoureux et qu'aucun
nuage n'apparaisait au ciel, elle choisissait
l'instant, où, pendant la nuit, son mari dor-
mait d'un profond sommeil pour prier sa
bonne de monter au grenier deux seaux
remplis d'eau qu'elle renversait sur le toit ; le
liquide, en se répandant dans la gouttière,
produisait un bruit semblable à celui qu'occa-
ліоппе la pluie. Kéveillant aussitôt le
Kqvut, X. 9
130
CONTES PICARDS
docteur, son ingénieuse moitié lui disait k
l'oreille :
— Il pleut, mon ami. Entends-tu?
65. Mal embrochée.
Un vieux fermier ayant perdu sa femme
prit à son service une jeune fille en qualité
de servante; celle-ci, très courageuse, très
ordonnée, prévenante et toujours aux petits
soins auprès de son maître, ne tarda pas à
gagner les bonnes grâces de ce dernier. Tout
allait pour le mieux dans la ferme et le veuf
eut vite oublié la défunte. Dans le village,
les bonnes langues commencèrent par lancer
quelques insinuations perfides; puis, le bruit
se répandit que le fermier et sa servante ne
faisaient qu'un lit. Une âme charitable se
chargea de leur rapporter ce propos. La
jeune fille, qui avait toujours été vertueuse,
tint à garder son honneur intact; elle donna
ses huit jours à son maître. Le fermier,
navré du départ prochain de celle à laquelle
il était habitué et qui était l'âme de sa mai-
son, tenta de la faire revenir sur sa détermi-
nation; la servante, qui était une rusée corn-
CONTES PICABDS
131
mère, demeura inébranlable. Tout à coup,
une inspiration vint au vieux grison; se sen-
tant encore quelque verdeur et se croyant
toujours apte aux combats amoureux, il offrit
à sa bonne de l'épouser. C'est ce qu'attendait
la fine mouche, qui avait sans doute contribué,
par d'habiles réticences, à faire naître lea
calomnies qui alarmaient le fermier. Elle se-
at quelque peu prier, faisant valoir qu'elle
n'avait poussière qui vole; mais, comme elle
n'opposait qu'une résistance de pure forme,
elle finit par accepter la proposition flatteuse
qui lui était faite. Désormais, elle allait être
maîtresse de tout; elle tiendrait la bourse et
elle s'habillerait comme une dame; elle
porterait une robe de soie et un chapeau à
fleurs.
Le mariage se fit à quelque temps de là.
Pendant les premiers jours, l'époux s'acquitta
tant bien mal, — mais plutôt mal que bien, —
des devoirs maritaux qu'il s'était si béné-
volement imposés; il s'aperçut bientôt que ce
n'était qu'un feu de paille, et que, quand il
neige sur la montagne, il fait froid dans les
pays bas; il avait trop présumé de ses forces
et s'était illusionné sur sa vigueur. Souvent,
il lui arrivait de laisser inachevée la besogne
amoureuse commencée, prétextant les travaux
9*
132 CONTES PICARDS
du jour; finalement, il renonça à livrer assaut;
dès qu'il se mettait au lit, il s'endormait d'un
sommeil profond, sans se soucier des devoirs
qui lui incombaient.
La jeune femme passait ses nuits à attendre
«e qui ne lui était accordé que fort rarement ;
ses tentatives demeuraient toujours sans effet,
malgré l'ardeur et la complaisance qu'elle
mettait pour se livrer au jeu de la bête à
deux dos, qui lui plaisait si fort. Or, un jour,
elle reçut la visite d'un boucher, grand cou-
reur de guilledou; comme elle se trouvait
seule à la ferme, il se mit à folâtrer avec
elle et la provoqua aux ébats amoureux, mais
elle eut la force de résister à ses entreprises,
qu'il poussa cependant très loin. Toutefois,
cette lutte d'où elle était sortie victorieuse
l'avait excitée, et, quand, la nuit venue, elle
se mit au lit, elle ne cessa de s'agiter, se
tournant et se retournant, à tel point que son
vieux mari, se réveillant, lui demanda de fort
mauvaise humeur:
— Qu'as-tu donc â remuer ainsi? Tu
m'empêches de dormir. Si tu as des puces,
va te secouer dans la cour.
— Non, je n'ai pas de puces, répondit-elle
en se rapprochant du fermier et en le
caressant.
133
— Qu'as-tu donc, alors?
— Il me semble que je suis comme une
poule mal embrochée: je tourne dans tous
les sens.
Le mari saisit l'allusion, mais il n'en fit
rien de plus et pour cause, sa broche était
en trop mauvais état. Le temps passé ne
revient plus.
66. Enfant terrible.
Un petit gamin d'une précocité remarquable
avait pour oncle un loustic qui s'était chargé
de son éducation; mais les leçons qu'il lui
inculquait lui valaient à chaque instant des
coups ou tout au moins des réprimandes de
la part de ses parents.
— Tu couches dans la même chambre que
ton père et ta mère? demanda un jour l'oncle
à l'enfant.
— Oui.
— Les entends-tu quelquefois faire du bruit
ou entends-tu craquer leur lit?
— Oh! oui, souvent.
— Veux-tu leur faire une farce?
— Je ne demande pas mieux.
— Quand tu entendras du bruit ou des
craquements, tu ne manqueras pas de crier: Ne
134
te tourne pas, maman, papa va encore t'en-
filer.
Le soir, quand l'heure fut venue de se
coucher, les parents et l'enfant se retirèrent
dans leur chambre et se mirent au lit. Un
instant après, l'homme et la femme, pensant
que le gamin était endormi, voulurent se
livrer à leurs ébats. La femme, qui était
puissante, mettait toujours une grande ardeur
à ce jeu, et, à chacun de ses mouvements,
elle faisait craquer le lit. L'espiègle, qui ne
dormait pas, s'écria au premier bruit qu'il
entendit :
— Ne te tourne pas, maman, papa va en-
core t'enfiler.
Tête des parents.
67. La fabrique du monde.
Un riche cultivateur de la campagne s'était
rendu un jour à Paris avec son garçonnet
âgé d'une dizaine d'années. Ils déambulaient
tous les deux dans les rues de la grande
ville, s'arrêtant à chaque pas, le fils interro-
geant, le père donnant des explications.
L'enfant était émerveillé de ce qu'il voyait;
tout éveillait sa curiosité; il fallait entrer
136
dans tous les édifices publics devant lesquels
ils passaient. Ayant aperçu une maison close,
aux volets verts, avec une lanterne munie de
verres de diverses couleurs au-dessus dè la
porte et un numéro de très grandes dimen-
sions, le gamin demanda à son père ce que
Гоп voyait dans cette maison.
— Ça, c'est la fabrique du monde, répondit
le père.
— Entrons-y.
— Non, non, garde-t'en bien pour le mo-
ment; il y a un décès; tu vois que tous les
volets sont fermés.
Cette explication ne parut point satisfaire
l'enfant, qui vit entrer ou sortir plusieurs
personnes riant ou chantant. Aussi, au
tournant de la rue, le petit curieux profita
d'un embarras de voitures pour se soustraire
à la surveillance paternelle. Il revint sur ses
pas, et, poussant la porte de la maison de
tolérance, il pénétra à l'intérieur; il voulut
entrer dans les appartements, mais toutes les
portes en étaient fermées en dedans; il monta
à l'étage et il aperçut dans une chambre dont
la porte était restée entr'ouverte, une femme
qui s'était mise à quatre pattes tandis qu'un
homme l'enfilait par derrière. Le garçonnet
étant entré tourna autour de ce couple, qu'il
m
examina le plus attentivement du monde.
Quand il se fut rendu compte de l'occupation
à laquelle ile ee livraient avec ardeur, il des-
cendit dans la rue; il rejoignit son père, qui
cherchait après lui depuis un instant et com-
mençait à s'inquiéter.
— Je te croyais perdu, méchant gamin,
lui dit-il sévèrement; d'où viens-tu donc?
— Je reviens de la fabrique du monde.
— Je t'avais défendu d'y entrer.
— C'est vrai; je t'ai désobéi; mais je suis-
content d'y avoir été.
— Que veux-tu dire?
— Voilà. C'est bien ce que tu m'as dit.
J'ai vu un monsieur qui venait de fabriquer
une belle dame; quand je suis arrivé, il ne
lui restait plus qu'à lui percer le trou du cul f
c'est ce que j'ai vu faire.
Le père jugea prudent de changer de con-
versation.
68. Les quatre chiens.
Il y a de cela bien longtemps, quatre
joyeux compères se rencontraient chaque
dimanche au cabaret pour faire leur partie de
cartes. Un soir, en retournant chez eux, l'un
137
de ces gais lurons proposa à ses camarades
de mettre à l'épreuve la fidélité de leurs
femmes qui. toutes, étaient fort naïves.
— De quelle façon nous y prendrons-nous?
questionnèrent les trois autres.
Il leur fit connaître le procédé à employer.
Us s'engagèrent à mettre à exécution le pro*
jet dont le plan venait de leur être soumis,
puis ils se séparèrent. Le lendemain matin,
un roulement de tambour se fit entendre dans
les rues de village : c'était le garde champêtre
qui annonçait une vente. La femme du pro-
moteur de l'épreuve à tenter demanda à
son mari:
— Qu'est-ce qu'on entend?
— C'est le tambour, parbleu.
— Je le sais bien, gros malin.
— Pourquoi le demandes-tu, alors?
— Je veux dire: Qu'est-ce qu'on an-
nonce ?
— Ah! c'est autre chose. Si tu t'en dou-
tais, répliqua le mari en prenant un air
sérieux, tu ne serais pas si pressée de me le
demander.
— Mais encore?
— Eh bien, on annonce que tous ceux qui
sont cocus seront changés en chiens pour
demain matin.
138
— Tais-toi, grand baudet; tu ne seras jamais
sérieux.
— C'est bon, c'est bon. Nous verrons de-
main, dit le mari. Comme tant d'autres, tu
seras peut-être bien ennuyée.
Un dialogue identique eut lieu chez chacun
des trois autres compères à l'occasion du pas-
sage du garde champêtre dans les rues. Le
soir venu, les époux se couchèrent et dor-
mirent côte à côte. Dire que le sommeil des
femmes fut calme et paisible ne serait peut-
être pas tout à fait exact. Dès la pointe du
jour, chacune d'elles, inquiète sur le sort ré-
servé à son conjoint, était déjà réveillée.
— Lève-toi! Il est l'heure de te mettre
au travail.
Mutisme complet.
— Voyons, paresseux, n'as-tu pas assez
dormi?
Le mari se retournant dans son lit, se mit
à quatre pattes et aboya bruyamment.
— Hou! hou! hou! faisait-il.
Ses aboiements ressemblaient à s'y méprendre
à ceux d'un chien.
— Seigneur Jésus! est-ce possible? dit la
femme en joignant les mains.
— Hou! hou! hou!
— Ne fais donc pas plus longtemps l'imbécile.
139
— Hou! hou! hou!
Impossible d'obtenir du mari autre chose
que des aboiements. Épouvantée d'une sem-
blable transformation, la femme se mit à
sangloter, et, à travers ses larmes, s'écria
douloureusement :
— N'est-il pas malheureux que mon mari
soit changé en chien pour une malheureuse
fois que le maître d'école m'a fait l'amour.
— C'est ce que je voulais savoir! s'écria
l'homme sur un ton furieux.
Mais la rusée commère, se ressaisissant
aussitôt, persuada à son mari qu'elle n'était
pas dupe de son stratagème; elle s'y prit de
telle façon que le pauvre nigaud, qui était
trompé chaque jour, lui fit les plus plates
excuses. Bref, le dimanche suivant, nos quatre
farceurs se retrouvaient au cabaret pour y
faire leur partie de cartes. Dire qu'ils furent
attentifs à leur jeu serait peut-être avancer
nne contre-vérité; ils se montraient soucieux;
leur esprit semblait être ailleurs. Us firent
renouveler fréquemment leurs consommations.
Enfin, n'y tenant plus, ils jetèrent simultané-
ment leurs cartes sur la table et se regar-
dèrent pendant quelques instants sans pro-
noncer une parole. Au bout d'un moment,
l'un d'eux, — l'auteur de la singulière pro-
140 contes picards
position du dimanche précédent, — raconta
aux trois autres le résultat de l'épreuve à
laquelle il avait soumis sa femme. Successive-
ment, les autres firent un récit à peu près
semblable.
— Moi, dit l'un, ma femme m'a avoué
qu'elle m'a fait cocu seulement une fois avec
le curé.
— La mienne, déclara le second, s'est
laissé enfiler une simple fois par le
maréchal.
— Ma femme, dit le troisième, a re-
connu que le charron l'a baisée une seule
fois.
Et chacune des quatre commères n'avait
pas manqué d'ajouter que c'était par surprise
et contre son gré.
— Que ce soit une fois ou cent fois ou plus
encore, conclut le premier, nous le sommes
tous les quatre.
Et, dieant cela, il se mit à aboyer en por*
tant l'index de chacune de ses deux mains de
chaque côté du front.
— Hou! hou! hou! firent-ils tous les quatre
en sortant du cabaret.
CONTES PICARDS
141
60. Première nuit de noces.
Une jeune fille qui avait vu le loup épousa
une sorte de nigaud dont elle dut faire
l'instruction amoureuse. Dès qu'ils furent
couchés, elle lui enseigna la manière de faire
un enfant, ce qu'il ignorait complètement.
Après que furent données les explications
théoriques, le mari monta eur sa femme et
voulut lui faire voir qu'il avait bien com-
pris la leçon, mais la jeune mariée, surprise,
s'écria:
— C'est plus haut! C'est plus haut!
Un instant après, elle dut lui dire:
— C'est plus bas! beaucoup plus bas!
Et, à plusieurs reprises encore, elle lui fit
observer qu'il frappait toujours à côté de la
porte. Impatienté d'entendre dire sans cesse
c'est plus haut, c'est plus bas, le mari s'écria :
— Puisque vous connaissez si bien l'endroit,
mettez-le donc vous-même.
70. Les CE dip es.
Un bon curé qui se rendait un jour à une
invitation que lui avait adressée l'un de ses
142
CONTES PICABDS
confrères passa devant un cabaret isolé sur la
route portant pour enseigne: A la belle
Femme, Au-dessous d'une peinture représen-
tant la cabaretière, sans doute, on lisait:
„Ombre. — Fumée. — Carillon.44 Un avia
placardé à la suite portait que le passant qui
devinerait le sens de ces trois mots aurait à
dîner gratuitement, qu'il toucherait cent francs
et coucherait une nuit avec la cabaretière.
Le curé parut réfléchir pendant un instant,
puis il entra.
— J'ai deviné, dit-il à la plantureuse
aubergiste.
— Dites.
— A l'ombre de l'autel, à la fumée de
l'encens, au carillon des cloches.
— Non, ce n'est point cela; passez.
Un instant après entrait un capitaine en
retraite.
— J'ai deviné.
— Je vous écoute.
— A l'ombre du drapeau, à la fumée de la
poudre, au carillon du canon.
— Vous n'y êtes point; continuez votre
chemin.
Un meunier arriva à son tour.
— Ah! ma belle, je vais coucher avec toi,
s'écria-t-il, en entrant; j'ai deviné.
CONTES PICARDS
14S
— Je ne demande pas mieux, mon compère ;
si tu as bel équipage, j'ai grande entrée; j'ai
plus de fond que tu n'as d'avance. Ex-
plique-toi.
— Voici. A l'ombre de mon moulin, à la
fumée de ma pipe, au carillon de mes meules.
— Ce ne sera pas encore cette fois que tu
m'enfileras. Va.
A peine était-il sorti qu'un militaire entrait
dans le cabaret. Son congé terminé, il re-
tournait dans son pays, qu'il n'avait point
revu depuis sept ans. C'était un garçon bien
taillé, à l'air débrouillard, fortement musclé
et apte au jeu d'amour. S'approchant de la
cabaretière, il lui dit en palpant les choses
qu'il lui désigna successivement:
— A l'ombre de vos tetons, à la fumée de
votre con, au carillon de mes deux couillons.
Est-ce cela?
— Vous avez gagné les trois primes,
s'écria la femme, joyeuse; vous me paraissez
un luron, aussi, je vous les donnerai toutes
les trois sans en omettre une seule.
— J'y compte bien, dit l'autre.
Et ainsi fut fait.
144 CONTBS PICARDS
71. La montre à répétition.
Un paysan d'une vingtaine d'années, fort
peu dégourdi, avait formé le projet d'aller
passer deux ou trois jours à Paris pour se
rendre compte des merveilles dont il entendait
faire le récit depuis longtemps. Il partit, et,
arrivé dans la capitale le soir, il se mit en
quête d'un hôtel qui fut en rapport avec ses
moyens. Après qu'il eut soupe, il demanda
qn'on le conduisît à la chambre qui lui était
destinée. U se coucha, mais, à peine se fut-il
mis tous la couverture qu'il entendit un bruit
d'enfer dans la chambre voisine, séparée de
la sienne par une mince cloison; il remarqua
à un endroit un large filet de lumière qui
filtrait à travers une fente des planches de la
séparation; il colla son oeil sur cette ouver-
ture et vit pour la première fois de sa vie un
tableau peu banal: un jeune couple faisait la
bête à deux dos sur le lit de la chambre.
Émotionné par ce spectacle, le campagnard
n'y tenant plus saisit son membre à pleine
main et le secoua rageusement, disant à
mi-voix:
— Je donnerais bien vingt sous pour être
à la place de ce veinard... Je donnerais
bien quarante sous,... un écu,... cent sous !...
145
Je donnerais même ma montre à répétition
par-dessus le marché.
Mais, après qu'il eut déchargé, il dit
mollement >
— Maintenant, je ne donnerais plus rien
du tout.
72. Pour ne pas user de souliers.
Un vieux paillard avait séduit une jeune
fille qu'il initia au joli jeu d'amour. Or, un
jour qu'elle se trouvait seule à la maison, son
amant vint à passer ; l'apercevant à la fenêtre
de sa chambre, il entra et la rejoignit. Dès
qu'il eut ouvert la porte, la jeune fille se jeta
à son cou, et les deux tourtereaux se bé-
cotèrent. Puis, quand ce passe-temps eut
assez duré, ils se livrèrent à un autre genre
d'exercice. Comme la température était très
douce, ils ne prirent point la peine de fermer
la fenêtre de la chambre, et, au lieu de se
placer sur le lit, la fille se coucha sur le
plancher. Tandis qu'ils prenaient leurs ébats,
un étranger, passant en cabriolet, arrêta son
cheval dans la rue pour pouvoir considérer
plus à l'aise comme deux pieds qui semblaient
battre l'air en cadence. Ce spectacle l'intri-
Кцгтт. X. 10
146
guait fort; regardant avec pins d'attention,
il vit en effet deux pieds mignons qui se
levaient et s'abaissaient alternativement et
paraissaient obéir à un mouvement régulier.
Ne soupçonnant pas encore la cause qui les
faisait ainsi gigoter, le passant dirigea douce-
ment son cheval jusqu'auprès de la fenêtre;
là, il entendit comme un bruit de danse dont
les mouvements devenaient plus précipités.
— Dig doug! dig dong! dig dong!
Se mettant debout dans sa voiture, l'étranger
eut le mot de l'énigme en considérant le
tableau qui s'offrit à ses regards indiscrets.
— Eh bien, ma petite, dit-il en s'appuyant
sur le rebord de la fenêtre, vous marcherez
longtemps ainsi sans user vos souliers.
72 a. Variante.
Un vieux célibataire se décida sur le tard
à prendre femme, et, comme, à cet âge, on
ne fait jamais de folies à demi en pareil cas,
il épousa un tendron dont il aurait pu être
l'aïeul. Une telle union fit jaser dans le
village, car la nouvelle mariée, coquette, de
mine éveillée, de complexion amoureuse, ne
manquerait pas de jeter bientôt son bonnet
par-dessus tous les moulins. Le pauvre mari
147
ne tarda pas à s'apercevoir qu'au jeu qui
plaisait tant à sa femme, il creusait chaque
jour sa fosse ; dans cette joute, il avait affaire
à un adversaire redoutable. Pour se reposer,
il prit le parti de se lever de bonne heure;
il ne demeurait chez lui qu'à l'heure des
repas; il passait dehors tout le reste de ses
journées, prétextant que le grand air était
nécessaire au maintien de son état de
santé.
Pour se consoler de cette sorte d'abandon,
sa jeune femme prit un amant. Tout le vil-
lage en sut bientôt la nouvelle ; seul, le mari,
qui gardait toute sa confiance à celle qu'il ne
pouvait pourtant satisfaire, ne se doutait de
rien. Or, un jour, le bonhomme étant sorti
sans se munir de son parapluie, revint inopiné-
ment chez lui aux premières gouttes d'eau
qu'il sentit tomber. En approchant de sa
maison, il jeta un regard par la fenêtre de sa
chambre, qui était ouverte. Il s'arrêta net et
porta la main à son front à la vue d'un
spectacle auquel il ne s'attendait point; il
demeura un instant comme pétrifié. Il fut
tiré de sa torpeur par un étranger qui, en
passant avec précipitation, le heurta involon-
tairement. Saisissant celui-ci par l'épaule,
l'infortuné cornard lui dit à voix basse en lui
10*
148
désignant, d'un eigne de téte ce qui se pas-
sait sur le Ht à l'intérieur:
— Avez-vous déjà tu cela?
— Ma parole, je vous avoue que c'est la
première fois.
— Moi aussi.
— Vous les connaissez?
— C'est une jeune mariée.
— Ah! cela se conçoit.
— Mais elle n'est pas avec son mari; c'est
ma femme.
— Ah! mon pauvre ami, dit l'étranger au
vieux bonhomme qui continuait de garder sa
main sur son front, si les cornes font autant
de mal pour pousser que les premières dents,
vous devez souffrir horriblement à la tête en
ce moment.
73. Noiraud.
Un très joli garçon, de forte constitution,
avait pris pour femme une brune de puissante
corpulence, qui, dès le début de son mariage,
se montra ardente et insatiable aux ébats
amoureux. Au début, le mari ne se faisait
jamais tirer l'oreille pour donner sa ration
d'avoine au petit Noiraud de sa femme, ainsi
CONTES PICARDS 149
qu'il avait l'habitude de désigner le con de
celle-ci. Mais on se lasse même des meilleures
chtees; il arriva au bout de quelque temps
que le mari espaça de plus en plus les rations
qu'il donnait autrefois si fréquemment. Bien
que souffrant de cette négligence, la femme
n'osait point s'en plaindre. Cependant, un
soir qu'elle s'était mise au lit de bonne heure,
elle ne pouvait trouver de sommeil, alors que
son mari dormait à poings fermés et ronflait
comme un tuyau d'orgue. Agacée, elle s'enhardit
et finit par secouer le dormeur, lui disant:
— Eh bien, mon ami, n'as-tu donc plms
d'avoine que tu semblés oublier Noiraud?
Se réveillant à demi, l'homme dit de fort
mauvaise humeur:
— En effet, j'en manque pour l'instant.
— Que va devenir ta pauvre monture si tu
la laisses ainsi manquer du nécessaire? Tu
avais eu jusqu'ici beaucoup plus de soin de
ton Noiraud.
L'homme, enlevant une poignée de paille
de sa paillasse, la déposa entre les cuisses de
sa femme, lui disant:
— Tiens, passe-lui d'abord cela en attendant
que je lui donne son avoine plus tard.
150 CONTES PICARDS
74. Beoommençone.
Un gaillard solide, bien musclé, réputé
grand abatteur de bois, et, à ce titre, fort
recherché des dames, — }es uns prétendent
que c'était un carme, — fit un jour la ren-
contre d'une femme très ardente aux combats
amoureux; elle amena la conversation sur un
sujet qui devint bientôt brûlant et se plaignit
amèrement d'avoir épousé un homme qui ne
l'avait jamais satisfaite au jeu d'amour.
— On raconte sur vous, lui dit-elle, des
prouesses qui me paraissent invraisemblables.
— Que vous a-t-on dit?
— Qu'au joyeux déduit, vous exécutez six
fois de suite...
— Peste! quand la monture me plaît, je
vais bien jusqu'à la douzaine.
— Est-ce possible ? Mon mari, en six mois,
atteint à peine ce nombre... Je voudrais bien
vous voir à l'œuvre, ajouta étourdiment la
dame.
— Б ne tient qu'à vous de tenter
l'épreuve.
— Comment, vous consentiriez ...
— De grand cœur.
— Dans ce cas, il est inutile que vous vous
amusiez plus longtemps aux bagatelles de la
151
porte. Mon mari est absent; venez ce soir et
vous aurez tout le loisir de faire la preuve
de ce que vous avancez peut-être avec trop
de présomption.
L'homme ne manqua point au rendez-vous,
d'autant que la femme était appétissante et
que sa possession avait de quoi satisfaire
l'amour-propre du plus exigeant. Ils se mirent
tous les deux à la besogne avec une ardeur
égale. La femme tenait la comptabilité ; après
chaque jeu, elle traçait une barre sur le mur
avec un charbon. A la suite d'un repos,
l'homme dit:
— Nous allons commencer la cinquième
partie.
— 11 n'y a que trois traits de marqués, dit
la femme en regardant sur le mur.
— Tu en as oublié un.
— Pas du tout.
— Je te dis que nous l'avons fait
quatre fois.
— Je soutiens que tu vas commencer le
quatrième. Même les bons joueurs, je le vois,
sont enclins à tricher.
La discussion allait tourner à l'aigre-doux,
quand la femme, prenant un coin du drap le
frotta vigoureusement sur le mur pour effacer
les barres, et s'écria:
15g
— Tiens, cela ne compte pas; recommençons
de tout.
— Tu as bien fait, répondit l'homme en
reprenant sa besogne; pour un point, je ne
voudrais pas avoir de discussion avec une
femme aussi agréable que toi. Je me sens
d'ailleurs de force à gagner notre pari.
74 a, Variante.
Un vieux juge avait épousé une jeune
femme, dont il ne sut satisfaire certains
appétits, qu'il ne faisait qu'aiguiser. Elle
jeta son dévolu sur un jeune homme du voi-
sinage qui venait souvent le soir faire une
partie de cartes avec le juge, qui l'avait pris
en amitié. Un soir, en arrivant chez le
juge, la femme de ce dernier dit au jeune
homme :
— Mon mari est absent pour vingt-quatre
heures; mais, puisque vous êtes venu, restez,
vous me tiendrez compagnie.
Cette offre fut acceptée, et la dame, dont
la conversation était enjouée, entretint d'abord
son visiteur des histoires croustillantes de la
ville et en arriva à déclarer que, bien qu'elle
fût mariée à un homme qui pourrait être son
père, jamais elle ne le tromperait; et, comme
CONTES PICARDS 153
pour donner pins de poids à cette déclaration,
elle ajouta:
— Tenez, je vous défie de coucher avec
moi cette nuit sans qu'il se passe quoi que
ce soit entre nous. Si je gagne, vous me
devrez cent francs : si je perds, je vous paierai
une somme égale.
Le pari fut tenu, mais, avant que de passer
dans la chambre à coucher, le jeune homme
se rendit dans la cuisine; il y trouva une
pelote de ficelle dont il s'empara; il s'en servit
pour attacher contre l'une de ses cuisses cer-
tain engin qui pourrait lui faire perdre la
gageure s'il le laissait en liberté. Cette be-
sogne achevée, il alla rejoindre la dame dans
son lit; tandis que celle-ci veillait, espérant
à chaque instant qu'elle allait gagner le pari,
son compagnon s'endormit. Une heure, deux
heures se passèrent ainsi: la femme, désolée
de perdre, songea alors que celui qu'elle avait
introduit dans son lit n'était pas constitué comma
les autres; pour s'en assurer, elle allongea la
main, et, sentant la ficelle, elle eut le mot de
l'énigme; se levant doucement, elle alla prendre
ses ciseaux et coupa le fil qui retenait pri-
sonnier l'oiseau qui devait lui faire gagner le
pari. En effet, dès qu'il fut redevenu libre,
l'oiseau fit perdre son maître. La dame s'écria:
154
CONTES PICARDS
— Vous me devez cent francs.
— Je vous les paierai volontiers.
— Avant que le jour n'arrive, combien
pourriez-vous renouveler de fois cet exer-
cice?
— Au moins cinq fois.
— Vous vous vantez. Mais, tenez, je vous
tiendrai quitte si vous accomplissez six fois
vos prouesses.
Ce second pari fut tenu. Et le couple se
livra à de nouveaux ébats.
— C'est la cinquième fois, dit le jeune
bomme au bout de quelque temps.
— Pardon, c'est la quatrième fois, répondit
la dame ; jugez-en vous-même par les marques
à la craie que j'ai tracées sur le mur.
Une discussion s'engagea; pour y mettre
fin, la femme humecta de salive un pan de sa
chemise et effaça les traits, disant:
— Recommençons.
Le jeune homme reprit sa besogne, et,
quand le jour pamt, il dit:
— J'ai gagné; je viens de m'acquitter du
dixième assaut.
— Pas du tout, vous n'en avez livré
<jue cinq.
Une seconde fois, la femme avait triché.
Il fut convenu entre eux que le différend
155
serait porté devant le juge lui-même. Le soir
du jour suivant, ce dernier étant rentré chez
lui, son voisin alla le trouver pour faire en-
semble leur partie de cartes. Tout en jouant,
ce dernier dit à son adversaire, la femme de
ce dernier étant présente:
— Pendant votre absence, j'ai fait une
promenade à cheval; étant arrivé près de
votre herbage, j'ai éprouvé le besoin de mettre
pied à terre; j'ai attaché mon cheval à un
arbre pour qu'il ne commît point de dom-
mage. Pendant que j'eus le dos tourné, votre
femme, que je ne savais point là, a rendu la
liberté à mon cheval, qui a commis des dégâts
dans votre pâture. Dois-je en être rendu
responsable ?
— Il n'y a aucun doute, répondit le juge,
ma femme est seule coupable; c'est donc moi
qui supporterai le dommage.
74 b. Variante.
Point loin d'ichi, і gny avoit i gny о déjo
longtans enne féme veffe éque sen fiu il étoit
cache-mannèe. Jean, — ch'étoit comme ho
qu'i s'appeloit, — il avoit vingt-quatre ans;
і n'avoit jamois ieu l'idée dé se marier.
O disoit dens che village qu'il étoit granmen
156 CONTES PICABDS
simpe d'esprit; éje crois qu'o n'avoit mie-
tort. Ése mére a' li o di enne fois:
— Voyons, Jean, veux-tu toujours rester
ira? Tout le monde ése moque éde ti dens
che village; o dit que tu n'est point comme-
un ente; d'un cœup, tu ne trouveros pu enne
seule fille qu'i vodro de ti. I feut que tu
penses à ho.
— Je m'en vos vous dire, man mére : ch'est
que jé ne sais point che que ch'est que dé se
marier ni a cœuse qu'o le foit.
— A cœuse, grand béto? Ch'est pour con-
quer aveuc enne féme: si tu sa vois comme
ch'est boin!
— Vraiment? Si ch'est ho, jé me résous;
je veux me marier tout de suite, dens huit
jours au pu tard.
— I te feut enne maîtresse. T'est garçon
mangnier; je m'en vos à che meulin trouver
ten moîte. Il o enne béle fille; jel lé de-
manderai pour ti.
— Oui, man mére.
Éle mére al s'est en allée tout de suite à
che meulin; al o di à che mangnier et pi à
se fille che qu'ai venoit de foire. Éche
l'amoureux il o été rechu et pi che mariage
і s'est foit quéques jours après. Éle prum-
miére nuit, Jean і s'est endormi pour né se
157
réveiller que le lendemain matin et pi sé
lever tout de suite. Ése féme a' n'o point
^tè sitôt habillée qu'ai o couru trouver se
mére en brayant.
— Bè quoi, me fille? Quoi qu'i gny o
d'arrivé?
— Il est arrivé qu'os m'avez mariée aveuc
un homme qu'i n'est mie comme un eute.
Éle nuit-chi, і ne m'o tasseulemen point
touquèe. Dret qu'il est dens che lit, і dort
comme enne choque, tout comme s'il étoit
conque aveuc un homme.
— Attends, me fille, éje m'en vos li foire
sen catéchime.
Éle vieille mangniére al s'est en allée à
che meulin foire enne élechon à sen bieu-fiu.
— Os comprendez bien, Jean, éque si je
vous ai donné me fille, ch'est pour qu'ol
l'amuséche par nuit.
— Éle l'amuser? Quement qu'i feut
foire?
— Voyons, tout à l'heure, os assiérez vo
féme édessus le bord éde vo lit; os le débil-
lerez et pi os nen ferez autant pour vous.
Après, ol l'embracherez, os monterez et pi os
seuterez dessur elle tant pu de fois qu'os
porrez. Os verrez comme os érez du plaisi
tous les deux.
158
Sitôt rentré, Jean il o foit che qn'o venoit
de li dire; ése féme al étoit contente qu'il
l'avoit conquèe dessus leu lit. Après, і s'est
mis à courir d'un bout à l'eute dé le chambe ;
i seutoit pa-dessus se féme, i reculoit, i re-
seutoit, il l'embrachoit; pendant pu de deux
heure, il о foit che métier-lo.
— Voyons, Jean, est-tu fou? qu'a' n'arrétoit
point de li dire ése féme. Éje t'en prie,
arrête éde mé recrandir et pi de m'éreinter
comme ho.
— Nan, nan, je n'arrêterai point coire.
Éje sais che qu'i feut foire à che-t-heure.
N'importe, éle mariage éche n'est mie che
qu'o m'avoit dit.
A la fin, comme il étoit recrand, qu'i
n'en povoit pu, і s'est conque. Le lendemain,
le béle-mére al est revenue pour savoir que-
ment que le nuit al s'étoit passée. Se fille
al о tout raconté en se plaingnant coire
pu fort.
— Éle fois-chi, ch'est dé te fente, qu'ai dit
le mére. Quant і seutoit dessus ti, si tu Г1
avois retenu et pi serré dens tes bros, ha né
se seroit point passé comme ho. Eue soin
d'ête pus adroite au soir quant Jean і reque-
menchero.
CONTES PICABDS
159
Au soir, Jean і s'apprétoit à refoire che
qu'il avoit foit le veille. Oui, mais, se féme
al l'o arrêté; al Го retenu dens ses bros et
pi al Го serré contre elle. Éle broquette éde
Jean al s'est redréchèe; ése féme al Го aherd
et pi al l'o lanchèe dens se caille. Ése s'n
homme il o comprins à che moment-lo; aussi,
tout de suite, sans s'arrêter, il о tiré quator
cœups. Che n'est mie le peine éde dire que
se féme al étoit contente à mort. Quant éle
jour il est venu, al s'est levée et pi al о été
dire à se mére combien de fois que s'n homme
il l'avoit foutue. Éle béle-mére éde Jean,
qu'ai étoit languse comme tous ses pareilles,
a' n'o ieu rien de pu pressé que d'aller
apprende enne si boine nouvéle à ses voi-
sinnes. Ha s'est seu de village en village; ol
l'o connu dens tout che canton, et pi Jean і
n'o pu 'tè appelé que Jean Quator-Cœups.
Éche juge éde paix dé che canton, qu'il étoit
déjo viux, il avoit enne jonne féme; al avoit
entendu parler de ches merveilles éde Jean;
a' n'o point peu s'empéquer de foire enne
comparaison, point à l'avantage dé che juge,
enter ches quator cœups dé che mangnier
et pi le seule fois par semaine dé che viux
juge éde paix. Aussi, al s'est mis dens le
téte éde foire connaissance aveuc Jean
160 CONTES PICARDS
Quator-Cœups et pi d'arriver à le foire
conquer aveuc elle. Comme, dens che tans-lo,
ches riches et pi ches poves i cuisoite leu
pain, ches cache-manèes il alloite éde moison
en moison carquer che blé à meurre. Jean
Quator-Cœups, quéques mois après sen
mariage, il о été mon dé che jnge.
— I gny o-ti du blé? qu'il о crié.
— Oui, rentrez, qu'ai dit le féme qu'ai
étoit en part elle à leu moison.
Jean Quator-Cœups il о attaqué sen mulet
et pi il о rentré.
— Assiez-voue, Jean, et pi buvez che verre
éde vin-lo.
Jean il о bu pu d'un verre; il о devisé dé
che movais tans, dé che bieu tans, de ches
récoltes. Après, le féme dé che juge, qu'ai
étoit finne, a' li о demandé à coeuse qu'i
s'appeloit Jean Quator-Cœups.
— Je né demande mie miux que de vous
le dire, madame. Quant jé me sut marié, jé
ne connaissois rien en fait dé che qu'i se
passe dens che mariage; pendant ches prum-
miérés nuits, je n'ai rien foit à me féme.
Éme béle-mére al m'o renseigné et pi j'ai
cœuquè quator fois sans m'arréter. Ches
féme — respect à vous — і sont languses ; ol
l'o seu. Vlo d'où qu'i vient men surpiquet.
І6І
— Si ch'est ho, che n'est point enne mo-
querie?
— Pour ho, nan; os porrez éle lé demander
à me féme.
— Oui, mais, porroites-vous requemencher...
aveuc mi, ... par exampe?
— Bien seur, qu'i répond che cache-manèes,
qu'i voyoit l'enfilure. Je vous parie six chents
lives que je ferai ches quator cœups sans
în'arréter.
— D'accord! M'n homme і n'y est point;
«ouquons-nous.
Jean Quator*Cœups et pi le féme dé che
juge éde paix і se sont conques ; éche jonne
marié і s'est mis en route à cœuquer.
— Un, qu'ai о compté le féme. Deux...
Trois... Quate... Choncq... Six... Douze...
Treifce; ... pu qu'un seul cœup.
Éche darin il étoit en route quant os о
entendu le porte éde ches rues s'ouvrir et pi
le tintette sonner.
—- Mon Diu! ch'est che juge, qu'ai dit se
féme en sentant en bos de sen lit.
Éche cache-manèes і s'est rhabillé au pu
vite; éle féme a' n'n о foit autant; éche lit il
о été remis à plftche, ha foit que che viux
juge, en rentrant, і ne s'est aperchu dé rien.
Ni vu ni connu, je t'embrouille. Éche cache-
Kqvtix. X. 11
162
CONTES PICARDS
manèee il o prins un so de blè pour porter à
che meulin. Éle lendemain, il est revenu
moison dé le féme.
— Et pi, mes six chents lives?
— Os n'avez mie rien gaignè pus que che
quatorzième coeup і n'o point été fini.
— Os plaiderons, si ch'est comme ho.
Jean Quator-Cœups il о foi appeler le
féme édevant che juge éde paix.
— Quoi qu'os avez, che plaindant? qu'il о
demandé éle l'homme éde loi.
— Vlo, monsieur le juge. J'ai parié aveuc
vo féme d'abatte quator noix à vo gœuguer
d'un seul cœup de perche. J'ai foit queir
quator noix; seulement, і gny en avoit
unne qu'a' n'étoit point boine; vo féme a' ne
veut point me poyer ches six chents lives
dé le pariure. Comme éje n'avois point
garanti ches noix pour éle qualité mais
bien pour éle quantité, je crois que j'ai
gaignè.
— Est-ti vrai, ho? qu'i demande éche juge
à se féme.
— Oui, ch'est vrai.
— Si ch'est ho, je té condamne à poyer
six chents lives à che plaindant.
Ches frais il ont été portes à ses dépens.
(Kryptadia, il, ш-ш.)
CONTES PICARDS
163
74 c. Variante.
Un domestique і voloit foire l'amour атепс
£se dame; і gny avoit longtans qu'i n'n avoit
l'envie.
— Écoute, qu'a' li dit enne fois le fermière.
Vlo che que je té propose. M'n homme і n'y
est point. Os allons nous mette tout nus et
pi os conquérons ensanne. Si tu restes enne
heure sans que ten moigneu і sé redrèche, tu
gaigneros chent écus et pi tu feros après
aveuc mi tout che qu'i te conviendro. Y con-
sens-tu?
— D'accord! D'accord!
Éche domestique il о sorti pour un moment ;
і s'est attaqué sen quiot bout dens ses gambes
aveuc un cordon. Après qu'il o ieu foit ho,
il est venu se couquer aveuc ése dame. Chéle-
chi al s'est mis tout de suite à Г1 afïïater ; al
о tant foit que che cordon il о cassé et pi le
broquette al s'est redréchèe pu roide éque
jamois.
— T'oe perdu! qu'ai dit le dame,
— J'ai gaignè, bien du contraire. Os mé
devez chent écus.
— Os plaiderons, si ch'est ho.
Il ont 'tè devant che juge ; éche domestique
il о dit:
11*
— J'ai parié aveuc éme dame d'attaquer
un jonne poulain à un piquet. Che lico il o
cassé parce qu'i n'étoit point solide. Mais
j'ai attaqué ehe poulain.
— Est-ti vrai, madame?
— Est vrai, monsieur le juge.
— Si ch'est ho, os avez perdu. Poyez vo
domestique.
(Kryptadia, II, 163-Ш.)
74d. Variante.
Ch'étoi i gny о longtans. Un soldat qu'os
appeloit Jean і n'avoit qu'un sou le jour
d'enne fête. Ses camarades, qu'il étoite pu
riches, il étoite partis d'un coté d'eute pour
tracher aventure, tandis que li il étoit resté
en part li aveuc sen sou devant le porte dé
le caserne.
— Quoi foire d'un malhéreux sou? qu'i se
disoit. Je m'en vos passer enne triste féte.
Quoi foire, mon Diu?
A tout hasard, і s'est en allé dens le ville
en tenant sen sou dens se main; il о ren-
contré enne marchande éde noix.
— Combien vos noix, boine féme?
— Dix pour un sou.
— Ch'est trop quer. Donnez-m'en quator.
CONTES PICABDS
165
— Ha ne m'est mie possibe. Je n'y
gaignerois rien.
— Si ch'est ho, adet.
— Allons, prendez-nen quator tout de même,
seulemen né le disez point.
Jean il o coisi quator noix et pi il o donné
sen sou à le féme. Après, і s'est remi à se
promener. Il est arrivé dessur éche boulevard ;
il o aperchu un gardin qu'il étoi ouvert; il y
o rentré et pi il o été s'assir édesseus un ber
où qu'i gny avoi enne tabe et pi un bae.
Il o mis deux noix dessus le tabe ; і s'est amusé
à s'zé casser aveuc sen moigneu.
I gny avoi enne servante qu'ai arrosoit des
pots de bouquet à enne croisée en face éde
lo; al о vu che qu'i venoit de foire éche sol-
dat; al о couru le dire à se dame.
— Ha n'est mie possibe, Catherine.
— Éje vous dis qu'est vrai, madame.
Éle dame al s'est mi à le fernête; éche
soldat il о prins enne noix, qu'il о cassée
aveuc sen doigt le fois-lo.
— Je té le disois-ti point, Catherine, qu'ha
n'étoit mie vrai?
— Volez-vous que je foiche venir éche
soldat?
— Tout de même. Vo bien rade li dire éde
monter.
166
Éle servante al o couru queurre éche casseu
de noix qu'ai o amené devant le jonne féme.
— Os cassez des noix aveuc vo moigneu
à che que m'o dit me servante. Est-ti vrai?
— Nan, madame; ch'est aveuc men doigt.
— Os volez vous foute éde mi. Avouez-le lé.
— Eh bien, oui, ch'est vrai tout de même;
éje n'osois point...
— Bon, bon! Os devez avoir un fameux
moigneu pour taper de pareils cœups. Jé Г1
essaierois bien.
— A vo service, madame. Je n'ai point le
sou; si os volez éprouver men casse-noix,
éje vous le prêterai à quarante sous par
cœup.
— D'accord! D'accord! Allons conquer.
Éche soldat et pi le féme і se sont conques.
I venoite éde tirer che quatrième cœup quant
os о entendu: Pan! pan! à le porte.
— Ah! mon Diu! ch'est m'n homme, éche
capitaine. Muchez-vous desous che lit.
Éche soldat il о prins ses effets et pi і
s'est lanchè desous che lit. Éle féme al о été
ouvrir.
— A cœuse éque t'est couquèe à Г1 heure-
chi? Ten lit il est tout démentibulè. T'étois
aveuc un homme. Il est sans doute coire
dens che lit.
167
Éche capitaine il o saqnè ses pistolets et pi
il o tiré dens che lit. Ho foit, il o laichè se
féme et pi і s'est en allé croyant qu'il avoit
tué éche l'homme.
Dret que che capitaine il о été parti, Jean
Quator-Noix і s'est dessaquè dé dessous che
lit et pi il о reprins sen travail aveuc éle
féme. Il о été jusqu'à che dixième cœup; ha
foit qu'il о rechu deux pistoles.
Seulemen, à Г1 appel du soir, Jean і man-
quoit. Quant il о rentré à le caserne, sen
capitaine i li о demandé à cœuse qu'il arrivoit
si tard.
— Ah! ne m'en parlez point. J'ai juè un
bien tour à un de vos camarades. J'étois
conque aveuc ése féme — qu'a' me donne
quarante sous du cœup, s'i vous plaît! —
quant é s'n homme il о rentré; jé me sut
muchè desous che lit; éche capitaine il о tiré
des cœups de pistolet dens che lit croyant me
tuer. Après, il est parti.
— Érevoieros-tu le féme-lo?
— Pardié! О ne trouve raie tous les jours
des femes qu'i vous donne-té quaranne sous
du cœup. J'irai demain.
— Ch'est bien; ho m'amuse. Éje té donne
congé pour édemain.
108
Éle lendemain, Jean Quator-Noix il о re-
tornè moison dé le jonne féme, qu'il Pattendoi
aveuc bien de Pimpatienche. 0 s'est conque,
seulemen, à che deuxième cœup, éche capi-
taine — ch'étoit cheti de Jean, justémen, —
і buque à le porte.
Éche soldat il о ramassé ses effets et pi і
s'est muchè dens Г1 ormoire.
— Éle foie-chi, i gny о coire un homme
ichi, qu'i s'est dit che capitaine; si jé Г1 ai
manqué hier, cha ne sero pu du pareil enhui.
Éche capitaine il o tiré deux cœups dens
che lit et pi deux entes édessous.
— Éle fois-chi, il est tué; jé me renvos à.
le caserne.
Éche capitaine parti, Jean Quator-Noix il
est sorti dé se muche pour sé reconquer aveuc
éle féme jusqu'à tans qu'il o ieu gaignè vingt
lives.
Quant il est revenu à le caserne, sen capi-
taine il o 'tè fin saisi dé PI érevir vivant;
i li o demandé quement que se jornèe al
s'étoit passée.
— Ah! dé le pu béle mainniére du monder
men capitaine. Éje finissois à peine men
deuxième cœup quant éche-t-homme il est
arrivé; je n'ai ieu que le tans dé me mucher
dens PI ormoire. Éche capitaine il о tiré des.
CONTES PICARDS
cœups de pistolet dens che lit et pi pa-dessous ;
il o quitté se féme croyant bien qu'i m'avoit
tué. Édemain, ha ne m'empéquero mie de
conquer aveuc ése féme si os me donnez enne
permission pour éle jornèe.
— Ąe té П accorde aveuc plaisi, Jean.
Comme Jean Qnator-Noix il étoit couquè le
jour d'après aveuc éle féme et pi qu'i n'étoit
qu'à sen premier cœup, vlo che capitaine qu'il
arrive en colère et pi qu'i tape à le porte dé
le chambe dé se féme. Jean і s'est muchè
dens le boîte d'horloge.
— J'ai manqué hier é t'n amoureux, qu'i
dit che capitaine à se féme. Éle fois-chi, jé
le tiens.
I s'est mi à tirer dens che lit, dessous che
lit et pi dens Г1 ormoire.
— Jé me renvos à le caserne, éme vlo dé-
barrachè pour tout de boin, qu'il о dit, fin
content, éche pove cocu en s'n allant.
Éche capitaine і ne povoit point nen croire
ses yux quant il о vu rentrer che soldat fin
rétu à le caserne.
— Eh bien, Jean, éle l'homme і ne t'o don
point joint aveuc ése féme ? qu'i li о demandé.
— Bien si est, men capitaine. Seulemen.
je m'étois mis dens le boîte d'horloge, ha
foit qu'i ne s'est n'n est mie aperchu.
170
— T'est un malin copére, Jean; éje veux
t'emmener demain à le cache.
— Os êtes bien boin, men capitaine; os me
f oisez trop d'honneur ; j'irai aveuc grand plaisi.
Éle lennemain matin, Jean і n'o ieu rien de
pu pressé éque d'aller vir ése maîtresse pi de
li dire éde s'habiller en curé pour aller se
promener dens che bos où que che capitaine
il iroit cacher.
Éche capitaine il étoit fin content d'avoir
trouvé un moyen pour empéquer Jean d'aller
aveuc ése féme. Au mitan dé le partie de
cache, éche capitaine il o aperchu un curé
qu'i se promenoit dens che bos.
— Tiens, Jean, que bieu curé que vlo.
— Il est si bieu éque, respect que je vous
dois, éje couquerois bien aveuc li.
— Tu veux gouailler, Jean.
— Os croyez? Tenez, os aller vir.
Éche soldat il о rejoint éche feux curé,
qu'il о entrinè d'un bichon malgré ses cris,
et pi... il о gaignè enne pistole en rien
de tans.
Tandis che tans-lo, éche capitaine і rioi à
se teurde les cotes. Quant Jean il о ieu
laichè che curé, il o di à sen capitaine qu'il
avoi ieu tant de plaisi qu'à conquer aveuc
ése maîtresse.
171
— Jé Г1 éprouverai à le première occasion,
Jean. Vlo dix live pour éche que tu viens
de m'apprende.
Éle jour d'après, éche pove cocu il о ren-
contre un vrai curé; і s'est jeté dessur li
malgré ses cris; il о foi aveuc li comme
aveuc ése féme, seulemen і n'o mie ieu le
même plaisi; il о vu que Jean і s'étoit coire
foutu de li.
No homme il о fini par envoyer se féme
d'un catieu fin loin. Éche soldat, qu'il l'o seu
par elle, il о été trouver sen capitaine pour
li demander enne permission de huit jours
pace qu'i voloi aller vir ses viux parents.
L'eute il о bien vu que ch'étoi un prétesque;
il о foit samblant dé le croire, pi i li о donné
congé.
Jean Qnator-Noix і n'o ieu rien de pu
pressé éque d'aller à che catieu. Éle féme al
l'o rechu à bros ouverts; au soir, і se sont
conques. Tout о bien été jusqu'à minuit.
À Г1 heure-lo, os о buquè à le porte dé le
chambe à conquer; Jean і n'o ieu que le tans
dé se mucher d'enne malle.
Comme éle porte a' ne s'ouvroit poin assez
vite, éche capitaine il l'o enfondrèe d'un cœup
d'èpeule.
— Quoi qu'i gny o, m'n homme?
172
— I gny o qu'os étoite couquèe avenc éche
menait Jean. J'arriverai bien à mé n'n en
débarracher, le fois-chi. Sortez d'ichi; éje
m'en vos mette éle fn à che catieu. Qa'i se
fuche muchè n'importe où, éche fn і séro
bien Г1 aherde.
— Os n'y pensez point? Éje vons jure
éque j'étois endormie en part mi quant os
êtes arrivé ...
— Taisez-vous et pi dépéquez-vous de dé-
chende.
— Éje vous n'n en prie, ne fuchez point si
movais. Laichez-me, au moins, prende ches
habits dé me fille.
— Éje veux bien. Où qu'i sont?
— Dens le malle-lo. Foites élelé déchende.
Éche capitaine il о foit rentrer deux soldats
qu'il avoi amenés aveuc li; i leus о dit de
déchende éle malle pour éle porter à le
gare. Ches soldats, en le déchendant, і se
disoite*
— Éle malle-lo al est rudemen lourde. Éche
diabe éde Jean il est pour seur édedens.
I n'n ont rien di à personne.
D'un cœup, che catieu il о brûlé ; éle lenne-
main, i nen restoit pu que des chendes.
Éche capitaine і s'est en allé à le gare
aveuc ése féme; il о envoyé le malle à se
CONTES PICARDS 173
fille, qu'ai étoi en pension et pi il est revenu
à se moison.
Jean Qnator-Noix і n'étoit mie à s'n aise
dens le malle; portant, і ne bougeoit point.
Os о porté le malle à le pension; éle jointe
fille al l'o foit mette dens se chambe.
Quant éle soir il о ieu été arrivé, al s'est
bien enfermée; al о ouvert ése malle aveuc
l'espoir éde trouver des robes nouvelles et pi
d'eutes présents dé se mére. Al о été épeutèe
en voyant un homme couquè qu'i n'avoit que
se quemise. Jean Quator-Noix і s'est dépéquè
dé le rasseurer en li disant que si і se trou-
voit lo-dedens ch'étoit pour sover l'honneur
dé le féme dé che capitaine. Il о tant foit
qu'il l'o décidée à le laicher couquer par nuit
aveuc elle; i li о donné granmen de plaisi.
Édevant le jour, і s'est habillé aveuc ches
effets dé che gardignier et pi і s'est envoie
dé le pension.
A l'appel du soir, Quator-Noix il о répondu:
Présent Éche capitaine і s'est mis dens le
téte qu'un diabe і protégeoit éche soldat. H
l'o mią en prison pendant trois mois; comme
ho i nen seroit tranquile tandis che tans-lo.
Oui, mais, vlo qu'enne fois il apprend que
se fille al étoit grosse; chéle-chi a' li о dit
qu'ai avoit couqué, comme о le sait, aveuc
174
lean Quator-Noix après le fn dé che catieu.
Éche pove capitaine і s'est vu obligé dé le
marier aveuc éche soldat.
Édepuis che jour-lo, il о 'tè tranquile et pi
Jean il о été héreux aveuc ése jonne féme et
pi tons ches éfants qu'il о ieu aveuc elle.
(Kryptadia, I, 889-848.)
76. Fartons ensemble.
Deux jeunes époux avaient loué un apparte-
ment voisin de celui d'un vieux célibataire
grincheux qui se plaignit de n'avoir pu fermer
l'œil dès la première nuit en raison du train
que n'avaient cessé de faire les nouveaux
arrivés. Bien qu'il n'eût point cherché à
écouter leur conversation, il lui arrivait des
lambeaux de phrases qui lui donnèrent à ré-
fléchir. S'étant levé de bonne heure, il alla
trouver son propriétaire et lui demanda à
voix couverte avec un ton mystérieux:
— Êtes-vous payé des nouveaux locataires
que vous venez de me donner comme voisins?
— Non. Pourquoi me posez-vous cette
question?
CONTES PICABDS 175
— C'est afin que vous vous mettiez en
garde contre une fuite possible et peut-être
prochaine.
— Je ne le pense pas; ils me paraissent
offrir toute confiance.
— Vous vous faites peut-être des illusions.
La nuit dernière, la femme ne cessait de
supplier son mari de s'y prendre de telle sorte
qu'il partît en même temps qu'elle. Pour
moi, ajoutait leur voisin, il s'agit assuré-
ment d'un déménagement à la cloche de bois.
Le propriétaire remercia son locataire, que
celui-ci était parvenu à ébranler; pour le con-
vaincre entièrement, il lui dit:
— Tenez, il me vient une idée; avant que
ces jeunes gens ne rentrent chez eux le soir,
venez chez moi ; vous entendrez de ma chambre
tout ce qu'ils se diront.
Le propriétaire accepta cette proposition»
Quand les deux jeunes mariés se furent mis
au lit, on entendit de la chambre voisine une
discussion s'élever entre les époux.
— Je t'en prie, mon ami, dit la femme,
ne pars pas avant moi; je ne suis pas en-
core prête.
— Oui, oui, ma chérie, nous partirons en-
semble, c'est entendu, je ne demande pas mieux;
mais dépêche-toi, je vais être prêt.
176
CONTES PICARDS
— Ohî attends-moi, de grâce; nous partirons
ensemble.
Pendant un silence qui se produisit en cet
instant, le célibataire, regardant son proprié-
taire lui dit à voix très basse dans le tuyau
de Готеіііе:
— Eh bien, qu'en dites-vous? Doutez-vous
encore maintenant?
Au même instant, la femme s'écria, pâmée:
— Nous partons!
Sans perdre un instant, le propriétaire se
précipita sur la porte de ses locataires qu'il
enfonça et pénétra dans leur chambre. Quelle
ne fut pas sa surprise à la vue des deux
époux sur leur lit gisant l'un sur l'autre dans
un état complet de nudité !...
Après explications, le propriétaire eut lé
mot de l'énigme; la femme se plaignait tou-
jours que le moment psychologique arrivait
pour son mari plus tôt que pour elle.
76. Comment on devient grand-père.
Une jeune paysanne se dépitait, à dix-
huit ans, de n'être point encore mariée. En
attendant qu'un jeune homme vînt demander
CONTES PICABDS
177
sa main, elle alla trouver son voisin, qui avait
femme et enfants, et lui offrit carrément de
lui laisser cueillir la fleur virginale qu'elle ne
voulait point garder plus longtemps. L'homme,
qui n'avait pas trente ans, n'osa refuser une
telle aubaine, d'autant qu'il n'avait point
trouvé la première nuit de ses noces ce que
tout homme prise si fort. Les deux amants
se virent, dès lors, très fréquemment, et leurs
relations étaient tenues si secrètes que per-
sonne ne soupçonnait les rapports qu'ils
avaient entre eux.
Or, un dimanche, le père de la jeune fille
quitta sa maison dans l'après-midi pour se
rendre au village voisin, où l'appelaient ses
affaires; il n'avait point quitté sa maison
depuis dix minutes que son voisin pénétrait
chez lui en passant par les jardins; son
amante, qui l'attendait, l'entraîna aussitôt
dans sa chambre; l'homme la renversa sur le
lit et se mit à la bourrer avec ardeur.
Le père de la jeune fille s'aperçut en che-
min qu'il avait oublié sa blague à tabac; il
revint chez lui; étant passé par la cuisine, il
pénétra dans la chambre où se trouvaient les
deux tourtereaux, qui n'avaient point songé
à donner un tour de clef en dedans; ils
n'avaient entendu aucun bruit, et pour cause,
Kçvnr. X. 12
178
CONTES PICABDS
car ils étaient alors dans le plus fort de
l'action. En ouvrant la porte, le père eut la
vue d'un tableau auquel il s'attendait peu.
Pris d'une colère soudaine, il envoya un
violent coup de pied sur le derrière de
l'homme.
— Imbécile! s'écria le battu en sautant au
plus vite par la fenêtre, s'il arrive quelque
chose, je m'en lave les mains ; tant pis si elle
en retient cette fois, ce ne sera point ma
faute, car, jusqu'ici, j'ai toujours bien pris mes
précautions.
En effet, neuf mois plus tard, le père de la
jeune fille devenait grand-père.
77. Le baudet du magister.
Il y avait jadis à Pernois un maître d'école
qui se rendait assez souvent à Amiens. Le
jour où il avait congé, il attelait son âne de
grand matin et ne rentrait souvent que fort
tard dans la nuit; c'est qu'à cette époque
les chemins étaient mauvais. Il lui arrivait
quelquefois de donner place dans sa voiture
à un ami que ses affaires appelaient aussi à
Amiens, mais il n'acceptait ce surcroît de
CONTES PICARDS
179
charge pour son bandet que lorsqu'il ne pou-
vait l'éviter. Or, un jour, sa voisine, jeune
femme fort délurée et gentillette, alla le
trouver pour lui demander une place dans sa
voiture lors de son prochain voyage.
— Oui, oui, bien volontiers, dit-il, vous
pouvez compter sur moi. D'ailleurs, je vous
préviendrai.
Une semaine, deux semaines, trois semaines
se passèrent; le maître d'école ne parlait de
rien. La petite voisine, qui était loin d'être
une sotte, se dit un jour:
— Magister se fout de moi, mais je saurai
bien le prendre.
Quelques jours plus tard, à la fin d'une
belle nuit bien claire, la femme remarqua des
allées et venues dans la cour de son voisin;
sans aucun doute, il se préparait pour partir
à Amiens. La fine mouche s'habilla prompte-
ment; elle se présenta à la grand'porte du
magister juste au moment où il sortait de
sa cour.
— Comment, vous allez à Amiens et vous
ne m'en avez point prévenue malgré la pro-
messe que vous m'en aviez faite?
Un peu confus, il répondit en s'excusant:
— Comme nous n'en avions pas reparlé, je
l'avais complètement oublié.
12*
180 contes picabds
Mais il n'invitait point sa voisine à monter
dans sa voiture. La femme n'attendit pas
plus longtemps; elle prit place aussitôt sur
la banquette à côté du conducteur; celui-ci
allongea un coup de fouet sur son baudet, qui
partit immédiatement Le magister songeait
à se débarrasser de sa compagne. Comment
faire? Il fut bientôt tiré d'inquiétude. Quand
l'âne fut arrivé à la première côte, il s'arrêta
soudainement et lâcha un pet des mieux con-
ditionné.
— Ah ! mon Dieu ! s'écria le magister, nous
voici dans de beaux draps!
— Que voulez-vous donc dire?
— Vous avez entendu mon baudet?
— Oui, il a pété. Il n'y a rien d'extra-
ordinaire à cela.
— Eh bien, c'est ce qui vous trompe. Toutes
les fois qu'il pète, je dois retourner chez moi
pour rendre mes devoirs à ma femme. Nous
allons donc faire volte-face et nous remettrons
notre voyage à huit ou à quinze jours.
— Mais cela ne ferait nullement mon
affaire, repartit vivement la voisine; j'ai
absolument besoin à Amiens, et je ne saurais
retarder mon voyage sans en éprouver un
grave préjudice. Mais, j'y songe, dit la femme
à voix basse pour que l'âne n'entende point,
contes picards
181
est-ce que, pour une fois, vous ne pourriez
pas me rendre ces devoirs à moi-même?
Votre baudet ne s'apercevra de rien.
Ainsi pris à Timproviste par si malin
que lni, le magister fit contre fortune
bon cœur.
— Essayons, dit-il complaisamment.
Il s'acquitta donc une première fois et avec
succès des devoirs qu'il ne devait rendre qu'à
sa femme. Et l'âne ne se douta de rien,
puisqu'il continua son chemin. Un peu plus
loin, second pet; nouveaux devoirs à remplir;
l'homme déploya encore une ardeur toute
juvénile. A quatre autres reprises, le baudet
donna le signal que la jeune femme, qui
prêtait une oreille attentive, entendait tou-
jours avec joie, car elle prenait plaisir au jeu
dont il était suivi. Ayant ainsi livré une
demi-douzaine d'assauts, l'homme avait bien
gagné de se reposer. Il s'endormit profondé-
ment. L'âne eut sans doute pitié de son
maître; il suivit son chemin dans le plus
complet silence. On approchait d'Amiens; en
montant la côte du Blamont, qui est très
raide, l'animal lâcha un pet formidable; la
voiture en trembla, mais le magister n'enten-
dit rien. Sa compagne le saisissant par
l'épaule lui dit en le secouant violemment:
182 CONTES PICABDS
— Magister, magister, réveillez-vous donc;
votre âne va retourner; il vient encore de
péter ... Voyons, voyons, réveillez-vous ...
Vous n'entendez pas? ... Votre âne a
encore pété.
— Hein?... Quoi ? grogna le maître d'école
sans se réveiller entièrement.
— Votre baudet vient de péter.
— Ah! il pète?... il pète?... Eh bien,
qu'il chie maintenant,.. Moi, j'en ai assez.
78. Économie.
Un pauvre d'esprit avait tellement peur des
jeunes filles qu'il refusa toujours de se marier;
son père et sa mère tentèrent en vain de lui
faire prendre femme; il s'obstina dans son
entêtement. Un jour que sa mère le pressait
plus vivement de se marier, en lui représen-
tant toutes les satisfactions que lui procurerait
une femme, il demanda quelques explications
à ce sujet; sa mère les lui fournit avec forces
détails.
— Les femmes, lui dit-elle, ne sont pas
conformées comme les hommes; elles ont à
certain endroit secret du corps une sorte de
183
mortaise tandis que vous autres vous avez,
au contraire, comme un tenon au même en-
droit; une fois marié, tu devras enfoncer ton
tenon dans la mortaise de ta femme; tu en
éprouveras tant de contentement que tu ne
voudras plus faire autre chose.
Ainsi renseigné, le nigaud sortit dans le
village quand le soir fut venu; il tenait son
membre à la main avec l'intention de l'essayer
sur la première jeune fille qu'il rencontrerait ;
mais, dès qu'il en apercevait une, il se trou-
vait tellement intimidé qu'il s'enfuyait. Finale-
ment, en se cachant derrière un pommier, son
tenon entra dans le trou qu'un pivert avait
percé dans l'arbre.
— Tiens, se dit-il, je comprends maintenant
ce qu'a voulu dire, ma mère.
Et le nigaud se mit à bourrer le pommier;
mais à peine avait-il commencé à fonctionner
qu'il ressentit des piqûres brûlantes à l'extré-
mité de son membre; il se retira vivement et
constata la présence d'un nid de guêpes dans
le trou du pommier. Le benêt rentra chez
lui, souffrant horriblement; sa verge enflait à
vue d'œil, à tel point qu'elle se trouva bien-
tôt à l'étroit dans sa culotte. Il se coucha
et ne dormit pas. Le lendemain, il ne put
passer son pantalon, l'enflure étant encore
184
CONTES PICABDS
aussi forte; il resta couché. Sa mère vint le
voir à son lit, mais il se garda bien de lui
raconter son aventure. Ce fut seulement le
surlendemain qu'il lui en fit la confidence,
ajoutant que jamais plus il ne fourrerait son
engin dans aucun trou. Sa mère lui fit com-
prendre que le trou d'un arbre ne pouvait
remplacer pour un homme celui d'une femme.
S'accroupissant juste en face de son fils au
milieu de la chambre comme si elle allait
chier, la mère, retroussant ses jupons et sa
chemise, dit au benêt:
— Tiens, regarde bien, mon enfant, c'est
un trou comme celui-ci qu'aura ta femme et
dans lequel tu enfonceras ton instrument.
— Ah! ma mère, dit le fils en regardant
de tous ses yeux, ce n'est point la peine que
je me marie; avec un trou comme celui que
vous avez, nous en aurons bien assez, mon
père et moi; il est assez grand pour cela.
78 a* Variante.
I gny avoit enne féme qu'ai avoit un grand
gniais de fiu qu'i ne voloit point se marier
pace qu'i ne savoit mie che qu'o foisoit quant
os avoit enne féme.
— Men quiot, qu'a' li disoit toujours ése
mére, te vlo déjo viux. Tous ches jonnes
185
gens dé t'n âge il ont prins féme ; ti, tn reste»
fin; i fent qulio finiche.
— Oni, mais, man mére, à quoi qn'ha sert
dé se marier?
— Éque t'est coire droit! Si enne fois
t'avois goûté d'enne féme, tu ne vodrois pu
t'en passer.
— Est don boin à menger dé le féme?
— Nan, mais, ... tout à l'heure éje té
ferai vir...
Éle féme al o prins des confitures hien
chucrèes et pi a' n'n o rempli se caille; ho
foit, al est revenue trouver sen fiu; a' li
o dit:
— Beie, tu vois che grand treu aveuc du
poil tout autour?
— Oui; ch'est un rot.
— Bien nan. Mets-y ten doigt; tu le
chucheroe.
— Ah! qu'est-ti boin! ch'o le goût de con-
fiture. Ches filles і n'n ont-ti aussi?
— Sans doute, grand beudet; і sont même
meilleures.
— Si ch'est ho, je veux me marier. Cher-
chez-mé enne féme.
Éle mére al о été trouver le fille éde leu
voisinne et pi al l'o foit décider dé se marier
aveuc sen fiu. Éle jour dé che mariage,
186
CONTES PICABDS
quant éle soir il o été arrivé, ches marieus
і se sont conques. Éche bénet і n'o ieu rien
de pu pressé que de tracher après che treu
à confiture.
— О le disoit un molet simpe, qu'ai pensoit
en part elle ése féme, ha n'est portant
point vrai.
A la fin, che marié il о trouvé che quiot
treu qu'i cherchoit; i li о lanchè vivement
sen doigt, qu'i s'est mis à chucher quant il
Го ieu dessaquè.
— Brr! qu'il o foit. Que meudit féme
éque j'ai-ti lo. Ses confitures і ne sont point
si hoines éque cheux de man mére.
78 b* Yariante.
Éle fois-lo, ch'étoit un pigeon rôti aveuc
des ognons que le mére al avoit muchè
dens se caille, qu'ai o foit retrouver par
sen fiu.
— Que boin pigeon, man mére! Vite qu'o
me mariche aveuc no voisinne.
Éle mére al étoit bien contente. Éche
mariage і s'est foit. Quant éle soir il о été
arrivé, ches jonnes mariés і se sont couquès.
Éche grand béta і s'est mis à tracher après
che pigeon rôti.
187
— Tout de même, os allons avoir du plaisi,
qu'ai pensoit le jonne féme.
Quant é s'n homme il o été arrivé à che
tren et pi qu'il o senti che poil, і dit:
— Ahî mon Diu! tes pigeons і ne veute-té
rien; і ne sont mie rôtis comme cheux de
man mére; і ne sont tasseulement point dé-
plmnmès.
F (Kryptadia, ii, 139-141.)
79. La bonne fée.
Un domestique de charrue ayant quitté son
maître chercha à se louer dans les environs
du village d'où il sortait. Ne trouvant de
place nulle part, il dut s'éloigner; étant
arrivé à quatre ou cinq lieues de là, il entra
chez un gros fermier auquel il offrit ses
services.
— Mon personnel est complet, répondit
l'homme; je ne puis vous engager pour le
moment.
Le pauvre domestique se retirait, l'oreille
basse, quand la fille du fermier entra. A la
vue de l'étranger, qui était fort beau garçon
et proprement vêtu, elle s'arrêta pour l'exa-
miner des pieds à la tête ; elle se sentit aussi-
188 CONTES PICARDS
tôt attirée vers ce jeune homme. Après qu'il
fut sorti, elle interrogea son père.
— Prends-le, ne serait-ce que pour quelques
jours, lui dit-elle après qu'il lui eut fait con-
naître le but de sa visite; ce garçon est
peut-être sans ressources.
— Mais, ma fille, je le regrette, je ne puis
l'employer.
— Moi, je veux que tu le prennes, na, dit-
elle en pleurnichant.
Comme son père l'adorait et qu'il n'osait
rien lui refuser, il rappela le domestique en
lui disant qu'il le louait pour un mois. De
contentement, la jeune fille sauta au cou de
son père et l'embrassa à pleine bouche. Jusque-là,
cette enfant gâtée, qui avait perdu sa mère
en venant au monde, avait ignoré l'amour;
elle avait refusé tous les jeunes gens qui
s'étaient présentés pour demander sa main;
elle était ainsi arrivée à l'âge de vingt ans
sans avoir perdu sa virginité. Mais la vue
du domestique fit naître en elle des sentiments
inconnus jusqu'alors. A tout propos, et sou-
vent même sans raison, elle faisait appeler
auprès d'elle le nouveau serviteur de son
père; elle ne pouvait se passer de lui; dès
qu'il était éloigné d'elle, il lui semblait être
seule au monde. Son amour fit des progrès
CONTES PICARDS
189
rapides. Elle n'avait de regards que pour ce
jeune homme, qui, dans sa candeur, ne se
doutait nullement du feu qu'il avait allumé
dans le cœur de la fille de son maître; il se
montrait attentif à plaire à celle-ci, mais rien
de plus. Enfin, un beau jour, il s'acquitta
avec beaucoup d'empressement d'une com-
mission dont l'avait chargé sa jeune maîtresse ;
celle-ci, en guise de remerciement, se jeta à
sa tête et la couvrit de baisers fous. Le
domestique demeura respectueux, — trop res-
pectueux, puisqu'il ne rendit aucun des baisers
qu'il recevait. Chaque jour, elle s'ingéniait
à provoquer une déclaration de la part du
domestique; mais tous ses efforts demeuraient
vains. Enfin, n'y tenant plus, elle lui avoua,
après une semaine de ces manœuvres savantes,
qu'elle voulait l'épouser.
— Ce serait beaucoup d'honneur que vous
me feriez, mademoiselle, répondit-il; mais
cela ne peut se faire: je n'ai rien.
Cela m'est bien égal que vous n'ayez
rien; papa n'est-il pas assez riche pour deux?
N'ayez donc aucune crainte : nous ne mourrons
pas de faim.
— Quand votre père saura que je n'ai
rien, il refusera de donner son consente-
ment.
190
CONTES PICARDS
— Papa m'accorde tout ce que je lui de-
mande. Fiez-vous à moi. Mais, dites-moi,
seriez-vous content de m'avoir pour femme?
— Pour ça, oui, assurément; mais c'est
impossible, je vous le répète encore une fois;
je n'ai rien.
La jeune pucelle courut tout de suite auprès
de son père; celui-ci se laissa tellement prendre
aux cajoleries de son ensorceleuse qu'il lui
promit de parler à son domestique.
— Est-il vrai que vous épouseriez ma fille?
lui demanda-t-il à brûle-pourpoint.
— Certes, je ne demanderais pas mieux si
j'avais quelque chose; mais je n'ai rien.
— Cela n'a point d'importance à mes
yeux; il suffit que vous vous aimiez tous
les deux.
— Pour qu'il n'y ai point de surprise,
je tiens à vous dire une dernière fois que je
n'ai rien.
— Bon, bon; n'en parlons plus. Dans
quinze jours, vous serez mariés.
En effet, deux semaines plus tard, des noces
splendides étaient faites pour les jeunes
mariés; la fermière était toute débordante de
joie, et, le jour de son mariage, elle avait
hâte de se trouver seule à seul avec son mari
dans le lit nuptial. Mais, quand les deux
CONTES PICARDS
191
époux se furent couchés côte à côte, le nouveau
marié dormit tranquillement auprès de sa
femme. Le lendemain matin, au réveil, celle-ci
parut toute songeuse; toutefois, elle se prit
à espérer que la seconde nuit se passerait
tout autrement. Mais, hélas! trois fois hélas!
il en fut de même ainsi que pour la troisième
nuit, et pour la quatrième, ... et pour la
huitième.
— Voyons, dit enfin la jeune fermière à
son mari, est-ce ainsi que vivent les gens
mariés?
— Je vous ai dit que je n'ai rien; votre
surprise a lieu de m'étonner.
Et, au même moment, l'homme se découvrant,
fit voir à sa femme qu'il ne possédait rien
des attributs du mâle. La pauvre épouse, se
levant aussitôt, s'habilla promptement et alla
trouver son père.
—- Je suis bien malheureuse, lui dit-elle en
larmoyant.
— Pourquoi?
— J'ai un mari qui n'a rien.
— Tu le savais, puisqu'il nous l'a dit.
— Oui, mais, ce n'est pas ce que tu
penses... Avec un mari comme celui que
j'ai, tu ne seras jamais grand-père.
— Ah! diable! C'est grave. Que faire?
192
CONTES PICABDS
— Voici Fidée qui m'est venue. Je ne
veux pas garder plus longtemps un mari qui
n'en est pas un. Tu vas lui remettre une
bourse d'argent ; tu lui donneras notre baudet
et tu l'inviteras à déguerpir d'ici au plus vite.
Je ne veux plus le revoir. Qu'il aille se faire
pendre ailleurs.
C'est ce qui fut fait.
Le nouveau marié quitta donc la ferme dès
le matin en compagnie du baudet qui lui
avait été donné. Il marcha droit devant lui
sans savoir où il allait. Vers midi, il s'arrêta
dans un village et se fit servir à manger;
son repas terminé, il se remit en route.
Pendant quelque temps, il longea une rivière.
Tout à coup, il aperçut une carpe qui se
débattait dans l'herbe sur le bas-côté du
chemin, où elle s'était sans doute projetée
elle-même à la suite d'un saut trop violent.
L'homme, compatissant, se baissa, ramassa le
poisson et le remit dans la rivière ; à l'instant
même, la carpe se transforma en une femme
d'éclatante beauté; s'adressant à son sauveur,
elle lui dit:
— Grâce à ton bon coeur, j'ai pu
échapper à une mort certaine. Je suis
la fée de cette rivière. Pour te marquer
ma reconnaissance, formule un souhait; je
CONTES PICARDS
193
t'accorderai tout de suite ce que tu me
demanderas.
Au même instant, une ânesse qui paissait
à quelques pas de là se mit à braire en
apercevant le baudet du voyageur; l'âne ré-
pondit par un autre braiment, et, en même
temps, il sortit son vit qu'il se mit à agiter
contre son ventre. Son maître, qui se grattait
l'oreille en se demandant quel souhait il
pourrait bien faire, tourna la tête vers son
baudet; voyan^,frétiller son membre, il dit à
la fée:
— Je demande à avoir un vit comme celui
de cet animal et des couilles comme les
siennes.
A peine avait-il formulé ce souhait que sa
culotte se trouvait remplie par les organes
génitaux qu'il avait désiré avoir. Il en fit
aussitôt l'essai sur la maîtresse de l'ânesse,
qui était assise au pied d'un arbre dans la
prairie; la femme lui avoua qu'elle n'avait
jamais été aussi bien servie que par lui, aussi
le pria-t-elle de revenir à la charge une se-
conde fois. Comme l'exemple est contagieux,
le baudet monta sur l'ânesse pendant que son
maître montait sur la femme.
" En se relevant, le jeune homme forma le
projet de retourner chez sa femme; il arriva
Kqvtct. X 13
194
le soir; tout le monde était couché à la
maison. Il gratta à la fenêtre de la chambre
nuptiale; sa femme se leva, vint regarder au
carreau et demanda de l'intérieur:
— Qui est là?
— C'est moi, ton mari.
— Que viens-tu faire? Va-t-en; je ne veux
plus te recevoir.
— Ouvre seulement la fenêtre ; tu ne le
regretteras pas.
Cédant à la curiosité, la* jeune femme
ouvrit.
— Laisse-moi entrer, lui dit son mari.
— Non, te dis-je, je ne veux plus de
toi ici.
Malgré les supplications de son mari, la
fermière demeura inflexible. L'homme alors
eut recours au seul argument décisif; prenant
la main de sa femme, il l'enfonça dans sa
culotte.
— Vite, vite, s'écria-t-elle, enjambe la
fenêtre tout de suite et viens dans mon lit.
Il ne se le fit pas dire deux fois. S'étant
déshabillé en toute hâte, il rejoignit sa
femme, sur laquelle il monta immédiatement.
— Tu me fais mal, commença-t-elle par dire.
— Patiente un peu; dans un instant, tu ne
diras plus la même chose.
CONTES PICARDS
195
En effet, lorsque son con se fut élargi, elle
se mit à gigoter sous son mari tout en se
pâmant d'aise. Après qu'elle fut dépucelée,
elle lui dit:
— Raconte-moi donc comment tout cela
t'est venu depuis ce matin, puisqu'en me
quittant, tu n'avais rien de rien.
Son mari lui rapporta fidèlement tous les
détails de l'événement qui avait fait de lui
désormais un homme complet.
— C'est en voyant bander mon âne, dit-il
en terminant, que j'ai eu l'idée de demander
à la fée un engin semblable.
— Ah! mon Dieu, s'écria la jeune femme,
pourquoi n'ai-je donc pas prié papa ce matin
de te donner notre gros étalon noir du coin?
80. La souris et la grenouille.
Une souris d'humeur vagabonde forma un
jour le projet de faire son tour de France.
Aussitôt prise, cette résolution fut mise à
exécution. Tout trottinant par monts et par
vaux, elle fit la rencontre d'une grenouille
qui sautillait dans un marais.
— Tu es bien pressée, ma commère, dit la
grenouille à la souris. Où vas-tu donc?
13*
196 CONTES PICARDS
— Je fais mon tour de France.
— Attends-moi, nous voyagerons de com-
pagnie; ce sera moins monotone pour toi.
— J'en conviens, répliqua la souris, mais
tu marches trop lentement.
— Tu modéreras ton allure, j'accélérerai la
mienne et nous pourrons ainsi voyager de
conserve.
— Soit, fit la souris, qui accepta le com-
promis.
Voilà les deux voyageuses parties, l'une
trottinant menu, menu, l'autre avançant par
bonds saccadés. Tout se passa bien pendant
le jour; mais, le soir venu, la souris et la
grenouille se mirent en quête de trouver un
gîte; elles étaient ainsi arrivées à la lisière
d'un bois. La souris partit en éclaireur; elle
aperçut une femme étendue sur le dos, qui
paraissait profondément endormie. La souris
explora d'abord les alentours de la dormeuse,
et, finalement, elle pénétra sous les jupons de
la femme; comme elle sortait de cette retraite,
qui lui avait paru offrir toute sécurité, la
grenouille arrivait et demandait:
— As-tu un billet de logement?
— Oui, j'ai trouvé là un asile pour la nuit
qui m'a paru tout à fait à notre convenance.
Tu logeras au rez-de-chaussée; moi, je
197
grimperai à l'étage; nous serons parfaitement
bien abritées; la porte et la fenêtre sont
garnies d'une sorte de mousse très épaisse
qui nous garantira de l'air du dehors. Tu
verras comme nous serons bien chacune
chez nous.
Les deux voyageuses pénétrèrent sous les
jupons de la femme endormie, et, tandis que
la grenouille se blottissait dans le trou du
cul de la dormeuse, la souris, d'un petit saut,
entrait dans son con. Cédant à la fatigue,
les deux vagabondes ne tardaient pas à
s'endormir. Mais elles furent réveillées tout
à coup brutalement dans leur premier somme.
Un soldat qui venait d'être libéré, regagnait
à pied la maison paternelle. Arrivé à l'endroit
où la souris et la grenouille avaient pris gîte
pour la nuit, il aperçut une femme étendue
sur le dos, les jambes écartées; il la crut en-
dormie ; pour ne point la réveiller, il s'approcha
à pas de loup, marchant sur la pointe
des pieds.
— Il y a longtemps que je n'ai tiré un
coup, se dit-il; voilà bien mon affaire.
Posant à terre le sac qu'il portait sur le
dos et se déboutonnant, il enfila prestement
la soi-disant dormeuse. Sa besogne terminée,
sans que la femme n'eût ouvert les yeux ni
198
remué, ni parlé, il l'examina plus attentive-
ment et reconnut qu'elle était morte depuis
plusieurs jours peut-être. De frayeur, il
s'enfuit aussitôt. Le jour venu, la souris et
la grenouille sortirent chacune de leur asile.
— Eh bien, comment as-tu passé la nuit?
demanda la seconde à l'autre.
— Ne m'en parle pas, répliqua la souris;
j'ai bien mal dormi. Figure-toi que je fus
réveillée tout à coup par un individu qui
m'avait sans doute aperçue et qui voulait
assurément se saisir de moi; il passa son
bras par la fenêtre, et, me montrant le poing,
il l'avançait, il le reculait, l'avançait de nou-
veau, le reculait encore; moi, je me retirai
dans le coin le plus profond de la chambre.
Bientôt, les mouvements de va-et-vient du
bras se firent plus pressés, plus rapides, mais
l'homme eut beau faire, il n'a jamais pu
m'atteindre. Voyant qu'il ne pouvait me
saisir, qu'a-t-il fait? De colère, le misérable
m'a craché à la figure, et il est parti aussi-
tôt ... Et toi, ma commère, tu as mieux dormi
sans doute? demanda la souris.
— Pour ça, non. J'avais à peine fermé les
yeux qu'un véritable carillon m'a réveillée en
sursaut. Pendant un moment, j'entendis le
bruit de deux grelots à ma porte ; ils sonnèrent
CONTES PICARDS 199
d'abord à intervalles assez espacés, pnis le
son tut plus précipité et enfin, ce fut un
bruit assourdissant, suivi d'un silence complet
Mais ma nuit avait été troublée, et je fus
incapable de retrouver le sommeil : je redoutais
toujours une autre aventure du même genre.
80 a. Variante.
Enne gairnouille et pi un crapeud і se sont
en allés enne fois à le ville. Quant éle soir
il est arrivé, nous deux voyageus il ont vu
enne féme endormie dessus le bord dé le
route; l'un s'est enfiquè dens sen con, l'eute
dens sen cul. Un moment après, il о passé
un berger.
— Que béle fille! qu'i se dit; je m'en vos
le cœuquer.
Il о retroussé ches cotrons pi le quemise
dé le fille; il о monté dessus trois fois d'afilèe;
après, і s'est en allé. Le féme, quant al s'est
réveillée, al s'est levée; al о foit queir éle
gairnouille et pi che crapeud. Après qu'ai о
été partie:
— Pi quoi? qu'ai foit le gairnouille.
— Ah! que peur éque j'ai-tiieu! 0 m'avoit
sans doute vu; os о enfoncé par trois fois un
éclichoir comme pour éme noyer.
200
— Mi don. Un maricho il est venu taper
aveuc ses martieux pendant pu d'enne heure ;
ch'est enne chance que le porte al étoit
solide.
Éle gairnouille et pi che crapeud il ont
continué leu quemin. /x_ . чко
ч
^ (Kryptadia, II, 163.)
81. La tête de brochet.
Il y avait une fois un jeune fermier quelque
peu simple d'esprit qui devint amoureux de
la servante de sa mère. Certes, la petite
dégourdie était un morceau tentant; de plus,
elle avait l'art d'aiguiser les désirs de son
soupirant. Celui-ci la poursuivait sans cesse;
lorsqu'il la trouvait dans un coin où elle
avait su adroitement l'attirer, il essayait en
vain de l'embrasser; elle se laissait tout au
plus palper les tetons, mais, lorsqu'il voulait
prendre de plus grandes privautés, elle lui
glissait dans Іез mains comme une anguille.
Ce manège durait depuis quelque temps sans
que le pauvre nigaud fût plus avancé; il ne
parlait que de la f.....; peut-être y eut-elle
consenti de bonne grâce si son jeune maître
lui avait promis le mariage. Mais elle ne
CONTES PICARDS 201
voulait pas s'exposer à devenir grosse et à
être mise ensuite à la porte. Or, un jour, la
fermière fut. sans le vouloir, témoin de la
poursuite dont la servante était l'objet de la
part de son fils. Comme elle se trouvait
dans la grange, elle vit par un trou les deux
jeunes gens aux prises dans l'étable à vaches,
où la servante abreuvait les veaux. Son jeune
maître était venu la rejoindre et il s'était
brutalement jeté sur elle, son vit hors de sa
culotte, raide comme mie cheville.
— Je vais te le mettre, disait-il en écumant,
je vais te le mettre. Il n'y a ni Dieu ni
diable qui ne me retienne; tu vas y passer.
— Non, non, je ne veux pas, s'écriait la
fille épeurée.
Au moment où le butor, qui était le plus
fort, allait peut-être arriver à ses fins, la
servante, par une violente secousse, se dé-
gagea vivement de l'étreinte bestiale du
fermier et se sauva dans la cour. Se voyant
décu une fois de plus, le grossier personnage
rentra son engin dans sa culotte et alla
harnacher ses chevaux pour se rendre au
labour. Après qu'il fat parti, sa mère fit
subir adroitement une sorte d'interrogatoire
à sa domestique, mais sans lui laisser sup-
poser qu'elle avait assisté à la scène qui
202
venait de se passer. La jeune fille con-
fessa tout.
— Mon enfant, dit la fermière, pour mettre
un terme à de telles entreprises de la part de
mon fils, je vais vous indiquer un moyen qui
me paraît infaillible et que vous allez me
promettre d'employer.
— Je vous jure que je ferai ce que vous
m'ordonnerez.
Ce jour-là était un vendredi. La fermière
avait accommodé un brochet pour le dîner de
son personnel. Avisant la tête du poisson,
qui était restée sur un coiu de la table dans
le fournil, elle la prit, et, la remettant à sa
servante :
— Tenez, lui dit-elle, quand vous irez
traire les vaches ce soir, si mon fils va vous
trouver dans l'étable et qu'il vous propose ce
que vous lui avez toujours refusé, dites-vous...
— Pour ça, je vous le jure; je ne me suis
jamais laissé faire.
— Je vous crois ... Vous ferez semblant
de consentir; vous vous coucherez sur le dos,
et, prenant la tête de brochet, que vous aurez
eu la précaution d'ouvrir, vous la placerez
entre vos cuisses. Pour le reste, vous laisserez
faire mon fils; il n'y aura aucun péril
pour vous.
203
Qui fut dit fut fait. Quand le nigaud vit
la jeune fille étendue sur le dos, il lui re-
troussa prestement les jupons et se mit en
devoir de la bourrer ; il introduisit son membre
dans la gueule du brochet et la repoussa
jusqu'au ventre de la rusée commère, qui se
retenait de rire; au même instant, elle serra
fortement ses jambes de manière à faire entrer
les dents du poisson dans le vit de son jeune
maître; celui-ci en éprouva une douleur si
violente qu'il se releva aussitôt emportant au
bout de son membre l'instrument de son
supplice; en articulant des plaintes étouffées
que lui arrachait la souffrance, il se réfugia
dans l'écurie; il se plaça dans un coin, et, à
la lueur de sa lanterne, il enleva la tête du
brochet, et constata que son outil était
ensanglanté.
— En voilà un de tour, se disait le benêt,
tout en geignant; cette gueuse-là a un con
qui mord. Du diable si j'y touche jamais à
l'avenir.
Il tint parole. A dater de ce jour, la
délurée ne fut plus en butte aux obsessions
du fils de la fermière, qui la fuyait, au
contraire, et n'osait même plus lever les yeux
sur elle. A quelque temps de là, sa mère,
qui se sentait vieillir, songea à passer le
204 CONTES PICARDS
gouvernement de sa maison à une bru. Elle
sollicita et obtint pour son nigaud la main
de la fille d'un fermier du voisinage. Le
mariage se fit sans retard. La première
nuit, les époux couchèrent ensemble sans que
le mari osât toucher à sa femme; celle-ci,
quoique étonnée, n'en laissa rien paraître;
elle patienta jusqu'au soir du second jour.
La nuit venue, le mari s'allongea dans son
lit et dormit à poings fermés sans faire au-
cune caresse à sa femme.
— Cela ne peut durer ainsi, lui dit cette
dernière à son réveil le matin. Un mari a
des devoirs à remplir et tu n'as nullement
l'air de t'en soucier.
— Oui, oui, ... je sais,... balbutia le benêt;
mais, je puis bien te le dire, à toi; ... la
première fois, j'ai été mordu de si cruelle
façon par un con que j'ai juré de n'y plus
jamais toucher.
— Que dis-tu là? Mordu? ... Mais il n'y
a point de dents là.
— Oui-dà. Je sais ce que je dis.
— Tiens, regarde, dit sa femme en écartant
largement ses deux jambes.
L'autre s'avança et, ouvrant avec les mains
les bords du con de sa femme, il regarda atten-
tivement; il dit après qu'il eut bien examiné:
205
— Je n'y toucherai pas; je serais encore
mordu comme l'autre fois; je vois bien la
petite languette dans le fond.
81 a. Variante.
Au lieu d'une tête de brochet, la servante
avait placé entre ses cuisses une tête de
mouton, qu'elle serra fortement au moment
psychologique. Le lendemain, le jeune
fermier garda le lit; sa mère alla le voir;
elle le questionna et mit tant d'insistance
que force lui fut bien d'avouer la cause de
son mal.
— Mon pauvre garçon, lui dit-elle, tu
seras toujours aussi niais une fois que
l'autre; il n'y a pas de dents à cet endroit;
tiens, regarde.
Et, se retroussant, la mère lui fit voir
son con.
— Vous n'avez plus de dents là, c'est
vrai, dit le fils, mais c'est parce que vous
êtes vieille; il n'en est pas de même pour
la servante, qui est jeune.
206
CONTES PICARDS
82. Fondeurs d'argent.
Après leur repas de midi, deux jeunes
mariés avaient l'habitude de se retirer chaque
jour dans leur chambre à coucher. Leur
bonne, que ce manège intriguait, se deman-
dait, dans sa naïveté, ce qu'ils pouvaient bien
faire; elle voulut en avoir le cœur net. Se
trouvant un jour près de la porte, elle enten-
dit sa patronne qui poussait des soupirs
plaintifs; la petite curieuse plaça un œil sur
le trou de la serrure; elle vit ses maîtres
couchés sur leur lit, le mari allongé sur sa
femme et se livrant tous les deux à des
mouvements dont la cause lui échappait.
Surprise de ce qu'elle venait de voir, la jeune
bonne ne cessa de se demander durant tout
raprès-midi ce que pouvait bien signifier ce
manège. Le soir, après le souper, elle resta
seule avec le domestique dans la cuisine; elle
s'empressa de lui raconter ce qu'elle avait vu
et lui fournit des détails abondants et précis.
Le domestique, qui rentrait du régiment,
flaira une bonne aubaine à l'audition d'un
tel récit.
— Tu ne sais pas ce qu'ils faisaient? lui
demanda-t-il.
— Non, pas du tout.
CONTES PICARDS
— Eh bien, ils fondaient de l'argent.
— Comment, ils fondent de l'argent?
— Oui, rien n'est pins exact.
— Ils ont de la chance; je ne m'étonne
plus qu'ils soient si riches. D'ailleurs, j'ai
cru apercevoir le moule à un moment donné,
et j'ai remarqué qu'un liquide blanc s'en
échappait.
— C'est bien cela, dit le domestique. U ne
tient qu'à toi de faire comme eux. Si tu veux,
nous pourrons aussi fondre de l'argent en-
semble; ce n'est pas malin, et je m'en
chargerai bien volontiers.
— Est-ce bien vrai?
— Oui, je te l'assure.
— Dans ce cas, je ne demande pas mieux,
dit la naïve enfant en se frappant les mains
l'une contre l'autre en signe de joie.
— Viens dans l'écurie, je te ferai voir
comment on s'y prend.
De sortirent de la cuisine, et, quand ils
furent arrivés dans l'écurie, le domestique prit
sa compagne à bras-le-corps et l'étendit sur
son lit; il la retroussa et se coucha sur elle,
puis il lui demanda:
— Est-ce ainsi qu'étaient nos maîtres?
— Oui, tout à fait. Je vois que tu sais
ce qu'il faut faire.
208 CONTES PICABDS
Sur ces mots, le domestique fit connaître
à la servante un jeu qu'elle ignorait, mais
auquel elle trouva beaucoup d'agrément
Après un même exercice plusieurs fois répété
et effectué sans parler, mais avec force
soupirs de part et d'autre, le rusé fondeur
d'argent laissa échapper un pet à faire crouler
l'écurie. Profitant de cette circonstance pour
prendre un repos qu'il croyait avoir bien
gagné, d'autant qu'il ne se sentait plus en
état de continuer le jeu, il s'écria:
— Tonnerre! voilà le moule cassé. Nous
n'aurons point d'argent aujourd'hui.
Et le malin compère faisait mine de
s'arracher les cheveux et maugréait contre
l'accident qui venait de se produire; il joua
tellement bien son rôle que sa naïve complice
s'y laissa prendre; elle allongea le bras et,
palpant ce qu'elle croyait être le moule, elle
constata qu'il n'en restait plus qu'un faible
débris: regardant ensuite ses cuisses, elle
remarqua quelques gouttes de certain liquide.
— Ah! mon Dieu, s'écria-t-elle, l'argent
était prêt à couler. Tiens, voici deux pièces
de quatre sous et une pièce de dix sous qui
commençaient à se former.
Le domestique se remit à pester de plus
belle; sa compagne en eut pitié, et, pour
CONTES PICARDS
209
le consoler, elle lui dit en caressant son
moule :
— Va, va, ne te désespère point; quand
ton moule sera réparé, nous recommencerons.
Il ne sera pas dit que nos maîtres auront
pour eux seuls tous les bonheurs.
83. Sous le hangar.
Une fermière s'était laissé conter fleurette
par son voisin et devint son amante. Mais
les deux amoureux ne pouvaient point se voir
aussi souvent qu'ils l'auraient désiré; le mari
était jaloux et surveillait sa femme de très
près; mais tout fut inutile; la femme eut
recours à toutes les ruses et confirma une fois
de plus le vieux proverbe picard, poule qui
veut perdre son œuf en vient toujours à bout.
Un jour, elle fixa un rendez-vous à son
amant; ils devaient se rencontrer le soir
même sous un hangar attenant à la grange.
Les deux époux étaient couchés depuis un
moment, quand la femme se mit à remuer et
à se tordre dans le lit.
— Qu'as-tu donc? demanda le mari en se
réveillant.
Kqvtct. X. 14
210 CONTES PICARDS
— Ah! je souffre horriblement de coliques.
Ce sont probablement les haricots que j'ai
mangés au souper qui me causent ce malaise.
Et elle s'agita de nouveau en continuant
ses contorsions.
— Je suis brisé de fatigue, dit l'homme;
laisse-moi reposer. Lève-toi et va sur le
fumier.
C'est ce qu'attendait la rusée commère.
Elle ne se le fit pas dire deux fois. Se
couvrant sommairement, elle sortit de la
chambre aussitôt pour aller rejoindre son
voisin sous le hangar.
— Vite, dépêche-toi, lui dit-elle à voix
basse en arrivant auprès de lui; mon mari
ne dort pas; s'il se doutait de quelque chose,
il pourrait venir nous surprendre.
Pour activer, le voisin enfila la femme par
derrière. Tout allait bien quand celle-ci, en
se trémoussant, heurta le manche de la faux
que son mari avait battue pour le lendemain
et qu'il avait placée debout sous le hangar.
Cet outil tomba si malencontreusement entre
les deux amants qu'il trancha net le vit de
l'homme. La femme, effrayée par le bruit de
cette chute, détala aussitôt, craignant que son
mari ne survînt. Comme elle couchait du
côté du mur, elle dut passer au-dessus de son
CONTES PICARDS
211
mari pour reprendre sa place dans le lit; elle
s'écarta largement, et, dans ce mouvement, la
pinne qui était restée dans son con, tomba
sur les couvertures; son mari lui dit à moitié
endormi :
— Tu n'as pas pris le temps de tout faire,
femme; tu viens d'en laisser tomber un
morceau; va donc le jeter dehors.
84. La corne de la vache.
La femme d'un cultivateur trompait son
mari plus de fois que Dieu ne fait de jours;
le pauvre aveugle n'y voyait rien; d'ailleurs,
cela ne fait point mourir, dit-on, mais aide à
vivre, au contraire. La chambre à coucher
du ménage était située à côté de l'étable à
vaches. Or, depuis quelque temps, l'une des
vaches, en frottant sa corne contre la palis-
sade en torchis avait fini par la trouer. La
femme, qui couchait de ce côté, en profita
pour prévenir son voisin, qu'elle avait pour
amant; elle lui dit qu'il pourrait, chaque nuit,
s'introduire dans l'étable et la foutre par le
trou sans que son mari s'en doutât. C'est ce
qu'il fit à maintes reprises avec un plein succès.
14*
212 CONTES PICARDS
Une nuit, le mari, qui ne dormait point,
s'aperçut que sa femme s'agitait en poussant
de longs soupirs; ne voulant pas la réveiller,
il se proposa de lui en demander la raison le
lendemain. Mais, en se levant le matin, il
fut fixé sur ce point en voyant le trou du
mur, qu'il n'avait jamais remarqué; il se dit
que l'air, passant par cette onverture, devait
incommoder sa femme. Il ne lui parla de
rien dans le jour; mais, quand il se coucha,
le soir venu, il prit la place de sa
femme dans le lit; elle tenta de protester
et prétendit coucher contre le mur, à son
habitude.
— Non, non, dit le mari sur un ton qui
n'admettait point de réplique; tu as eu telle-
ment froid la nuit dernière qu'en grelottant
tu faisais trembler notre lit.
La femme jugea prudent de ne pas insister,
mais elle était vivement préoccupée de ce qui
allait advenir lorsque son amant arriverait
dans un instant. Elle ne tarda pas à être
fixée à cet égard. Le voisin étant arrivé
dans l'étable se dirigea vers le trou; il
allongea la main et découvrit doucement le
derrière de l'homme, qui dormait profondé-
ment. Pensant avoir affaire à son amante, le
voisin se mit en fonction, mais le mari, ré-
CONTES PICABDS
213
veillé par le vit de son rival, qni le heurtait
avec violence, dit à sa femme:
— Je comprends maintenant pourquoi tu
étais agitée la nuit dernière; c'est la corne de
la vache qui ne te laisse pas dormir. U y a
là un trou qu'il faudra que je bouche.
— Bon, bon, reprends ta place; je vais me
remettre à la mienne, dit la femme qui put
ainsi profiter du coup qu'elle croyait râté
pour cette nuit.
Le lendemain, le mari se préparait à boucher
le trou du mur quand sa femme lui demanda:
— Que vas-tu faire?
— Boucher ce trou, parbleu.
— Laisse donc; il ne m'incommode pas; il
en est un autre que tu devrais boucher plus
souvent...
Le bonhomme fit la sourde oreille et
s'en alla.
84 a, Variante.
I gny avoit enne fois enne féme qu'ai
s'entendoit aveuc monsieur le curè. Tous les
nuits, le féme al foisoit couquer s'n homme
dens che cuin, dolong le paroi; elle al cou-
quoit à le barre aveuc sen cul tornè dé che
cotè-lo. Quant éche-t-homme il étoit endormi,
éche curè il arrivoit à minuit; і travailloit
214
CONTES PICARDS
dar et ferme. À la fin, che-t-homme il о
trouvé drôle que se féme al étoit toujours
tornèe du même sens; i li о demandé à cœuse.
— Tu ne sais don point, espèce éde beudet,
éque ch'est pour éque no vaque ai lèque
men cul?
— Ch'est don si boin qu'ho? Eh bien, ho
étant, au soir jé me mettrai à te plache.
Éle féme a' n'n о prévenu che cure. Au
soir, nos deux gens il ont cangè de plache
dens leu lit. Après minuit, éche curé il est
arrivé sans foire éde bruit; il avoit enne
trique; d'un cœup, pan! і tape édessus che
cul dé che-t-homme.
— Nom dé Diu! qu'i crie, je né me mettrai
pu lo. Aveuc ése corne, no vaque al о man-
qué d'éberdeler mes couilles.
(Kryptadia, n, 148-149.)
85. Le soldat étranger.
C'était pendant une guerre. Les ennemis
étaient entrés en Picardie. Il arriva un jour
des soldats dans un village; ils logèrent chez
les habitants. Or, l'un d'eux fut envoyé dans
une petite maison occupée par un jeune
CONTES PICARDS
215
ménage de pauvres gens. Comme il ne savait
ni ne comprenait pas un mot de français, il
eut recours aux signes pour expliquer ce qu'il
voulait. On le fit manger, et, le soir venu,
le mari dit à sa femme:
— Ce soldat paraît être peu exigeant; nous
pourrons le faire coucher avec nous, puisque
nous n'avons qu'un lit; nous nous serrerons
un peu; une nuit est bientôt passée. S'il
exigeait de coucher seul, nous serions obligés
de nous retirer dans notre grange, où nous
serions moins bien. Qu'en dis-tu, femme?
— Je ne demande pas mieux, répondit-eUe
sans hésiter.
Comme elle était fort gentille, le soldat
avait constamment les yeux sur elle.
— Il faudrait que ce beau garçon n'eût
rien devant lui, pensa-t-elle aussitôt, pour
qu'il ne se passât rien cette nuit entre lui
et moi.
Un instant après, ils se mirent tous les trois
au lit, le mari à la barre, le soldat contre le
mur et la femme dans le milieu. La nuit, le
mari se réveilla.
— Il me semble que l'autre te fout, dit-il
à l'oreille de sa femme.
— Je crois bien que tu as raison, répondit-
elle comme quelqu'un qui est encore endormi
216
CONTES PICABDS
et qui ne sait ce qu'il fait; mais la rusée
savait bien que c'était la quatrième fois.
— Ne le laisse pas continuer, dit le mari
fort inquiet.
— Comment faire pour cela?
— C'est bien simple; dis-lui de se retirer.
— Ce n'est point la peine; quand il aura
fini, il se retirera tout seul. D'ailleurs, à quoi
bon lui parler? Tu sais bien qu'il ne com-
prend pas le français; il pourrait croire que
je veux qu'il recommence.
— Tu as raison, femme, dit le mari en se
grattant fortement le front et en se ren-
dormant.
N'y avait-il point quelqu'un pour faire sa
besogne?
85 a. Variante.
Un voyageu і venoit enne fois dé le ville.
Ése voiture al étoit granmen cairquèe; aussi,
il о enraquè d'enne cavèe; éche-t-homme il о
ieu bien foire, bien crier, bien taper, і n'o
jamois peu s'en retirer. Aperchuvant enne
ferme à coté de lo, il о résous de laicher se
voiture dens che quemin et pi d'aller demander
à couquer dens le moison-lo. 01 l'o bien
rechu; comme ches gens il alloite souper, ils
l'ont foit souper aveuc eux. Éle féme al étoit
217
bien gentie, aussi, che voyageu і s'est vite
rétuselè en devisant aveuc elle; éle fermière
al о déchendu dens leu cave pour aller tirer
du cide; é s'n homme il l'o sui.
— Éche voyageu-lo, qu'i li о dit, il о l'air
bien comme i feut; os ne povons mie le
mette conquer dens no grange.
— Ch'est à ho que je pensois, seulemen je
n'osois point té n'n en parler.
— Os n'avons qu'un lit, est vrai; portant,
il est largue assez pour nous trois. Os le
mettrons couquer aveuc nous.
— Ch'est enne boine idée, François; t'os
du cœur.
Quant os о ieu fini de souper, éche fermier
il о offert à che voyageu de couquer aveuc
eux; écheti-chi і n'o mie demandé miux. О
s'est couquè; éche-t-homme і s'est endormi
dens che cuin dé che lit. Éle l'étranger qu'i
sentoit à coté de li le pieu dé le jonne féme,
і n'o pu peu y tenir au bout d'un moment.
Il о lanchè se main dens les gambes dé le
féme; il l'o dégatouillèe à se caille. Après,
il о aherd sen moigneu et pi il о quemenchè
à cœuquer. A che moment-lo, comme si і
songeoit, і s'est mis à crier:
— Oh! gha! Oh! hue!
Éche fermier і s'est réveillé.
218
CONTES PICARDS
— Entends-tu, féme, no voyageu? Éche
povre homme і se croit coire enraquè; і veut
foire avancher ses guevo.
— Ah! oui, il о idée qu'i se trouve en-
raquè; il о raison; éche treu où qu'il est il
est si avaint qu'i n'en sortiro mie sans dé-
charger.
Éche fermier і s'est rendormi pendant que
che voyageu і cœuquoit se féme.
(Kryptadia, П, ш-ш.)
86. La femme du charron.
Il y eut une fois un riche milord anglais
qui vint débarquer à Calais; il avait amené
sa calèche et ses deux chevaux; il se rendait
à Paris à petites journées. Dans la traversée
d'un village, les chevaux ayant pris peur se
jetèrent de côté et brisèrent la flèche et les
roues du véhicule. Le charron de l'endroit,
appelé sur le lieu de l'accident, se fit fort de
réparer les dégâts dans un délai de quelques
jours. Il se mit à la besogne sans retard.
Comme sa femme était jeune et avenante,
elle eut souvent la visite du milord; il s'établit
vite entre eux une certaine intimité. L'Anglais
CONTES PICARDS
219
ayant formé le désir de coucher avec la femme,
eut recours à un grand argument; il fit
miroiter des pièces d'or et laissa entendre
qu'il se montrerait généreux; la femme suc-
comba et accorda toutes les faveurs. L'Anglais
demeura encore quelques jours après la répa-
ration de sa calèche, puis il se remit en
route.
A quelque temps de là, il se fit une vente
de terres dans le village; presque tout fut
acheté par le charron ; on s'en étonna quelque
peu. A dater de ce jour, il ne se fit aucune
adjudication de ce genre sans que le charron
n'y assistât et ne se rendît acquéreur de
quelques parcelles de terre. On disait couram-
ment dans le village qu'il ne se vendait pas
assez de terre pour lui. Ses voisins, ses amis
et connaissances, qui l'avaient connu pauvre
jusque-là, se demandaient entre eux d'où pou-
vait bien venir cette fortune soudaine. Avait-il
fait une trouvaille? N'aurait-il pas plutôt
dévalisé le milord? Le champ était ouvert
aux suppositions plus ou moins malveillantes.
Un jour, la femme du charron laissa en-
tendre à l'une de ses meilleures amies que
ses complaisances envers l'Anglais n'étaient
pas étrangères à l'aisance dont son mari et
elle jouissaient à présent. La confidente
220
CONTES PICABDS
promit le secret, qu'elle ne garda point long-
temps et qu'elle ne porta pas loin. Le soir
du même jour, elle se rendit à la veillée chez
ses voisins, où il y avait chaque soir grande
réunion. La conversation tomba sur le
charron, qui devenait un gros propriétaire, et
chacun de donner son coup de langue plus
ou moins charitable. Agacée enfin des sup-
positions invraisemblables qui étaient mises
en avant, l'amie intime de la femme du
charron dit:
— Je sais, moi, d'où lui vient cet
argent.
— Dis-le-nous.
— Je n'en ai pas le droit.
— Tu n'en sais pas plus que nous; voilà
la vérité.
— Si, je le sais de bonne part.
— Tu veux nous en faire accroire; tu as
la manie de vouloir passer pour être mieux
renseignée que les autres, et il arrive souvent
que tu en sais moins que nous.
— Puisque vous me poussez à bout, je vais
tout dire. C'est l'Anglais qui a remis une
grosse bourse pleine de louis à la femme du
charron pour coucher avec elle; je le tiens de
mon amie elle-même. Le savez-vous, main*
tenant ?
CONTES PICARDS
221
La femme du maréchal qui se trouvait là
pendant que son mari battait le fer à la forge,
s'écria fort naïvement:
— Elle a de la chance, celle-là. Voilà plus
de deux cents fois que je le fais avec le
maître d'école, qui est pourtant riche; il ne
m'a jamais donné un sou.
86 a. Variante.
I gny avoit deux frères qu'il étoite bo-
quillons de leu métier; і s'étoite mariés aveuc
ches deux sœurs. I gny en avoit enne, —
chelle dé che premier frère —- qu'ai étoit
bien gentil; l'eute al étoit fin laide. Enne
fois que ches boquillons il étoite dens che
bos, i gny о ieu un homme d'un eute poys
qu'il est venu à passer au droit dé le moison
dé le béle féme, qu'ai étoi à se fernête.
— Que béle féme! qu'il о dit tout heut; je
donneroie bien chent pistoles pour couquer
aveuc elle.
Éle féme al l'o entendu; al о couru à le
porte et pi al о demandé:
— Éche-t-homme, disez-vous vrai?
— Si je dis la vérité? Éje crois bien. Je
donnerois mille live pour couquer rien qu'enne
heure aveuc vous.
222
CONTES PICABDS
— Si ch'est ho, est hien aisè. M'n homme
і ne gny est point. Rentrez. Os boiserons.
Éche l'étranger il о rentré; і s'est débillè,
il о conque aveuc éle féme et pi і n'n o prins
pour é s'n argent. Au bout d'enne heure, il
о saqué chent pistoles qu'il о données à le
féme. Ho foit, і s'est remis en route.
— Ches mille live-lo і sont bien tombées,
qu'ai dit le féme. I gny o longtans que je
veux foire un boin dîner. Allons acater tout
che qu'i feut pour foire un moîte érepos.
Ch'est che qu'ai o foit. A midi, ches bo-
quillons і sont revenus dé che bos.
— M's amis, qu'a' lens о dit le féme, і m'est
arrivé enne aventure; j'ai rechu granmen
d'argent; jé n'n ai profité pour vous foire
foire un repos à quier tout partout. Éche
frère i restero aveuc nous; ése part al y est.
— Éje veux bien.
О s'est mis à tabe; os о foit bombance.
Quant os о ieu fini, éche-t-homme і demanne
à se féme:
— Où que t'os ieu Г1 argent que t'os en-
sillè pour acater tous ches boines choses éque
tu viens de nous donner lo?
— Tu t'en vos sans doute foire des
mouses ?
— Éje té jure éque nan. Dis.
C0NTB8 PICARDS
223
— Éle vlo. Un passant, un prince, éche
roi, pet-ête, і m'o vue à le croisée; il о dit
qu'i donneroit bien chent pistoles pour couquer
aveuc mi; jel l'ai huquè; d'enne heure éde
tans, j'ai gaignè tout che l'argent-lo. N'n
est-tu contrarié?
— Nan, nan. S'i râpasse par ichi, tu te
mettros coire à le fernête.
L'ente frère і s'est rennailè à se
moison.
— Carongne ! laid masque ! fumméle éde cra-
peud! qu'i crie en rentrant.
— Quoi qu'i gny o, don, François?
— Che qu'i gny o, vieille toupie? Che
n'est point ti qu'i gaignerois, comme été
sœur, mille lives à couquer aveuc un
étranger.
Lo-dessus, éche hoquillon il o raconté à se
féme éche qu'il étoit arrivé.
— Quoi que tu veux, men pove François,
che n'est mie dé me fente. Éche maire et pi
che curé і couche-té chacun deux fois par
semaine aveuc mi; і ne m'ont jamois rien
donné.
(Kryptadia, II, 186-137.)
224
CONTES PICABDS
87. Ah! quel bonheur!
Un dimanche soir, un certain nombre de
voisins et voisines se trouvaient réunis dans
une maison particulière du village ; les hommes
jouaient aux cartes, et les femmes et les
jeunes filles se chauffaient et causaient autour
du poêle. A un moment, la fille du maître
de la maison s'assit sur les genoux de son
bon ami et se mit à folâtrer avec lui ; celui-ci,
excité, et n'y pouvant tenir plus longtemps,
s'y prit de telle façon qu'il parvint à enfiler
. la fille ; elle s'y prêta, d'ailleurs, avec la
meilleure grâce du monde. Le père de
celle-ci, favorisé par le jeu, faisait presque
toutes les levées à chaque coup; sa fille
manifestait la joie qu'elle en éprouvait en
battant des mains et en soulevant son
derrière par petits mouvements répétés,
disant:
— Ah! quel bonheur! mon père gagne,
mon père gagne! Ah! quel bonheur! Quel
bonheur !
Elle sautait ainsi comme une petite folle,
tortillant du cul sur les genoux de son
amoureux, quand le voisin de celui-ci, se
tournant de côté, s'aperçut du manège auquel
se livraient les deux fiancés. Au moment
CONTES PICARDS 2fi&
psychologique, le voisin dit au jeune
homme:
— Toi, tu perds, mon camarade.
88. L'étalon du gouvernement.
H y avait une fois un individu grand, beau,
bienfait, élégamment vêtu, qui parcourait les
villages, se disant envoyé par le gouverne-
ment pour faire des enfants aux femmes
demeurées stériles après plus de deux années
de mariage, étant entré chez un benêt qui,
depuis cinq ans qu'il était marié n'avait jamais
pu engrosser sa femme, il déclina ses titres
et qualités.
— Ah! monsieur, c'est la Providence qui
vous envoie. Je ne suis pas surpris des
fonctions que vous remplissez; jamais je n'ai
vu d'aussi bel homme que vous ... Mais,
ajouta-t-il après un moment de réflexion, je
ne demanderais pas mieux que de faire un
enfant à ma femme; c'est à cela que je tra-
vaille depuis que je couehe avec elle; au lieu
d'opérer vous-même, ne pourriez-vous pas
m'indiquer votre procédé?
— Non, non, cela est de toute impossibilité.
J'ai reçu l'ordre du gouvernement de me
Kqvtct. X. 15
226
CONTES PICARDS
rendre dans les ménages sans enfants pour y
foutre les femmes. Si je ne me conformais
pas aux instructions que j'ai reçues, je serais
jeté en prison et condamné à l'amende.
Faites donc venir votre femme et dites-moi
quel genre d'enfant vous désirez.
— Je ne sais quelles sont vos conditions,
dit le nigaud.
— Voilà. Pour cinq francs, je fais un
petit paysan, un pauvre campagnard; je ne
mets mon vit qu'aux bords du con de la
mère. Moyennant dix francs, je fais un curé,
un employé du gouvernement ou un fonction-
naire qui endosse un habit tous les jours au
lieu de la blouse que vous portez; je fais
entrer mon vit de deux pouces dans le con
de la femme. Pour quinze francs, je fais un
notaire; pour vingt francs, un avocat; pour
vingt-cinq francs, un évêque ou un gros
fonctionnaire; dans ce dernier cas, j'enfonce
mon vit jusqu'aux couilles. Choisissez, mon
brave homme.
— Ah! mon bon monsieur, je ne suis pas
riche; mais, puisqu'il n'y a pas moyen d'éviter
mon déshonneur, je vous donnerai cent sous.
Vous ferez un petit paysan comme moi; nous
nous en contenterons.
CONTES PICARDS 227
Il fat convenu que l'envoyé du gouverne-
ment s'acquitterait de sa mission à la nuit
tombante, quand la femme serait rentrée des
champs, où elle faisait paître ses vaches. Le
mari avait été prévenu d'avoir à quitter sa
maison pendant l'accomplissement de l'acte
qui devait donner un fils à sa femme. Or,
que fit-il? В se glissa subrepticement sous
le lit et attendit patiemment que le soir
fût venu.
A son retour à la maison, la femme fut
mise au courant par l'envoyé du gouverne-
ment, qui l'attendait depuis un instant; elle
parut faire quelque difficulté, mais ce fat pour
la forme, sans doute, car, au fond, l'homme
avec lequel elle allait coucher était un beau
garçon, qui devait lui faire un bel enfant.
Dès qu'elle se fut mise au lit, elle n'opposa
donc aucune résistance ; elle mit, au contraire,
toute la bonne grâce possible. Tout allait
pour le mieux quand la femme, excitée à ce
jeu, dit à l'homme, toute pâmée:
— Poussez! mais poussez, donc!
— Impossible, votre mari ne me donne que
cent sous.
— Je vous en donnerai vingt, mais
poussez.
— Ne fais pas cela! s'écria son mari.
15*
CONTES PICARDS
Et, en cet instant, le benêt s'arc-bouta sous
le lit sur ses mains et sur ses genoux, et,
donnant un formidable coup de cnl, il souleva
le lit de plus de cinquante centimètres. Se
relevant aussitôt et se plaçant en face du
eouple, il dit à l'envoyé du gouvernement :
— De ce coup-là, votre vit a dû entrer de
toute sa longueur, et, moyennant mes cinq
francs, c'est un évêque pour le moins que
nous aurons ... Tu vois, femme, qu'il n'était
pas nécessaire de donner vingt francs de plus.
89. Four ne pas être mouillée.
Une châtelaine venait de mire sa toilette
et de s'habiller un dimanche matin pour
assister à la messe. Elle allait sortir de sa
chambre quand elle s'aperçut qu'elle n'avait
point son missel; elle sonna aussitôt son
valet de chambre ; celui-ci se trouvait dans la
chambre de la cuisinière et luttait depuis un
moment avec cette fille, qu'il essayait d'enfiler
sans pouvoir y arriver. Pour la tenter, il
s'était déboutonné et avait exhibé son membre.
Au coup de sonnette de sa maîtresse, qu'il
savait être peu patiente, le valet de chambre
CONTES PICABDS 229
s'esquiva au plus vite et se précipita vers le
boudoir de la châtelaine sans songer à rentrer
son instrument dans l'étui des pays bas ; il se
présenta ainsi et fort agité en face de sa
dame ; celle-ci, à la vue d'une telle exhibition,
soupçonna quelque lutte amoureuse et fut
d'abord tentée de se fâcher; mais, se
ravisant, elle dit à son serviteur en désignant
du doigt l'objet qu'elle considérait depuis un
instant :
— Voulez-vous bien cacher cela.
L'autre, baissant la tête, se hâta, tout con-
fus, de faire rentrer son membre dans sa
culotte ; mais, s'étendant sur une chaise longue
et se retroussant jusqu'au nombril, la châte-
laine lui dit:
— Cachez-le donc là.
Le valet de chambre ne se le fit point
dire deux fois; il s'approcha vivement et
servit à sa maîtresse ce qu'il destinait
à la cuisinière. Au moment psychologique*
il demanda:
— Dois-je me retirer?
— Non, non,, répondit-elle; je ne veux
pas aller à la messe avec mon cul mouillé.
230
CONTES PICARDS
90. L'invalide.
Un ancien officier, privé de ses deux bras,
emportés sur un champ de bataille, arriva un
jour dans un hôtel-restaurant. U se fit servir
à déjeuner-; son valet de chambre, qui l'ac-
compagnait partout, devait lui porter les ali-
ments à la bouche. Après le repas, il éprouva
le besoin d'uriner; comme il avait envoyé son
domestique en ville pour s'acquitter de cer-
taines commissions dont il l'avait chargé, il
s'adressa à la bonne de l'hôtel pour la prier
de le faire pisser ; elle commença par décliner
cette marque de confiance; mais l'officier in-
sistait d'autant plus qu'elle se défendait de
lui prêter son concours en cette circonstance.
Cependant, elle sortit dans la cour avec
l'invalide, et, dans l'espoir d'un généreux
pourboire, elle déboutonna sa culotte sans
trop de timidité et comme quelqu'un qui est
habitué à cette sorte de besogne ; elle sortit du
pantalon avec tous les soins possibles le membre
de l'homme, qui se mit à grossir au contact
si doux de la main de la jeune fille. L'officier
urina, et, quand il eut fini, la servante se
disposa à rentrer l'instrument dans la culotte.
— Attendez, dit l'invalide; avant de le
remettre en place, mon domestique a l'habi-
CONTES PICARDS
tude de le secouer pour qu'il ne mouille point
ma culotte.
La fille se conforma à l'usage et se mit à
agiter vivement le vit qu'elle tenait à la main.
Au bout d'un instant, elle remarqua qu'il s'en
écoulait autre chose que de l'urine; elle dit
de l'air le plus candide du monde:
— Vous aviez bien raison, monsieur, de me
donner cet avis; le plus épais se trouvait au
fond; le voilà qui s'échappe seulement.
91. Origine d'un dioton.
Autrefois, les villages étaient journellement
traversés par de nombreux porteballes, qui
vendaient toute espèce de marchandises. Un
jour, l'un de ces petits industriels, qui col-
portait de la mercerie et quelques articles de
rouennerie, entra chez un fermier; ne ren-
contrant personne dans la maison, il passa
dans la cour et appela; la servante, qui
abreuvait un veau dans l'étable, ayant reconnu
la voix du marchand, répondit qu'il ne lui
fallait rien; l'homme, qui tenait à vendre,
alla cependant trouver la fille dans l'étable;
il aperçut là un tableau qui fit naître en lui
232
CONTES PICARDS
des idées lubriques ; le veau, qui était difficile
à abreuver, avait dérangé les vêtements de
la servante, et, au moment où entrait le col-
porteur, il avait, d'un coup de tête, renversé
la fille sur le dos; celle-ci, dans sa chute, se
trouva découverte jusqu'au nombril; elle se
releva vivement, sans aucune blessure. Les
manches de son corselet étaient en lambeaux ;
ce que voyant, le porteballe offrit de luj
vendre d'autres manches très solides qu'il
s'empressa de lui mettre sous les yeux pour
la tenter. Mais la fille répondit qu'elle n'avait
point d'argent pour le moment.
Qu'à cela ne tienne, répondit le colpor-
teur; si elles vous plaisent, prenez-les, nous
nous en arrangerons.
— Comment, puisque vous ne faites jamais
crédit ?
— Ce sera bien simple, dit-il en allongeait
la main et en caressant l'un des seins de la
fille, qui était à moitié découvert; je vous les
donnerai à condition que je tirerai deux coups
avec vous, un pour chaque manche.
— Vous n'en seriez point capable, répondit-
elle pour le piquer au jeu; à votre âge, celą
serait au-dessus de vos forces.
— Essayons, fit-il en agitant les deux
manches devant les yeux de la?servante.
CONTES PICARDS 28в
— Je veux bien, répondit-elle vaincue. Je
connais le dicton: „Tant qu'un homme peut
porter un boisseau de son, il est en état de
pouvoir faire un enfant."
— Or, vous voyez, la belle, que je porte
beaucoup plus lourd sur le dos toute la sainte
journée.
Le vieux paillard tira son premier coup à
la grande satisfaction de la fille ; mais, lorsqu'il
voulut redoubler, tous ses efforts furent vains ;
il dut capituler et remettre à son prochain
passage le travail qu'il ne put accomplir.
Toutefois, il donna les deux manches et
partit. Quinze jours plus tard, revenant chez
le fermier, il rappela à la servante la revanche
qu'il avait à prendre.
— Ah! pour cela, dit la fine mouche, si vous
voulez recommencer, ce sera une autre paire
de manches que vous aurez à me donner.
Telle serait, paraît-il, l'origine de ce dicton,
si souvent employé dans la conversation.
92. La tante et son neveu.
Une dame voyageait avec son neveu, garçon
d'une quinzaine d'années qui en paraissait
bien dix-huit, tant il était fort pour son âge ;
CONTES PICARDS
ils arrivèrent un soir dans une ville; dans
l'hôtel où ils descendirent, il ne restait pins
qu'un lit inoccupé. La tante avait demandé
deux chambres, ou tout au moins une chambre
4 deux lits. Comme il était trop tard pour
se mettre à la recherche d'un autre hôtel, la
dame, après quelque hésitation, décida de
faire coucher son neveu avec elle.
— Après tout, se dit-elle, Jules n'est qu'un
-enfant. Que pourrait-il se passer?
La tante et le neveu se mirent donc au
lit; ils y étaient à peine d'un quart d'heure
que le jeune garçon commença à s'agiter; il
s'approcha soudainement de sa tante, et, sans
souffler mot, il l'enfila sournoisement; depuis
longtemps, il pratiquait ce jeu avec sa nour-
rice. Toute surprise, sa tante lui dit:
— Il me semble, Jules, que tu me le mets.
— Non, du tout, ma tante.
— Comment, non?
— Non, ma tante.
— Écoute, tu sais que je n'aime pas les
menteurs, dit-elle en se prêtant de son mieux
à ce que lui faisait Jules; je ne te commande
pas de le retirer, mais avoue donc et tout
sera dit.
235
93. En mesure.
Le chef d'une fanfare villageoise avait uü
fils quelque peu niais, qui, quoique frisant la
trentaine, ne savait point comment les enfants
viennent au monde. Son père, qui prenait
de l'âge, voulot le marier avant de mourir;
comme il avait quelque bien, il lui trouva-
une jeune fille qui consentit à faire le bon-
heur du nigaud. Le mariage se fit donc, et,
le soir, avant que de pénétrer dans la chambre
nuptiale, le jeune époux demanda à son père
comment un mari se comportait avec sa femme
quand ils étaient couchés. Le père lui dit
qu'il fallait embrasser sa femme et la caresser;
quant au surplus, dont il n'osa point lui faire
le détail, il ajouta qu'à certain moment tout
se passerait le plus naturellement du monde;
il négligea donc de lui donner de plus amples
explications.
Le lendemain matin, la jeune mariée, inter-
rogée par sa belle-mère, se plaignit que son
mari ne s'était borné qu'aux plus élémentaires
prémices, et qu'il n'avait point fait œuvre
d'époux. Avisé de ce fait par sa femme, le
père du jeune marié questionna celui-ci; par
les réponses qu'il en reçut, il acquit la certi-
tude que son fils n'avait point rendu ses
236
COMTES PICARDS
devoirs; il lui expliqua donc à mots couverts
que la femme n'est point conformée comme
l'homme à certain endroit du corps et fit cette
comparaison:
— Où la femme a une entaille, l'homme a
une cheville; le mari doit enfoncer sa cheville
dans l'entaille, mais sans brutalité, surtout en
commençant. D'ailleurs, mon fils, ajouta-t-il,
quand tu seras couché ce soir avec ta femme,
je me placerai à la porte extérieure de ta
chambre et je jouerai un quadrille sur mon
piston; en enfonçant ta cheville, tu le feras
en mesure, sans aller plus vite.
C'est ce qui eut lieu. Le père joua d'abord
lentement, puis il accéléra; le fils, qui réglait
ses mouvements sur la mesure, s'écria bientôt:
— Pas si vite! pas si vite, papa! Je vais
pisser dans le ventre de ma femme.
94. Exigence.
Une jeune femme était mariée depuis troi*
jours; la gaieté dont elle avait fait preuve
jusqu'au jour de son mariage était tombée
depuis pour faire place à une tristesse noire
qui devenait de plus en plus grande. Sa
CONTES PICABDS 287
mère s'inquiéta de ce changement ; son imagi-
nation aidant, elle supposa que son gendre
n'était point doué des qualités nécessaires à
un époux; elle résolut d'interroger sa fille le
matin du quatrième jour.
— As-tu donc quelque sujet de mécontente-
ment, ma fille?
— Non.
— Que se passe-t-il chaque nurt depuis que
tu es mariée?
— Rien, maman.
— Comment, rien?
— Non, maman.
— Ton mari me paraît aux petits soins
auprès de toi.
— Oh! si peu!
— Explique-toi, ma fiHe; je dois savoir ce
qui cause ton chagrin, car tu as de la peine,
c'est visible.
Mais la jeune femme ne dit rien de plus.
Sa mère alla trouver son gendre et le con-
fessa.
— Votre femme, mon cher fils, lui dit-elle,
est tombée dans un morne abattement qui
m'inquiète.
— J'en suis peiné le premier.
— Vous la faites languir, peut-être.
— Comment?
238
— Vous ne lui rendez pas, sans doute,
les devoirs auxquels un mari est tenu envers
sa femme.
— Qui a pu vous dire cela, belle-maman?
— Ma fille elle-même.
— Voudrait-elle me faire mourir à ce jeu?
— La moins exigeante des épouses trou*
verait, comme elle, que c'est trop peu.
— Que voulez-vous dire?
— H n'y a pas encore eu de votre part
prise de possession.
— Vous êtes fort mal renseignée, ma chère
belle-mère. La première nuit, je me suis
acquitté six fois de mes fonctions ...
— Est-ce possible?... Défunt mon mari a
eu grand'peine à terminer son second exploit.
— Laissez-moi continuer, je vous prie...
La seconde nuit, le chemin étant frayé, j'ai
été jusqu'à huit...
— Dieu! est-ce possible? Je ne fus jamais
à pareille fête.
— La nuit dernière, je dois vous l'avouer,
j'ai fait ce que j'ai pu; ma foi, j'en suis resté
à cinq.
— Bravo! s'écria la bonne femme en se
jetant au cou de son gendre. Que voudrait
donc ma fille? Elle me paraît bien exigeante.
Jamais sa mère n'a eu semblable aubaine.
CONTES PICABDS 23&
Il a fallu plus de trois mois à son père pour
arriver à un total égal à celui de vos trois
premières nuits...
Au même instant, la jeune mariée pénétra-
dans l'appartement où se trouvaient son mari
et sa mère.
— Tu es donc insatiable, ma fille? Tu me
disais qu'il s'était passé jusqu'ici peu de chose
entre mon gendre et toi. Or, il vient de
m'assurer que, la première nuit, il a rempli
six fois ses devoirs; la deuxième nuit, huit
fois et la troisième nuit, cinq fois. Est-ce vrai?
— Oui, maman, c'est exact.
— Et cela ne te suffit point? Apprends,,
petite sotte, que jamais ton père ne m'a pro-
curé pareille satisfaction.
— Ce n'est donc que cela, maman?
— Que te faudrait-il donc?
— C'est bien peu..
— Ne dis point cela, malheureuse; tu ne
seras pas toujours si bien servie.
— Je pensais, moi, que le jeu commencé le
soir en se mettant au lit ne prenait fin que
le matin en se levant, et que la cheville
restait dans le trou pendant toute la nuit.
340 CONTES PICARDS
95. Éche planton dé Ohe colonel.
I gny avoit un colonel marié qu'il avoit à
se porte toujours éle même planton parce qu'i
tenoit granmen à li. A chaque fois que le
servante al sortoit pour foire ses commissions,
éche planton i li présentoit les armes, en li
disant :
— Ah! que boine soupe as choux que je té
tremperois!
Éle servante, éque tout ho ne H convenoit
point, al o fini par ête agachèe; al s'est pro-
mis de nen parler à se dame. Enne fois qu'ai
érevenoit dé che marqué, che planton i li o
coire présenté les armes en li disant pour éle
chentième fois:
— Ah ! que boine soupe as choux que je té
tremperois !
— Ha ne peut mie durer comme ho, qu'ai
s'est dit le servante; éje m'en vos le dire à
le dame.
Al est arrivée tout éhansèe pi en colère
dens le chambe dé lè féme dé che colonel.
— Quoi qu'i gny o, quiote? Quoi qu'il est
arrivé?
— I gny o que je n'ose pu passer devant
che planton.
— A cceuse, don?
c0ntb3 picabds
841
—- Qoé je sorte о bie* que je rente, і me
présente les armes en me disant qu'i me
tremperoit bien enne soupe se choux.
— Vraimen? Sorte eoire enne fois et pi tu
varos me dire s'il о requemenchè.
Éle servante al о resortie; éche planton і
n'o point manqué de li répéter che qu'i li
disoit toujours.
— Madame, qu'ai о couru dire éle servante,
il о coire érequemeachè. Si oi né Г1 em-
péquez point, jé ne reste pu iehi
— Marche li dire éde venir éme parier.
Éle servante al о déeheadu pour foire éle
commission à ehe soldat.
—- Oh! que boine...
— Taisez-vous, imbécile! Allez parler a
madame.
— Os y vol Os y vo!
Éehe soldat U о suit le servante dens che
salon dé le féme dé che colomel.
— Os nen foitet des bêles, monsieur che
planton! Quoi qu'os avez à nen voloir à me
servante?
— Éche que j'ai contre elle? Érien da
tout. Bien du contraire; éje li dis que
je li tremperois enne boine soupe as choux;
jé ne mens point. Éje sut tout prêt à
le foire.
KçvTtr. X 16
242
CONTES PICARDS
— Os êtes un hardi-page. Suivez-mé dens
me chambe.
Éche planton il o suit le dame; al o fermé
le porte à le clé en faisant deux tours.
— Os disez qu'os tremperoite enne boine
soupe as choux à me servante. Est-ti.
bien vrai?
— Oui, le dame.
— Et pi à mi?
— Coire aveuc bien pu de plaisi.
— Si ch'est ho, couquons-nous et pi trempez-
mé n'n é enne bien salée.
Bondébilis, éche soldat і se débhille en
retirant sen képi, se veste, sen patalon, ses
seuler et pi і se conque aveuc éle féme;
chéle-chi al dit quant o été foit:
— Été soupe al est rudemen boine. Mé n'n
en tremperois-tu bien enne deuxième?
— Aveuc granmen de plaisi, le dame;
allons-y pour enne deuxième.
Après che deuxième cœup, le dame et pi
che soldat і se sont reposés un molet
— Donne-mé n'n é enne troisième, qu'ai dit
le dame; jé ne m'en rassasie point.
— Tout de suite, tout de suite, éle
dame.
Après le troisième, ch'étè enne quatrième.
Dé che cœup-lo, che planton і s'est trouvé
CONTES PICARDS
24a
recrand. Il avoit bien s'y prende, sen moigneu
i foisoit le mort.
— Écoute, tu t'en vos me servir enne
dergniére soupe, qu'a' li dit le féme dé che
colonel.
— Sacré nom dé Diu de putain! qu'i crie
che soldat, ch'est-ti que tu croirois par hasard
éque mes couilles ch'est le marmite dé che
régiment?
95 a. Variante.
A le porte d'un colonel, і gny avoit enne
fois dens l'hiver un planton qu'i frichonnoit
et pi qu'i se morroit de froid. Dé le cuisinne,
qu'a' n'étoit point loin, i sentoit le flair
d'enne boine soupe as choux.
— Un bouillon et pi un boin cœup pa-
dessus, qu'il о dit tout heut en part li, ha
feroit du bien à che pove planton.
Éle féme dé che colonel, qu'ai l'avoit en-
tendu, al о quémandé à se servante éde dire
à che pove soldat de monter dens se chambe.
— Quoi que tu disois tout à l'heure,
soldat?
— Érien, le dame.
— Si est; je veux que tu me lé rediches.
— Éje disois qu'un bouillon pi un boin
cœup pa-dessus ha me feroit du bien.
16*
244
CONTES PICARDS
— Si ch'est ho, je yeux te rende heureux.
Marie, apportez un bouillon à che soldat et
pi allez-vous-en.
Éche planton il o envalè le soupe as choux.
— A che-t-heure éque t'os che bouillon dens
te panche, viens conquer aveuc mi.
Éche soldat il o ieu bientôt fini de boisier
se dame; chéle-chi al huque ése servante:
— Marie, enne soupe as choux pour éche
soldat.
Éche bouillon envalé, éche soldat il o reque-
menchè. Après, ch'étè un troisième bouillon
et pi un troisième cœup; et pi coire un
quatrième bouillon aveuc un quatrième cœup.
Comme éle féme dé che colonel al appeloit se
servante enne cintième fois:
— Sacrée pieu de quien! qu'i crie, crois-tu
qu'i gny o tant de fonte dens mes couilles
que de bouillon dens le marmite dé che colonel?
(Kryptadia, її, 129-183.)
06. La sourie.
Une jeune fille très délurée, qui avait vu
le loup, fut un jour demandée en mariage par
un benêt d'un village voisin; c'était pour elle
CONTES PICABDS
245
un parti inespéré: il était riche et elle ne
possédait rien on à pen près; elle saurait
dresser ce dadais et c'est elle qui porterait
les culottes à la maison, aussi saisit-elle cette
occasion par les cheveux. Trois semaines plus
tard, le mariage avait lieu.
Depuis longtemps, la jeune femme avait été
initiée au jeu d'amour par un sien voisin, —
d'autres disent le curé du village. Par un
caprice bizarre, son amant lui demanda comme
dernier témoignage d'amour de lui consacrer
tout au moins la première partie de sa nuit
de noces; elle y consentit sans faire d'objec-
tion; elle lui conseilla de se tenir aux aguets
près de la maison de son mari, qu'elle allait
habiter désormais, et de venir la retrouver
dès qu'il aura vu sortir le marié. Étant
entrée dans la chambre nuptiale après le
départ des derniers invités, la jeune femme se
mit au lit; son mari la rejoignit aussitôt, et,
brutalement, il se jeta sur elle et l'étreignit
fortement avant de se mettre en devoir
d'exercer ses droite d'époux.
— Que fais-tu? demanda la jeune mariée
en essayant de se dérober aux attouchements
du nigaud.
— Je vais te prendre ton pucelage, dit-il
en ricanant.
C0NTE8 PICARDS
C'est ce que lui avait enseigné Tun de ses
camarades auquel il avait, la veille, demandé
conseil sur les devoirs d'un nouveau marié la
première nuit de ses noces.
— Ah! mon Dieu, s'écria sa femme toute
saisie, je ne demanderais pas mieux, puisque
je n'ai pas à te le refuser; mais, en quittant
la maison de mes parents, j'ai mis tant de
précipitation pour venir ici que j'ai oublié de
prendre ce que tu me demandes.
— J'irai le chercher tout de suite.
— Tu ferais cela?
— Oui, de grand cœur, dit le mari en se
levant pour s'habiller. Dis-moi où tu l'as laissé.
— Il est dans une petite boîte que j'ai
cachée sous le lit de ma mère. Va lui réclamer
cet objet.
Le lourdaud partit sans retard. A peine
avait-il mis le pied dehors que l'amant de sa
femme pénétrait dans la maison et prenait
place dans le lit de la mariée.
En arrivant chez ses beaux-parents, qui
étaient à peine de retour de la noce, le pauvre
niais dit à sa belle-mère:
— Vite, donnez-moi le pucelage de ma
femme qu'elle a oublié ce matin; il est dans
une petite boîte qui se trouve sous votre Ht,
m'a-t-elle dit.
CONTES PICABDS
247
La belle-mère ne fut pas peu surprise
d'une telle naïveté, qui dépassait les bornes
permises; toutefois, elle ne laissa rien paraître
de son étonnement; elle se douta que sa fille
voulait mettre ce benêt à l'épreuve et lui
jouer quelque tour. Une idée lui vint à
l'esprit; elle entra dans sa chambre et prit
sous son lit une boîte remplie de fils de laine
qu'elle recueillait pour les carder; elle l'en-
veloppa dans un morceau de papier, et déposa
cette boîte dans un panier qu'elle remit à son
gendre en lui disant:
— N'en veuillez pas à ma fille de son
manque de mémoire; vous vous apercevrez
par la suite qu'elle oublie toujours quelque
chose.
— C'était l'essentiel, remarqua le lourdaud.
— Voue avez raison. Laissez-moi vous
donner un conseil. Surtout, ne cédez point
à la curiosité en retournant chez vous, et ne
vous aventurez pas d'ouvrir la boîte en
chemin; voue vous exposeriez à laisser
échapper ce qu'elle renferme.
Le nigaud prit congé de ses beaux-parents
et retourna chez lui; tout en cheminant,
il se dit:
— Puisque le pucelage de ma femme est
déposé dans cette boîte, je puis bien le prendre
248 0онтжя PIOABDS
tout de suite; mom camarade же m'a-t-il peint
dit que je devais commencer par là? Pour-
quoi attendre plus longtemps? Je verrai
comment il est fait
Il sortit la boîte du panier, enleva le
papier qui l'enveloppait et introduisit sa main
dans la laine, mais il la retira aussitôt en
poussant un cri aigu. Une souris, qui avait
établi son nid dans les fils de laine, s'étant
sentie menacée donna un coup de dent et
s'échappa dans l'herbe du bas-côté de la route.
L'homme se mit à la recherche du petit ani-
mal qu'il n'avait pu distinguer en raison de
l'obscurité de la nuit; il l'appela en lui don-
nant les plus doux noms d'amitié, mais ce fût
en vain.
— Ah! mon Dieu, s'écria-t-il en s'arrachant
les cheveux, il va se mouiller dans la rosée
de la nuit. S'il se noyait dans la rivière !...
Que dirai-je à ma femme si je ne le re-
trouve pas?
Lassé de chercher en vain, le simplet prit
enfin le parti de rentrer chez lui ; son absence
trop prolongée inquiéterait sa femme. Am
bruit qu'il fit en ouvrant la porte de sa
maison, l'amant de la jeune mariée s'esquiva
par la fenêtre.
COMTES PICABD8
249
— As-tu fait ma commission? demanda la
délurée dès qu'il fut entré dans la chambre.
— Ne m'en parle pas. Je suis bien peiné
de ce qui m'est arrivé, dit-il en pleurant à>
ehaudes larmes.
Et il raconta tout au long ce qui s'était
passé.
— Va, va, ne te tourmente pas ; déshabille-
toi au plus vite et viens te coucher à côté
de moi.
C'est ce qu'il fit sans retard. A peine fut-il
auprès de sa femme que celle-ci lui prit la
main et la plaça entre ses jambes.
— Tiens, tiens, fit le simplet, je sens le
nid de ton pucelage.
— Lui-même s'y trouve maintenant
— En effet, je le sens aussi Comment
cela se fait-il?
— Voici ce qui se sera passé; comme il ne
te connaît pas, il a eu peur de toi et il s'est
enfui; pendant que tu le cherchais dana
l'herbe, il est revenu à son gîte; caresse-le
doucement pour l'apprivoiser; ne crains rien,
il ne te mordra plus.
— Oh! comme il est mouillé, s'écria le
nigaud; serait-il tombé dans la rivière?
— Il l'aura traversée à la nage pour
prendre au plus court. Viens le sécher, dit
250
CONTES PICARDS
la femme en serrant son mari contre elle.
Surtout, ne le laisse plus échapper ; cette fois,
notre chat pourrait bien se jeter dessus et le
croquer.
C'est ainsi que cette fine mouche passa une
première nuit de noces qui put compter
pour deux.
97. L'aiguille et les pelotes de fil.
Il y avait un jour une jeune fille d'une
beauté ravissante, qui était loin de se douter
de l'incendie qu'elle avait allumé dans le cœur
de l'un de ses voisins. C'est que la pucelle,
simple et naïve, ne quittait jamais sa mère et
n'avait pas encore senti palpiter son cœur; son
ignorance en amour était absolue, et, à qui
lui aurait fait une déclaration dans les règles,
elle n'eût su que répondre, car ce langage eut
été pour elle de l'hébreu.
Invitée un jour à la noce de l'une de ses
cousines, elle fut autorisée par sa mère à
accepter cette invitation; mais il faut dire
que la vigilance maternelle s'était tout d'abord
alarmée, et ce ne fut qu'après de longues
hésitations que la mère accorda le consente-
ment sollicité.
CONTES PICARDS
251
— Après tout, s'était dit celle-ci en manière
de consolation, ma fille va se trouver en
famille; aucune mésaventure n'est donc à re-
douter et mes craintes n'ont point de raison
d'être.
Toutefois, quand le jour de la noce fut
arrivé, la mère multiplia les recommandations
à sa fille, et, à maintes reprises, elle insista
avec force sur un point qui lui tenait tout
particulièrement à coeur.
— Surtout, lui dit-elle, garde-toi bien de
laisser ravir ton honneur par l'un des jeunes
gens avec lesquels tu vas te trouver ; c'est un
bijou qui tente les garçons et dont la perte
est irréparable. Ne les laisse point s'approcher
de toi. Va, ma fille, et observe bien les con-
seils de ta mère.
Le jeune homme qui était épris des charmes
de cette innocente avait su manœuvrer avec
tant d'adresse qu'il s'était fait aussi inviter
à la noce; il se constitua le chevalier servant
de sa bien-aimée. Celle-ci, tout en écoutant
les douces paroles de son soupirant, à qui elle
ne savait que répondre, et pour cause, tenait
obstinément la main sur son ventre. Ce main-
tien quelque peu grotesque offusquait le jeune
homme. Le soir, en se levant de table, il
entraîna fort adroitement sa compagne à
253
CONTES picards
l'écart; là, assuré qu'ils n'étaient vus de per-
sonne, il tenta d'écarter la main de la jeune
fille, lui disant:
— Pourquoi donc cette tenue disgracieuse?
Voyez vos compagnes; aucune d'elles ne se
tient de cette sorte.
— C'est que j'ai promis & maman de garder
mon honneur. Si je venais à le perdre, songez
donc dans quel embarras je me trouverais.
— N'est-ce que cela?
— Vous en parlez bien à votre aise. Vous
seriez peut-être heureux, tout le premier, de
me ravir mon bijou.
— Je n'en aurais que faire; aussi, je ne
pense nullement à m'en emparer. Mais, pour
faire cesser vos craintes, je puis, si vous le
voulez, coudre votre honneur d'une manière
tellement solide que vous ne courrez jamais
le risque de le laisser tomber.
— Est-ce vrai? Ah! je ne demande pas
mieux. Vite, faites vite, je vous en prie.
Le jeune homme fit coucher sa compagne
sur le gazon et la retroussa; il se mit im-
médiatement en devoir d'exécuter le travail
annoncé.
— Votre aiguille est bien grosse, remarqua
l'innocente en la palpant.
Puis, allongeant la main, elle demanda:
CONTES PICABDS
253
— Ce sont deux pelotes de fil que vous
avez là?
— Oui. Vous voyez que, pour pare* à
l'accident qui aurait pu se produire, je m'étais
muni des instruments nécessaires.
— Vous avez bien fait, je vous en remercie.
Vite, hâtez-vous.
Le rusé galant se mit à la besogne sans
plus tarder; il éprouva d'abord quelques
difficultés pour faire entrer son aiguille, et la
patiente articula de petits cris de douleur
aux premiers points, mais ce fut de courte
durée. Quand il eut fini, elle le supplia de
faire une seconde couture, car elle tenait à
ee que son honneur fût solidement attaché.
Il n'eut garde de ne point la satisfaire. Or,
comme elle prenait goût à cette opération,
elle réclama une troisième puis une quatrième
couture, ce qu'il lui accorda volontiers. Après
la sixième couture, il crut avoir gagné le
droit de se reposer. La patiente, que ce
travail ne lassait point, dit tout bas à l'oreille
du tailleur d'un nouveau genre qu'elle avait
sur elle:
— De grâce, faites encore un point, je
vous prie.
— Je le voudrais bien, répondit-il, mais je
n'ai plus de fil.
254
CONTES PICARDS
— Comment, voue avez vidé vos deux
grosses pelotes?
Allongeant la main, elle s'écria stupéfaite:
— Ah! mon Dieu, votre aiguille est cassée
par-dessus le marché.
97 a. Variante.
Certaine maman, d'esprit assez obtus, re-
commandait fréquemment à sa fille de bien
serrer ses jambes pour ne pas perdre son
pucelage, mais elle se gardait de lui donner
plus ample explication; aussi s'égayait-on
dans le village en voyant la façon de marcher
de la fillette, qui prenait trop à la lettre les
recommandations maternelles. Elle faisait un
jour paître sa vache prés du marais; à un
moment, la bête, piquée par les taons, prit sa
course à travers la prairie. La jeune fille
s'élança à sa poursuite; arrivée au bord d'un
fossé qu'elle devait franchir, elle se rappela
les conseils de sa mère; elle serra ses jambes
et sauta à pieds joints; une grenouille,
enrayée, se jeta dans l'eau; au bruit qu'elle
fit, la naïve enfant s'écria en pleurant et en
se lamentant:
— Ah! mon Dieu! mon Dieu! Mon pucelage
est tombé dans le fossé. Que va me dire
maman ?
CONTES PICABDS
255
Le fils d'un fermier, occupé à faner des
foins près de là, accourut aux sanglots
bruyants de la pauvre innocente; il lui de-
manda la cause de sa peine et chercha à la
consoler; il sonda le ruisseau en deux ou trois
endroits, et, plongeant la main au fond, il
la retira vivement; revenant vers la jeune
fille, il la pria de s'étendre sur le dos, lui
disant:
— Vite, écarte tes jambes; j'ai retrouvé ce
que tu as perdu; je vais te le remettre
en place.
Obéissante, la naïve pucelle fit tout ce qui
lui était recommandé; elle parut éprouver un
très grand charme à l'opération, et, quand
l'objet eut été replacé, la fillette remercia
chaudement son sauveur. Rentrée chez elle
le soir, elle s'empressa, naturellement, de
faire part à sa mère de l'incident de
l'après-midi.
— Mais, malheureuse, s'écria la maman
alarmée, c'est ce jeune homme, au contraire,
qui s'est emparé de ton pucelage... Ah! mon
Dieu, que vas-tu devenir?
A cette explosion de cris, la fille se dirigea
vers la porte; sa mère l'arrêta, lui de-
mandant:
— Où vas-tu?... Où vas-tu?
256 CONTBS PICARDS
— Le fils da fermier se trouve encore sens
doute dans la prairie; je vais le retrouver
pour lui demander de me remettre ce qu'il
m'a pris. Il ne me refusera pas cela, assuré-
ment, car cette opération m'a para loi
faire beaucoup de plaisir.
98. Le maréchal et son ouvrier.
Dans un moment où le travail pressait, an
maréchal, ne pouvant arriver à satisfaire ses
cliente, embaucha un ouvrier qui était venu
lui offrir ses services en faisant son tour de
Prance. Le maître et l'ouvrier se mirent
aussitôt à la besogne. A l'heure du déjeuner,
ils montèrent à la cuisine, qui se trouvait
au-dessus de la forge. La femme du maréchal
apporta sur la table trois œufs cuits à la
coque; le patron en prit deux et remit le
troisième a son ouvrier. Leur repas terminé,
les deux hommes descendirent battre le fer.
'Quand le maréchal avait frappé deux coups
de marteau, son ouvrier frappait un coup.
€ela se reproduisant invariablement, le patron
•dit au bout d'un instant:
— Est-ce que tu voudrais te moquer de
moi, compagnon ? Tu me laisses battre deux
CONTES PICABDS
257
coups de marteau et tu n'en bats qu'un; tu
me laisses faire ainsi le double du travail.
— Cela est bien naturel, patron, répartit
l'ouvrier.
—- Que veux-tu dire? Explique-toi.
— Je n'entends point me moquer de vous.
Au déjeuner, vous avez mangé deux œufs et
vous ne m'en avez donné qu'un ; il est rationnel
que vous travailliez deux fois plus que moi,
n'est-il pas vrai?
— Écoute, camarade, ça ne peut pas con-
tinuer ainsi. Je tiens qu'à chaque coup de
marteau que je donnerai tu frappes aussitôt
après moi.
— Je ne demande pas mieux, patron.
— Pour cela, va trouver tout de suite ma
femme dans sa cuisine et dis-lui qu'elle te fasse
cuire un second œuf. Dès que tu l'auras mangé,
tu reviendras ici, la besogne est pressante.
L'ouvrier ne se le fit pas dire deux fois; il
avait hâte de rejoindre sa patronne, qui était
jolie et appétissante; il l'avait trouvée de son
goût et il lui semblait qu'il ne lui était pas
indifférent; dès lors, il forma le projet de
faire pousser des cornes au maréchal.
— Avez-vous oublié quelque chose? demanda
la femme à l'ouvrier dès qu'elle le vit entrer
dans la cuisine.
Kqvtcx. X. 17
268 CONTES PICABDS
— Non ; c'est le patron qui m'envoie vers vous.
— Pourquoi faire?
— Pour,... pour ... Je n'ose point vous
le dire.
— N'ayez crainte. Dites-le-moi sans hésiter.
— C'est pour... tirer un coup avec vous.
— Est-ce possible?... Comment, c'est mon
mari qui vous a commandé pareille chose?...
Je n'en crois rien.
— Si vous en doutez, demandez-le-lui donc.
La femme s'avançant aussitôt vers l'esca-
lier cria:
— Est-ce vrai ce que me propose ton ouvrier?
— Oui! oui! c'est vrai, répondit vivement le
maréchal; c'est moi qui te l'envoie; fais ce
qu'il te demande et ne le retiens pas, pour
qu'il revienne ici au plus tôt.
Et il ajouta:
— Un seul, tu m'entends.
La femme, sans plus d'explication, s'étendit
vivement sur le plancher; l'ouvrier la retroussa
et la bourra vigoureusement.
— Surtout, dit-elle au plus fort de l'action,
ne me faites pas d'enfant.
Au moment psychologique, l'homme fit comme
le lapin, il se jeta sur le côté. Le maréchal,
qui attendait debout au milieu de la forge,
vit tout à coup un liquide gluant et blanchâtre
CONTES PICARDS 259
couler par une fente du plancher et tomber
sur son enclume.
— Il ne perd pas de temps tout de même,
se dit-il, puisqu'il n'a pas attendu que l'oeuf
fût cuit à point: il laisse échapper la moitié
du blanc. Ce doit être un bon ouvrier que
je retiendrai le plus longtemps possible ; il me
rendra de grands services.
Et, en homme économe, le maréchal ramas-
sant avec le doigt ce qu'il croyait être le blanc
d'ceuf tombé sur l'enclume il se le passa entre
les lèvres pour qu'il ne fût point perdu.
— Tiens, il n'a même pas mis de sel.
99. Le voleur aux trois noms.
Un compagnon qui faisait son tour de France
arriva un jour dans un village ; il apprit dans
le cabaret où il était entré pour casser une
croûte que le curé de l'endroit venait de
toucher une somme de douze cents francs
qu'une dévote avait léguée pour des messes.
Une idée germa aussitôt dans le cerveau de
ce vagabond. U se présenta au presbytère,
où il fut reçu par la servante du curé.
— Je suis jardinier de mon état, dit-il. Je
reviens de loin et je me dirige sur Versailles,
17*
260 COMTES PICABDS
où une place avantageuse et assurée m'est
promise. Comme je n'ai point d'argent, je
tâche de me faire occuper sur ma route pen-
dant quelques jours; avec mon gain, je con-
tinue jusqu'à ce que je l'aie épuisé. J'ai pensé
que monsieur le curé pourrait peut-être m'em-
ployer pour trois ou quatre jours.
— Cela tombe bien, en effet; le jardinier de
mon maître est malade. Monsieur le curé
vous emploiera assurément. Mais, dites-moi,
comment vous appelez-vous?
— J'ai un bien singulier nom que je ne fais
point connaître à tout le monde.
— Mais encore, quel est ce nom?
— On m'appelle Jésus-Salvator.
— Il n'y a rien de déshonorant à cela. Je
vais prévenir monsieur le curé que vous dé-
sirez lui parler.
— Je vous en serai bien obligé.
Un instant après, la servante venait chercher
l'homme pour le conduire auprès du curé.
— Je puis vous occuper pendant quatre jours
à raison de deux francs par jour plus la nourri-
ture et le logement, dit le prêtre quand il fut
mis au courant de la demande du solliciteur.
Cela vous va-t-il, mon brave?
— Nous sommes d'accord. J'accepte.
— Ah ! j'oubliais. Comment vous appelez-vous ?
contes picards 261
— J'ai un nom si malpropre que je n'ose
point vous le faire connaître.
— Dans ce cas, il n'y a rien de fait et vous
pouvez repartir.
— Je n'ose vraiment pas vous dire le nom
que je porte.
— Ne vous faites point prier si vous tenez
à ce que je vous occupe.
—Vous n'oserez jamais m'appeler parmon nom.
— Dites toujours; si l'on ne veut point vous
appeler, on ira vous chercher lorsqu'on aura
besoin de vous.
— Eh bien, je me nomme Cinquante-poils-
au-cul.
— Vous avez là, en effet, un nom tout à fait
extravagant... Vous pourrez vous mettre au
travail à l'instant. Allez vous présenter à ma
nièce, qui se trouve dans le jardin et qui vous
donnera ses instructions.
Ayant abordé la jeune fille, celle-ci lui de-
manda son nom après qu'il lui eut fait connaître
qu'il venait d'être embauché par son oncle.
— J'ai un nom si singulier, répondit-il, que*
par respect pour vous, j'hésite à vous le dire.
— Qu'importe. Je tiens à savoir comment
Гоп vous appelle.
— Puisqu'il le faut, je vous dirai que mon
nom est J'ai-le-ventre-qui-me-démange.
262 CONTES PICABDS
— C'est, effectivement, un nom bien ridicule.
A cela près, vous n'en savez pas moins bien
travailler, n'est-ce pas? Allez à votre besogne.
La journée se passa sans incident. Au
souper, le nouveau jardinier fit une inspection
minutieuse des lieux, et, interrogeant adroite-
ment la servante, il sut que le curé rangeait
son argent dans le secrétaire de la salle à
manger. Précisément, on fit coucher le jardinier
dans un petit cabinet qui attenait à cette
pièce et avec laquelle il communiquait. Tout
le monde s'étant couché, l'ouvrier continua de
veiller; il s'était assis sur son lit sans s'être
déshabillé attendant que ses hôtes fussent en-
dormis. Quand il jugea ne devoir être entendu de
personne, il passa dans la salle à manger, crocheta
le secrétaire, s'empara des douze cents francs
qu'il renfermait et s'enfuit par une fenêtre.
Le lendemain, en se levant, le curé s'aperçut
du vol dont il avait été victime; point de
doute, le coupable ne pouvait être que le
jardinier. Celui-ci, en quittant le presbytère,
prit un chemin peu fréquenté qui le conduisit
dans un village où résidait un notaire; ayant
aperçu de la lumière chez ce dernier, il entra
et demanda à coucher dans la grange, ce qu'on
lui accorda. Le matin, au réveil, le notaire
fit appeler l'homme.
CONTES PICARDS
— Mon domestique vient de tomber malade,
lui dit-il. Saurais -tu panser et conduire un cheval ?
— Oui, monsieur.
— Dans ce cas, je te prends à mon service.
Va dans l'écurie; tu t'occuperas de ma jument,
et, à dix heures, tu l'attelleras au cabriolet.
C'est Pâques aujourd'hui ; je tiens à assister à la
grand'messe; je dois aller à l'église du village
voisin, puisque nous n'avons pas de curé en
ce moment.
Tout en pansant le cheval, le nouveau do-
mestique se disait qu'il n'aurait mieux pu
tomber, car il devait y avoir un beau coup à
faire dans l'étude; il y a plus d'argent chez
un notaire que chez un curé.
Quand le cheval fut attelé, le maître et le do-
mestique montèrent dans le cabriolet; ils s'arrê-
tèrent à la porte de l'église du village où le
jardinier avait commis un vol la nuit précédente.
— La messe est commencée, dit le notaire
à son domestique; attache le cheval à cet
anneau et tu viendras me rejoindre à mon banc,
car je tiens à ce que tu assistes à l'office.
— Si vous le voulez bien, je resterai sous
le clocher.
Il avait ses raisons pour cela. U resta donc
debout non loin de la porte afin de pouvoir
s'échapper au plus vite en cas d'alerte. Au bout
2>4 CONTES PICARDS
d'un instant, la servante da cnré s'étant re-
tournée aperçut sous le clocher celui qui avait
volé son maître la veille; elle se mit à crier:
— Jésus-Salvator! Jésus-Salvator !
Le suisse étant arrivé près d'elle, lui dit à
mi-voix:
— Chut! chut! il n'est pas encore l'heure.
Le jardinier se cacha prudemment derrière
un pilier; la servante ne le voyant plus cessa
ses cris. Mais la nièce du curé se retourna
à son tour; elle reconnut l'homme qui avait
volé son oncle et cria de toutes ses forces:
— J'ai-le-ventre-qui-me-démange! J'ai-le-
ventre-qui-me-démange !
— Elle est possédée du démon! se dirent
entre elles les dévotes en se signant.
Le curé vint exorciser sa nièce, mais celle-ci
continuait de pousser le même cri. Le petit
enfant de chœur qui portait le seau d'eau
bénite dit:
— Monsieur le curé, vous ne l'aspergez pas
assez fort.
Et, disant cela, le gamin lança à la tête de
la jeune fille le contenu de son seau. Le vo-
leur ayant changé de place, les cris cessèrent
et la messe continua.
Un instant après, le curé monta en chaire.
Avant de commencer son sermon, il jeta un
265
regard circulaire sur son auditoire. Tout à
coup, apercevant sous le clocher l'homme qui
l'avait volé, il s'écria:
— Cinquante-poils-au-cul! Cinquante-poils-
au-cul!... Celui qui m'attrapera Cinquante-
poils-au-cul recevra cinquante écus.
Ce fut aussitôt un brouhaha général dans
l'église; tous les hommes quittaient leur place
et couraient vers la chaire en se bousculant.
Mais le bedeau, qui se trouvait au pied de
l'escalier, le gravit précipitamment, et, se
jetant sur le curé, releva sa soutane, débou-
tonna sa culotte et passa sa main sous la
chemise de son maître qui se mit aussitôt à
pousser des cris lamentables. Le bedeau, agi-
tant ensuite le poing, dit:
— Vous avez demandé qu'on vous attrape
cinquante poils au cul ; tenez, monsieur le curé,
en voilà plus de deux cents. Vous me devez
cinquante écus.
Et, avec un large geste, le porte-baleine,
ouvrant la main, lança ce qu'elle contenait du
côté des femmes.
99 a. Variante.
I gny avoit un curé qu'i restoit aveuc se»
deux sœurs qu'il o ieu besoin enne fois de
prende un domestique. Il est venu à passer
266
un rnanden de pain qu'il o rentré à che préby-
tère; monsieur le curè i li о demandé s'i voloit
été sen domestique; l'ente і n'o mie demandé
miux; i toucheroit dix écus par mois, poyès
d'avanche. Monsieur le curè i li о donné sen
mois tout de suite, il l'o rhabillé et pi i li о
demandé quement qu'i s'appeloit.
— Monsieur le curè, mes gens і m'ont donné
un drôle dé nom; о m'appéle Dominus vobiscum.
— Dominus vobiscum, ch'est un bien nom
putot. Ne vous n'n en plaignez point. Beyez,
vlo me première sœur dens che gardin, allez
li demander ses ordes.
— Jé m'y en vos tout de suite, monsieur le curè.
Éche curè il о quitté lo sen domestique pou
s'n aller al l'église.
— Disez-mé vo nom, men camarade, qu'a'
li demande éle sœur monsieur le curè.
— Men nom, mameséle? Éje n'oserois mie
jamois vous le dire; il est si malpropre.
— N'importe ; і feut-ti point que jé le sache
pus qu'os allez rester aveuc nous?
—- Pus qu'os le volez, je m'appéle J'ai-trois-
poils-au-con.
— Tout de même, os n'avez mie un bien
nom. Fuchę, i porroit coire été pu sale.
Beyez, vlo me jonne sœur qu'ai érevient
de vir enne compaigne; allez le trouver.
CONTES PICARDS 267
Éche domestique і s'est en allé au-devant
■dé le jonne fille; i li o dit qu'il étoit che
nouvieu domestique.
— Est fin bien, men camarade. Quement
qu'o vous appelé?
— Éje m'appéle Ha-me-démenge.
— Ha-me-démenge? Autant che nom-lo
qu'un ente.
Lo-dessus, le fille al o rentré à che préby-
tère. Tout o bien été dens le jour. Par
nuit, che domestique il o volé Г1 argent pi
ches orreries de monsieur le curé; après, il
o foutu le camp au pu vite. Quant і s'est
réveillé, monsieur le curé il o ieu enne colère
éde lé-warou. Ch'étoit un dimenche; і s'est
en allé canter messe. D'un cœup, en sé re-
tornant, il o vu sen domestique.
— Dominus vobiscum!... Dominus vobis-
cum! qu'i s'est mis à crier en rebeyant ches
chante.
— Et cum spiritu tuo, qu'il ont répondu
cheux-lo.
Éle première sœur monsieur le curé, en
voyant che domestique, al s'est mi à crier:
— J'ai-trois-poils-au-con! J'ai-trois-poils-
an-con!
— Tais-te-té, don, salope ! qu'i foit sen frère.
Éle pu jonne sœur al crie à sen tour:
CONTES PICABDS
— Ha-me-démenge! Ha-me-démenge!
— Gratte-té don, si ha te démenge, qu'i li dite
ches vieilles dévote en trenchant lens mouses.
Tandis che tans-lo, che domestique i foisoit
un pied de nez à che curè pi à ses sœurs, et
pi i foutoit le camp au grandécime galop.
(Kryptadia, II, 119-121.)
99 b. Variante.
Un domestique il 0 rentré enne fois d'un»
catieu pour édemander s'i gny avoit enne-
plache. Éche seigneur il l'o accordé tout de suite.
— Dis-mé quement qu'o t'appéle.
— Je n'ai point le front de vous le dire.
Mes gens il étoite si drôle qu'i m'ont donne
un nom bajouais.
— Dis-le lé toujours.
— Éje m'appéle Attrape-mes-couilles-par-
derrière.
— Est vrai; t'os un nom qu'i n'est mie*
prope; ha ne foit rien.
Un moment après, le féme dé che seigneur
a' li 0 demandé aussi quement qu'o Г1 appeloit.
— Éche Quien, qu'i li 0 répondu.
Après, ch'étè le fille dé che seigneur qu'a'
li 0 foit le même question.
— Mameséle, j'ai un surpliquet; 0 m'appéle-
éle Seuce.
CONTES PICAEDS
269
An soir, pour souper, éle cuisiguiére dé
<ïhe catieu al avoit foit cuire un coquelet aveuc
enne si boine seuce que le fille dé che seigneur
-a' n'n o demandé plusieurs fois, malgré que
se mére a' li requemandoit dé ne point nen
monger tant. Après souper, tout le monde o
-été couquer. Quant éche domestique il o ieu
été seur éque ches moites il étoite endormis,
і s'est en allé dens leu chambe. éle féme al
Го entendu; al di à che seigneur:
— Éche Quien il est lo; dis-li dé s'n aller.
— Tu sais bien, qu'i répond s'n homme en
mitan endormi, que je veux qu'i reste ichi.
Laiche-mé tranquille et pi dors.
Éle féme al s'est rendormie. Tandis che
tans-lo, che domestique і s'est conque aveuc
éle fille; і s'est mis tout de suite en route à
le boisier. Gomme al avoit coire sen pucelage,
il Paffoloit; al s'est mis à se plainde.
— Maman! qu'ai crie à la fin, le Seuce éme
foit du mo.
— Je té Г1 avois bien dit. Tu n'os point
volu m'écouter. Tant pire pour ti!
Éle mére al s'est remis à ronfler. Et pi che
domestique il o continué de coeuquer. Quant
éle jour il est venu, і s'est habillé pou s'n
aller dé le chambe; à che bruit qu'il o foit,
ehe seigneur і s'est réveillé.
CONTES PICARDS
— Ah! coquin! qu'i s'est mis à crier.
Tout de suite, і s'est levé en bainiére vo-
lante; il l'o porsuit dens le cour en criant
tant qu'i povoit:
—Attrape-mes-couilles-par-derriére ! Attrape-
mes-couilles-par-derriére ! Attrape-mes-couilles-
par-derriére !
Vlo tous ches domestiques qu'i fonce-té dessur
li pour éle l'aherde par ses couilles. Tandis
che tans-lo, che domestique il o foutu le camp *r
o né PI o pu jamois revu.
(Kryptadia, II, 117-119.)
99 c. Variante.
Cette fois, le domestique dit au portier du
château qu'il s'appelle Moi-même, au seigneur
Tenez-mes-couilles-par-derrière, à la châtelaine
La Lune, à sa fille La Sauce, à la
servante
Le Chat Au dîner, on servit un mets avec
une sauce excellente, dont la fille demanda à
plusieurs reprises. Quand les maîtres furent
couchés, le domestique alla rejoindre la ser-
vante dans la cuisine dans l'espoir de se ré-
galer des reliefs de la table des maîtres. La
servante Payant engagé à se retirer sans
qu'il en fît rien, alla s'en plaindre au seigneur,,
disant :
— Le Chat ne veut pas quitter le coin
du feu.
CONTES PICABDS 271
— Laisse-le, lui répondit-il, croyant qu'il
s'agissait du chat; il est où il doit être.
La servante se coucha et ne s'occupa plus
du domestique, qui fit un bon souper; pour
son dessert, il alla cueillir des cerises dans le
potager. L'arbre sur lequel il monta se trou-
vait en face de la chambre des maîtres. La
châtelaine l'ayant aperçu réveilla son mari
pour lui dire que La Lune était sur le
cerisier.
— Tu ne peux rien y faire ni moi non plus,
répondit le seigneur. Dormons.
Le domestique étant rentré dans les apparte-
ments monta à la chambre de la fille de ses
maîtres et se coucha dans son lit, puis il
monta sur elle.
-y Maman, La Sauce me fait mal,
s'écria
la fillette.
— Tant pis pour toi, répondit la mère; tu
as été trop gourmande.
Le lendemain matin, la fille se plaignit à
son père de l'outrage que lui avait fait subir
leur domestique. Le seigneur se mit à sa
poursuite dans la cour, criant:
— Tenez-mes-couilles-par-derrière ! Tenez-
mes-couilles-par-derrière !
Le portier entendant crier et voyant le
domestique s'enfuir, courut après celui-ci
272
pour l'arrêter, mais le fuyard le prit à bras-
le-corps et le jeta dans un fossé.
A ses cris, le seigneur s'arrêta au bord
du fossé:
— Qui t'a mis là? demanda-t-il au portier.
— C'est Moi-même.
— Dans ce cas, tu n'as pas à te plaindre.
Apercevant le valet qui courait vers le bois,
le seigneur recommença à crier:
— Tenez-mes-couilles-par-derrière.
Les domestiques rejoignirent enfin leur
maître, qui avait perdu de son avance en
causant avec le portier; ils se saisirent de sa
personne et le tinrent par l'endroit qu'il leur
désignait. C'est ainsi que le domestique put
disparaître et personne n'en entendit plus parler.
100. Enne princesse qu'i piche pa-
dessus ohes moies.
Un poysan il est mort en laichant trois fiux
après li. Quant il ont 'tè rentrés à leu moi-
son après l'I enterrement de leu pére, і se sont
consultés ensanne. Éche mort і n'étoit mie
riche ; і n'avoit qu'enne moison et pi un quiot
cuin de tére. Après qu'il on ieu bien devise,
CONTE» PICARDS
ches trois frères il ont résous que ehe premier
і ne prendroit rien dé Г1 héritage, qu'i laieheroit
toute à ches deux eûtes et pi qu'i s'n iroit tout
droit devant li pour tacher de foire fortunne ;
s'il avoit le chance éde réussir, і revaroit trouver
ses frères pour partager aveuc eux; s'i n'étoit
point revenu édevant un an pi un jour, éche
deuxième fiu i partiroit à sen tour pour chercher
après che premler. Étant queuts toutes trois
d'accord lo-dessus, éche premier il o don em-
brachè ches deux eûtes et pi і s'est envoie. En
sortant dé che village, il o vu deux routes;
eomme і ne savoit point lequéle prende, il o
jeté un Hard en l'air ; ch'étoit face; il o prins
che quemin à droite. 11 o marché longtans sans
vir eute cose éque des auberges ou bien des
fermes; і s'y arretoit au soir pour éde-
mander à conquer; éle lendemain matin, і se
rennalloit. I gny avoit quinze jours qu'i
marchoit quant і s'est trouvé au droit d'un
bien catieu.
— Ché sero pet-ête ichi que je trouverai m'n
affaire, qu'i s'est di en part li. Rentrons; jé
demanderai à me foire prende à che service
éde ches moites.
Oui, mais, tous ches plaches il étoite prins.
En s'n allant, il o rencontré cheti que ch'étoi
à Ii che catieu, que ch'étoit che roi dé che
Котт. X. 18
274
CONTES PICARDS
poys ; il o avéré che jonne homme, qu'i li o di
à cœuse qu'i se trouvoit lo.
— Je n'ai point de quoi t'occuper à che
moment-chi dens men catieu; seulemen, j'ai
eute cose à t'offrir. J'ai enne fille comme o
n'en voit point nenne part: al piche pa-dessus
ches pu hentes moisons. Tous ches sérusiens
que j'ai foit venir i nen o poin ieu un qu'il
о sen le guérir ; est malhéreux pace qu'ai est
rudemen gentie. Si tu peux l'i empéquer de
picher pa-dessus chesmoies que tu feros ti-méme,
été fortunne al sero foite, éje té ferai marier
aveuc elle. Retiens bien éque si tu n'y arrives
point, éje t'envoierai rejoinne dens leu cachot
ches sérusiens et pi ches charlatans qu'i n'ont
point peu réussir dens che que je leus avois
quémandé. T'os bien comprins, no point?
Tate-te pour savoir si tu porros arriver
à ho.
Éche jonne homme, il o buignè un molet,
après il o di à che roi qu'il acceptoit; écheti-
chi il l'o foit rentrer dens che catieu, i li o
foit donner un habit de médecin et pi il l'o
foit dîner aveuc ése féme et pi se fille; chéle-
lol al étoit si gentie que che jonne homme і
ne povoit point s'empéquer dé l'I érebeyer; о
li о donné enne chambe dens che catieu jusqu'à
tans que le moie al seroit foite.
CONTES PICARDS
275
Éle lennemain, no homme il o 4è coisir
enne plache dens ches camps; il o foi acondnire
cinq-six chents voitures éde forrage. Ho foit,
il o été queurre chent ouvriers pour foire
enne moie.
— Si le princesse al piche pa-dessus un
pareil tos de fin, qu'i pensoit en part li, éje
veux bien perde men nom.
Il o été dire à che roi que le moie al étoit
foite. Éle lennemain, éle princesse al est arrivée;
al s'est mi à rire en voyant le moie ; al o re-
troussé se robe et pi al o pichè coire bien pu
heut que le moie. Éche jonne homme і n'n o
'té fin saisi. Pour obéir à che roi, ol l'o aherd
et pi ol l'o enfermé dens che cachot aveuc
ches médecins qu'i n'avoite point miux réussi
que li.
Un an et pi un jour après que che premier
frère і s'étoit en allé, éche deuxième frère і s'est
envoie à sen tour ; il o suit le mumme quemin
que l'eute. Quant il o ieu marché quinze jours
durant, il est arrivé à che catieu où que sen
frère і s'étoi arrêté aussi; il o demandé à se
placher comme domestique. Éche roi il l'o
aperchu; i li o offert éle mumme chose qu'à
sen frère ; l'eute il o di oui. Comme o li avoit
foit boin visage dens le famille dé che roi,
éche jonne homme і se croyoit déjo ête sen
18*
276
bien-fin. aussi i pensoi à che qu'i feroi après
sen mariage. U o eoisi enne béle plache dens
ches camps, où qu'il o foi amener six mille
voitures éde fin ; après, il o prins mille ouvriers
pour foire enne moie.
Éle lennemain, éle princesse, en arrivant do-
long le moie, al s'est mi à rire à gafèe; al o
retroussé ses cotrons et pi al o pichè coire Men
pu heut.
Éche deuxième frère il o 'tè rejoinde éche
premier dens sen cachot, que ch'étoit che prison
dé che roi.
Éche dergnier frère і quemenehoi à s'ennuir
tout plein dé ne point vir érevenir ses deux frères.
— Pour seur, i leus est arrivé quéque mal-
heur dens leu voyage, qu'i se disoit en H-méme.
Ha ne seroit mie bien à mi dé ne point aller
au-devant d'eux et pi dé s'z aider s'i leus est
arrivé un accident.
I s'est don envoie à sen tour. Sans le savoir,
il о suit le même quemin qu'eux, ha foit qu'il
est arrivé aussi devant che catieu où que ches
deux eûtes il étoite en prison. Il о rentré;
il о vu che roi ; і n'o point demandé miux que
de foire éche qu'i li о 'tè offert.
A tabe, en dînant, il о trouvé que le prin-
cesse al étoit gentie; elle, al l'o trouvé bien
comme i feut; і s'est n'n est aperchu; il о ré-
CONTES PICARDS 277
eons de e'en saquer. Par nuit, і n'o foit que
songer dé le princesse; il o 'té matinenx, ha
foit qn'i s'est mi à huigner à s'n aise.
— Tout de même, qu'i s'est dit, si j'arrivois
à dépuceler le princesse édevant, j'ai idée qu'a'
ne picheroit pu aussi heut. Éje sut seur éque
cha tient à sen pucelage. Éje m'en vos essayer
che moyen-lo.
Quant éle jour il o ieu 'tè arrivé, і s'est levé et
pi il o 'tè se promener dens che parc dé che catieu.
Éle princesse a' n'avoit point peu dormir du
tout dens tout se nuit. Al avoit toujours éche
bieu visage dé che jonne homme édevant ses
yux. Al s'étoit levée à le piquette du jour
pour aller se promener aussi dens che parc, où
qu'ai o tombé de rencontrer che jonne homme.
Écheti-chi і n'o point laichè écapper le béle
occasiou-lo; і s'est approché dolong le jonne
fille, i li o dit qu'i se morroit d'amour pour
elle. Éle princesse al s'y est laichè prende
aisémen; aussi, enne heure après, a' n'avoit
pu sen pucelage. Al est revenue à che catieu;
éche jonne homme і s'est coire promené jusqu'à
tan s qu'o s'est mis à tabe ; il o rentré comme
si dé rien n'étoit.
A remontée, il o foit mener rien qu'enne
voiture éde fin d'un cuin dé che parc et pi il
o di à che roi éque tout étoit prêt.
278
Quant éche roi, qu'il étoi aveuc ése fille, il
est arrivé au droit dé le quiote moie, il o de-
mandé à che jonne homme s'i і voloit se foute
éde li; i li о dit de foire foire enne moie bien
pu heute. L'ente il о répondu qu'étoit bien
comme ho; éche roi il o di à se fille éde picher.
Quèche qu'o été saisi? Ch'étè che roi et pi
le princesse quant chéle-chi a' n'o peu arriver
qu'a picher dessur ses bos tant que che bien
quiot endroit où que che jonne homme il avoit
travaillé d'étroit qu'il étoit tellemen qu'il étoit
venu grand.
Éje vous demande si che poysan il étoit con-
tent. Éle princesse, sans le laicher vir, al étoit
tout aussi contente. Éche roi il o 'tè obligé
dé le marier aveuc éche jonne homme. Éle
noce al o été fin béle et pi ches deux frères
dé che marié il ont 'tè princes et pi il ont
vécu heureux. _ л т rt„ooeft4
(Kryptadia, і, ззз-зз9.)
101. Éle bague enchorehelèe.
Un homme il avoit trois fiux qu'il avoi
élevés de sen miux.
Il est venu des mauvaises récoltes ; éche povre
homme il о 'tè réduit quasimen à le mendicité.
Enne fois au matin, il о 'tè trouver ses trois
CONTES PICARDS 279
fiux, qu'i travailloite dens ches camp; i leus
o dit dens que position qu'il étoit.
— I fodroit qu'i gny en euche un de vous
qu'i s'en voiche éde no moison pour foire sen
tour éde France pour chercher fortunne.
— Ché sero mi! qu'il ont dit toutes trois
ensanne.
— Trois ché seroit de trop ; quèche qu'i gny
éroi à m'n enterrement quant éje morrai bien-
tôt? Éque Jean, che premier, i prenche sen
baton aveuc enne galette éde blé pi qu'i s'en
voiche foire sen tour éde France. Si, d'un an
et pi un jour, і n'est point revenu khi» Pierre,
éche deuxième, і s'n iro au-devant de li.
— Ch'est ho, qu'il o dit che premier.
— Ch'est ho, qu'il ont dit aussi ches deux
entes frères.
Jean il o prins se galette qu'il o mis dens
s'n ébesache et pi і s'est envoie aveuc éle
bénédiction de sen viux pére.
I ne savoit point de trop de que cote s'n
aller, quant il o aperchu deux hérondéles : i sJz
0 suit. Jean il o marché pendant huit jours;
1 e'arretoit dens ches fermes pour édemander
un cantieu de pain dens le jour et pi enne
gairbèe pour езе couquer par nuit; au bout
dé che tans-lo, il o ieu un grandécime bos à
traverser.
260
Quant і n'n о été sorti, ilow enne béle
fontaine; il о 'tè pour éee deesapir. Enne
vieille féme aveue un jonne homme habillés
en noir toutes deux, il étoite aaeie dolong le
fontaine. Sans leu dire un mot, Jean il о été
boire ; après, il о mengè un morcieu dé se galette.
Éche jonne homme і Г1 érebeyoit menger.
— Os vous appelez Jean? qu'a' li о dit le
vieille féme.
— Tiens, où qu'os ave* seu men nom?
— N'importe. Donnez don un morcieu
dé le boine galette qu'os mengez-lo à che-t-
heure.
— Ah! ah! vieille chorchére, os croyez-tî
point que je sut venu ichi pour aorrir vo cœur
falli de fin? A cœuse qu'i ne travaille point?
I porroit s'acater de ches boines galettes pus
qu'i nen bourbète.
— Ch'est bien, ch'est bien, j'ai volu vous
éprouver. Os érez bientôt à regretter d'avoir
ieu movais cœur.
Éle vieille féme en noir al s'est envoie avenc
sen fiu.
Sans pu penser à ho, Jean il o continué de
menger et pi il o reprins sen quemin.
A enne iue de lo, і s'est trouvé au droit
d'un catieu si bien, si bieu éque jamois і n'avoit
vu rien de pareil.
CONTES PICARDS 281
Sur éle porte, і gny avoit d'écrit en lettres
dorées :
— Éje sut jonne, éje sût riche, éje sut béle.
Cheti qu'i varo à bout dé me contenter, і sero*
m'n homme.
— Édepuie huit jours que je cherche for-
tunne, qu'i s'est dit che jonne homme, éje n'ai:
coire érien trouvé. Enhui, éje m'en vos été
récompensé. Vlo che qu'i me feut. Éje sut
un solide gaillard ; jé ne serai point mal prins
de contenter le princesse. Entrons.
Il o été rechu par enne jonne féme éde ches
pu gen tie qu'ai Го foi entrer d'un bieu salon.
Éche poysan і ne savoit mie quoi foire éde
ses mains en se voyant au mitan de tous ches
bélés choses qu'i gny avoi autour éde li. A la
fin dé che dîner que le princesse al avoit foit
servir, і n'étoit pu si emprétè.
— Vlo qu'i foit nuit, qu'a' li dit. Allons
nous couquer; os voirons si tu séros me con-
tenter. Si tu réussis, tu te marieros aveuc
mi; si tu n'y arrives point, mes soldats i te-
coperont te téte.
— Ch'est ho, ch'est ho!
Éle princesse al o mené éche jonne homme
d'enne chambe à couquer pu béle écoire-
éque tous ches appartements dé che catieu.
282
CONTES PICABDS
I s'est débillè ; éle princesse a' n'n o foi au-
tant et pi і se sont couquès ensanne.
Jean і s'est mis tout de suite à che travail.
Éle princesse al l'aidoit du minx qu'ai povoit.
Après le première fois, ch'étè enne deuxième,
pi enne troisième, pi enne quatrième tant et
si bien que Jean et pi le jonne fille і n'ont
wère dormi par nuit, ha foit qu'à le piquette
du jour і se tenoite coire embrachès comme
éle veille.
— Vlo le jour arrivé, qu'i dit che jonne
homme. I me sanne à vir éque j'ai bien
travaillé par nuit; os devez n'n été bien
contente.
— Contente? Contente? J'ai idée qu'os
radotez. I mé n'n éroit fallu quate comme
vous pour éme contenter. Soldats! qu'ai crie,
copez le téte dé cheti-chi.
Des soldats і sont rentrés et pi il ont copè
le téte dé che pover Jean.
Éche premier frère il étoit parti depuis un
an pi un jour sans que jamois des nonvéles éde
li і fuche-te arrivées à le moison de sen pére.
Aveuc gros cœur, éche pére il o donné se
bénédiction à sen deuxième fiu en Г1 envoyant
au-devant de Jean.
— Vlo enne galette d'orge; jé ne peux point
te donner miux. Marche éretrouver ten frère.
CONTES PICARDS 283
Pierre, en sortant dé che village, il o vu deux
Tiérondéles; і s'z о rebeyèes voler et pi il о
prins che quemin que sen frère il avoit suit
l'ennèe dé devant.
Au bout de huit jours éde marche, il est
arrivé à le même fontaine: il о vu le féme
€ii noir aveuc sen fiu.
— Os vous appelez Pierre, qu'a' li o dit.
— Où diabe, chorchére, qu'os avez seu
«nen nom?
— Quoi qu'ha te foit? Donne don un mor-
«cieu de galette à men fiu.
— Ch'est-ti qu'os croyez que je sut ichi
pour norrir vo feignant de fin? Foisez-le
travailler et pi laichez-me menger tranquillemen
me galette.
— Bon, bon; os vous en souvarez, jonne
homme.
Éle vieille féme al est partie; Pierre il o
reprins se route; il est arrivé à che même
■catieu que sen frère.
— Eime boine fortunne ! qu'i s'est di en li-
sant che qu'i gny avoit d'écrit.
П o rentré dens che catieu, où qu'il o ^tè
bien rechu.
Quant éle soir il o été arrivé, il o conque
aveuc éle jonne fille; tout du long dé le nuit
jusqu'au jour, il o foit l'amour.
964
— Et pi, j'ai-ti peu vous contenter, princesse?
— Os voue moquez de mi. Point du tout.
I m'éroit follu pour lé moine trois hommes
comme vous pour éme contenter... Soldats,
copez le téte dé cheti-lo.
Ohes soldats і sont arrivés; i li ont copè
se téte.
Un an pi un jour il étoite coire passés.
Jean et pi Pierre і n'étoite point revenus*
Éche troisième frère il o volu partir à sen
tour. Sen pére il o volu le foire rester : і n'o
point peu.
Éche pére il Го béni comme il l'avoit foit
pour ches deux entes et pi i li o donné enne
galette d'orge aveuc des chendes. I gny
avoit tant de povertè à leu moison!
I gny o coire ieu deux hérondéles qu'il ont
montré che quemin qu'i folloit suire. Au bout
de huit jours, il étoit arrivé à che grandécime
bos, après à le fontaine où qu'i s'est arrêté
pour ése rafairchir et pi menger un morcieu
dé se movaise galette d'orge et pi de
chende.
Éle vieille féme en noir et pi sen fiu il étoite
toujours lo assis à che bord dé le fontaine.
— Bojour, Thomos, qu'a' li dit.
— Bojour, boine féme. Os me connai-
chez don?
— Un molet. Vodrois-tu donner un morcieu
dé te galette à men fin qu'i nen meurt d'envie ?
—- Bien oui, don. J'ai bien de l'ennui qu'a'
ne ruche point pu boine. Jé le donne comme
jé l'I ai.
Il o donné à che quiot che pu gros morcieu
dé se galette. Éche fin dé le vieille féme il
o mengè le galette aveuc granmen d'appétit.
— Thomos, t'est un boin gairchon. Éje saie
que tu cours après le fortunne. Vlo enne
bague qu'i te serviro à Г1 attraper. A chaque
fois que tu diros: Dominus vobiscum, i gny
éro quéque cose éde ten corps qu'i s'allongero;
quant tu diros: Sur sum corda, éche qu'i se
.sero allongé ha se raccourchiro. Adet,
Thomos.
*Éle féme et pi s'n éfant enne fois partis,
Thomos il о volu éprouver le bague; і s'est
aperchu que le grand'mére a' n'avoit point
menti. Il о continué sen quemin ; il est arrivé
•à che catieu; il о lu:
— Éje sut jonne, éje sut riche et pi béle.
Écheti qui varo à bout dé me contenter, і sero
m'n homme.
— Bon, bon, qu'i s'est dit Thomos, vlo che
qu'i me feut.
Il о rentré dens che catieu, où qu'il о 'tè
bien rechu tout comme ses deux frères.
286
Os o passé dens le chambe à conquer; à-
peine dens che lit, Thomos і s'est mi à voloir
contenter le princesse. Tout du long dé le
nuit, chéle-chi a' n'o poin ieu un moment dé
repos. Dret qu'étoit fini, o requemenchoit.
A le piquette du jour, Thomos і demande:
— Et pi quoi, princesse, os êtes-ti contente ?
— Contente? Ch'est pour rire qu'os me '
disez ho? Deux comme tous і n'éroite mie
été de trop.
—r Si ch'est ho, éje peux continuer, don?
— Ah! oui, tant qu'os vodrez.
— Ch'est bien.
En part li, Thomos il o dit: Dominus vo-
biscum; tout de suite, l'effet dé le bague і
s'est foit sentir. Il o requemenchè sen tra-
vail ; éle princesse al o hanse pu fort, tout en
disant qu'a' n'étoit point recrande.
A le deuxième fois, і apport à le bague et
pi à ches deux mots latins, os éroit entendu
le jonne fille ése plainde à l'eute bout dé che
catieu. Éle fois-lo, Thomos il o dit enne
renguie de Dominus vobiscum d'afilèe; il o
mis tant d'action à sen travail éque sen
membre i sortoit par éle bouque dé le princesse.
— Éle fois-chi, os êtes-ti contente?
Al o volu dire nan; a' n'o point peu nen
venir à bout; al o avoué qu'ai avoit lé des-
CONTES PICARDS 287
sous. Thomos і n'n avoi aussi tout sen seu.
Ches jonnes gens і se sont levés et pi après
о s'z о mariés.
Quéque tans après, Thomos і se baignoit
dens le rivière qu'i gny avoit point loin dé
che catieu. Ses hardes il étoite édessus che
bord.
Un curè il est venu à passer dolong le ri-
vière. Éne voyant point che baigneu, il о ieu
Fidèe de beyer dens ches poches éde ches ha-
bits qu'i se trouvoite lo; il о vu le bague
enchorchelèe qu'il о emportée. Al étoit si
béle, que che curè il Го mi à sen doigt le
lennemain pour canter messe. Ch'étoi un di-
menche; l'église al étoit pleine éde gens. Tout
о été fin bien jusqu'à che premier Dominus
vobiscum. A che moment-lo, éche curè і s'est
demandé quoi qu'i se passoit de drôle édes-
sous se suténe. A che deuxième Dominus
vobiscum, ch'étè bien pire, et pi à che troi-
sième coire pire. Os о vu tout d'un cœup
enne espèce éde boyeu fin drôle qu'i déchendoit
tout du long dé Г1 autel, qu'i suivoit le grande
allée et pi qu'i sortoit par éche portail en
s'allongeant, s'allongeant toujours sans finir.
Éche pove curè il étoit venu rouge, pi après
violet, pi après bleu. Ches fernes і se sont
sovèes; ches hommes et pi ches éfants і s'z
C0NTK8 PICARDS
ont suit. Éche saint homme il o sorti dé s'n
église pour rentrer à sen prébytère; і s'est
foi aider par ése serrante pour triner le drôle
dé queue qu'ai venoit de li pousser. Os o
appelé eérusiens sur sérueiens pour guérir
éche curé. Poin un n'o peu nen venir à bout.
Si, par hasard, Thomos і n'avoit point seu
l'affoire, éle queue al seroit restée à che cure.
Thomos і s'est foit rende éle bague, et pi, à
forche éde dire Surmm corda, il o guéri che
/-curé, qu'i n'n o été bien content. Si Thomos
il avoit coire dit un ou deux Sursum corda de
pus, éche pove curé і n'éroit pet-ête pu ieu
de moigneu du tout.
(Kryptadia, I, 349-369.)
102. La crainte justifiée.
Deux individus se rendaient entre eux les
devoirs qu'un mari doit à sa femme. Cet
état de choses contre nature durait depuis
quelque temps lorsque l'un d'eux tomba malade ;
il souffrait beaucoup du ventre. Au lieu d'aller
consulter un médecin, il prit le parti de
s'adresser à un rebouteur, sorte de guérit-tout
dont les honoraires étaient peu élevés; à la
vue de l'urine, il déterminait la nature de la
289
maladle et remettait les remèdes qui devaient
être employés. Or, le malade ne se trouvait
point en état de pouvoir se rendre chez l'em-
pirique, lequel demeurait à plusieurs lieues de
son village; il prit le parti d'y envoyer sa
voisine ; il pissa dans une bouteille, qu'il remit
à la bonne femme en la priant d'aller trouver
le rebouteur.
La commissionnaire partit à pied; mais,
quand elle fut arrivée aux premières maisons
du village où elle se rendait, elle buta si
malencontreusement contre une pierre qu'elle
se laissa choir; en tombant, elle brisa la bouteille
et toute l'urine se répandit sur le sol. Que
faire? Elle ne chercha point longtemps. Elle
entra dans un cabaret du voisinage et s'y pro-
cura une bouteille, qu'elle emplit de sa propre
urine. Arrivée chez le rebouteur, elle lui
remit la bouteille en le priant d'examiner son
contenu pour déterminer la maladie de la per-
sonne qui l'envoyait vers lui. Après un examen
attentif, l'empirique prit une plume et griffonna
quelques mots sur un morceau de papier qu'il
remit à la femme. Celle-ci paya le rebouteur
et retourna vers celui qui l'avait envoyée. Le
malade déplia le papier et lut cette singulière
ordonnance: „II n'y a rien à faire; il faut
attendre le trente-sixième mercredi; cette.
Kqitcx* X. 19
290
orme est celle d'une personne enceinte.*
L'homme s'écria aussitôt en s'arrachant lea
cheveux :
— J'avais toujours eu peur que ce gros,
cochon ne finisse par m'emplir; il y est arrivé.
C'était inévitable, il me faisait toujours mettre
par-dessous.
Table des matières.
page
1. Précocité.......... 1
2. Synonymes.......... 2
3. Jen de mots......... 4
4. Pour les dames........ б
6. Une leçon de français...... 6
6. Un veau trop jeune...... 7
7. Un taureau ardent....... 8
7 a. Variante........ 11
7b. Variante........ 12
8. Voisin et voisine....... 14
9. Un gamin pratique....... 16
10. Le bout d'andouille...... 17
11. Au marché à cochons...... 18
12. Les deux colporteurs...... 20
13. Couveuse.......... 22
13 a. Variante........ 24
14. Réponse grasse........ 26
14 a. Variante........ 26
15. Interrogatoire........ 27
16. Mot à double entente...... 32
17. La clef........... 33
18. La clef du paradis....... 34
19. L'aiguille qui,marque six heures. . 36
20. Plus poli que son maître .... 37
21. Otez votre canne....... 38
22. Les grains de beauté...... 39
19*
292 TABLE DES MATIÈRES
page
23. Pour boucher un trou...... 41
24. La statue raccommodée..... 42
S5. Calèche avalée........ 44
26. L'andouille.......... 46
27. Recommandation inutile..... 48
28. Rétrécisaftiaent........ 48
29. Ce sera différent....... 49
30. L'observance du carême..... 50
30a. Variante........ 51
31. Le doreur.......... 52
32. Juste repréeaiile....... 54
33. Exigences satisfaites...... 56
34. Le coq du clocher....... 58
35. Poule écrasée......... 60
36. Les deux perdrix....... 61
37. Une franche réponse...... 66
38. Le roi et le meunier...... 66
39. Le balai de la jeunesse..... 74
4K>. L'agilité de la fermière..... 75
41. Le souper.......... 76
42. Enne vève inconsolabe..... 77
48. Un mari à l'aise....... 79
44. Le boucher et la fillette..... 80
44 a. Variante........ 82
45. Voleurs de prunes .... . . 84
46. Avez-vous vu mon veau? .... 85
47. Le chat........... 86
48. La plus âgée des deux..... 87
49. Tu as monté aussi sur Jeannot . . 89
50. Passe, minette........ 91
51. La cachette.........
82. Dans quel trou?........ 94
52a. Variante........ 96
53. Cas de divorce........ 97
54. L'épaisseur d'un sîx-liards .... 100
TABLE DES MATIÈRES 298
55. La pelle à feu........ 107
456. L'esprit dé le nuit...... 110
67. Le teinturier........ 112
68. Chez le boucher....... 116
69. Repas de noce mouvementé 115
60. Accusation fausse....... 118
61. Celui d'en haut y pourvoira . . . U 9
61a. Variante........ 121
62. Le coucou......... 122
«8. Comme les chiens....... 125
64. Pluie artificielle....... 128
66. Mal embrochée........ 180
66. Enfant terrible........ 188
67. La fabrique du monde..... 184
66. Les quatre chiens....... 186
69. Première nuit de noces..... 141
70. Les (Edipes......... 141
71. La montre à répétition..... 144
72. Pour ne pas user de souliers . . 145
72 a. Variante........ 146
73. Noiraud.......... 148
74. Recommençons........ 150
74a. Variante........ 152
74 b. Variante........ 155
74 c. Variante........ 163
74 d. Variante...... . 164
76. Partons ensemble....... 174
76. Comment on devient grand-père . 176
77. £e baudet du magister..... 178
78. Economie.......... 182
78 a. Variante........ 184
78 b. Variante........ 186
79. La bonne fée........ 187
80. La souris et la grenouille .... 195
80 a. Variante........ 199
294 TABLE DR8 MATTERES
Page
81. La téte de brochet...... 200
81 a. Variante........ 205
82. Fondeurs d'argent...... 206
88. Sous le hangar....... 209
84. La corne de la räche..... 211
84a. Variante...... . 218
85. Le soldat étranger...... 214
85 a. Variante........ 216
86. La femme du charron..... 218
86a. Variante........ 221
87. Ah! quel bonheur!...... 224
88. L'étalon du gouvernement . . . 225
89. Pour ne pas être mouillée . . . 228
90. L'invalide......... 230
91. Origine d'un dicton...... 231
92. La tante et son neveu .... 233
93. En mesure......... 235
94. Exigence.......... 236
95. Eche planton dé che colonel . . 240
95 a. Variante........ 243
96. La souris......... 244
97. L'aiguille et les pelotes de fil . . 250
97 a. Variante........ 254
98. Le maréchal et son ouvrier ... 256
99. Le voleur aux trois noms . . . 259
99 a. Variante........ 265
99 b. Variante........ 268
99 c. Variante........ 270
100. Enne princesse qu'i piche pa-dessns
, ches moies........ 272
101. Ele bague enchorchelèe .... 278
102. La crainte justifiée...... 288
Gaelic erotica.
A Scottish bishop, Gawin Douglas 1474 to
1622, wrote,
" Consider it warilie, rede aftiner then anil
Weil at ane blink alie poetry not tone is."
This is quoted to show that Scottish bishops
not only themselves read "sly poetry", but
could instruct others how to read it with
understanding. Without professing any marked
amount of humility, the writer in what is here
written is merely following at a distance in
the footsteps of the Bishop of Dunkeld.
Educated as a medical jurist the collector
early saw that shutting the eyes and ears to
slimy facts conduced to mistaken diagnosis
and its inevitable results, a fact true in
history as in medicine.
Suffice it to say that mere erotic discourse
has been, and is, entirely foreign to his aim
and object All has been collected by persons
GAELIC EROTICA
of education, in some cases by modern repre-
sentatives of the profession of Gawin Donglas,
all being Scottish Highlanders using Gaelic
from their childhood upwards. Nor have they
failed to express in idiomatic Gaelic an
opinion of our coujoined research. "Cearc
sgrob air otrach", a hen scratching on a
dunghill, one called it. "Cu muin air sneach-
dadh", dog piss on snow, which however
seems to suggest some subsequent defilement
of purity, which we may hope will not be
the case.
If it is true that James V (1512 to 1542)
wrote "We'll gang nae mair a roving", over-
refinement had not reached kings any more
than bishops at that date. James' incognito
of the "Gudeman of Ballengeich" has caused
some research to identify the locality. Baue
is a 4own', doch is a 'woman's breast', but
cioch-bhraghad or cioch-ahlugain is the
'uvula',
which of course is the exact equivalent of
the Low country pap-o-the-hais, but more
accurately suggests the restricted application
t)f ciçh to the teat. The name may not admit
of critical grammatical examination, but re-
membering that it has been handed down to
Us from the mouths of Lowlanders, there can
be little doubt that the locality alluded to
GAELIC EROTICA
297
was the abiding place of a small portion of
erectile tissue which the author of the song
alludes to when he finishes by saying "Oh,
for siccan quarters as I had yesternicht". It
was what the Southern Slav calls, in its Ger-
man translation, the "red Kitzlerburg" (Krup-
tadia УП, p. 132).
We must put in a word of excuse for the
Church's crusade against "seanachas", which
in some places is the expression for immodest
talk, though to be exact it should be qualified
by the addition of droch, of course it mean&
traditional information, but has come tj be
somewhat equivalent to "old wives tales'V
which expression again is quite a common
euphemism for "sly" stories. A knowledge
of this must be held as the effective reason
for the stern countenance shewn to all such
discourse.
If we content ourselves with the spelling
of the name of the great Gaelic hander-down
of traditional poetry "Oisin", it may mean
''little deer", but if we were to look at it as
an impersonification of what we have, nomi-
nally, to thank him for, a name similar enough
might be conctructed from the Gaelic pre-
position ua 'from' and sen 'old'. No
doubt
the preposition is usually followed by th*
298
aspirate, but we are talking of "sly" matters,
and the originators of such a name were not
likely to play, with their cards on the table,
to say nothing of those who were making a
living personage of him, (Veen.
As an illustration of how terms common in
one language may appear obscene in another,
and, how such may appeal to the greatest
minds, we find in Shakespeare's Henry V. Alice
is represented as teaching Princess Catherine
English. She tells her the words for the foot
and the robe. "De foot, Madame; et de coun",
Catherine says "De foot et de conn?" "O
Seigneur Dieu, ses sont mots de son mauvais...
Je ne voudrois prononcer ses mots devant les
Seigneurs de France, pour tout le monde."
(Act ПІ, sc. IV.)
Aed, fire.
The phallic significance of fire is well known.
The preponderance of evidence is in favour
of the well-known name Mackay (M'Aoidh)
meaning 'son of fire'. It is enough for our
purpose here if it is admitted our early
"historians" were cognisant of this fact and
so to say traded upon it. Now-a-days there
is quite a common expression that such and
such a thing is not the "real Mackay".
GAELIC EROTICA 299
A euphemism for a phallic matter is to say
that it is "vulgar". The following is on the
authority of a minister of the Church: — "I
know in one instance in Perthshire, the reason
assigned for changing the name Mackay to
3Iacnaughten was, that Mackay was thought
a, vulgar name". It is not to be understood
that the reverend gentleman necessarily in
this instance equated vulgar in his mind
with phallic.
Adag.
'A corn stook', 'a hat', adagan 'a little
■cap*. Any head covering may be U3ed ambi-
guously in Gaelic. Ceap (a cap) has been so
used. A woman has been silenced for singing
the song "A bhonneid dbughorm thogarrach"
(0 dark blue bonnet desirous, or, cheerful)
because it was considered suggestive, thus the
expression "chunnaic mi adag" (I saw a little
hat) means that a "nochd" (making bare)
had occurred.
Aiming.
Angus Macan Og, a fabulous Irish creation,
is represented as having with him "the king's
sons of Ireland and Scotland acquiring the
art and craft of missile weapons" in "the
fort of strong hair". The children in a
Perthshire mixed public school were kicking
300 GAELIC EROTICA
a football about. Ose of the boys struck
with the ball one of the girls, her remark
was "mar cuimsich thu nit fearr na sin, ia
grathun mun toir do mhac beannacdh ort"
(unless you aim better than that it will be a
time before your son gives you a blessing).
The locality struck was in the neighbourhood
described as Angus' school of instruction.
Airnean.
Kidneys. It is unlucky for a woman to
eat a single kidney, if she does the man she
will marry will be a rick (ruig G. a ram
with only one testicle). The old Gaelic for
kidney is ага, аги, meaning also a 'chariot
driver'. Airne is 'a stone' and 'a sloe'
(Meyer). In the Lebar Aide (p. 854) the
testes are called "na hairne toile" (the kid-
neys of desire). We thus see clearly the con-
nection between the testes and kidneys, and
taking the view we do of the Irish stories of
chariots and charioteers and that ar is a
4plough', it seems likely that ara 'a
chario-
teer' is a glorification of a more likely 'plough*
man', and that Laegh, Laeg, Cuchulain's
charioteer, owes his directing powers from
the possibility of connecting his name as spelt
with leag, leug, 'a precious stone'.
GAELIC EROTICA
301
Amadan.
Campbell in bis "West Highland Tales"
.gives a story which he calls "Laoidh an
AmadainMhohr" (the Lay of the Great Fool).
He says "there is something allegorical in
the adventure. There is a înystie valley m
which the hero is tempted and yields to a
•cup of pleasure". Amaethon is Welsh for an
'agriculturist', arddwr is a 'ploughman' also
in Welsh. Campbell draws attention to the
connection evident between this Lay and the
storks of Arthur and of Ретопмк L'Idiot.
The following conversation occurred regarding
a story told of a eertain Uilleam a Choire
{William of the Cauldron) said to have deri-
ved his name from "looking after the drain-
maker's kettle". According to the reciter he
was a leanan sinmeh (a fairy sweetheart)
young, beautiful, active and admired and
characterised as eolach, 'knowing'. The story
was told as a quite modern occurence, and
the point of it was his getting possession of
a young girl. "How did he manage it?" said
one. "Le amaideachd mhor." (With great
foolishness or foolhardiness.) "Cha d'fhuair
duine glic e, ged a dh'fheuehadh e ris" (a wise
manwotttd not have managed it if he had
tried). "Ciod thuirt e rithe?" (What did he
302
GAELIC EROTICA
say to her?) "Ged ghul thu, 's ged chaoin
thu, theid so riut." (Though you cry, and
though you complain, you must have this.)
The simile which occurs to one people, will
probably occur to another, and in Kruptadia VI,
279, what is there called "einen kalten Bauer"
shows the phallic connection of cultivation
and cultivators. We need not refer to the
Garden of Eden from which man takes his
origin.
Aphrodisiacs.
Were known to the least educated in
Perthshire in the middle of the last century.
It is not to be understood that the planta
credited with this power were really effective,
but that those who spoke had some knowledge
is certain, for one reciter, to use his own
words, had seen a lad from the Appin of Dull,
"blacken his bod with diseased corn", evi-
dently ergot. (See Kruptadia П, 268.)
Apple tree.
Craobhan abhall. This expression certainly
was used by an old man as a name for the
male organs, but while this was admitted he
could not be got to translate the phrase in
which he had used it or explain its meaning
in Gaelic.
GAELIC EROTICA
303
Aire, Ark.
A large chest. The ravine of Ben Crnachan
in Argyleshire is so called. A residenter
there explained that the word is applied to
the female organ, in cows at any rate, and
considered the resemblance of the ravine the-
reto remarkable. The Falls of Crnachan are
called Aire Beann. Loch Awe is one of the
lochs said to have originated from a woman
in charge of a well leaving the lid off. The
first Scots in Argyleshire were the sons
of Ere.
Bagais.
Applied to the scrotum and its contents.
In Deuteronomy ХХХП, 32, of the Gaelic
Bible, occurs the expression "tha'm bagaidean
searbha" (their clusters are bitter) used in
connection with the vines of Gomorrah, thus
the expression "Mar bhagaidan Ghomorrah"
is one of contempt. A friend who had to
wear suspensory bandages had them always
alluded to by the Gaelic speaking laundrymaid
as "bagaisean". In Kruptadia VII, 12, the
Gaelic bagais receives the Belgian Flemish
name of tros meaning 'a cluster of grapes,
currants, &c", the same idea therefore as the
Gaelic bagaid. These facts explain the name
vine, vit used in French for the male organ.
304
This must be an imported simile as there
are no grape-bearing vines in Gaelic Scotland.
Baldness.
"Cba'n eil meae air duine lom" (a hairless
man is no use). Baldness comes with age
and age implies weakness. Puberty is marked
by the growth of hair, and it is interesting
to note that those who insulted EHsha, a
name which seems to mean in an uncompro-
mising form, "El is the father" (Inman's
Ancient Faiths I, 480) are described as "little
-children", not having arrived at puberty;
why they were destroyed by «Лб-Ьеагз must
admit of some answer. Maol is the word for
bald and Elisha is called "fhir mhaoil" in
the Gaelic Bible. It is at any rate a curious
ee-incidence that a division of the Camerons
is called alternatively MacMhaolain and Mac
Mhairtinn meaning 'son of the bald' and 'son
ef Martin*. Now the most notorious incident
in St. Martin's history is his taking off his
eloak to divide it with a bare (lom) beggar.
Ball
A Gaelic speaking friend said "ball com-
passes all the meanings found in the Greek
ßecXXo). Ball is a 'limb' and to quote another
GAELIC erotica
805
Gaelic friend "words compounded with thit
are avoided as connected with bod". BaXX(o
means primarily to throw so as to hit (see
"Aiming" antea). It applies also to the eyes,
and we have in Gaelic story Balor of the
Evil Eye, and also to animals "to pnsh for-
ward" or "in front". All the meanings then
of Gaelic ball 'a member\ 'a spot', 'a ball'
agree with the statement above. We give a
sample of a pori-a-bevl (vocalised dancing
taue) which shows the use of the word in its
purely phallic sense.
"Ged tha 'n gillo dubh gun chlann
Ch» b'e choir© fain a bh'ann.
'S ana bha chaUaaf air a chall
Nuair thaJn eiridn air a bhall."
(Though the black lad is childless / It was not
his own fault / It was that the lass was wan-
ting / When his limb rose. /)
Compare such a verse as that with the one
of the South-Slav "Reigen" verses reported
in Kruptadia УП. A story, showing its use
as applied to a rope but also concealing a
secondary phallic meaning: — A minister
having been asked to marry an old man and
a young girl, asked the latter, would she not
prefer a young man who was present? "Cha'n
K(jv7iz. X. 20
зов
GAELIC ВВОТІСА
eil ball aige" (he hae no rope). "I'll put that
right", said the minister producing one. The
old man had to give way, for the "rope"
made all the difference in the world. (This
story seems suggested by the importance of
a rope to a St. Hilda fowler, or such like.)
There is another story demonstrating a si-
mile in connection with this An entirely
innocent young girl paid her first visit to a
fair where she is said to have learned the
names of all sorts of things hitherto unknown,
including boys, who were called "dosagaidh".
When asked what she would like for a fairing,
she answered, „buy me a dosagaidh". Dos
is an 'antler', a 'forelock', 'a bagpipe drone'
--something protruding in fact.
Beetle.
Daolag; boüeag. The first word of these
signifies a 'beetle', the second a 'maggot1,
,a white worm in dung'. "Gabh і ris a
bhoiteag" translated "she took the bait", a
common expression in Lorn for one too easily
tempted amatorily. Daolag is said to be a
slovenly woman; anyhow it is a term of re-
proach. Daol seems to equal duit, and
dui~
leag is translated in the Highland Society's
Dictionary as 'a term of affection for a young
GAELIC EROTICA
307
girl'. Duü says Windisch 'a creature', 'an
element'. There is another name for a beetle
eonach "eine Käferart wie daol". The pecu-
liarity of this latter animal is that its head
is shaped like a dog's (the first syllable con
must be explained), which attacks cattle and
makes them suddenly mad. It is peculiarly
hurtful to goats, and a dog bitten by it is
said to have the eonach. (Zeitschrift für
keltische Philologie I, 114.) The story of the
eonach seems a folk-lore parable, and the
eonach is probably nothing but an 'oobit',
'ubit', or as the writer remembered it always
being called 'a hairy oobit', a hairy cater-
pillar, and as Joseph Wright informs us
applied "figuratively for a rather shabby hir-
surt person". The expression daolag boiteag
was explained to the writer as referring to
the phallus.
In Breton the word for a beetle c'houü is
used for the male member, also for a lasci-
vious man, or otherwise, an intelligent, adroit
man. (Kruptadia VI, 9.)
Bell. Clag.
Repeating a story, a reciter spoke of the
male organ as "an clag", and of its movement
as a "call", thus carrying out the metaphor,
20*
806
GAELIC EROTICA
each being the usual use of a bell. Of course
bells are intimately associated with the clergy,
thus the following scandalous suggestion: —
"Ding, dang, dearaidh, baail do chlag a chleirich,
*S ma tha ding eile ann, oair ans fang (or toU)
elle e."
(Ding, dong derry, strike your bell O cleric,/
And if there is another ding in it, put it in
another cattle fold [or hole]).
Biodag.
Another port-a-beul.
"Tha biodag aig IlaeAlaadair
Dh'itheadh і mar gboarradh i,
Tha biodag aig Wae Thorn ais
Tha biodag leobhar mhor aig."
Biodag is the word translated 'dirk' and is
explained by the old fashioned expression for
a cutting weapon "hanger", and the word
leobhar was translated as meaning 'lower7,
therefore, The son of Alexander has a hanger /
It would eat as it cuts / The son of Thomas
has a hanger / He has a large lower hanger.
Bod.
Various names for:
Saady sabailt. (Sandy=Alexander=Alasdair.)
Jamie subailt.
GAELIC EROTICA
309
Daolag boiteag. (See Beetle.)
Do chuid.
Na h'agad.
An rnd.
Na th'air do ghinlan.
Doll.
Cork.
Fear odhar.
Achduin cungaidh.
Supple Sandy. / Supple Jamie. / Your share. /
What you have. / The thing. / What you carry. /
Doll. / Cork. / Dun (coloured) man or thing. /
Ointment box.
This is a word about which there can be
no doubt as to the meaning (phallus), and
there is no benefit to be derived from repea-
ting stories as to its uses, for instance, in the
case of a dog's name, Bod Dybh: portion of
a skerry bod-askeir, &c.
Bod ort. Br call ort. are "inelegant ex-
pressions not uncommon yet, used by women
when one comes on them unawares, say from
behind a door, as an intèrjective exclamation.
Those who use them are by no means in-
ferior in delicacy or decency, and the reciter
has heard these expressions from virtuous
girls where several young men were in the
310
company or within hearing. It 'created
laughter, brought a blush to the cheek of
the incautious one, but no reflection on the
respectability of their character." A girl
broke the spout off a teapot and exclaimed,
"0 do bhod". A traditional name for a tea-
pot is poit na h'adhairce. Compare this with
the word dos s. v. Ball.
Breall.
For the second of these exclamations.
Brell 'a lump', 'the glans'; in modern use
breall, breallach means one generatively imT
potent. The whortleberry is called "breileog,
braoileag". There are a number of vaccinia,
and this word seems to cover several of these
round shrubby fruits. The Fnglish whortle-
berry appears connected with such a word as
the German würz 'a root', 'a herb', what
might be described in Gaelic as lusan, a word
which has as a diminutive in the singular
been applied in saintly legend to the penis,
and luis is the 'rowan tree' with its coloured
berries of great magical potency. These inter-
jections are evidently not good wishes and
bod as the base of the disparaging epithet,
botach, bodach (old man). suggests sexual
impotency from age, though in more polished
GAELIC EROTICA
311
society it is accepted as meaning a clownish
person. This would lead to the conclusion
that bod is merely the male urinary
appen-
dage, so to say. We have seen that brellach
means 'impotent'. Everyone knows that the
prepuce is attached by a ligament to the
glans, the 'frenum', the bridle, and when we
regard the widespread custom of circumcision
and know that a "certain impotency is asso-
ciated with the youthful condition of the pre-
puce and frenum, the exclamation breall ort
suggests may you be "bridled", so as to be
impotent. Compare J. F. Campbell's "Mac-a-
Rusgaich" the "Son-of-the-Skinner", the glans
in fact.
Bod is used in the diminutive as lus
in
lusan. A friend temporarily taking school
work heard a small boy address a girl sitting
beside the fire on one or two peats as a stool,
"ciamar tha do bhodan?" (how is your...?)
which seems an irregular use of the term.
Bod is used for the horn of a lady's saddle.
"Alaedair bat soilisdeire
Cba obeileadh bat minieteir
Cbaidh e 'u aird tuatb, 'e thain e nuas taobh dcae."
This is a riddle and bod has to be understood
where the word bat 'bat' or 'stick' is used.
(Alexander with his water-flag boat / Which
312
would not hide a minister's / He went np
somewhat slower than he came down. / So
the reciter explained the Gaelic, which ho-
wever literally means He went np north /
He came down south / Compare dcasal,
'luckily'. Children do make toy boats of
waterflag leaves.
Highland tradition says that there is a
bone in the penis of the fox and the cat.
The writer has been unable to ascertain if
this is fact, but it is the case in the bear
and the racoon.
Boban.
Also spelt in Highland Soc. Dictionary "bo-
bug" 'a boy', 'a dear creature'. It is un-
necessary to give the origins suggested for
this word, e. g. boban 'a calf', bube
German
'a boy', &c. The word was used in an ob-
scene song "Stor, stor mor a bhobain, tog do
rud 's eirich". The exclamation stor, stor
was used to encourage a bull to fulfill its
proper function, and it seems to be merely
the English store meaning 'wealth', ,plenty'.
Now we have an Old English word bobbles
(testes) and an Old English expression for
turning a person out of some place "to give
him the bob", and another one for fruitless
GAELIC EROTICA
313
coition "dry bob", and Light Infantry men
were called "Light Bobs", and finally "bob-
tail" for a lewd woman. We suggest that
bob here is as English as stor and has
nothing
to do with the King's shilling. The meaning
of the Gaelic seems to be 'plenty, plenty,,
great his bobbing, lift thy rud and rise'.
Boichdean.
Used by an Argyleshire man with the mea-
ning of prepuce.
Boiceann is given as meaning 'a goat's
skin' in Irish, and in Scotland is applied to
the hide of animals of the chase. From this
a verb boicionnaich ' skin ' is formed, and thus
apparently arises the use of the above term
as the equivalent of the biblical Gaelic roimh-
chroicionn. It is also used as an expletive.
A school girl generally quiet, thoughtful and
well-behaved, rather raised doubts of this
opinion being correct by exclaiming, "boich-
dean!"
Bones, Gathering.
A girl supposed to be engaged in courting
rambles was asked, "'N ann trusadh chnamhan
bha thu?" (Were you gathering bones.)
4*14 GAELIC EROTICA
Brooding Nodding. Gurrach and Turaman.
Are used to express the action 'in coitu'.
compare Boban.
"Ma coinnichee cailleag og mi,
'S gun doigh aig air gluaead,
Bi mise ga turaraan
'S gurrach air a h-uachdar."
(If a girl comes in my way / And she could
not move, / I would be nodding / And broo-
ding on her top.)
Turaman describes the action of one slee-
ping in a chair, having a "nod".
Buadh.
"Tha i cho deas ri bean Rob, thogadh і
leine nuair bhiodh i airson bhuid." (As ready
as Rob's wife, she would lift her shift when
ehe wanted food.) Buadh is used in the
signification of a natural quality e. g. "tha
buadh araid air" ('it has a certain peculiar
-quality'), and also the Highland Soc. Diet, gives
it as a form of biadli 'food'. Its significance
in the expression quoted cannot be doubted.
Butter.
Gaelic, im.
" Chuir c lamb, air pit na cailleig
'S ehaoil leis gur e 'n t-im bh' aige
'S spairt о 'n rud ud innte."
GAELIC EROTICA
315
<He put a hand on the cunnus of the girl /
And thought that it was butter she had / And
he crammed that thing into it.)
Camus.
This in an obscene sense, means the space
'between the thighs, but in common use is re-
stricted to place names.
"Loisg a cbailleach a caniue le eibhleig,
'S cba bhi feum innt tuilleadh ri beo."
(The woman burned her camus [bay] with a
binder, / And she had no more use of it during
her life.)
Caol.
In ordinary use this is a term for what is
small, slender, lean, narrow, but is the most
•common attribute-of the male organ; "cha
robh ann ach Faldaradel, 's e cho fada cliaol"
{it was only Faldaradel, and it so long and slim.)
"Thog mi orm gu brocail
'S beul an an moich agam
Cha b'ann crom mar bhodach
Aoh gu fada caol."
<I went at it like a badger / In the beginning
of the evening / Not bent like old impotency /
But long and narrow.)
Coincidences could be multiplied considerably,
we only recall here the name of one of the
зів
GAELIC EROTICA
most prominent of the companions of Find,.
Caoilte, elongated.
Churning.
A very common and evident simile for
coitus. A correspondent called attention to
what was given him as a charm to bring
butter when it was difficult, "cuir clachan
na toin" put stones to its bottom (of the
churn). The stones should be warmed accor-
ding to other information, but in the original
was added "in entirely different circumstances
this milkmaid's charm has its exact counter-
part." A woman having received on loan a
churn staff (lonaid) she returned it with the
remark "gum bu fad 'bhies rud fad agad
agus comas a chrathadh" (long may a long
thing be yours and the ability to shake it.)
Ciocras.
Hunger, the High. Soc. Diet, says "canine
appetite" (cuacras?). It is the word used for
"longing", of pregnant women, so called in
the Low country.
ClacJi.
Is a biblical word, used in the plural cla-
chan, in the same comprehensive manner as
the English 'stones'
GAELIC EROTICA
317
Claraach.
A stringed instrument of music, originally
possibly of one incomplete octave, latterly a
multiple of seven notes; cfar'a board', stach
'seven', perhaps designed like the Tyrolese
zither. "Sgaoil i rium a clarsach ghiogail-
teach" (she spread for me her tickly harp).
The chorus to this line was "thigheadh", 's
gun rachainn air Mor nan eun". (I would
come and I would go on Sarah of the birds),
and other lines made it quite certain what
the clarsach was.
Cliathadh.
The 'Righ nan cearc' (king of the hens)
speaks.
" Chearcag bheag Hath
Cha deaa ai do chliath'
Qua an tig an t-earrach
Gu-gu-gu-gu-gu,
Tha do spogan salach."
(Little grey hen / I will not harrow thee /
Till the spring comes / Gu-gu-gu-gu-gu / Your
paws are dirty.)
Œiatk is a 'hurdle', the more ancient form
ef 'harrow', and we may call attention to the
Irish story which makes "Our father the Ur-
gent, meet the king of the "middle" of Ire-
land.who was a "rider", who got from him his
318
GAELIC EROTICA
'only eye* at a locality described as the Two-
Fords of Hurdles (Revue Celtique, УШ, 49).
Спарап.
A little lump, a knob. "'S e leigheas air
a chnatan, cnapan ith. Ma itheas tu chnapan
cuiridh e 'n cnatan as." This is a cure for
phlegm (snot) to eat a cnapan. If you eat
a 'knob' it will put out the phlegm. Thfr
reciter explained cnapan as "bod".
Cnatan.
Properly sputum, mucous discharge accom-
panying a cold in the head, used in preceding
entry with reference to sperm.
Coiligean.
Translated ' colic '. This appeared in a story-
told of one who turned back from attending
church because he had "coiligean", but it was
explained "cha robh ann ach caitheamh fath
air, 's a bha dhith air piltinn, chum 's gum
faigheadh e cothrom air an searbhanta".
There was nothing but cause of spending on
him, and he wanted to return to get a chance-
at the servant. Coilleag is applied to the goal
at shinty, hocky, and is also used to express-
a smart blow.
GAELIC EROTICA
Conn.
Given in the Dictionaries as meaning 'rea-
son7; corpus 'body' and as a contraction
for
the name Constantine. It is the first term in
the name of one of the Irish provinces
'Conwacht', "the only province of Ireland that
could be in the possession of a woman," and
accordingly the oldest ruler of it was Mebh
suspiciously like mo eubha 'my Eve', also-
compare weôul the pudendum muliebre.
Connan is used for sense, reason, and there
is an Irish classical personage Conan described
as the ' Thersites of the Fein ', whose name is
translated 'lust'. The Latin cunnus forms
surely the basis for all these products of the
imagination. The esoteric meaning of the
biblical acquisition of knowledge may be taken
as the key to the connection between reasons
and lust.
Cu a dog. Flu. coin, gen. Flu. con.
There is a story told of nearly every under-
ground passage or deep cave in Scotland of"
which the end is said not to have been
reached. The essential features of it are a —
bagpiper undertakes to pass through it, fre-
quently accompanied by his dog. The stalwart
piper never returns, but the dog somestimes
320 GAELIC E В OTIC A
does, if so, he returns bare of hair, or as it
is usually said, bare of skin, and the same
result to dogs occurs in connection, in folk-
lore, with encounters with witches. The bag-
piper represents the scrotum and penis.
To
prove that this is no sheer imagination of the
writer, we give an extract from a southern
Slavonic 'port-a-beul' as it would be called in
Gaelic. A Catholic lost his bagpipe, the female
Catholic however found it and did not give it
up, the explanation of which we retain in its
original German. "Der Dudelsack = die
Hoden. Der Bursche spielte seinen Hodensack
dem Mädchen in die Hände, sie aber in ihrer
Aufregung Hess sie nicht los." (Kruptadia
YH, 254.)
A certain Partholon took possession of Ire-
land 278 years after the Noachian deluge;
quarreling with his wife on account of jea-
lousy, he destroyed her lap-dog. Liban ("the
grey woman") the connecting link traditionally
between heathenism and Christianity in Ire-
land, ranged the seas with her lap-dog during
800 years and was finally buried, after bap-
tism into the Church, in the monastery of
Tech Dabheoc ("House of the two animals").
Lug (lux = light) was the son of Cian (little
4og). Lug was the inventor of draughts, ge-
GAELIC EROTICA
321
iierally spoken of as chess, but the Gaelic
name fidhchell falls to be associated with
weaving, mowing, in the moving backwards
and forwards in such checkerboard games;
also of horsemanship, compare the French
chevaucher; and ball-play, which requires no
explanation. If one wants to see how such
traditions come down to modern times, and
take on a form which allows of their being
recited in the most innocent company, Southey's
song of "The Well of St. Keyne" (Cian) is an
example. The pith of this song is in the
well of the lap-dog bringing misfortune
to
a man whose wife has already made acquain-
tance with the pleasures derivable from the
possession of such an "animal".
Finally we have in Irish story the hero of
its oldest epic called "The Dog", Cuchulain,
whose adventures no one with an open mind
can, in the opinion of the writer, study without
perceiving that the motif is evident phallicism.
Whether these tales originated merely for
amusement or represent a theoretical adora-
tion of the male in opposition to that of the
female must be a matter of opinion. If the
latter is the case, then Ulster must have been
patriarchal, while Connacht had a preference
for matriarchy.
KyvTir. X 21
322
GAELIC EROTICA
CuUach.
In Irish a 'bear', 'a yearling calf', 'a
stallion \ metaphorically * a hero7 (Meyer). In
the High. Soc. Diet, however we are informed
that it means (1) 'an impotent man', (2) 'a
eunuch', with the local information from
Lochaweside where the word is used as mean-
ing 'reamh&r', fat, with a suggestion that
the fat person is a eunuch. Cormac connects
it with colach meaning ' incestuous \ The
conclusion one is forced to come to is that
the term is applicable to one having a scro-
tum, but not necessarily its natural contents,
Cure f8 caitheadh.
A common description of a heavy snow-
storm, but under the heading "coiligean" it
has been pointed out that 'caitheadh7 was
applied to ejecting, spending, in its obscene
sense cur 'sowing7 is used in the same way.
The following story illustrates this. Two men
and two women were cutting seaweed on an
island. Their boat breaking adrift one of the
men, with a wink, said that as things looked
as if this was likely to be their permanent
locality, it would be as well "cur-le cheile
a'n am" (to unite in time). He then said to
his companion, "gabh thusa Seonaid" (you
GAELIC EROTICA
323
take Janet). Janet began to cry when her
companion tried to comfort her with the
remark, "thuist thu, Osaich, nach ann gus a
dhol oirnn a rngadh sinn" (whist, Osaich, is
it not to be mounted we were born). Com-
pare Lug's invention of horsemanship s. v.
Cu. The story is true enough of what was
merely a joke.
Dair na coille.
Dair 'ruf, conjunction with a cow or a
hind, said of bulls and stags. Armstrong
translates our phrase "the night of the fe-
cundation of the woods" explained as being
iłthe first night of the New Year when the
wind blows from the west". The following
is the explanation of the phrase from the
mouth of a Western Highlander who contra-
dicted Armstrong's explanation and said,
"about Ladyday in March you may feel a
sweet scent coming from the ground, that is
the rutting of the wood when every plant is
sown that takes root in the ground". This
dictum was supported by another who said,
"on 25*ь March (Ladyday, Day of the Annun-
ciation) the New Year of the Druids, the
ginnmhinn (reproductive faculty) of the year
was rising on that night". We need not en-
21*
GAELIC EROTICA
quire into C. M/s information about the drm-
dical year, but it is clear that some of the
Gael, at any rate, connected the day of the
Annunciation, t', e. the Conception, as connected
with this rutting of the ground. The notes
to the Calendar of the Saints by Oengus, say
that "the Conception of Christ is in a yoke
with Camin of Inis Celtra". Cam is 'bent',
caman 'hockey stick'; compare the term of
affection Cockieôewdy; celtra Joyce tells us is
the same as cealtrach 'having a cell', Lady-
day therefore should "be linked together"
(atcori) with Beudie of the island of the cell.
Docan.
A common nickname. "Cha'n eil ann ach
docan", he is nothing but a doekin, seems to
be the meaning of this. Dochanassie is the
name of a portion of the parish of Eilmoai-
vaig lying on the south bank of Loch Lochy.
Local tradition says this was exclusively oc-
cupied by a particularly wild sept of Camerona,
the descendants of whom are, much against
their own liking, sometimes called "Dochans ".
The suggestion conveyed, which is naturally
resented, seems to be that the person called
is only a dockin, the leaves of which plant
are a well-known detergent of the locality
GAELIC EROTICA
325
indicated in the name. Dogan is in Breton
' a cnckold'. (Kruptadia VI, 13.)
Dualach.
This means both what is "hereditary" and
"braided, wavy" like hair. Its use will be
seen in the following, " thnirt i rium, an reic
the 'n dnalach? Thuirt gun reic ma gheabh
mi a Inachair." (She said to me, will you sell
the dualach? I said I would sell if I got its
value.) Litach 'value', luachar luachair,
'a
bulrush '. The price mentioned was " dol treis
a d'uachdan" (going for a space of time on
your top). Notice that it is a woman who
speaks, so the dualach is male.
Draosda: draosdachd. 'Obscene': 'obscenity'.
Draos is suggested (Macbain) as connected
with 'dross', but dross is not obscene, draoi
is a ' druid ', Old Irish drai, drui, while
druth
is a 'fool', dnäh 'lewd'. The reproach of
folly and lewdness ascribed to an older reli-
gious system by a newer and progressive < ne
seems a sufficient source of connection between
the terms discussed.
Drooping.
Straddling.
"Thuirt and dobh ludnaich
Ris an dubh apagaicn,
326
Falbhaidh tu cuide rium
Suidhidh tu lamb, rium."
(Said the black drooping one / fluid 'a rag*
hanging like a rag?] To the black straddling
one / Yon shall jro with me / Yon shall sit
near me.) Both the male and the temale here
are called " black ".
Eibldeag.
Under "Camus" this word translated 'a
cinder* was given as the equivalent of the
phallus. Another reciter gave the following
as having a concealed obscene meaning, the
word 'cinder' being used in the same way.
The plain common sense of it would certainly
have satisfied the writer.
" Nuair thigeadh tra noin
Bbiodh a tlghsa na fhroig
Le dorchadas roor gun leiriinn,
Bhiodh a chaile na eteoc
'S a da laimh m'a gluu mor
'O amharac air ei'leig eadar da fboid."
(When noon [dinner] time came / Her house
would be a den / with great darkness im-
penetrable to sight / the girl would be like
a post / and her two hands about her large
knee / looking at a burning cinder between
two peats.)
To justify esoteric meaning suggested, glun
was referred to the Latin clunis 'the
buttock'.
GAELIC EROTICA
327
Eoghan.
In Scripture Eoin, commonly, Iain, John.
The firat of these with its equivalents Ewen,
Owen, has undoubtedly been used as connec-
ted with the Greek signifying "well born",
though it is as near the Greek 'Ioannes' as
John itself. As in vulgar English so in Gaelic
it has been applied to the male nomber.
''Cha'n fhaod Eoghann carachduin
Cha'u fhaod Eoghann eiridh
Cha'n fhaod Eoghann carachduin
'S a bhanarich gun ag eiridh."
(Ewen must not remove / Ewen must not
rise / Ewen must not remove / Without the
dairymaid rising.)
We quote the following obscene conversation
to prove the same use of the biblical Eoin.
MacLeisge (son of laziness) is made to apo-
strophise himself as " eirich a Eoin (rise John)
but it may be made indistinct and so sound
equally as if it were "eirich a thoin" (rise
butt ck). A woman is now supposed to
intervene with the remark, "cha'n eirich le
deoin" (he is not willing to rise). MacLeisge.
"Tha e bog" (he is soft. Woman. "Dean
cruaidh e. Cha'n eil e cruaidh gu leor."
(Harden him, he is not hard enough.) MacL.
Many a woman complains of that.
328
GAELIC EROTICA
Eye that sees fairies.
See Meadar Mor. A study of the folk-lore
of the Evil Eye in the Western Highland of
Scotland connects it quite clearly with the
genital organs. Compare this with such a
statement as " fass es als Scherz auf, dass ich
meinen Einaug bade in deinem Pisswasser".
(Kruptadia VI, 245.)
Faeces.
Gaelic cac. This is not only used as a con*
tcmptuous description of things, but as de-
fecation is a necessity and a certainty, it id
used to denote what is inevitable. "As sure
as shite", says the Lowlander, though here
the assonance may count for something to the
vulgar mind. The same use of it is reported,
in Gaelic. A laird of a previous generation
who, having been blessed with an iron con-
stitution, felt at last his end approching, gave
expression to his conviction in "theid an
t-anam assamsa dhaneoin mo chaca" (the life
will go out of me in spite of my shit).
Fionn. Find.
These words mean 'white', but they also-
mean 'a single hair'. The latter does not
itself appear in Scottish Gaelic, but we have
GAELIC EROTICA
329*
fiorvnach meaning 'hairy' and fionn
as a verk
'to flay' 'skin' and its use as 'to try',
'examine' and also 'to know' seem to be se-
condary as the result of 'discovering'. All,
at all cognisant of Gaelic tradition, know that
this is the name applied to the notorious
leader of the Fiann said to be the standing
army for the defence of Ireland at a period
in history when in all Europe, but Ireland,
Borne alone had an army that could be so
described. The Bible narrative starts in the
history of the human тасе with a story, in-
timately connecting its propagation, with a
certain sort of knowledge. This knowledge
finds expression in the authorised Version in
Luke I, 34 "then said Mary unto the angel,
how shall this be seeing I know not a man?"
We cannot here enter into a detail of the
story of Find, but to give some justification
for this statement to those unacquainted with
it, he is always said to have got information
upon any doubtful matter by putting his
finger in his mouth, said to be, to touch his
'tooth' of knowledge. Compare with this
statement what has been said above about
Conan, Caoilte, Ossian. Other of his com-
panions might be also cited in evidence. In
the present day this simile is in use. " J'aurais
GAELIC EROTICA
brossé Catherine." "Pauvre brosse que j'ai
tant brossée." (Krupt. V, 253 and 316.) The
older method of dressing the hair was with
a comb. Compare the Breton 'bean kribet'
être possédée ; kriber coureur de filles."
(Krupt.
VI, 30.) These show its applicability to the
male, but it is also equally applicable to the
female, and we need only quote Clement of
Alexandria in the information he gives us
about the legend of Demeter, when he says
that a comb is a euphemism and mystic ex-
pression for a woman's secret parts. This
•argument has been elaborated elsewhere (Ca-
ledonian Medical Journal, January 1906) and
need not be further discussed here, where we
have to do only with present day evidences
that support the contention. "Cha do dhirich
Fionn bruthach riamh, 's cha d'f hag e bruthach
gun direadh." (Find never ascended a hillside
but he never left one without going up it.)
The hill here is the Möns Veneris. In a story
which treats of a woman who had disappeared
in the Eas Ruadh (The Red Cataract) leaving
her 'divining rod' behind her, advice was
given to her to avoid the strath (valley)
where cultivators were numerous, and to avoid
the braes (bruthaich) where smiths were nu-
merous. This story was narrated but a few
GAELIC EROTICA
331
years ago in Argyleshire, hut could not be got
in detail, and ia quoted only to show the use
of the term bruihach. It used to be a common
expression applied to stout large shoes that
they were "caisbheart nie an uighear", and
this was explained in greater detail as
"caisbheart gharbh nie an Uighear, a bha
furach amForsadh, agns Fionn aige na ghille".
{The strong foot gear of the daughter of the
maker who stayed at Forsa and had Fionn
for a servant.) TJighear (we have tried to
preserve throughout the spelliug of our corre-
spondents) seems the udair, auctor, of the
Pean of Lismore, Forsa is a Norse word force
for a waterfall. Here then we see Fionn the
servant of a daughter of the Auctor who
stayed in a waterfall (compare Eas Kuadh
above) who had a rough slipper.
Fork. Gobhal.
As the High. Soc. Diet, says "regio peri-
Roei". "Chaidh a chailleach as a gobhal, 's
cha chuir an gobhainn ami i." (The old wife
dislocated her fork, and the smith could not
put it in.) Compare what is said of smiths
s. v. Fionn.
Advice to a man going to marry.
GAELIC EROTICA
"Na gabh te ruadh, bi i gluasad m och
Bi latdh' au cuil, bi i dubh 'un toin.
Na gabh te bheag beadarag a mathar
Bi i trio a tłnn, chata eil innte ach plaigh.
Na gabh te mhor, bi i gobhlach ard,
Na gabh te chruaidh, bheir i bhuat am blathat."
(Don't take a red woman, she will be moving-
early / She will lie in the closet (secret place),
she will be black in the buttocks / Don't take
a little woman the pet of her mother / She-
will be frequently ill and nothing but a plague /
Don't take a big woman, she will be high
forked I Don't take a
niggardly, vexatious,
hard, woman / she will take the warmth out *
of you.)
There is what Jamieson describes as "the
generic name of a beetle", a word "golach"'
and he further says "forchar-gollach", an.
earwig. Gollach is said to signify " forked "►
Forchar is clearly connected with fork
also.
Compare "Beetle" ante.
Foot (Little foot).
Ccls bheag the penis. Compare the "rough
shoe" 8. v. Fionn.
Fox.
It is noteworthy that one of the names of
Columba, said to be his original name, was
Crimthann, which as the name of a man is
GAELIC EROTICA
338
se good as calling him "Fox". (Caledonian
Medical Journal VI, 173.) A common name
for a fox is balgair, a name however also
applied to the otter and the dog. (High. Soc.
Diet. s. T.) There is a local expression used
in Perthshire to call attention to what the
speaker considers an improbability "theagamh
balgair, 'я ceann dearg air 's e dir' ri Fear-
ragon" (perhaps a fox with a red head on
him and he ascending Fearragon) (a hill
between the Tummel and Tay valleys). Why
Farragon? We suggest that the answer to
the riddle is to be found in the words fear
4a man' and con see ante.
Balgair is evi-
dently a derivative form bolg, bälg 'a bag',
'a leather bag', so that balgair with a red
head, can have only one significance.
Shakespeare makes 'ancient' Pistol when
vapouring to a Frenchman say:
"Thou diest on point of fox except thou do
.give to me egregious ransome." (King Henry V,
Act IV, scene IV.)
We see here that "fox" alluded to a pier-
<cing weapon and we have seen on the blades
•of basket-hilted swords a figure said to re-
present a running fox; but "Pistol" is him-
self a curious subject of analysis. He is
adressed in Henry IV, Act II, as captain
834
GAELIC EROTICA
"Peesel" and he says he will discharge upon
Dame Quickly with two bullets." In Henry V,
Act II, he adresses Nym saying "Pistol's
cock is up, and flashing fire will follow Nor
is the celebrated scene with Fluellen without
significance.
The leek is reputed diuretic and the well-
known preparation ' Cockie-leeky ' has nothings
to do with the making of the soup with fowlr
and so the administration of this vegetable
to Pistol is significant. Pistol also says
(Act V, scene I) after he had partaken of hia
leek "old I do wax" now as occurred to the
writer himself, the leek was used as a simile
for a lascivious old man because it was " white
in the head and green in the tail". There
can be therefore little doubt that these unsa-
voury similes were not absent from Shake-
speares mind. See "Pistol".
Gaoisid.
'Horse hair', 'hair of beasts'. A reciter
said " gaosaid " in Argyleshire seems a word for
what in Perthshire was called lfemag\ fiiasag
in Lochaber, it was the equivalent of the Latin.
barba specifically "barba foeminae".
"Bha mi air banais ara bal Inbheraoradh
Chunna mi cailleach 's i garradh a gaosaid."
GAELIC EROTICA
(I was at a wedding in Inverary / I saw an
old woman warming her barba.) In the Silva-
Gadelica in the 'Colloquy of the Sages' we
are informed how Angus called " of the many
accomplishments", was "in rath Mongaig"
(rnong, 'the mane of a horse') and had with
him the king's sons of Ireland and of Scotland
acquiring the art and craft of missile wea-
pongs." (Silva Gadelica, Translation 171,
Gaelic 154.) The word translated 'missile
weapons' "lamaig" means 'something done
with the hands', specifically 'slinging', 'cast-
ing' 'shooting'.
Glacaid.
In a story of the incest of a father with
with his daugher the place damaged was cal-
led by the reciter "glacaid". Glacag is 'a.
little valley'.
Hammer.
The phallic significance of the hammer is
recognised in Gaelic. The following piohrachd
was repeated to a nobleman and translated by
the somewhat shamefaced reciter.
" Cruithfhear an uird Maker of the hammer
Gruithfhear an uird Maker of the hammer
Fhleasgaich mo ruin My good fellow friend
Tha mi reidh dhiot." I am done with you.
£36 GAELIC EROTICA
The third line literally is "bachelor (wand
bearer) of my desire". See "Slachdan".
Herst.
In English the term ' to ride ' is as common
as the French chevaucher for coitus.
Gaelic:
"So agaibh Ian mor nan each
Chuir nam ban an ordagh.
Tbubhairt Grace ri Mairi Dhughallach
Tha mo gobhals' air a ruegadh
Faigh nil an roin domh."
(Here you have Big John of the horses / Will
put the women in order. / Says Grace to Mary
MacDougall / My fork is skinned / Get me
seal oil.)
See Krupt. VII, 136. " She drowned the horse
without the bridle — the black-maned, red-
headed."
Iutharna.
"Is a name given to the Devil" The re-
eker gave Iutharuach Hell The High. Soc.
Diet spells it Iutham and saying it is pro-
vincial, refers to ifrionn as its equivalent, and
Macbain informs us that it is a side form of
ifrinn. Iubhar is the yew tree and iubhrach
is 'a boat', 'a yew wood', and Macbain says
'a stately woman'. In the formula recited
GAELIC EROTICA
337
before a game of shinty (hocky) we find the
following :
The translation is right enough as it stands,
but a bent stick has its own significance.
Compare the Lowland nursery rhyme.
To continue with the Gaelic it will be seen
that the bent stick, shinty-club, is of yew,
that the yew is said to be 'yew of air', but
the word for 'air' athair is the Gaelic for
4 father' and the air or father is ' of bird ',
but the word for a bird eun is suggestive of
Ian John. Compare Ian mor nan each,
above.
Iuchair is 'spawn'.
Leap. leum.
Is used for attempted coitus. Compare
English Bible, Genesis XXXI, 10.
"Ciod an iomain?
Iomain camain.
Ciod an caman?
Caman iubbair.
Ciod an t-iubhar?
Iubhar athair.
Athar eoin.
What driving?
Driving of bent (stick)
What shinty-club?
Shinty-club of yew.
What yew?
Yew of air.
Air of bird.
" Cocky-bendy's lying sick
Guess you what will mend him?
Twenty kisses in a crack
That his love will send him."
Kovnx. X.
22
338
GAELIC EROTICA
Lismore.
A place name common both in Scotland and.
in Ireland meaning 'the great entrenchment',
'enclosure'. The following shouted after a
bride and bridegroom who had been too
hurried, shows its phallic application. " Meaea,
ciri ciri 0, 's ann an Liosmor a dh'fhuair thu
do mheathachad." Mee (the sound made by a
sheep) horned one Oh, it was in Lismore you
were brought down (made weak, excoriated).
Looking for an egg.
Housewives in places where many live toge-
ther feed their fowls in the house, and laying
hold ou them handle them to see if they are
going to lay. Indecent liberties are described
as " sealtuin am bheil ubh aice " (seeing if she
has an egg). The same custon is described
Krupt. VIII, 15 the answer to the complaint
made, referring to this habit, shows however
that the testes are also compared to eggs.
Luthas.
Pithiness, power of motion: impotency in
fact is the significance attached to the loss of,
as our reciter spelt it, luths.
GAELIC EROTICA
339
Mac Intyre.
Gaelic Mac-an-t-saoir (Son of the Carpenter).
The query is who was the Carpenter. The
origin of the clan as given by one of them-
selves was — some persons were in a boat
which was likely to sink from the absence of
the bailing plug, when the ancestor of the
Maclntyres thrust his finger into the hole.
The narrator went on to say that he chopped
it off and left it there. He gave himself away
a little however by calling the individual
" Thomas na h'ordaig". (Thomas of the thumb.)
The accident described must be comparatively
frequent as it happened to the writer himself,
the party in the boat getting to shore with
the thumb of a gentleman from Louisiana
U. S. A. in the plug-hole.
MacTavish, MacThomais.
The port-a-beul quoted under "Biodag" ex-
plains what has been said above of ' Thomas
of the thumb \ In the graveyard of Kilmichael,
Glassary, the writer's attention was called to
a sculptured tombstone bearing on its sur-
face the usual effigy of a warrior with the
long belted hauberk and conical cap. The
double handed sword was represented as if
lying below him at an angle to the body so
22*
340 gaelic erotica
that the end of the blade protruded apparently
from the neighbourhood of the skirt ending
at some little distance from the left leg. The
custodian of the yard said this was the grave
of the Great Mac Tavish and to all appearance
did not recognise the end of the sword aa
such at all. There could be no possible doubt
whether he were joking or not, what he wanted
the onlooker to suppose it was. With the above
explanation compare the following story : —
On the ferry on Lochawe there were said
to be twenty-one Mac Tavishes. One of them
was of small stature, but able to keep the boat
straight whoever might be rowing on the
other side. Mac GVmnachy (Dnncansou, Mac
Donnachie) put the report of little MacTavish's
power to the proof, the result being that
whatever line the latter took, the boat (?)
kept it. There were details of the struggle
of their going backwards and forwards on the
ferry; but sufficient has been said to show
the esoteric phallic significance of the struggle
between the son of Thomas, and the son of
Connach. (Vide Beetle.) Compare John XX, 26.
Magairle, testis.
The pronunciation of this makes the second
a broad so far as the writer knows. Its con-
341
nection with mogal, 'a cluster of nuts', 'a
husk', 'a shell' seems the preferable gramma-
tical connection. Compare "Bagais" supra.
Maolruanaidh.
This saintly name is connected with another,
Maolnanlosgan. They are represented as
quarrelling with each other. The former is
addressed. " Hi, horo, Maolruanaidh gineachan,
dh'fhalbh do mhathair 'us thug і am iireach
orr'. This seems to read; hi, horo, servant
of the red one of the genitals, your mother
went and took to the hill top. Gineachan
was corrected by auother as glinncachan (of
the little glen), but fir each was given as if
fioreach (a stallion). Maol-nan-losgan was in-
formed " chunna mi do mhathair air sraid tigh
Lunnain, trusadh ullagan nam balg" (I saw
your mother on the street of the house of
London gathering pinches, mouthfuls, for
leather bags) translated by one as meaning
'gathering small quantities of meal as a beggar
might', an explanation natural to one accusto-
med to Highland begging, but scarcely the
likely fact for a woman in the streets of
London.
The other character mentioned Maol-nan-
losgan must not be passed over. Loisg is 'to
342 gaelic erotica
burn', loisgean is the Gaelic for the plant
called in English 'burnet' and Ховдапп also
loisgeann is a 'frog'. Campbell in his "Tales"
tell us how a Beaton cured a daughter of a
Mackay = Son of fire, of the effects of
swallowing a toad, who made his diagnosis on
hearing the girl sing, expressed thus in Gaelic :
'S binn an guth cinn sin air uachdar losguin
(sweet is the voice of that head above a toad).
What a froç represents see Krupt. V, 127, and
VIII, 18. There was a race Maol-ruain in
Connacht, of whom a certain Echaid Tirm-
charna (dry flesh) was the ancestor. (Lives of
Saints from Book of Lismore, p. XXVIII.
Marchetis.
This "jus" is in Scotland an ordinance of a
certain Ewin, according to Boece. The name
given it is explained apparently as if from
the Anglo-Saxon, meaning the piece of money
(marc) payable in redemption from the outrage,
having been instituted, he says, more or less
by the influence of ' Saint ' Margaret the wife
of Malcolm Bighead. Merc'heta, courir les
filles, Welsh and Breton, merch 'a girl'; march
'a horse' (which see). There are stories still
retained in the Highlands of the exercise of
GAELIC EROTICA 343
this privilege. There is a clan of Fishers
whose origin is given as from a Campbell
whose superior refused the request made by
the father that his daughter should be ex-
empted from the custom and was stabbed by
his retainer, whose descendants call themselves
Fisher.
It is said that a certain chief in possession
of the ancestral domain, when expatiating on
the decline of clan feeling, mentioned this
obnoxious practice as within the rights of his
forefathers. The suggestion of the listening
tenant is said to have been "well, well, will
you not try it with the minister's wife", the
minister at that time being absent from the
parish on matrimonial intent.
Mariar.
A common expletive, said to be "not a nice
word to use". Apparently this is mariar
'westerly' 'behind', phonetically suggesting
'my rear'. The importance attached to such
an expletive may be compared with the
common rule of good manners which demands
that, if you have to tilt your plate when
eating soup you must turn the top of your
plate not your bottom, towards those present.
844
Meadar.
'А раіГ, 'a churn\ According to a story-
recited in Argyleshire the "Meadar Mor" was
a vessel into which when a man went he
increased in size, the sensation experienced
being one of pleasure. A man had one in an
outhouse but was observed, by his daughter
through the key-hole when going into it.
When he returned to the house, the girl said
to him "na bu mor bha sibh 's a mheadar",
(what a size you were in the bucket). Said
the man "ciod an t-suil leis am fac thusa
sin?" (which eye did you see that with?)
"leis an t-suil so" (with this eye) pointing to
the eye. " Glac e a chore agus chuir es aisde
an t-suil", (he seized his knife and put out
her eye). The man was seven feet high and
having been with Gustavus Adolphus (shade of
Dugald Dalgetty!) "was ready for anything".
This incident of losing the inquisitive eye is
common in fairy story, but in this connection
it seems to refer to the Evil Eye of Gaelic
folk-lore.
Meldrum.
A subject of phallic allusion was "Meldrum
Mor na Mogain" or "nam Mogan". This name
seems to have been seized upon from some
345
fancied connection with maol 'bald', the other
part of the name being perhaps connected
with druim, 'the back'. See "Mogan".
Milk, cream, &c.
Вате (milk) can be used in Gaelic so as
to convey the idea of the sperm, bliochd is
also but more rarely employed. Also Perthshire
gc, Lochaber itachdar, further north bar,
'cream', are all used on occasion. Stories are
told of ignorant girls seeking milk from bulls
and even kilted men bending to wash in a
stream. As a reciter put it.
A friend to old Donald Meldrum; "an do
clrair thu baine innte?" Don. Meldrum, "cha
do chuir, bithidh na seann daoine fas caran
tioram". They part and meet again. Friend.
"An do gabh thu comhairle?" "An do rinn
thu mach e?" Don. Mel. "Thaitinn an fhuarag
rithe co dhiubh." Reciter adds, "mirabile
dictu, gravida fit". (Did you put milk into
her ? I did not put, old men get a little dry.
Did you take my advice? Did you make
it out? The fuarag pleased her anyhow.)
Fuarag is 'switched cream', in one of its
forms, it means something prepared without
heat.
346
Mill, black, Muliean dubh.
Krup. ТШ. 10, tells us that it was said of
a poor woman that "her mother left her two
mills, one a water-mill, the other a windmill".
"The little mill" is used as a term of
endearment. In Gaelic the first mentioned
legacy is designated "the black mill". There
is a well-known Gaelic air so-called which
lends itself easily to extemporised variations
of the song. We give some examples to de-
monstrate the correctness of the identifiation.
41 Tha rud nach eil thu eaoilsinn 'a a mhuilean
dubh."
"Tha nead na circo fraoich 'e a mhuilean dubh."
41 Tha rainieteir na glaodhaich 'e a mhuilean dubh."
" Tha Sanndaidh ruadh 's braoisg air 's a mhuilean dubh. "
"Tha an Donae fhein 'a taod air 'a a mhuilean dubh."
"Bi muilean dubh air fhogarlaich 'e e togairt dol a
dhannsa."
(There is what you do not expect in the
Black Mill. / The heath hen 's nest is in the
Black Mill. / The minister cries out in the
Black Mill. / Red Sandy grinning is in the
Black Mill. / The Devil himself with a halter
on is in the Black Mill. / The Black Mill is
bustling (?) and causes a wish to dance.) "A
useless wooden minister", a simile used for
ш erection of an impotent member, explains
the minister alluded to in verse 3.
GAELIC EROTICA
347
Mogan.
"Cas a mhogain riorahaicb, riomhaich riomhaicb,
Cas a mhogain riomhaich, na sineadh oir an urlar.
Cas a mhogain aighearaicb, cha chuirean fheiu ea
creatbaill і
Air lcam fhein gum b'aighearach, a leithid bhi ga
tulg* aim."
(Foot of the party-coloured hose, / Foot &c.
stretched on the floor, / Foot of the merry
hose I myself would not cradle it, / I think
myself it would be jolly to jolt so-and-so
in it.)
" Mogan is sometimes used for a sleeve but
is the correct word for a trouser legT\ Its
original signification was a tube of cloth or
knitting drawn over the arm or leg. Burns
calls it a "hussion", a word connected with
'hose'. When used for the leg it might be
described as a stocking without a foot. If
reference is made to "Foot" the construction
of the completed stocking will be evident,
and the 'port-a-beul' above also explained.
See "Meldrum" and "Pistol".
Mouth, toothless.
The following story was told of a con-
versation said to have occurred between Ian
Lorn Macdonald, the poet, and a woman who
348 GAELIC EROTICA
was "trom" (heavy), she having undertaken
to discover him without introduction. Meeting
a man with a piercing eye, she said to Bare
John, "'s ann tha 'm hior nad-shuil, a
bhalaich". The reply was "dh'at do pit do
hhru, a chaile". She rejoined "is ann ort tha
teangadh gun fheum", and he "'s ann ort
tha 'in heul gun fhiaclan". (You have the
dart in your eye, lad. / Your c... swoll your
belly, woman, / You have a useless tongue /
You have the mouth without teeth.) It is
needless to define what the 'tongue' and
1 mouth' alluded to were.
Musket.
"Duncan Ban" calls his musket "George's
daughter." This is in accordance with the
term used by Marryat who speaks of a
flogging as "marrying" the man "to the
gunner's daughter". Emission is a frequent
result of flogging. The word 'gun' however
has been used as a male term through the
following may not have been written origi-
nally with a phallic significance.
"Gunna caol air deagh gleue
Leis an deantar earb leon
Fleasgach og 'us ceanalta,
'S e do ghaol a rinn mo sbarach
'S tha bhlath sud air mo nuasan."
GAELIC EROTICA
349
(Narrow gun properly ready / Fit to hit a
roe / Youthful and worthy lad / Love of you
oppressed me / And the effect of it is
customary to me?) The reciter said he did
not understand the word nuasan, it has been
translated as if it had been nosan. Earb ła
roe' is feminine.
A double meaning was perceived by the
reciter in the following: —
"Cha b' ann daibh a bbiodh mo ghaol,
Thaghainn thu, mo roghainu thu,
Ach do dh'fhear a gunua chaoil,
Thaghainn, Ac.
The poet speaking of the Campbells and
Maclntyres says: It was not to them my
affection would be / I would choose you, thou
art my choice / But to the man of the narrow
gun / I would choose, &c.
Nochd.
The Dictionaries give this as meaning
'nakedness', as an adverb 'bare', while the
verb nochd is 4o reveal' or 'disclose'. See
"Adag".
Nodding. Turaman.
Is used to express the action in coitu. See
■" Brooding".
350
GAELIC EROTICA
Nodha, obair nodha, 'renewing'.
Nodha is usually written nuadh ,new\
Armstrong gives nodachadh 'grafting'; obair
nodha was used as referring to the act of
generation. See "Red dog".
Nut.
In English the testes are so called,
according to Henley & Farmer. Since the
days of Celsus glans has been applied to the
head of the penis and in the singular this
application of the word is almost universal.
"Nut" has been used applied to that of the
dog, to the writer. In Gaelic " cno-comhlaiche "
'a twin nut' retained on the person is said to
keep its owner from straying even in an
unknown country.
Another reciter informs us that "after
marriage the bridegroom was fed on hazel
nuts dried at the fire and ground into meal.
They were nutritious and aided digestion.'*
Cormac informs us that nuts are "sweeter
than are the other fruits". He also speaks
of the "caill crinmon the hazel's of scientific
composition", and in his translation of this,
Whitley Stokes tells us that the Irish poets
"believed that there were fountains at the
heads of the chief rivers of Ireland, over each
GAELIC EROTICA
351
of which grew nine hazels, that those hazels
produced at certain times beautiful red nuts
which fell on the surface of the water, that
the salmon of the rivers came up and eat
them — that whoever could catch and eat one
of these salmon would be endued with the
sublimest poetic intellect." He quotes ancient
poems in which the writers make such remarks
as, ''had I eaten of the salmon of knowledge",
&c. There is a certain Mesreda in Irish
story whose other name is MacDatho which
seems to mean 'son of two nuts', while
Mesreda itself is connected evidently with
meas 'fruit', particularly acorns, mes
in Welsh
means also 'acorns'. A common subject of
Irish fable is measan described as 'a lap-dog*
which needs no further explanation. Cormac's
"caul crinmon" the hazel with the red nut
evidently takes account of the glans in the
Celsian acceptation. We have also more
modern stories dealing with Kate-crack-a-nuts,
and with characters such as that, we may
compare South-Slavonic "Mudbag" (schlamp-
sackin) who states that she had neither spun
nor woven as provision of marriage, but
spent hei time sitting under the nut tree
cracking nuts and stroking her hurdle.
(Kruptadia VI, 255.) Nut in Gaelic evidently
352 GAELIC EROTICA
applies both to the glans and the testis. See
"Cliathadh'.
Obair na h-oidhche
Night work needs no explanation. Notice
that fairies gruagaich always do their work
during the night and fairies inhabit mounds,
compare Möns Veneris.
Odhar; dun, pale, sallow.
The Gaelic word is considered appropriate
as describing the male privates. "Duine donn
ague bias odhar air", translated 'a brown
man with a smutty taste '. Whatever its origin
philologically the Gaelic corresponds with the
Greek w/coc 'wan', 'sallow'; used to describe
the colour of the yoke of an egg.
The sacrifice of a life to ensure stability of
an edifice is exemplified in Irish tradition in the
well-known case of Colum-cille who said to
his family, "it is good for us that our roots
should go under earth here", in Iona. The
name of the individual who said " I am ready "
was Odr an. (Revue Celtique II, 201, quotting
the Lebar Brecc.)
This ceremony has been explained on the
understanding that the dead become family
divinities, that by their burial they have taken
GAELIC EROTICA
353
possession of the soil and exist under the
little mound which has formed their grave.
The grave mound becomes as it were the
perpetual property of the family, accounting
for the reverence shown to graves, a reverence
тегу deeply implanted in the Scottish Celt.
{Revue Celtique X, 493.) It is no mere coin-
cidence which made Colum-cille (column of
the cell) be said to have planted this member
of his community with the egg-colour name
as a safeguard of the continuance of his fa-
mily among the Scots.
Os a ceann.
Over her head, literally above. "Bha tuile
Js mise os a ceann", explained as "bha tarbh
coimheach 's a bhuail" (there were more than
me above her. There was a strange bull in
the fold.)
Pistol.
Gaelic dag, though the English word is used
also. See "Fox". The penis may be described
as "am pistol a b'fhearr dhuit". (Your best
putoL) Rob Donn the poet, in Fear-odhar
Macaoidh, says.
"Thug mi міоаап aird ti mo phietol
Nam britteadh • gin da'n wort' nd
Gnn ceannaichean mogan glaise
'S nach biodh e cho trio dhomh sroin aird."
К(ППТ. X. 23
354
GAELIC EROTICA
(I swore to my pistol / If he hurst anything*
of the sort / I would buy a locking mogan /
And 1 would not have his nose so often up.)
Pit; cunnus.
This word is quite unequivocal. A reciter
described how when a boy he first heard it.
He was passing with a shooting party the
the hole in the moss dug by his father for
his peats which had taken the form of the
small Greek theta, owing to the moss being
richer in one place than another. A neigh-
bour's son called his attention to it, remarking,
"So agaibh an coire ris an abair iad 'Coire-
na-pit' " (here is the kettle, or hollow in a
hill, which they call the corry of the cunnus).
Pregnancy by the mouth.
Stories of this occurrence have come down
to us from the commencement of Christian
history in Ireland. See the birth of Boethine.
(Calendar of Oengus, May 22»*, notes from
the Leabar Brecc.) Those who believe, or
believed, in such a story as that of Boethin,
would, we suppose, also believe in this mira-
culous birth said to have happened recently.
There was a woman who was delivered of a
litter of kittens. She had taken a drink from
GAELIC ЕВОТІСА
355
a pitcher of spring water that had been stand-
ing in the house without a coyer, and a cat
made water in it. The story was recited as
a cause of objection to the male of this animal
being kept in a house. Physiologically of
course pregnancy by the mouth is an im-
possibility.
Prayer.
"Gu de tha thu deanaibh so Alain?" said
the minister who found his man in his maid's
room. "Tha mi, le bhuir cead, air m'urnuigh."
" Carson nach do rinn thu t'urnuigh ann ad
sheomar fhein?" "Cha b'urrain mi і so
dheanaibh ann." (What are you doing here
Allan? I am, with your leave, at my prayer.
Why did you not make your prayer in your
own room? I could not make this one in it.)
Compare the following, describing the action
of a lad.
" Obair gu dean air a gluinean
Aoie ague tor ga sheoladh
'S і air a druim gu umhal
'S eean air an tduir na onrachd."
(At work on his knees / age and sense di-
recting him / and she submissive on her
back / and he alone directing. See "Mac
Tavish".
23*
866
GAELIC EBOTIGA
Bed dog.
See "Aiming ". The red coloar of surfaces
mot protected by skin has caused this colour
to be quoted as specially phallic. Buaridh
'Kory', is a common name for a suppositious
priapic personage.
"Bha 'n cot» daae
Ga tioram deat
Bha cota 4ам aig Raarida
Baa cola Ьаам-оа-Ьаіжпм
Gu tioram teann aig Bnadhraidh."
Notice the different spellings by the contri-
butor of the same name. (The fitting coat
was / drily ready / Ruaridh had a proper coat /
the coat of the bride was / moietureless, tense,
for Ruaridh.)
The first stanza of this song was quoted as
"Tha mo cheitt air Buadhraidh
Chair baaida air am obair aodba,
Is iomadh gxnagach vattach
Le suaixeeaa tha tighinn macb."
See "Nodha". (I am treating of Rory / Who
made successful the obair-nodha / Many a
proud curly-haired one / Gomes out with
affability.) See "Cu", "Fox", "Maolruanaiäh".
For significance of tioram see "Milk".
367
Riddled.
"You say you are neither a wife nor a
maiden, what are you then at all?" "Is e
their iad ri mo sheorsasa, maighdeanan ridi-
leach." (I am of the sort they call riddled
maids, integritatem suam amissit.)
Rud.
This word is comparatively rarely used be-
cause while it means a matter, thing, it also
means the membrum virile. It is one of those
words used to express astonishment like bod
ort, thus, "o do rud" seemingly with the idea
of expressing "bad luck to you". Its double
meaning is visible in the following line.
"De chuireadh mulad ort, caileag cho lurach riut,
Gbeobhadh tu h-uile rud oidehe do bhainnte."
(What would make you sorrowful, with so
lovely a girl, / You will get everything on the
night of your marriage.)
Another sample of the double meaning
occurs in the wellknown saying of "The Bell
of Scone", "An rud nach buin duit, na buin
da" (the rud that does not belong to you,
have nothing to do with it). This gives pro-
bability to the suggestion that the Bell of
Scone was the bell of St Fillan with its
phallic emblems.
358
Ruidh.
"Bhi raidh nan caileag cul nam preae
'S e 'n fheilebheag ia docha learn
Bbi ruidh nan caileag cnl nam preas
'S e 'n fheilebheag ie aill learn."
(Pursuing the girls behind the bush / I prefer
the kilt / To be pursuing, &c. / It is the kilt
that pleases me.) Ruideas means ' frisking 4
'capering'.
Ruisgil, Mac.
In a story of a young man passing himself
off as one of a household of girls, the sudden
amount of what appeared some general com-
plaint requiring investigation, which the lady
of the house, naturally short-sighted, under-
took, she had on a close inspection, by the
sudden breaking of a thread used to confine
the erring member, her spectacles broken.
The accident was ascribed to the hero under
the name of Mac Ruisgil apparently meaning
'the son of making bare', 'stripping', possibly
'chafing'!
Sgolt, Sgoitt, 'split', 'cleft'.
A species of "sell" was to ask "ciamar
dh'aithnicheas thu tè seach fear?" "Leis an
sgolt?" (How do you know a woman from
a man? By the division of the liair understood;
or otherwise.) Women always divide the hair
359
centrally, men nearly as regularly divide it to
one side. We have called this a "sell", in
Perthshire it is called a "snöd" because it is
a sort of snare, the word used possibly being
what describes the string of hair used to
attach a fishing hook to the line, or to keep
back the hair of maiden women, or to form
the loop of a snare.
Sgroth, Sgrath.
'A turf, 'a green sod'. The pudendum
muliebre. Compare the French 'motte'. The
obscenity of this term is seen in the following
'snod'. A woman is requested to spell the
first three words of the English version of
the Epistle to the Ephesians XI, 9. "not of
works."Jtuathal, backwards. These form in
Gaelic skrow fo ton, sod under fundament.
Foid, fod, 'a turf' is used in the same sense.
Slachdan; slachdan druidheachd.
A druidical mallet. See "Hammer". This
is an instrument which plays a considerable
part in Gaelic fairy tales. The only viva voce
reference to it which we have received, was
of a blow therewith, given by a stranger to
the wife of a farmer from whom he had not
received such hospitality as he considered
360 GAELIC EROTICA
fitting. "The woman immediately began to
dance." She continued this till her husband's
return, who sent for the stranger to remove
the effect. The stranger however said that
he could only do so after sunset Having at
the proper time again struck the woman she
at once ceased dancing. Of course the reciter
of this had not the faintest idea that there
was anything erotic in the narration.
Siwe.
The comparison of the female part, to a
shoe, slipper, seems common to all nations.
"Mo bhrogadh dubh ri do bhrogadh dubh.n
This falls to be translated 'my black brog
(awl) to your black shoe,' black here of course
meaning something inauspicions. Compare
"Fionn". The propitious significance of the
shoe of the genus horse is thoroughly established.
It is a common fixture on byres, the bowsprits
of boats, and even on churns. An instance
of the latter use is: — "chumail an toradh
ris a mhuidhe, bha aig boireanach bha ann
Ach-nan-cairn cmdha asail air a tharranadh
ris a mhais le da tharran diu da cheile air
taobh clith a chrudha." (To keep the profit
in the churn, a woman in Achnacairn had an
ass' shoe nailed on its bottom, with two nails
GAELIC EROTICA
361
close together on the left side of the shoe.)
The shoe was made with three nail holes on
each side through each of which was one nail,
and in the centre one on the left side, was
an additional nail which fact had struck the
reciter, but he admitted not knowing any
reason for it. The only reason that suggests
itself is that the extra nail made the lucky
number seven. It is understood that the proper
shoe is that of a stallion, probably with some
occult suggestion that it came from a source
where the whole generative apparatus ne-
cessary for increase was present. À mare's
shoe is said to be of no use.
Smeorach (Thrush).
Bird. "Le flamand vogel deeigne non seule-
ment un "oiseau" reel, mais aussi le membre
viril. Le mot flamand le plus usité par le
vulgaire pour indiquer le coit, c'est vogelen,
litterally, "oiseler". (Krupt Vu, 14.) "Bir-
die" was commonly applied to the same in
Perthshire and the writer has heard it in
nurseries in the Lowcountry. The following
Gaelic shows the same idea; having been
recited by a woman of a man wearing the
kilt: —
362 GAELIC EROTICA
"Ho, idei idei і
Chunna mi do ideli,
Chunna mis' an «me or ach."
(Ho, idei idel і / I saw thy ideli / I saw the
thrash.) Notice that the originator of this
'rhetoric' compared it with a speckled bird.
Snuff.
"An gabh thu snaoisean?" explained as
being equivalent to the question "an laidh
thu air do dhruim''? (Do you take snuff? /
Will you lie on your back?) To be "up to
snuff" may therefore mean something more
than the capacity of using snuff without
sneezing.
Spoth.
Castration, as a reciter said, was not an
uncommon threat about the month of June,
of course as a joke. "Spothidh mi thu," or
in less direct form "gabhaidh mi m'fhiaclan
dhuit", in Lowland Scotch, I'll lib you, or,
I'll take my teeth to you, alluding to the
surgical opération as performed by shepherds
upon lambs. An old man having this threat
made to him answered "Cha dean e moran
diubhar" (it wouldn't make much difference);
diublmr being a Gaelicised 'differ'.
GAELIC EROTICA 363
There is a story told of a Highland chief
whose relations are still in the ancient
heritage. In the south end of Mull, west of
Carsaig, rises a beetling rock called the
Binnean Ghoiridh. The Lochbuy of the day,
to get rid of a man of whom he was jealous,
used as a pretext for taking vengeance on
him, that he had failed to secure a large stag
at a deer drive. Goree was taken to Dal-a-
bhroin, (field of sorrow) (bronn is the genitive
of the feminine noun bru, the belly) and
castrated. Goree seized the chiefs only son
and with the child in his arms placed himself
on the face of the crag, refusing to give it
up till the chief had suffered as he had
himself. A message was sent to Goree that
this had been done. "Cait' bheil e moachadh
а dhorain?" (Where does he feel his pain?)
The answer at first unsatisfactory came at
last to say that it was between his eyes, on
hearing which Goree precipitated himself and
the child from the face of the cliff. We may
say, as is common in Gaeldom, 'if it is a lie
from me, it was a lie to me.' We quote the
story principally to show the idea entertained
as to the locality to which pain is referred.
The writer has no medical experience of such
an operation in the case of a young man, but
GAELIC EROTICA
in the case of a young woman who had the
uterus and ovaries removed, the most persistent
trouble has been weakness and pain on the
back of the eyes.
Spreading his wings.
"Ha egaoileas mis mo agiathan, cha n'eu
fhios de ni mi idir." There's no saying
what I will do if I spread my wings; a simile
taken from the poultry yard.
Stor.
See "Boban".
Stuth
'stuff", 'matter'. = semen.
Tioram,
dry, vide "Milk".
Toll,
hole. "Oha dean thusa toll nach cuir mise
tarrag ann." (You cannot make a hole but I
can put a peg in it.)
The minister was crossing at Corran Ferry,
and John the boatman was searching for the
hole from which the plug had fallen out.
"Cha n'eu mise g'amas air an toll so." "Ah",
said the minister, "Iain, na biodh fionnaidh
GAELIC EROTICA
365
air cha bhiodh tha fada ga h'amas." (I cannot
hit on the hole. Ah, John, if there were a
fleece on it yom would not be long in hitting
it off.)
Ton.
In Perthshire to speak of toin na poite (the
bottom of the pot) would be thought nothing
of, but in Argyle ton is avoided in conversation.
It is used as one of the expletives (see "Bod")
"ton ort" 'yoa're a—-', also "o do thoin" 'o
you're a—', (podex) understood as a reflection
on some one giving a lazy excuse. The
following expression was explained as a
challenge to another to do his worst. "Bach
fbads a tha 'sad' thoin, rach fhads a tha
'nad' ehaicean, rach fhads a tha 'nad'
bhokhdean, rach fhads a tha 'nad' chridhe,
ged sgain thu." (Go for all your podex,
faeces* pubes, and heart are good, though
y ou burst!)
Tongs, clobha.
A localisation equivalent to "Fork"
** Gor e 'n gobhfm biorąch otfhar,
Gobhan Cille Chreanan,
'S olo a cbaraioh e mo ohlobha,
Gobhan Cille Chreanan,
Gnr mer e 's gur odhar e."
366
GAELIC EROTICA
This is a port-a-beul to an air called
"Green Peas" (?) (He is the smith, horned,
don, / The smith of Kilchrenan. / He made a
bad job of my tongs / The smith of Kilchranan, /
Indeed he is big and dnn. /) See "Odhar".
Tongue.
See "Mouth".
Water. Wells.
A study of the reverence paid to wells has
left no doubt on the mind of the writer that
it is equivalent to the worship of the natura
foeminae. The same may be said of other
sources of water. An inquisitive child asks
in Gaelic "C'aite an d'fhuair sibh an leanamh? '*
An answer might be "'S an allt, laochain".
(Where did ye get the bairn? In the burn,,
herokin.) "Parsley bed" in the Lowcountry.
A proverb. "Ma chaidh mi 'n alit, cha
Vann le clud nan soitheaichean." (If I waa
at the burn it was not with the dishclout.)
"Nam biodh agam trudair bodaich,
Bhogain arms an allt e,
'S mur biodh e glan dar biodh e tioram
Bogainn e 's cleidinn e."
(If I had a dirty old fellow / I would steep
him in the burn / And if he were not clean
GAELIC EBOTICA
367
when he would he dry / I would steep him
and I would hit him, (clout him).
" Chair mo mhathair mi do'n allt,
'S mor b'f hearr dhi fein dol ann,
Bhris mi'm pigidh, 'e dort mi an leann,
'S choir mi an ceann a cheil 'ad."
(My mother sent me to the burn, / And it
would he better of her to go herself, / I
broke the pitcher, and poured out the ale, /
And set them at strife.)
Table let matures.
P»gee
Contes picards........1—294
Gaelic erotica........ 295—367
H. WELTER, Editeur à PARIS
4. Ruo Bernard-Palissy.
KRYPTÀDÎA.
(CHOSES SECRÈTES.)
"Honny soit
qui mal y pense.''
L'Editeur se permet d'attirer tout spéciale-
ment l'attention des Bibliothèques, de mes-
sieurs les Bibliophiles, folkloristes et curieux
sur sa collection: Kryptadia, Recueil de docu-
ments pour servir à Vétude des traditions popu-
laires, dont le XIe volume vient de paraître.
Ce Recueil, comme on sait, est consacré
aux documents d'ethnographie, de folklore
et de linguistique (usages, rites, croyances,
contes, chansons, devinettes, etc.), que leur
caractère spécial ne permet pas de publier
dans les Recueils destinés au grand public,
quoique ces documents ou ces études aient
leur intérêt et leur importance pour l'ethno-
graphie, la mythographie, l'histoire littéraire,
la linguistique et même la psychologie.
D'un caractère absolument unique, il est
de nature à intéresser vivement tous les
chercheurs et amateure en quête de docu-
ments piquante et inédits sur l'esprit et les
coutumes populaires de tous les pays.
Tous ceux qui s'occupent de la littérature
populaire et traditionnelle, comme le dit si
bien le Comité de Direction du Recueil dont
faisait partie feu Gaston PARIS, ont eu oc-
casion de rencontrer sur leur chemin, sous
toutes les formes qu'elles affectent: contes,
chansons, dictons, proverbes et autres pro-
ductions qui mériteraient d'être conservées et
publiées, non seulement au point de vue lit-
téraire pur, les unes par la verve joyeuse et
Vesprit qui y pétillent, d'autres, plus rare-
ment Ü est vrai, par leur style aimable et
leur grâce coquette, mais surtout parce qu'elles
constituent un document d'études pour les
folkoristes. Mais la crudité du sujet, la
hardiesse des expressions employées ont fait
reculer les collectionneurs qui, la plupart du
temps, ont laissé tomber dans l'oubli les ma-
tériaux qu'ils avaient pu recueillir.
Il y avait là une mine curieuse à exploiter
et plus d'un trésor à mettre en lumière. Nous
avons cru faire œuvre utile à la science en
publiant un Recueil où les productions libres,
spéciales, se rapportant à la littérature popu-
laire et traditionnelle sont réunies à titre de
documents d'étude.
Cette vaste entreprise atteint maintenant
son XIe volume. On trouvera plus loin la
table des matières de toute la collection. Le
champ reste ouvert à l'investigation de tous.
Aux chercheurs de nous apporter leurs con-
tributions d'anecdotes, de chansons gauloises,
de contes piquants, propres à prendre place
dans ce Recueil.
La nature de l'ouvrage et son tirage limité
s'opposent à toute mise en vente régulière
en Librairie et à tout envoi en communication.
Quelques rares exemplaires seulement sont
susceptibles d'être obtenus directement de
l'Editeur, qui se réserve d'ailleurs expressé-
ment d'en refuser la vente aux personnes pour
lesquelles, dans la pensée du Comité de Direc-
tion, les Kryptadia ne furent pas publiées.
Tous les volumes sont imprimés sur beau
papier de Hollande et numérotés; ils sont
reliés en toile rouge.
Votre tout dévoué,
Paris, Décembre 1906. H. WELTER
Rue Bernard-Palissy, no i. Editeur.
Ed Tente à ht Librairie H.
ff elter à Paris (YI*).
кргптадіа.
Recueil de documente pour servir à l'étude
des traditions populaires. Tomes I à IX.
In-12, toile rouge. Heilbronn, 1883-1889.
Paris, 1897-1905. Très rare . . 350 fr.
Sommaire :
— Tome I. In-12, toile . . . Net 50 fr.
Contient: Contes secrets traduits du rosse. — Nor-
wegische Märchen und Schwanke. — Trois contes
picards. — Devinettes et formulettes bretonnes.
— Tome II. In-12, toile ... Net 50 fr.
Folklore de la Haute-Bretagne. — Contes picards. —
Schwedische Schwanke und Aberglauben aus Korland.
— Literatura popular erotica de Andalucia. — Some
erotic folk-lore from Scotland. — Dictons et formulaires
de la Baase-Bretagne. — An Ero tie
English dictionary.
— Trois contes alsaciens. — Le poskoenika des Ser-
bes. — Glossaire cryptologique do breton. — Welsh
iEdcBology.
— Tome III. In-12, toile . . . Net 50 fr.
Contient: Le gai chansonnier français. — Welsh
Folk-Rh y mes. — Spigolature Siciliane. — Volksüber-
lieferungen aus Österreich. — Contes poitevins. — Contes
de la Haute-Bretagne. — Blason erotique de la France.
— Vaeconicœ linguœ erotici glosearii ten tarnen.— Amu-
lettes antiques. — Bibliogr. des dictionnaires erotiques.
Fiosenski polski. — Contes divers et Varia.
— Tome IV. In-12, toile ... Net 50 fr.
Folklore polski — Contes polonais. — Vierzeilen
aus den österr. Alpen. — Novelli populari umbre. —
Novelli populari toscane. — La tentation du Confesseur.
— The Welshman's lament. — L'étron parlant. — Con-
tes flamands de la Belgique. — Les testicules dans
le langage familier flamand. — Contes du département
d'Ille et Vilaine. — A schoolboy rhyme. — Varia.
— Tome V. In-12, toile ... Net ЗО fr.
Contient: Folklore de l'Ukraine (usages, contes et
légendes, chansons lyriques et nuptiales, blason popul.,
proverbes, devinettes, jurons). Folklore de la Grande
Russie. (Contes, chansons, proverbes et dictons.) —
Folklore polski. Folklore polonais. — Folklore slave
de la vallée de Resia. — Folklore de la France
(Hautes et Basses-Pyrénées, Haute-Garonne, Ariège,
Gers, Tarn-et-Garonne, Charente, Corrèze, Vienne,
Deux-Sèvres, Vendée, Lyon, Côte-d'Or, Jura, Doubs,
Vosges, Pas-de-Calais, Seine-Inférieure, Loiret, Seine-
et-Oise, Ille-et-Vilaine). — Paroles facétieuses mises
sur des airs de chasse.
— Tome VI. In-12, toile ... Net 30 fr.
Glossaire cryptologique du breton. — Detti a mena
bocca raccolti nella provincia d'Alessandria. — Note
allègre. — Mélanges de Bulgarie. — Die Zeugung in
Sitte, Brauch und Glauben der Südslaven. I. — Varia.
— Tome VII. In-12, toile . . Net 30 fr.
Contea flamands de Belgique. — Mélanges polonais
et russes. — Varia: 1. Un usage de guerre; 2. Hel-
lenica; 3. Italicum e latrina. — Die Zeugung in Sitte,
Brauch und Glauben der Südslaven. II. Lieder: erste
Fortsetzung. — Coûtes de la Croatie et du Monténégro.
— Chietes y desverguenzas del Rio de la Plata.
— Tome VIII. In-12, toile . . Net 30 fr.
Chez les Wallons de Belgique. — Die Zeugung in
Sitte, Brauch und Glauben der Südelàven. III. Lieder
(Schluß). — Glossaire cryptologique du breton, 3» sup-
plément. — Folklore de l'Ukraine. Usages, contes. —
Epigraphie latrioale.
— Tome IX. In-12, toile ... Net 30 fr.
Anthologie Satyrique du XVe siècle, publiée
par M. Schwöb. — Sodom, by the Earl of Rochester.
Zum ersten Male herausgegeben nach einer Hand-
schrift in der Stadtbibliothek su Hamburg, von Dr.
Ł. S. A. M. von Römer.
— Tome X. In-12, toile ... Net 30 fr.
127 Contes secrets picarde. ldre partie. — Gaelic
Erotica.
— Tome XI. In-12, toile ... Net 30 fr.
Contes secrets picarde. 2e partie. (150 contes.)
Tirages à part on Extraits détachés des
onze volume de Kryptadia:
Ohes lei Wallons de Belgique....... 15.— fr.
Conto flamande de Belgique....... c— „
Oontes de la Croatie et da Monténégro . . . s.— »
Folklore de la Saute-Bretagne...... ю.— n
Folklore polonaii........... 4.50 n
eiossaire cryptologique du breton. 3e eérie .
2.6о „
(Les sériée I et II se trouvent dans Kryp-
tadia, vol. II et VI.)
XrtuJB. Sie Zeugung in Sitte, Brauch und
Glauben der Südslaven.
Zweite Abteilung......20.— „
Dritte Abteilung.......16.— „
(Die erste Abteilung ist nur noch in Kryp-
tadia, vol. VI, Preis 30 fr., sa haben.)
Mélanges polonais et ruaiei.......з.—' „
Folklore de l'Ukraine. 2 vol.......27.— „
Spéoimeni de folklore de divert paya (environ
CO pages extraites de différents volumes) . 3.— „
Rochester's Sodom. Herausgogeben von
L. 8. A. M. von Borner.......10.— „
Le Parnasse satyrique du XVe siècle. Antho-
logie de pièces libres restées inédites jusqu'ici,
publ. par M. Marcel Schwöb......25.— „
Contes secrets de Picardie. lre Série (127 con-
tes) ...............25.— я
Contes secrete picards. 2e série (160 contes) .
26.— *
Gaelic ïrotlca............w.— „
En vente à. la même Librairie :
La Sarabande
ou Choix d'anecdotes, bons mots, chan-
sons, gauloiseries, épigrammes, épifa-
phes, réflexions ef pièces en vers des
Français depuis le XVe siècle, jusqu'à
nos jours.
Par Léon VALLÉE et un Bibliophile ami.
2 vol. in-8 de XV-461 et 637 pp. 1903.
Prix: 12 fr.
M. Léon Vallée, bibliothécaire à la Bibliothèque natio-
nale, et le bibliophile ami n'ont certes pas l'érudition
sévère ou morose. Leur livre, dirait Babelais, est fait
pour " l'esbattement des pantagruéliques ". u Ci-inclus,"
disent plus modestement les auteurs, "de quoi faire sou-
rire un honnête homme." C'est l'épigraphe de la pré-
face. Elle est même en latin: On a si souvent répété
que le latin peut tout se permettre! Nos pères ne pa-
raissent pas cependant avoir eu leur langue dans la
poche, à lire les bons mots ou les anecdotes de gauloi-
serie plus ou moins fine ou salée qui remplissent ce
volume. Et ce n'est qu'une première série! Il y en a
de toute provenance, pour tous les goûts, sur toute chose.
Sur la vie, nos pères ne la prenaient pas trop au sérieux.
Sur les hommes, ils semblent s'être a sees bien connus.
Sur la mort, ils savaient lui faire la nique. Sur les
femmes, le mariage, les gens et les affaires de justice,
on sait que depuis les plus lointains âges ils étaient
passée maîtres dans l'art d'en médire. Et c'est pour-
quoi vous trouverez dans ce répertoire la quintessence
de l'esprit français .... Manieurs d'argent, nobles,
courtisans, gens de guerre, religion et gens d'église,
prédicateurs et confession, médecins et malades, théâtre,
Académie, gens de lettres, histoire, etc., sont les choses
ot les personnes qui fournieecat la matière du deuxième
volume. On ne s'ennuiera pas à le feuilleter.
c. Fages (Bévue de bibliogr. française).
Le titre est une trouvaille. La Sarabande, c'est la
ronde des farfadets moqueurs dont les rires éclatent
dans la nuit avec un bruit de grelot. C'est bien l'im-
pression du livre; ce e épigrammes, ces bons mots,
semblent être les ânes légères de petits démons nar-
quois. Des pages roses du livre: elles vous sautent au
visage, insolentes, gouailleuses ou tristes.
(La France.)
De ces "gauloiseries", quelques-unes sans doute sont
assez connues, mais d'autres le sout infiniment moins,
et il en est beaucoup qui, enfouies jusqu'ici dans de
vieux recueils ou dans des mémoires fort peu lus, peu-
vent être considérés comme à peu près inédites. Toutes,
d'ailleurs, sont curieuses, amusantes, égrillardes ou
spirituelles, et leur réunion constitue une lecture des
plus agréables, tout en restant fort instructive à plu-
sieurs égards, notamment au point de vue de l'histoire
de notre langue. Il y a là "de quoi faire sourire un
honnête homme", comme on disait jadis.
(Intransigeant)
Die Auswahl ist erstaunlich reich und dürfte selbst
Kennern solcher Facetien viel Neues bieten. Die Bo-
d eut un g der Anekdote für die Charakteristik hervor-
ragender Persönlichkeiten kanu niemand bestreiten, und
so wohnt dem Bucho doch ein beschränkter wissen-
schaftlicher Wert inne. In manchen Zeilen darf es sur
Not als e ne Art Ersatz für den noch fehlenden fran-
zösischen Büchmann gelten. Es steht nicht zu zweifeln,
daß die Sammlung Leser genug findet, nur möchten es
nicht gerade Leserinnen in Töchterpen ei on aten sein.
Die Ausstattung ist so pikant wie der Inhalt.
(Litterarisches Zentralblatt.)
A comprehensive "common-place" book containing
anecdotes, bons mots, songs, epigrams, epitaphs, re-
flections, and occasional verses, collected from forgotten
authors and out-of-the-way books, from the fifteenth
century to our own limes. The quaint and charming
result of many years' delving in a glorious library by
an ardent book-lover. A treasure of reference for
bibliophiles. Curious juxtapositions: a verse by Clé-
ment Marot, for instance, followed by a very modern
after-dinner story.
(The Academy and Littérature.)
Imprimerie polyglotte à Weimar.
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